Comme lors du chapitre 8, nous allons d´efinir un certain nombre d’op´erations lin´eaires con-tinues sur les fonctions de S, puis nous ´etendrons ces op´erations par dualit´e sur l’espaceS0. Commen¸cons par ce qui a motiv´e la construction pr´ec´edente, `a savoir la d´efinition de la transformation de Fourier.
Proposition 10.3.1 SoitT une distribution temp´er´ee. La forme lin´eaire d´efinie par ( S(Rd) → C
φ 7→ hT,φib est une distribution temp´er´ee.
D´emonstration de la propostion 10.3.1 Par d´efinition d’une distribution temp´er´ee, il existe un entierk et une constanteC telle que
∀θ∈ S(Rd), |hT, θi| ≤Ckθkk,S. (10.3) Le th´eor`eme 10.1.1 dit que, pour tout entier k, il existe un entierk0 et une constante C telle que
∀φ∈ S, kφkb k,S ≤Ckφkk0,S. L’in´egalit´e (10.3) appliqu´ee avec θ=φbimplique alors que
∀φ∈ S(Rd), |hT, θi| ≤Ckφkk0,S, ce qui d´emontre la proposition.
On peut maintenant d´efinir la notion de transform´ee de Fourier d’une distribution temp´er´ee.
D´efinition 10.3.1 SoitT un ´el´ement deS0(Rd). On appelle transform´ee de Fourier deT la distribution temp´er´ee d´efinie par
( S(Rd) → C φ 7→ hT,φib La transform´ee de Fourier de T est not´eeF(T) ou bienTb.
Comme dans le cas de la d´efinition de la d´erivation d’une distribution, nous devons v´erifier que cela g´en´eralise bien la d´efinition de la transform´ee de Fourier donn´ee au chapitre 6. Soitf une fonction deL1(Rd). Grˆace au th´eor`eme de Fubini, on a, pour toute fonctionφdeS(Rd),
Z
Rd
fb(x)φ(x)dx = Z
Rd×Rd
e−i(x|y)f(y)φ(x)dxdy
= Z
Rd
f(y)φ(y)dy.b
Donc la d´efinition de la transformation de Fourier donn´ee ici co¨ıncide bien avec celle donn´ee au chapitre 6 pour les fonctions deL1.
Nous avons aussi d´efini la transformation de Fourier sur L2 par prolongement continu de L1 ∩L2 `a L2. Il suffit donc de v´erifier que notre d´efinition au sens des distributions,
restreinte `a l’espace L2, d´efinit une application lin´eaire continue de L2 dans L2. On peut
´ecrire que, pour toute distributionu dansL2 et pour toute fonctionφ dansS, on a
|hu, φi| ≤ |hu,b φi|b
= Z
Rd
u(x)φ(x)dxb
≤ kukL2kφkb L2. Le th´eor`eme de Fourier-Plancherel 6.2.2 affirme que
kφkb L2 = (2π)d2kφkL2. D’o`u il r´esulte que
|hu, φi| ≤b (2π)d2kφkL2.
Ainsi donc la distribution temp´er´eeubpeut se prolonger en une forme lin´eaire continue surL2. On peut donc l’identifier `a une fonction de L2. La transformation de Fourier co¨ıncidant sur l’espaceL1 donc en particulier sur l’espaceL1∩L2qui est dense dansL2, toutes les d´efinitions co¨ıncident.
Comme dans le cas des op´erations sur les distributions, ce que nous venons de faire est un cas particulier d’une m´ethode g´en´erale. Nous allons ´etablir maintenant un th´eor`eme qui est, dans le cadre des distributions temp´er´ees, l’analogue du th´eor`eme de dualit´e 8.2.1 page 113.
Th´eor`eme 10.3.1 SoitAune application lin´eaire deS(Rd) dansS(Rd) telle que, pour tout entier k, il existe un entierk0 et une constanteC telle que
∀φ∈ S(Rd), kAφkk,S ≤Ckφkk0,S. Alors l’application lin´eairetA
tA
( S0(Rd) → S0(Rd)
T 7→ tAT d´efinie par htAT, φi=hT, Aφi.
est bien d´efinie. De plus, elle est continue au sens suivant: si (Tn)n∈N est une suite de dis-tributions temp´er´ees qui converge vers une distribution temp´er´eeT, alors la suite(tATn)n∈N
converge verstAT.
D´emonstration du th´eor`eme 10.3.1 Par d´efinition des distributions temp´er´ees, il existe un entierk et une constanteC telle que
∀θ∈ S(Rd), |hT, θi| ≤Ckθkk,S. En appliquant cette in´egalit´e avec θ=Aφ, on trouve que
∀φ∈ S(Rd), |hT, Aφi| ≤CkAφkk,S.
Par hypoth`ese sur l’application lin´eaireA, il existe un entierk0 et une constanteC telle que
∀φ∈ S(Rd), kAφkk,S ≤Ckφkk0,S. Ainsi donc, on a
∀φ∈ S(Rd), |hT, Aφi| ≤Ckφkk0,S.
La forme lin´eaireφ7→ hT, Aφiest donc bien une distribution temp´er´ee. De plus, soit (Tn)n∈N
est une suite de distributions temp´er´ees convergeant vers T au sens de la d´efinition 10.2.3.
Par d´efinition de la convergence, ceci signifie que, pour toute fonctionθ de S(Rd), limn∞hTn, θi=hT, θi.
En appliquant cela avecθ=Aφ, on trouve que
∀φ∈ S(Rd), lim
n∞htATn, φi=htAT,φi.
D’o`u le th´eor`eme.
Comme dans le chapitre 8, nous allons donner une liste d’op´erations sur S que nous
´etendrons bien sˆur `a S(Rd). Tout d’abord, d´efinissons l’espaces suivant.
D´efinition 10.3.2 On appelle espace des fonctions `a croissance mod´er´ee (ou lente) et l’on d´esigne parOM l’espace des fonctionsf ind´efiniment diff´erentiables surRd telles que
∀k∈N, ∃N ∈N, ∃C∈R+ / sup
|α|=k
|∂αf(x)| ≤(1 +|x|)N.
On d´esigne parL1S l’espace des fonctions localement int´egrables telles que, pour tout entierN, la fonction(1 +|x|)Nf(x) soit dansL1.
Les polynˆomes sont d’excellents exemples de fonctions de OM. Les fonctions localement int´egrables d´ecroissant `a l’infini plus vite que toute puissance n´egative de|x|sont d’excellents exemples de fonctions de L1S.
Proposition 10.3.2 Les applications lin´eaires suivantes satisfont aux hypoth`eses du th´ eo-r`eme 10.3.1
• l’application∂α;
• sif d´esigne une fonction de OM, l’applicationMf d´esigne la multiplication par f;
• sif d´esigne une fonction deL1M, l’application f ?d´esigne la convolution par f, c’est-` a-dire que
f ? φ(x)d´=ef Z
Rd
f(y)φ(x−y)dy;
D´emonstration de la proposition 10.3.2 Par d´efinition des normesk·kk,S, il est imm´ediat que
k∂αφkk,S ≤Ckφkk+α,S.
Pour la continuit´e de la multiplication, il suffit d’appliquer la formule de Leinitz qui dit que
∂α(f φ) = X
β≤α
Cαβ∂α−βf ∂βφ.
Comme la fonctionf appartient `a OM, il existe un entierN tel que, pour tout multientier γ de longueur plus petite quek, on ait
∀x∈Rd, |∂γf(x)| ≤C(1 +|x|)N.
On en d´eduit alors que
k∂α(f φ)(x)kk,S ≤Ckφkk+N,S.
Etudions maintenant la convolution. Par d´´ erivation sous le signe somme, on a
∂α(f ? φ)(x) = Z
Rd
f(y)∂αφ(x−y)dy.
De plus, on a (1 +|x|)k≤2k(1 +|x−y|)k+ (1 +|y|)k. Ainsi donc, on peut ´ecrire que (1 +|x|)k|∂α(f ? φ)(x)| ≤2k
Z
Rd
|f(y)|(1 +|x−y|)k|∂αφ(x−y)|dy + 2k
Z
Rd
(1 +|y|)k|f(y)| |∂αφ(x−y)|dy.
On en d´eduit alors que
kf ? φkk,S≤Ck(1 +| · |)kfkL1kφkk,S.
D’o`u la continuit´e de la convolution et ainsi la proposition puisque la continuit´e de la trans-form´ee de Fourier fait l’objet du th´eor`eme 10.1.1 page 141.
Nous allons maintenant, comme lors du chapitre 8, ´etendre ces op´erations `a l’espaceS0 en utilisant le th´eor`eme 10.3.1.
D´efinition 10.3.3 On d´efinit les op´erations suivantes sur S0:
• On d´efinit la d´erivation par
∂α d´=eft((−∂)α) ;
• on d´efinit la multiplication par une fonction de OM partMf;
• on d´efinit la convolution par une fonctionf deL1S par f ? d´=eft( ˇf ?·) ;
La v´erification du fait que l’on ´etend bien les notions usuelles est sans surprise et laiss´ee au lecteur.
Nous allons maintenant ´etendre aux distributions temp´er´ees les diverses formules sur la transformation de Fourier d´emontr´ees dans le cadre de la transformation de Fourier sur S.
Th´eor`eme 10.3.2 (d’inversion de Fourier) Pour toute distribution temp´er´eeT, on a F−1T = (2π)−d(FTˇ ).
D´emonstration du th´eor`eme 10.3.2 Ecrivons que´ hF−1T, φi=hT,F−1φi.
D’apr`es le th´eor`eme 6.2.1 d’inversion de Fourier, on a F−1φ= (2π)−d(Fφ).ˇ
Or, on peut ´ecrire, grˆace au changement de variablex=−x, que ˇ
φ(ξ)b d´=ef Z
Rd
ei(x|ξ)φ(x)dx
= Z
Rd
ei(−x|ξ)φ(−x)dx
= Z
Rd
e−i(x|ξ)φ(−x)dx
= φ(ξ).bˇ D’o`u il r´esulte que
hF−1T, φi = (2π)−dhT,F( ˇφ)i
= (2π)−dhT ,b φiˇ
= (2π)−dhˇ T , φi.b D’o`u le th´eor`eme.
Proposition 10.3.3 SoitT une distribution temp´er´ee. On a alors F(DαT) =ξαTb et F(xαT) = (−D)αT .b
D´emonstration de la proposition 10.3.3 On utilise la proposition 10.1.1. Par d´efinition, hF(DαT), φi = hDαT,φib
= hT,(−D)αφi.b La proposition 10.1.1 nous dit que
(−D)αφb=F(xαφ).
D’o`u il r´esulte que
hF(DαT), φi = hT,F(xαφ)i
= hT ,b (xαφ)i
= hξαT , φi.b
D’o`u la proposition, la d´emonstration de la seconde relation, strictement analogue, est laiss´ee au lecteur.
Proposition 10.3.4 SoitT une distribution temp´er´ee etθ une fonction deS. Alors F(T ? θ) =θbTb
D´emonstration de la propostion 10.3.4 Par d´efinition de la transform´ee de Fourier et de la convolution, on a, pour toute fonction φde S,
hF(T ? θ), φi = hT ? θ,φib
= hT,θ ?ˇ φib
= hT ,b F−1(ˇθ ?φ)i.b
D’apr`es la formule d’inversion de Fourier et la formule de calcul de la transform´ee de Fourier pour la convolu´ee des fonctions (voir Proposition 6.1.1 page 92), on a
F−1(ˇθ ?φ)(ξ)b = (2π)−dF(ˇθ ?φ)(−ξ)b
= (2π)−d Z
Rd×Rd
ei(x|ξ)θ(y−x)fb(y)dydx
= (2π)−d Z
Rd×Rd
e−i(y−x|ξ)θ(y−x)ei(y|ξ)fb(y)dydx
= θ(ξ)Fb −1(φ)(ξ)b
= θ(ξ)φ(ξ).b
Par d´efinition de la multiplication, on en d´eduit que
hF(T ? θ), φi=hT ,b θφib =hθbT , φi.b D’o`u la proposition.
A FAIRE:` S0?E0
Ces relations sont extrˆemement importantes dans les calculs pratiques de transform´ee de Fourier. Par exemple, calculons la transform´ee de Fourier de la masse de Dirac δ0. Par d´efinition de la transformation de Fourier, on a
hbδ0, φi = hδ0,φib
= φ(0)b
= Z
Rd
φ(x)dx.
Ceci signifie exactement que
δb0 = 1. (10.4)
De ceci et du th´eor`eme d’inversion de Fourier 10.3.2, on d´eduit que
F(1) = (2π)dδ0. (10.5)