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Difficultés et limites

2.3 On n’est pas couché

ONPC (France 2), encore diffusée à l’heure actuelle, semble être aussi l’émission qui a la plus grande longévité dans le paysage audiovisuel français. Le talk-show a débuté en 2006 (entre 2000 et 2006 il s’appelait On a tout essayé) étant animé par le même Laurent Ruquier.

Les titres, les intervenants, les différentes rubriques, les heures de diffusion du talk-show ont largement varié ; cependant, la formule et les visées de l’émissions sont restées quasiment les mêmes.

L’animateur Laurent Ruquier ainsi que ses chroniqueurs, Eric Zemmour et Eric Naulleau57, reçoivent, chaque samedi soir, cinq invités qui « font l’actualité » de la semaine : une personnalité politique et quatre autres personnalités appartenant soit aux « élites » (intellectuelles, médiatiques, etc.), soit au monde du spectacle (comédiens, chanteurs, sportifs, etc.). Souvent qualifiée d’ « émission de divertissement », ONPC enrichit cette promesse de spectacle d’une promesse d’information en vertu de la participation des « élites » ; le talk-show de Laurent Ruquier dépasse donc ce cadre initial avec les rubriques de débat ou de chronique artistique qui sont insérées dans le format et dont les deux chroniqueurs sont les responsables attitrés.

2.3.1 Paramètres de base et dispositifs

Le cadre spatio-temporel

Pour ce qui est du cadre spatial, nous avons affaire, comme dans le cas de TLMP, à un type de talk-show de plateau. Les échanges se déroulent donc dans un studio dont la mise en scène rappelle les grandes émissions de variétés. Tous les éléments du décor s’articulent autour de l’idée de spectacle et de théâtre : l’escalier qu’il faut descendre pour accéder au plateau, la présence d’un public qui applaudit et qui réagit aux propos des invités, une scène où se produisent des musiciens et des comédiens, un centre vivement éclairé autour duquel se structure le reste du plateau, etc.. Dans cette optique, le talk-show propose un cadre

« convivial » qui contraste fortement avec la « froideur des plateaux du débat traditionnel » (Lochard et Soulages, 1998 : 89). Les sièges et les tables rappellent les tabourets et les comptoirs de bar, anticipant avant le début même des interviews l’attitude décontractée des

57 À l’heure actuelle, les deux chroniqueurs ont été remplacés par Audrey Pulvar et Natacha Polony (remplacée, à son tour, par Aymeric Caron). Excepté les extraits 2 et 12, où Michel Polac remplit la fonction de chroniqueur, le fameux duo de co-animateurs est constamment présent dans l’ensemble des émissions ONPC composant notre corpus.

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invités, le ton parfois familier des échanges, les sujets de discussions mondains et leur mode de traitement (sur un ton humoristique ou/et ironique, et par endroits sérieux).

Les trois intervenants ─ les deux chroniqueurs, présents tout au long de l’émission, et un humoriste, faisant son apparition sur le plateau à certains moments ─, sont assis devant l’animateur, disposés en demi-cercle ; à côté de l’instance médiatique défilent, en s’asseyant sur le fauteuil de l’interview, les stars. De cette façon, pendant chaque rubrique, toute l’attention se focalise seulement sur un ou deux invités représentatifs de la séquence en question ; le scénario de l’émission prévoit ainsi une mise en spectacle de chaque invité tout au long du déroulement du talk-show. De plus, chaque protagoniste s’installe, à tour de rôle, face aux chroniqueurs (Eric Zemmour et Eric Naulleau) qui deviendront ses opposants redoutables : chacun se retrouve ainsi « sur la sellette », dispositif qui renforce ainsi de l’idée de confrontation). Ce changement de place annoncé par un jingle particulier, que l’on ne rencontre que dans ONPC, est porteur d’enjeux symboliques car il entraîne un changement de ton ─ qui devient plus sérieux et fortement critique ─, et de rôles ─ les invités s’engagent dans un combat verbal, moment comportant un haut degré de dramatisation et de spectacularisation.

Tous les participants jouissent d’une grande liberté de prise de parole et d’expression, ce qui fait que la dynamique de l’interaction est imprédictible : le sentiment de

« qu’est-ce qui va se passer ? », de « qui va riposter ? », ou bien « qui apparaîtra sur le plateau ? » devient un véritable enjeu, aussi important plus que l’échange proprement dit entre les invités.

La composition du plateau n’est jamais indifférente et fonctionne en tant que métaphore de la hiérarchie interpersonnelle imposée. Ainsi se trouve au « cœur » du plateau l’animateur ─ amphitryon et arbitre de son émission, secondé par ses chroniqueurs. Cette logique proxémique s’apparente en quelque sorte aux salles de tribunal où l’inculpé (l’invité) est censé se justifier et rendre des comptes devant ses « accusateurs » (les chroniqueurs), le tout étant commenté et arbitré par un juge (l’animateur). Les tribunes du public, encerclant la

« scène », rappellent les arènes romaines qui abritaient les combats « sanguinolents » de gladiateurs58 :

Figure 4 : le plateau de ONPC ─ décor et logique proxémique

La disposition des places ainsi que les dispositifs scéniques représentent plus qu’un simple adjuvant : ils sont dotés d’une valeur symbolique forte car ils hiérarchisent les rapports de

58 Étonnant ou non, cet espace deviendra le « champ de bataille » où s’enclencheront de nombreuses joutes verbales.

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places qui vont s’instaurer. Les rapports sont donc, en amont de l’échange, profondément inégalitaires : les relations d’autorité et de domination qui s’instaureront mettent les chroniqueurs (et, bien évidemment, l’animateur) en positon haute, reléguant les invités en position basse59. Dans ONPC, nous assisterons souvent à des « mises en accusation » des invités, l’impolitesse et la violence verbales découlant naturellement de ces rapports de force asymétriques60.

Quant au paramètre temporel, il convent de préciser que l’émission ONPC, qui s’étend sur une longueur de trois heures, est diffusée le soir en weekend – moment de relâchement, de confusion des identités, du spectacle, de transgression des limites. L’heure tardive de transmission, le traitement des sujets « impolis », comme d’ailleurs le titre de l’émission, suggèrent que les participants peuvent employer « un surcroît d’impertinence », et

« aller plus loin » qu’il est habituellement permis, en alliant « divertissement et culture ».

La mise en scène visuelle

Les procédés de filmage s’organisent, comme dans le cas de TLMP, autour de la mise en spectacle de la performance communicationnelle des protagonistes. Sans détailler cet aspect très technique de l’émission, nous allons cependant faire quelques précisions relatives aux techniques de filmage utilisées dans ONPC. Ainsi, les cadres employés composent un point de vue surplombant, alternant entre les gros plans, les plans d’ensemble, les cadrages en plongée (marquant la séquentialisation de l’émission) et les champs/contrechamp (au moment plus « vifs » de la discussion). Le jeu des caméras est conçu afin de renforcer la spectacularisation du dialogue : tantôt il renforce l’effet de polémicité des échanges ─ l’effet de « dyade » (plan du couple d’adversaires), tantôt il contribue à la construction identitaire des invités ─ l’effet de « solo » (focus sur le visage ou sur leurs mains dans les moments déstabilisants, etc.). Lors des moments d’apogée des débats ou des polémiques, on recourt aux

« fenêtrages multiples » (Soulages 1999) illustrant simultanément la figure de chacun des opposants, afin de renforcer la dimension conflictuelle de l’échange.

L’espace filmé dans le talk-show ONPC est caractérisé par une « ‘bipolarisation’ » (Charaudeau & Ghiglione 1999) dans le sens où il y a une délimitation entre l’espace

« scénique » qui est celui de l’ « agir spectaculaire et dramatique » (Nel, 1997 : 42) où se réunissent les protagonistes, et l’espace « spectatoriel » ─ où est disposé le public présent dans le studio. Bien évidemment, les mises en cadre d’ensemble sont alternées avec les mises en cadre de l’espace scénique ou spectatoriel, en fonction des séquences et des enjeux de l’émission.

Le scénario

Comme tout talk-show (et comme toute émission télévisée, d’ailleurs), ONPC suit un script ou scénario particulier composé de plusieurs séquences : pendant environ trois heures, les téléspectateurs sont invités à faire une véritable « incursion » dans les principaux événements de la semaine, les « points chauds » en matière de film, politique, littérature, ainsi de suite. L’émission débute avec l’entrée de l’animateur sur le plateau, accompagnée par le jingle de l’émission et les applaudissements du public. Il présente tout de suite les invités et les intervenants ainsi que les sujets abordés. L’émission a un caractère fortement ritualisé, car sa durée est toujours divisée en multiples séquences et rubriques (moment de sketch ou de

59 Toujours est-il que ces rapports sont interchangeables (cf. le “role switching”)…

60 De ce point de vue, le talk-show contraste fortement avec le débat ou l’émission politique « classique » où les rapports de place ne sont pas asymétriques mais complémentaires, ou encore avec les débats culturels (cf.

Apostrophes) qui reposent sur des rapports de civilité et de convivialité.

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musique, interviews, témoignages, face-à-face, etc.). Et c’est justement l’insertion des rubriques inédites qui assure le succès de ONPC et qui la démarque des autres émissions appartenant au même genre. Nous allons présenter brièvement chaque étape du scénario, sans pour autant nous attarder dessus ─ certaines rubriques, ainsi que les pratiques polies ou impolies des protagonistes au cours de ces rubriques, seront décortiquées dans la partie d’analyse linguistique du corpus :

a. La partie d’introduction comprend, à son tour, plusieurs séquences : l’intro, avec la présentation des invités et la séquence monologale de l’animateur qui commente les actualités de la semaine ; et l’énumération de « ceux qui n’ont pas pu venir ce soir » ─ les personnalités qui ne sont pas présentes sur le plateau « mais qui ont été très présentes dans l’actualité de la semaine »61 ─, rubrique spécifique de ONPC.

b. La séquence de débat/polémique avec un invité politique s’étend sur une durée de quarante minutes décomposées de la façon suivante : une séquence où l’invité est présenté au public (fonction, carrière, etc.) ; une phase de débat ou de polémique articulée autour du livre de l’invité (les politiques participent souvent en vue de la promotion de leur livre) ou d’un sujet sociopolitique ─ l’animateur se met généralement en retrait et endosse le rôle d’arbitre modérant le duel verbal entre l’invité et les deux co-animateurs ; enfin, suit une brève séquence où l’invité est amené à justifier et à commenter un dessin satirique tiré de la presse récente et que l’équipe de production lui a demandé de choisir lors de la préparation de l’émission.

c. La rubrique de commentaire des dessins satiriques proposés à tous les invités, y compris aux chroniqueurs et à l’animateur, se fait souvent sur un ton sarcastique, ironique ratifiant ainsi la pratique de certaines stratégies discursives impolies (voir infra).

d. La rubrique d’interview : chaque invité passe dans « le fauteuil de l’interview » pour être confronté aux chroniqueurs. Les changements infligés par cette rubrique (changement de place, de ton, de rapports hiérarchiques, etc.)

« permet[tent] [… ] de briser l’effet de tunnel parfois provoqué par le discours de promotion de chacun. […] Le fait de les placer à tour de rôle dans ‘le fauteuil de l’interview’ répond d’ailleurs à la nécessité de redonner une lisibilité à une émission brouillée par les interactions entre les invités, au risque de ne plus savoir de quoi, de qui, il est question : la personne dans le fauteuil est celle à qui la séquence est consacrée. » (Le Foulgoc, 2010 : 113)

L’interview vise avant tout le « pittoresque, l’amusant, le spectaculaire » (Morin, 1996 : 68), quitte à abandonner les normes de la politesse et de la bienséance. Elle peut prendre la forme des débats ou des polémiques ─ « l’intervieweur et l’interviewé collabor[a]nt à dégager une vérité qui concerne soit la personne de l’interviewé soit un problème » (ibid.), ou d’une chronique littéraire ou artistique62. Au cours de cette rubrique, les doubles contraintes régissant le comportement des « élites » sont plus saillantes que jamais : les invités sont amenés à concilier le rôle d’ “entertainer” imposé par le format de l’émission, afin de satisfaire aux attentes du public, avec leur statut sociopolitique, ce travail de figuration se réalisant souvent par l’intermédiaire des négociations des éthos (éthos attribué vs. éthos affiché ou revendiqué, etc.63).

61 Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/On_n%27est_pas_couch%C3%A9 (consulté le 06 avril 2013).

62 Voir dans notre corpus surtout les extraits 1 (Annie Lemoine), 10 et 11 (Patrice Leconte).

63 Voir infra.

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Au cours de cette rubrique, où se juxtaposent au contrat général de l’émission des contrats des sous-genres (chronique littéraire, débat, etc.), ce qui compte, c’est moins la valeur littéraire d’un ouvrage, et davantage la bonne/mauvaise performance actorielle de l’invité :

« La littérature devient ainsi l’occasion d’un spectacle imprévisible, qui peut prendre la forme d’un salon littéraire désuet, d’une corrida ou d’une comedia dell’arte. L’écrivain plus que son livre y est pour la sellette, ses thèses plus que ses textes : il doit passer l’oral et faire bonne figure.

… Cette émission a permis au grand public de découvrir de vrais écrivains […]’ ». (Peytard, 1990 : 117)

Les chroniqueurs modèrent ainsi, et surtout influencent le rapport entre l’ouvrage et le lectorat par le biais de leur critique.

e. Le moment de « sketch » : l’humoriste Jonathan Lambert interprète un personnage lié à un événement de l’actualité ou à la vie privée de l’un des invités.

f. Le « mur d’images » : chaque invité justifie et commente le choix (fait avant l’émission) d’une personnalité faisant l’actualité de la semaine.

g. La séquence de fermeture de l’émission : l’animateur remercie ses invités et clôture le talk-show par des formules de salutations adressées à ceux-ci et au public.

Le passage d’une rubrique à l’autre entraîne un changement de registres, de rôles interactionnels, de relations interpersonnelles ; chaque séquence suit son propre mini-script et ses propres règles ─ par exemple, pendant les séquences de débats les interactants deviennent des adversaires, tandis que pendant la rubrique « commentaires des dessins », leur rapport peut être plus détendu, voire amical.

2.3.2 Les protagonistes

Le schéma participatif de cette émission est complexe en vertu du nombre important des participants aux échanges ; plus le nombre des participants augmente, plus le schéma se complique et l’échange devient imprévisible. On ne distingue plus entre locuteurs « ratifiés » et « non ratifiés », les prises de parole se font de façon chaotique, les intrusions sont tolérées aussi bien que les silences ou les pauses prolongées, chaque invité disposant des mêmes droits et devoirs au niveau interlocutif.

(1) L’animateur

Laurent Ruquier, l’animateur de ONPC, incarne la figure du néo-animateur qui

« crève à l’écran », tout en étant « confesseur, star, médiateur, entremetteur, thérapeute, rarement journaliste » (Antona 1995 : 194) ; tout comme Ardisson, il provoque pour dynamiser la polémique, ironise, coupe la parole, reprend la maîtrise des échanges – il devient une instance de contrôle et de « suscitation ». Car, à chaque genre télévisuel, « correspond un type particulier de chef d’orchestre » (Mehl, 1994 : 27) : à ce type de talk-show correspond, par conséquent, un animateur aux multiples « visages ». Il joue donc des rôles divers étant hôte, arbitre, mais aussi ami ou allié pour ses invités ; bref, il peut être

« ‘monsieur-tout-le-monde’ en train d’organiser le jeu, de recevoir des amis, sans aucun travestissement, pas même celui de son nom qui devient très vite un prénom pour ses interlocuteurs… » (Chalvon-Demersay & Pasquier, 1990 : 15)

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Les règles et les contraintes prévues par le contrat de parole de l’émission sont assez souples, car il ne voit aucun problème dans le fait d’ironiser et d’interrompre ses invités, de dire des plaisanteries, de distribuer la parole et d’interviewer à sa façon, ce qui fait que l’interaction est plus vive et plus « réciproque », dans le sens de la création d’une véritable complicité entre lui et les invités et surtout entre lui et les intervenants. Bref, on a l’impression qu’il n’y a plus de règles, bien que cela ne soit pas vrai, car toute interaction de plateau suppose l’existence d’un script préétabli. Cette impression est, en partie, donnée par le fait que l’instance médiatique jouit juste d’une grande liberté dans la gestion de l’émission. Cela est visible également à d’autres niveaux de l’échange : celui de l’expression, de la distribution et des tours de parole, de l’intervalle d’intervention sans délimitation précise, etc.

Laurent Ruquier est, à l’instar de Thierry Ardisson, un animateur « atypique » par rapport à l’animateur « classique », qui contrôle tout l’échange et qui reste le plus possible en dehors de lui. Il se construit une image d’ « énonciateur personnalisé (un je) », pour solliciter les termes de Charaudeau (1997) ; il ne reste pas seulement le représentant de la « machine » médiatique, il exprime ses émotions, ses opinions et ses valeurs, ce qui nous permet de dire qu’il a un « discours personnalisé » (ibid.).

Son style d’interview se veut inédit, spectaculaire, et surtout subjectif, raison pour laquelle il recourt lui-même à l’humour, au sarcasme ou à la caricature, en passant d’un interlocuteur à l’autre, d’un thème à l’autre, n’hésitant pas à s’affirmer en parlant de ses

« affinités » politiques (« on sait qu’on a, plutôt vous Naulleau, plutôt moi des idées de gauche »64), ses « sympathies » (« j’espère qu’on va avoir la Rama Yade qu’on aime sur ce plateau »65) et « antipathies » (« contre Bachelot, oui, ça je me suis fait vacciner »66). Comme le souligne Zamouri (1995 : 76) parlant du « tiers » (le participant qui reste en dehors du couple d’antagonistes), l’animateur peut adopter l’une des attitudes suivantes :

« 1. Rester dans sa position de tiers : il va alors ou bien jouer le rôle d’un témoin silencieux qui se contente d’observer, ou bien assumer l’une des fonctions suivantes [arbitre (ou médiateur), modérateur, troisième larron, provocateur] ».

« 2. Le tiers peut aussi choisir d’intervenir dans la conversation en se ralliant à l’un ou à l’autre des protagonistes : il forme alors avec son allié une coalition contre le troisième partenaire, qui sera par là même considéré comme un adversaire commun. » (ibid. : 76)

Bien que, à maintes reprises, il « s’efface » dans les moments de débat ou de polémique, rappelant uniquement les règles de la distribution des tours de parole, il arrive que l’animateur s’exprime sur les questions abordées, formant des coalitions plus ou moins stables tantôt avec ses « complices » (Naulleau et Zemmour), comme il les qualifie lui-même, tantôt avec ses invités. Si les deux chroniqueurs ont une « posture d’expertise » (nous y reviendrons), l’animateur incarne en revanche une « posture citoyenne » (Le Foulgoc, 2010), reliant et arbitrant la relation entre ses invités et le public ; dans cette optique, il reformule, explique, et commente les discours des protagonistes, adoptant une posture « d’éclairage et de filtrage » (ibid.) par rapport à l’information véhiculée dans le talk-show.

Laurent Ruquier enchaîne les différents rôles cités faisant toujours primer les intérêts de son spectacle sur tout le reste et reflétant ainsi « la personnalité stratifiée et multiface qu’il a su se construire » (Van Son67, 2000 : 204).

64 Voir l’extrait 5.

65 Voir l’extrait 9.

66 Ibid.

67 Van Son (2004) parle dans son article de Christophe Dechavanne, mais la personnalité « multiface » est valable aussi pour Laurent Ruquier que pour Thierry Ardisson.

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47 (2) Les chroniqueurs

L’animateur ne pouvant pas, en permanence, accueillir ses invités et à la fois les malmener, la production a fait appel à deux complices. Les chroniqueurs les plus connus dans l’espace audiovisuel, Eric Zemmour et Eric Naulleau en sont les plus redoutables aussi. Écrivain, directeur d’une maison d’édition et chroniqueur culturel (Naulleau), polémiqueur et journaliste politique au Figaro (Zemmour), les « deux Eric » sont les

« fauteurs de trouble » du talk-show ONPC. Chaque semaine, le duo se livre à la critique des livres, à des débats politiques et des polémiques spectaculaires de par les niveaux de violence verbale atteints. Leur style agressif de questionnement et de débat leur a valu la réputation d’intervenants « terribles », voire de « bourreaux » du PAF.

Considérés comme violents et déstabilisants, Naulleau et Zemmour sont deux co-animateurs « caustiques » adoptant des stratégies communes pour faire échec aux invités, des stratégies qui peuvent aller de la critique agressive jusqu’aux attaques personnelles abusives.

Considérés comme violents et déstabilisants, Naulleau et Zemmour sont deux co-animateurs « caustiques » adoptant des stratégies communes pour faire échec aux invités, des stratégies qui peuvent aller de la critique agressive jusqu’aux attaques personnelles abusives.