Chapitre II . Méthodes et outils d’analyse
2.1 Calculs de structure électronique
2.1.5 Méthodes de solvatation
Jusqu'à présent, nous avons vu comment obtenir certaines informations (énergie
électronique, densité électronique et énergie d'excitation verticale) pour une molécule isolée de
toutes interactions extérieures. Nous allons maintenant voir comment obtenir ces informations
pour une molécule en solution.
a) Introduction aux modèles de solvatation
On peut distinguer deux grands types d'interactions soluté-solvant : les interactions à
courte portée entre le soluté et les molécules des premières sphères de solvatation et les
interactions à longue portée entre le soluté et la structure "bulk" du solvant. Les premières sont
essentiellement des interactions localisées (liaisons hydrogènes, interaction de dispersion) qui
peuvent considérablement modifier la structure électronique du soluté. Les deuxièmes sont liées
à l'interaction électrostatique qui peut exister entre un solvant polaire et un soluté polaire et/ou
chargé. Les interactions à longue portée entraînent une modification plus faible de la structure
électronique du soluté par rapport aux interactions localisées mais peuvent être déterminantes
en ce qui concerne les propriétés d'absorption ou la stabilité relative d'espèces en solution. On
distingue deux grandes classes de modèles de solvatation : les modèles discrets pour lesquels
un grand nombre de molécules de solvant sont explicitement traitées dans le calcul en plus du
soluté et les modèles de continuum pour lesquels les effets de solvants sont simulés par un
medium non-structuré. Les modèles discrets sont particulièrement adaptés pour tenir compte
des interactions localisées soluté-solvant mais présentent l'inconvénient d'être couteux en temps
de calcul du fait de l'augmentation considérable de la taille du système à modéliser. De plus,
ces modèles requièrent souvent une longue phase préalable de paramétrisation. Les modèles de
continuum sont une alternative légère et simple d'utilisation aux modèles discrets. Ces modèles
sont particulièrement performants pour reproduire les interactions électrostatiques
soluté-solvant à longue portée en simulant le champ électrique créé par le soluté-solvant. De plus, bien qu'il
soit assez difficile de tenir compte des interactions localisées dans le cadre de ces modèles
(medium non structuré), en pratique il s'avère que de manière générale cet inconvénient ne
modifie pas beaucoup la qualité des résultats obtenus. En effet, les interactions localisées sont
en générale moyennées sur le très grand nombre de configurations possibles pour les premières
sphères de solvatation et par la dynamique du solvant. De plus, si le soluté est susceptible de
former une interaction localisée importante avec le solvant, il est toujours possible d'ajouter
explicitement une ou quelques molécules de solvants dans le calcul.
Dans ce travail de thèse, nous avons utilisés des modèles de continuum et plus particulièrement
les modèles PCM
23,24(Polarizable Continuum Model) et COSMO
25(COnductor-like Screening
MOdel) pour prendre en compte les effets de solvant dans nos calculs. Ces modèles sont
particulièrement adaptés pour simuler les solvants polaires que nous avons utilisés dans cette
thèse : eau, DMSO et éthanol. En effet, dans les modèles PCM et COSMO, le medium
non-structuré est un milieu diélectrique polarisable linéaire et isotrope qui possède une constante
diélectrique égale à celle du solvant que l'on souhaite modéliser. Nous allons maintenant voir
comment l'énergie électronique et la structure électronique du soluté sont calculées dans ces
modèles.
b) Les modèles de continuum basés sur un milieu diélectrique polarisable
La première étape consiste à définir la limite soluté-solvant dans l'espace. Cette dernière
est obtenue en construisant une cavité qui englobe intégralement le soluté au sein du milieu
diélectrique et qui est inaccessible au solvant. Dans les modèles PCM et COSMO cette cavité
est construite à l'aide de sphères qui s'interpénètrent centrées sur chaque atome de manière à
respecter au mieux la "forme" du soluté. La cavité possède une constante diélectrique =
pour simuler le vide et le milieu diélectrique qui simule le solvant possède la constante
diélectrique du solvant considéré. La théorie sur les diélectriques stipule que le champ
électrique créé par un diélectrique en réponse à un champ électrique extérieur est dû à une
distribution de charges apparentes qui apparaît à sa surface. Pour reproduire cette distribution,
la surface de la cavité est décomposée en un grand nombre d'éléments de surface et on attribue
à chacun de ces éléments une charge constante. Cette procédure s'appelle ASC (Apparent
Solvation Charge). Le potentiel total � du système soluté-solvant est alors la somme du
potentiel � créé par le soluté et du potentiel � créé par les charges , soit � = � + � .
Les équations 22 et 23 donnent respectivement l'expression de � et de � :
� � = ∫|� − ��
′′| �
′+ ∑ |� − � | (22)
où l'indice parcourt les charges de chacun des éléments de surface et l'indice parcourt les
atomes du soluté.
Dans ce cadre, l'énergie électronique en solvant est la somme de l'énergie électronique du
soluté calculée dans notre cas à l'aide de la méthode Kohn-Sham et de l'énergie d'interaction
entre le soluté et le solvant, soit = [ ] + . Pour une densité électronique donnée,
on peut obtenir l'expression suivante pour à l'aide des équations 22 et 23 :
= ∑ ∫ �
|� − � | � + ∑ ∑ |� − � | (24)
où l'indice parcourt les éléments de surface et l'indice parcourt les atomes. La densité
électronique en solvant est alors obtenue par un processus SCF où le champ électrique polarise
la densité électronique et en retour la densité électronique polarise le diélectrique jusqu’à
obtenir l'équilibre du système.
Il s'agit ensuite, pour un potentiel � � donné, de déterminer les charges telles que le
potentiel total � satisfait les équations 25-28 suivantes :
−∇²� = dans la cavité (25)
−∇²� = à l'extérieur de la cavité (26)
� = � à la surface de la cavité (27)
(∇⃗⃗ �. � ) = (∇⃗⃗ �. � ) à la surface de la cavité (28)
où les indices 1 et 2 désignent respectivement la cavité (vide) et le milieu diélectrique, est
la densité de charge du soluté, � un vecteur unité perpendiculaire à la surface de la cavité et
pointant vers le solvant. Ces équations déterminent la forme du potentiel total � pour un milieu
diélectrique en contact avec le vide. Les équations 25 (équation de Poisson) et 26 (équation de
Laplace) déterminent respectivement la forme du potentiel � � à l'intérieur et à l'extérieur de
la cavité, et les équations 27 et 28 sont les équations de passage qui impose la continuité du
potentiel à l'interface soluté-solvant et la discontinuité de la composante normale du champ
électrique totale � (� = ∇⃗⃗ �) à l'interface soluté-solvant.
Pour deux milieux diélectriques en contact pour lesquels il existe une distribution de charges
surfaciques à l'interface entre les deux milieux, on a une relation de passage suivante pour les
vecteurs polarisations �.
� = − � − � . � (29)
où � est un vecteur normé perpendiculaire à l'interface soluté-solvant qui pointe vers le
milieux 2. Comme � = � où =
�−et � = ∇⃗⃗ V et à l'aide de l'équation 29, on peut écrire la
relation suivante :
� = − − (∇⃗⃗ �. � ) = − − (∇⃗⃗ �. � ) (30)
où � est le champ électrique total créé par le soluté et par les charges à la surface de la cavité.
Pour le modèle PCM, les charges sont obtenues en résolvant numériquement l'équation 30
pour chaque élément de surface. Il est important de noter que la version de PCM utilisée permet
de calculer des contributions d'énergie liées aux interactions de dispersion et de répulsion, et
aussi de la possibilité de trouver de la densité de charge du solvant hors de la cavité. Le
formalisme qui permet de calculer ces contributions ne sera pas présenté.
Le modèle COSMO utilise une méthode alternative à la procédure PCM pour
déterminer les charges . On considère tout d'abord que le milieu extérieur à la cavité est un
conducteur ce qui revient à considérer un milieu diélectrique de constante diélectrique infinie.
Cette approximation est valable pour les solvants qui possèdent une forte constante diélectrique
(en pratique COSMO est pertinent pour ), ce qui est le cas des solvants utilisés dans ce
travail de thèse (ε
eau= 78.35, ε
DMSO =46.82 et ε
méthanol= 24.85). La distribution de charge du
soluté est alors complétement écrantée par les charges , ce qui permet de poser la condition
supplémentaire suivante :
� = � + � = (31)
Le potentiel total � est nul en tout point de l'espace, ce qui revient à dire que le champ électrique
créé par le conducteur est l'opposé exact du champ électrique créé par le soluté. Cette condition
permet de facilité la résolution numérique de l'équation 30. Une fois que les charges ont été
déterminées dans le cas où le solvant est considéré comme un conducteur, il est possible de
déterminer ces charges pour un milieux diélectrique avec une constante diélectrique finie en
posant :
où = dans la version de COSMO disponible dans ORCA. Cette valeur permet d'obtenir de
meilleurs résultats.
Dans le document
Étude théorique de propriétés photophysiques et photochimiques de complexes de ruthénium
(Page 52-56)