• Aucun résultat trouvé

Notre corpus appartient à la catégorie des corpus médiatiques et se compose d’une vingtaine de fragments ou séquences de talk-show dont douze appartiennent à l’émission On n’est pas couché (désormais ONPC), et huit à Tout le monde en parle (TLMP). Pour une mise en parallèle et une meilleure compréhension des caractéristiques et des mécanismes de TLMP et de ONPC, nous avons inséré, dans les annexes, une liste contenant les séquences analysées en mentionnant le nom du talk-show, sa date de diffusion, ainsi que les principaux invités et sujets de discussion. Nous avons également inséré, avant chaque séquence d’émission transcrite, une cassette mentionnant des détails plutôt « techniques » (titre du talk-show, durée, date, et participants). Nous rappelons (voir supra la méthodologie) que, pour la constitution de notre corpus, nous avons enregistré et transcrit toutes les interactions télévisées analysées; vu la longueur du matériel choisi, qui exigerait un travail plus vaste et beaucoup plus long, nous soumettons à l’analyse proprement dite uniquement quelques extraits que nous avons considérés comme étant révélateurs pour notre démarche. Pour la transposition à l’écrit, et, par la suite, pour l’investigation du corpus, qui est de nature audio-visuelle, nous avons donc opéré avec les concepts et les méthodes non seulement de l’analyse du discours, en général, de la pragmatique des interactions verbales et de la communication médiatique, en particulier, mais aussi de la sémiotique des gestes et de la grammaire intonative ; cela nous a permis de prendre en compte les éléments non-verbaux et para-verbaux qui présentaient une certaine importance pour notre démarche.

Le choix des deux talk-shows a été influencé par plusieurs paramètres. Nous avons recherché, d’un côté, des émissions emblématiques du genre talk-show, et, de l’autre côté, des émissions comprenant une diversité de pratiques discursives qui pourraient être pertinemment exploitées et articulées avec le système de la politesse. Nous avons privilégié donc les talk-shows où la tension des visées informative et divertissante était la plus saillante

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

23

et où le “show” l’emportait sur le “talk”. Il nous a semblé, au moment où notre recherche à débuté, que les deux émissions citées étaient particulièrement représentatives du genre de par leurs dispositifs, le profil des invites, le statut des animateurs, leur caractère hétérogène, etc.

En outre, lors du choix du corpus17, les ouvrages ou les articles ayant comme objet d’étude ces deux talk-shows étaient quasiment inexistants18 ; nous avions donc la chance d’explorer un genre médiatique et deux programmes télévisés peu étudiés (surtout dans la perspective des notions de politesse et d’impolitesse) mais qui se présentaient comme adéquats vu l’objectif de notre thèse.

ONPC avait déjà constitué notre objet d’étude lors du mémoire rédigé en fin de licence comme en fin de master ; le choix de cette émission s’est donc imposé naturellement.

Afin de mieux cerner la spécificité de ce type de talk-show et de pouvoir l’articuler avec le système de politesse, nous avons décidé d’inclure dans notre recherche encore deux programmes du même genre : TLMP et On ne peut pas plaire à tout le monde ; faute de suffisamment de matériel pour cette dernière émission, nous avons été obligée de nous limiter à ONCP et TLMP, considérées, par ailleurs, comme « les fleurons du genre »19. Nous avons opté pour deux talk-shows, au lieu d’un, car l’analyse d’un seul aurait peut-être mis en question la validité de nos hypothèses et de nos remarques. Bien évidemment, nous pouvons (et nous allons d’ailleurs) tracer des ressemblances mais aussi des différences entre ces programmes qui semblent avoir innové le paysage télévisuel français (PAF), fait qui pourrait être utile pour la validation du cadre et des outils que nous proposerons.

Nous avons essayé de transcrire les séquences choisies dans leur intégralité afin de mieux rendre compte de leur fonctionnement. Nos interactions sont transcrites20 à partir du moment où la séquence de débat/polémique/chronique littéraire débute et jusqu’à sa fin ou jusqu’au départ21 de l’invité du plateau ; compte tenu de la production de certains dérapages et des départs inattendus, la longueur de nos interactions est extrêmement variable, allant de quelques minutes à plusieurs dizaines de minutes (l’extrait le plus long étant d’environ 43 minutes). Les échantillons de TLMP sont considérablement plus courts que ceux de ONPC, fait qui est sûrement dû à la spécificité du talk-show : le scénario de la première émission prévoit une durée moins importante pour les rubriques que nous allons analyser.

Une attention toute particulière a été portée au choix des invités. En effet, nous avons essayé de retrouver, des deux côtés, le même profil d’invité ; les protagonistes de nos extraits font partie de l’élite people ou médiatique des domaines politique, journalistique, philosophique ou littéraire. Dans le cas de ces invités, les doubles contraintes en matière de politesse qui régissent leur comportement sont sans doute plus saillantes et plus nombreuses que dans le cas des artistes (acteurs, chanteurs, etc.) familiarisés avec l’univers du spectacle.

À ce titre, Neveu (2003) parle de « degré de mise en danger », variable d’une émission à l’autre, qui traduit l’idée que, acceptant de participer dans ce genre de programme, les élites acceptent en fait de mettre en danger leur face et de s’adapter aux règles du spectacle télévisé (voir infra partie III, chapitre 1). Nous avons constaté aussi que les deux émissions présentaient des « passerelles » par rapport à leurs invités : certains interlocuteurs sont présents sur les plateaux de TLMP et de ONPC, mais parfois avec des rôles interlocutifs ou

17 Notre thèse a débuté en 2009.

18 À l’heure actuelle ils ne sont pas extrêmement nombreux non plus (voir notamment les travaux de Neveu, de Le Foulgoc, et, plus récemment, ceux de Leroux & Riutort).

19 Le Foulgoc, 2010 : 193.

20 Nous précisons que les « coupures » marquées dans notre corpus dans par des crochets droits ([…]) respectent celles identifiées dans l’enregistrement audiovisuel, ou bien relèvent de notre propre intervention étant dues, dans ce cas, à la longueur importante des séquences analysées.

21 Comme nous allons le voir, certains invités décident de partir brusquement, avant la clôture de la rubrique.

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

24

des statuts différents (Arno Klarsfeld, Christophe Alévèque, Eric Zemmour22). Cependant, leur traitement n’est pas entièrement identique puisque chaque émission a ses propres dispositifs et son propre script.

La transcription

Bien évidemment, pour pouvoir nous servir des données collectées il fallait les transcrire car tout corpus oral doit passer par cette étape indispensable à son analyse. La transcription des fragments d’émissions a demandé un travail rigoureux et relativement long car, comme le note (Bilger, 1999 : 181), ce travail « n’est pas une question secondaire, au contraire, cela suppose et engage toute une réflexion théorique sur les données ». Il s’agissait donc, pour nous, d’un élément constitutif de l’analyse puisque ce sont les données médiatiques qui ont déclenché nos réflexions autour du système de la politesse. La question de la transcription nous a posé quelques difficultés dont nous parlerons plus loin, lorsque nous soulèverons également les limites inhérentes d’un tel travail.

Le choix des conventions de transcription a été gouverné par le désir de mettre en valeur les phénomènes à étudier et de garder la lisibilité du corpus. Les conventions adoptées se basent essentiellement sur celles qui ont été proposées par Traverso (1999) et qui suivent, dans les grandes lignes, celles du laboratoire lyonnais ICAR (Interactions, corpus, apprentissages, représentations). Comme le soulignait l’auteure elle-même, il n’y a pas de système de transcription unifié. Celui qu’elle a adopté nous a permis de conserver et de représenter à l’écrit l’ensemble des phénomènes qui seront soumis à l’analyse. Nous avons, à notre tour, simplifié ce système de conventions afin de faciliter la compréhension et de préserver une lisibilité optimale du corpus. Les vingt transcriptions se trouvent dans les annexes, où nous avons également ajoutée une liste contenant l’explication de toutes les conventions utilisées.

Nous allons résumer les principes de base qui ont gouverné la transcription et qui se trouvent au cœur des différentes problématiques que nous essayerons de décrire ; en effet, les modalités de transcription ont été sélectionnées en fonction des objectifs de notre recherche.

Nous avons ainsi transcrit ce qui a été dit mais aussi la manière dont cela a été dit, essayant de conserver et de représenter les particularités des productions orales ; à cette fin, nous avons tenu compte de plusieurs registres ou niveaux :

a. celui de l’identité des participants : chaque locuteur a été désigné à travers un, deux ou trois caractères (majuscules). L’explication des abréviations précède chaque transcription afin de faciliter l’identification des locuteurs.

b. celui de l’enchaînement des prises de parole : nous avons opté pour une présentation en ligne pour chaque prise de parole. Il convient de mentionner que nous avons numéroté les prises de parole qui ne correspondent pas automatiquement aux tours23 ; les deux concepts ne sont point équivalents car un tour peut être composé de plusieurs prises de parole ou interventions (notamment lorsque sont enregistrés des interruptions, des chevauchements, etc.), ou au contraire, une prise de parole peut contenir deux ou plusieurs tours24. Les

22 Par exemple, dans l’extrait 13, l’un des chroniqueurs de ONPC, Eric Zemmour, fait son apparition en tant qu’écrivain-invité chez Thierry Ardisson. Arno Klarsfeld n’a pas le même statut dans l’extrait 2 (ONPC) ─ où il vient débattre étant officiellement chargé de la régularisation des immigrés, et dans l’extrait 20 (TLMP) ─ où il parle en tant qu’avocat et représentant de la communauté juive.

23 Dans les séquences dialogales, l’unité de base est le tour de parole qui représente la contribution verbale d’un locuteur à un moment déterminé de l’échange.

24 Pour une description détaillée du tour de parole voir Luscher, Roos & Rubattel (1995).

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

25

conventions choisies nous ont permis de rendre compte des différents phénomènes qui peuvent affecter l’alternance des tours de parole ainsi que de les transposer à l’écrit ; par exemple, dans le cas du chevauchement, nous avons positionné les propos prononcés simultanément l’un au-dessus de l’autre pour rendre visible la superposition sonore des énoncés. Cet aspect-là nous a semblé essentiel compte tenu du fait que l’impolitesse et certaines formes de violence reposent sur la production de tels phénomènes de parole.

c. celui des pauses et des rythmes et, enfin, de la prosodie : nous avons noté tout ce qui relève de ce registre (allongement d’un son, insistance, pauses intra et inter-tours, etc.) puisque cela servait le but de notre recherche. Une grande partie de ces spécifications nous ont aidée, par exemple, à repérer certaines manifestations de l’impolitesse (impolitesse « volcanique », impolitesse stratégique, etc.) ou bien à dégager les stratégies discursives mises en place par l’interlocuteur (dramatisation ou pathémisation de la parole, etc.)

Comme nos données sont de nature audiovisuelle, nous avons été obligée de tenir compte, autant que cela était utile pour notre recherche, de la multicanalité du matériel analysé. Le verbal, d’un côté, et le para- et le non-verbal, de l’autre côté, n’ont pas été soumis aux mêmes critères de transcription. Si nous avons transposé à l’écrit l’ensemble du matériel verbal analysé, nous n’avons transcrit en revanche que certaines marques para et non-verbales, le choix étant, à cet égard, déterminé par l’objectif de notre thèse. Dans cette perspective, Gambier (1988 : 38) notait que ce travail de transposition de l’oral à l’écrit représente « à la fois une réduction et une sélection des données, en fonction des présupposés du chercheur et de ses objectifs déclarés ». Des gestes, mimiques, postures corporales qui pourraient avoir une incidence sur l’analyse du verbal ont été, par conséquent, mentionnés lors de la réalisation de la transcription.

Cette sélection, pour ainsi dire, a été justifiée par deux raisons majeures : premièrement, tout transcrire ne nous aurait pas été utile ─ cela aurait inutilement chargé notre texte et aurait rendu sa lecture difficile ; secondairement, ces composantes nous étaient partiellement accessibles, autrement dit nous avions accès à ce que les caméras nous

« montraient », ou choisissaient de nous montrer (jeux de filmage, changement de plans, d’angles, etc.). Enfin, tout traiter aurait probablement été irréalisable (faute de temps25, entre autre)…