3.2 Analyse des interactions métal-ligands dans les isomères du complexe
3.2.2 Analyse de la structure électronique du DMSO par la méthode NBO
Avant de présenter les résultats obtenus pour tous les isomères du complexe
[Ru(bpy)
2(DMSO)
2]
2+, il est utile d'étudier la structure électronique du DMSO pour connaître
les orbitales de cette molécule qui vont pouvoir interagir avec le ruthénium et pour avoir une
référence qui permet d'évaluer la modification de la structure électronique du ligand DMSO
lors de sa coordination. L'analyse NBO a été effectuée sur la géométrie du DMSO optimisée en
phase gaz avec le niveau de calcul MPWB1K/BS2. Les NBO d'intérêt avec leur population
ainsi que les contributions des différents atomes dans les NLMO associées à ces NBO sont
données dans le tableau 2 (les NBO qui impliquent les atomes d'hydrogène ne sont pas
présentées). Les NBO de ce tableau sont représentées figure 4.
NBO population contributions (en %) des atomes
dans les NLMO
LP-S 1,97 S : 98,6
LP
1-O 1,99 O : 99,6
LP
2-O 1,89 O : 94,7 / S : 3,5
LP
3-O 1,82 O : 91,2 / S : 5,3 / C : 1,6 / C :
1,6
BD-(S-O) 1,99 S : 36,4 / O : 63,6
BD
1-(S-C) 1,99 S : 46,2 / C : 53,8
BD
2-(S-C) 1,99 S : 46,2 / 53,8
Tableau 2
. NBO d'intérêt du DMSO avec leur population et contribution (en %) des atomes dans lesNLMO associées à ces NBO. Seules les contributions supérieures à 1% sont présentées dans les NLMO. (LP : Lone pair, BD : Bond)
Figure 4.
Représentation des NBO données dans le tableau 2.L'analyse NBO définit une liaison de type σ entre le soufre et l'oxygène BD-(S-O), et deux
autres liaisons de type σ entre le soufre et les atomes de carbone, BD
1-(S-C) et BD
2-(S-C). On
trouve également une paire libre centrée sur le soufre (LP-S) et trois paires libres centrées sur
l'oxygène (LP
1-O, LP
2-O et LP
3-O). La paire libre centrée sur le soufre est une orbitale hybride
sp qui pointe dans la direction opposée du plan défini par les atomes d'oxygène et de carbone.
La forme de cette orbitale est appropriée pour effectuer une liaison de coordination avec le
ruthénium. La paire libre LP
1-O de l'oxygène est une orbitale hybride de type sp et les deux
autres paires libres LP
2-O et LP
3-O sont des orbitales de type p. La structure de Lewis du DMSO
définie par l'analyse NBO est représentée de manière schématique figure 5.
LP-S LP
1-O LP
2-O
LP
3-O BD-(S-O) BD
1-(S-C)
Figure 5.
Représentation schématique de la structure de Lewis du DMSO avec les charges naturelles portées par les atomes de soufre et d'oxygène et par les groupements méthyles.Cette structure est différente de celle communément utilisée pour représenter le DMSO et qui
fait apparaître une double liaison entre le soufre et l'oxygène. En effet, dans la structure de
Lewis calculée, seule une liaison simple est définie entre l'oxygène et le soufre. Compte tenu
de la configuration électronique de valence de l'oxygène (s
2p
4) qui prévoit que cet atome
possède deux paires libres et peut effectuer deux liaisons σ avec des atomes voisins, il n'est pas
étonnant que la charge naturelle calculée pour cet atome soit d'environ -1 |e
-| (3 paires libres et
une liaison σ dans la structure de Lewis calculée, cf figure 5). En ce qui concerne le soufre,
l'analyse NBO définit une paire libre sur cet atome et trois liaisons σ avec les atomes voisins.
Comme la configuration électronique de valence du soufre est la même que celle de l'oxygène,
cet atome porte une charge positive (+1,25 |e
-|, cf figure 5). Cette charge est cependant
significativement supérieure à 1 du fait de la polarisation des liaisons S-C et S-O. La
contribution du soufre dans les NLMO associées aux NBO BD-(S-O) BD
1-(S-C) et BD
2-(S-C)
permet d'évaluer la polarisation de ces liaisons. Le schéma de Lewis obtenu pour le soufre est
cohérent avec la théorie VSEPR. Cette théorie permet de prévoir la géométrie d'une molécule
pour laquelle un atome A est impliqué dans des liaisons avec X atomes voisins et possède E
paires libres. Dans ce cadre, l'analyse NBO prévoit que le soufre a une configuration AX
3E
1.
Pour ce type de configuration, la théorie VSEPR prévoit une géométrie pyramidale trigonale
pour les atomes de soufre d'oxygène et de carbone, ce qui est effectivement le cas de la
géométrie du DMSO optimisée.
Les populations des orbitales LP
2-O et LP
3-O présentent cependant des écarts significatifs à la
population maximale de 2 électrons, ce qui montre qu'il existe des écarts significatifs à la
structure de Lewis calculée (cf tableau 2). Ces écarts peuvent être rationnalisés en analysant les
interactions donneur-accepteur entre les orbitales de type Lewis et les orbitales de type
non-Lewis et en étudiant les contributions des différents atomes du DMSO dans les NLMO (les
interactions donneur-accepteur sont données dans le tableau A2). L'analyse des interactions
donneur-accepteur montre que la NBO LP
2-O interagit principalement avec les NBO Ry*
1-S
1(20 kcal.mol
-1), BD*
1-(S-C) (9 kcal.mol
-1) et BD*
2-(S-C) (9 kcal.mol
-1) et que la NBO LP
3-O
interagit principalement avec les NBO Ry*
2-S
1(14 kcal.mol-1), BD*
1-(S-C) (9 kcal.mol
-1) et
BD*
2-(S-C) (9 kcal.mol
-1). Les NBO Ry* (Ry : Rydberg) correspondent à des orbitales centrées
sur un atome. Il n'est souvent pas possible de relier ces NBO aux orbitales atomiques virtuelles
car elles possèdent la plupart du temps des contributions significatives d'orbitales de type s, p,
d et f (c'est le cas des NBO Ry*
1-S
1et Ry*
2-S
1). Comme les NBO LP
2-O et LP
3-O sont des
orbitales de type p dont les lobes sont perpendiculaires à l'axe défini par les atomes de soufre
et d'oxygène, les délocalisations à partir de ces NBO correspondent à des interactions de type π
entre le soufre et l'oxygène. Ces interactions sont beaucoup plus faibles que les interactions σ
puisque les contributions des atomes autres que l'oxygène dans les NBO LP
2-O et LP
3-O sont
inférieures à environ 5%. Cette faible contribution est la raison pour laquelle aucune liaison π
n'est définie entre le soufre et l'oxygène lors du calcul des NBO. En effet, une liaison explicite
entre deux atomes n'est définie que s'il existe une interaction significative entre deux NHO
centrées sur des atomes différents, c’est-à-dire si la contribution de chaque NHO dans
l'interaction entre ces deux atomes est supérieure à un certain critère (>25 % dans le programme
utilisé).
Dans le document
Étude théorique de propriétés photophysiques et photochimiques de complexes de ruthénium
(Page 83-86)