• Aucun résultat trouvé

cadre d’analyse

DÉFINITIONS ET FORMES

A- POLITESSE ET L ’ ADÉQUATION AUX NORMES . U NE VISION DIFFERENTE

3.1 Ajustement des théories de l’appropriation

Nous nous sommes posé, dans le chapitre précédent, la question de la marge de liberté (en matière de politesse, d’impolitesse et de violence verbale) accordée à chaque actant dans les talk-shows. Afin d’y répondre, nous devons voir ce qui reste approprié au contexte de ces émissions (ce sera l’objectif de ce chapitre) et comment nous pouvons évaluer, en vue de l’accomplissement de cet objectif, les différents types de comportements identifiés dans le corpus (ce sera l’objectif de la section suivante).

Délimiter ce qui est permis et ce qui est interdit revient à inférer les termes du contrat de communication qui sous-tend les deux talk-shows ; le flou et la fluidité des normes établies par ce contrat rend notre travail difficile, car elles doivent être comprises à un double niveau : à un niveau structurel (voir Thornborrow 2002), virtuel ou théorique, qui comprend l’horizon d’attentes liées au genre et à un niveau interactionnel (ibid.) ou pratique, où la performance des actants vient confirmer le premier niveau ou s’en détacher. En d’autres termes, tenir compte uniquement du niveau structurel ne suffit pas pour analyser le fonctionnement effectif des talk-shows, il faut également se rapporter aux performances effectives des actants qui traduisent leur (in)compréhension et (non)application des règles.

Les échanges sont ainsi des processus dynamiques où on négocie, on obéit au script ou bien on en dévie. Bien que préétablis (au niveau structurel), ces échanges donnent parfois lieu à des dérapages (tout ne peut pas être prévu) et à des négociations, car certaines règles, de même que les relations interindividuelles, peuvent être négociées et renversées. La notion même de normes ou de frontières implique en soi la possibilité d’une transgression, d’un dérapage, mais tout type de franchissement n’est pourtant pas permis…

Comme nous l’avons déjà vu, le système de la politesse est loin d’être binaire. Nous avons décrit et analysé les différentes manifestations de la politesse, l’impolitesse, l’hyperpolitesse ainsi que les cas hybrides (pseudo-politesse et pseudo-impolitesse), laissant de côté la notion de « non-politesse », appelée aussi « a-politesse », « politesse zéro », ou politicness (du terme anglais “politic”). Nous allons passer en revue ces théories (auxquelles nous n’adhérons qu’en partie) et nous allons ensuite formuler une définition pour caractériser les actes qui restent conformes ou appropriés au contexte des talk-shows.

En effet, nous avons choisi de ne pas diviser les types comportements en, au moins, quatre catégories distinctes : poli, impoli, approprié (politic), non-approprié (non politic), car cette distinction mélange deux niveaux d’analyse ou d’interprétation. D’une part, nous avons le système de la politesse envisagé comme un continuum allant d’un degré zéro de la politesse jusqu’à la hyperpolitesse et l’impolitesse. D’autre part, nous avons un contrat de parole en fonction duquel nous jugeons les actes comme étant adéquats, appropriés, conformes, ou au contraire, inadéquats, inappropriés, non-conformes au contexte. Comme nous l’avons déjà

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

145

évoqué, nous avons considéré comme nécessaire de mettre en question et d’ajuster les théories mettant en relation de synonymie la politesse et l’appropriation parce qu’un acte poli ou archipoli peut être inapproprié, dans certains contextes, tout comme le comportement impoli ou violent peut s’avérer adéquat, dans d’autres situations.

La vision selon laquelle ce qui est poli est approprié nous semble ne pas pouvoir s’appliquer, en toute rigueur, aux interactions qui font l’objet de notre recherche. Car non seulement il s’agit des interactions fortement conflictuelles dictées par des lois propres souvent incompatibles avec les principes de la politesse, mais nous avons un genre d’émission qui trouve tout son sens dans un jeu avec ces principes, dans l’exploitation de l’impolitesse et de la violence langagière en vue du déclenchement du spectacle. C’est pourquoi nous ne pouvons plus nous rapporter aux relations politesse – adéquation, impolitesse – inadéquation.

3.1.1 Non-politesse, a-politesse, politesse « zéro », politicness

Le vaste domaine des études sur la politesse offre de nombreux synonymes pour désigner l’appropriation aux normes en vigueur ou au contrat de parole : « a-politesse » ou

« non-politesse » (Ide 1989, Lakoff 1989), « zéro-politesse » (Ide 1989), « neutralité » (Culpeper 2005 et 2008, Watts 2003), “politic behaviour” (Watts 1992, 2003 et 2005),

“unmarked behaviour” (Kasper 1992), etc. Tous les termes pointent vers un degré zéro de politesse ou d’impolitesse caractérisant les comportements « neutres » en quelque sorte, qui ne sauraient donc être qualifiés ni de polis, ni d’impolis.

a. La non-politesse/a-politesse

Dans son article intitulé “The Limits of Politeness », Lakoff (1989) essaie d’élargir le domaine d’investigation de la politesse linguistique aux types de discours thérapeutique et de discours au tribunal, fondant ses considérations sur la triade poli ─ non-poli(a-poli) ─ impoli, formulée à partir du système d’attentes d’une interaction. Ainsi, la politesse renvoie à l’ensemble des actes polis produits sans rapport à ces attentes, l’impolitesse implique l’absence des actes polis attendus dans le contexte en question ; enfin, la non-politesse désigne un comportement langagier qui se conforme aux règles de la politesse, qu’il soit ou non attendu dans la situation en question. Bien que cette théorie ait l’avantage de prendre en compte la possibilité d’un conflit entre les lois de la politesse et les règles de l’interaction (les actes a-polis sont les actes qui ne se conforment pas aux règles de la politesse, mais au système d’attentes), elle traite l’impolitesse comme désignant exclusivement les actes de langage qui dépassent ces attentes. Cela nous a posé deux problèmes, que nous avons déjà évoqués d’ailleurs : d’un côté, on n’aborde pas le cas de l’hyperpolitesse comme type de comportement allant plus loin que les règles de la politesse et de l’interaction en cours ; de l’autre côté, l’impolitesse est automatiquement marquée négativement.

Chez Kasper (1990), le comportement « non-poli » ou « socialement accepté » est le comportement « non saillant », qui passe inaperçu ; cependant nous avons vu, lors des dérapages émotionnels, que certains types de réactions, malgré leur caractère « saillant », imprévu, déviant en quelque sorte, restent légitimes et sont « socialement acceptés » ; aller au-delà de ce qui est attendu n’est pas forcément inadéquat ou non légitime, surtout lorsque les normes restent floues et négociables222. Quant à l’impolitesse (“rudeness”), elle est aussi interprétée par Kasper comme une déviation par rapport aux normes en vigueur.

222 Dans certains contextes (ce n’est pas le cas des talk-shows), les règles sont (plus) précises et fixes et le script n’est pas négociable ; à titre d’exemple, au tribunal, l’accusé ne peut pas parler tant que l’on ne lui adresse pas officiellement la parole, et toute transgression de ces normes imposées entraînerait une sanction grave.

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

146 b. La politesse « zéro »

La politesse « zéro » de Ide (1989), ou la politesse non-marquée, est analogue à la notion de “politic” de Watts ; ainsi elle s’oppose à la “plus-valued politeness” (le “polite”

chez Watts). La politesse « zéro » suppose donc l’absence de toute marque de politesse, cette dernière étant envisagée, comme chez Watts, comme un surplus ou un excès de marqueurs par rapport à ce qui est attendu. Nous retrouvons la même vision de la politesse chez Blum-Kulka (1990, 1992) qui distingue entre “extensively polite” et “polite”.

c. “Polite” vs. “politic”

Le “politic behaviour” est, chez Watts, le comportement neutre, non marqué, qui n’est ni poli ni impoli, qui est approprié au contexte. L’analyse de notre corpus nous montre que, plus que la politesse, l’impolitesse est la pratique courante dans les talk-shows ; néanmoins, il y a impolitesse et impolitesse, offense et offense : en d’autres termes, nous avons repéré des comportements impolis excessifs, mais aussi des comportements impolis qui ne contrevenaient pas aux attentes liées à l’échange. Dans cette optique, la théorie de Watts, bien que très pertinente, nous semble en quelque sorte incomplète lors de son application à notre corpus.

3.1.2. Limites des théories de l’ « adéquation » aux normes

Les théories rejetant la dichotomie poli-impoli et ajoutant la notion de non-poli/a-poli, etc. nous ont été particulièrement utiles dans l’analyse de nos données où le « souci » du spectacle passe avant le « souci » des faces. Cependant, ces théories comprennent quelques aspects problématiques que nous inventorions dans le tableau ci-dessous (bien évidemment, notre tableau ne prétend pas à l’exhaustivité…) :

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

Figure 18 : problématiques autour des notions de « non-politesse » et de l’ « adéquation »

3.1.3 Notions connexes

a. La Communauté de Pratique

Une notion similaire à celle d’adéquation aux normes, mais peut-être plus efficace (nous verrons pour quelles raisons), est la notion de Communauté de Pratique ou CofP (“Community of Practice”) de Wenger (1998) :

“Wenger states that a community of practice consists of a loosely defined group of people who are mutually engaged on a particular task and who have ‘a shared repertoire of negotiable resources accumulated over time’ (Wenger, 1998: 76).” (Mills, 2003: 30)

En effet, tenant compte de ces normes développées à l’intérieur de la CofP, ou à l’intérieur d’un groupe, nous pouvons justifier pourquoi toute une série de comportements, généralement dévalorisants pour la face de l’interlocuteur, sont dans les talk-shows perçus comme normatifs, comme appropriés par les participants (y compris par le public) ; ces mêmes règles sont cruciales (aussi) dans l’interprétation et l’analyse des rapports interindividuels.

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

148

Dans un groupe (nous parlons toujours des interactions « institutionnalisées »), les actants jouent des rôles bien différents223 ; la distribution des « ressources » mises à la disposition des actants varie quant aux niveaux d’impolitesse ou/violence verbale. Nous rappelons donc que des doses distinctes d’impolitesse sont distribuées aux animateurs et aux invités ; en outre, nous allons le voir dans le chapitre suivant, même lorsque cette « dose » semble respectée, d’autres facteurs peuvent venir influencer l’évaluation d’un comportement comme approprié ou non (telles la formation des coalitions, les répétitions d’une même attaque, etc.).

Il faut noter aussi que, généralement, un participant appartient à plusieurs communautés de pratique qui souvent s’interpénètrent ; par exemple, Rama Yade ou Michel Rocard ont, dans le contexte des talk-shows ONPC, respectivement TLMP, le statut d’invités

─ en conséquence ils doivent s’adapter à ce contexte et respecter les règles des émissions.

Cependant, ils appartiennent aussi au groupe des hommes politiques, à ceux d’écrivains, etc., d’où la difficulté de gérer les contraintes de chaque groupe :

“The norms of a community often spill over into another because group members belong to many different linguistic communities and sub-groups, and members do not necessarily feel comfortable or welcome within particular communities of practice (Bucholtz, 1999b).” (ibid.: 4)

Les frontières entre ces différents groupes sont assez vaguement délimitées. Prenons l’exemple d’un homme politique qui est invité pour promouvoir son livre : il ne pourrait pas complètement effacer son identité politique devant celle d’écrivain ; ou bien, lorsqu’il sera amené à adopter le ton humoristique, moqueur ou ironique des talk-shows, il ne pourra en aucun cas se transformer en « bouffon ». L’existence des multiples contraintes rend le concept d’appropriation difficile à gérer ; c’est pourquoi il doit être considéré à un niveau micro ou individuel (chacun aura ses propres opinions quant à ce qui est adéquat et les jugements personnels varient d’une personne à l’autre), mais aussi ─ et surtout ─ à un niveau global, de l’ensemble de la communauté et de l’ensemble des données contextuelles.

Évidemment, les lois des communautés distinctes entrent parfois en conflit, et dans ce cas celles des talk-shows l’emportent sur toutes les autres. Ainsi les invités doivent-ils accepter une certaine marginalisation du discours politique ou le refus de la langue de bois, ce qui n’est pas toujours facile vu, justement, leur statut politique (voir infra).

L’appartenance à un même groupe ne garantit pas forcément des relations consensuelles entre les actants, tout comme l’appartenance à des groupes distincts (au moment de l’échange) ne veut pas dire que les relations entre les actants ne peuvent pas être des relations de solidarité. Deux des extraits que nous analyserons plus loin représentent des cas d’une extrême violence verbale (réciproque ou non) où les adversaires sont membres de la

« communauté » journalistique : Annie Lemoine et, respectivement, Caroline Fourest vs. les co-animateurs de ONPC. Non seulement les protagonistes sont des journalistes, mais Annie Lemoine est une ancienne chroniqueuse de la « bande à Ruquier » ; et pourtant, Zemmour et Naulleau n’hésiteront pas à mettre (symboliquement) à mort l’invitée. En ce qui concerne la polémique avec (et autour de) Caroline Fourest, leur alter ego féminin et féministe, le dissensus est exacerbé par une dimension de compétitivité qui s’y ajoute. Dans un cas opposé, impliquant l’humoriste Christophe Alévèque et les chroniqueurs Zemmour et Naulleau, nous avons vu qu’entre ceux-ci il y avait une relation de complicité et de cordialité inhabituelle pour ce talk-show où les rapports chroniqueurs – invités sont généralement dissensuels (voir

223 “[P]oliteness and impoliteness play a key role in presenting and producing a particular type of identity, and negotiating a position in the community of practice. […] what forms of politeness/impoliteness are considered to be permitted to whom; what strategies may be adopted by the participants and how they are judged by others”.

(Mills, 2003: 9-10)

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

149

figure 10). Le critère de l’histoire conversationnelle (que nous développerons plus loin) est en ce sens particulièrement utile et pertinent pour la compréhension des relations établies entre les membres de la même communauté ou des communautés distinctes.

La notion de CofP, telle qu’elle a été envisagée par Wenger (1998) et par Mills (2002, 2003 et 2009) présente certains avantages par rapport aux notions antérieures, mais aussi des désavantages. En effet, elle prend en compte la variabilité, le degré de négociabilité et la fluctuation des normes en vigueur dans l’échange. En outre, Mills (2002) soutient la nécessité d’inclure l’impolitesse parmi les règles d’une communauté de pratique, de considérer l’impolitesse comme étant la norme même dans des contextes spécifiques :

“I would argue that within that particular CofP, this [the instances of ‘impoliteness’ identified in my paper] is not classified as impolite, although it would be within almost any other community.

The dominant group in the interaction, the officers, has managed to achieve a situation where the seeming excessive impoliteness (barked orders, ritualised insults) is considered to be the norm. […]

Thus, I would suggest that impoliteness only exists when it is classified as such by certain, usually dominant, community members, and/or when it leads to a breakdown in relations.” (Mills, 2002: 79)

Nous sommes tout à fait d’accord avec certains points de l’argumentation déployée ici par Mills ; des actes considérés ailleurs comme impolis ou violents peuvent passer, dans les échanges conflictuels, comme étant la norme (nous rappelons que dans de tels échanges, l’impolitesse est essentiellement stratégique ou instrumentale, en d’autres termes on y recourt en vue de l’accomplissement des objectifs autres que la simple menace des faces).

Par contre, nous ne rejoignons pas l’idée selon laquelle l’impolitesse, lorsqu’elle a été conventionnalisée par le contexte, ne doit pas être conçue comme menaçante (c’est aussi, en quelque sorte, la vision de Watts qui utilise le terme de politic pour désigner ce qui est conforme aux règles du jeu). La note ajoutée par Mills quelques pages plus loin dans son article illustre justement ce qu’elle semble avoir ignoré dans la citation ci-dessus notamment la distinction224 entre conventionnalisation d’un côté, et neutralisation de l’impolitesse de l’autre côté :

“[I]n the army training for example, it might be the case that one of the recruits considered the level of impoliteness as over-aggressive and therefore might lodge an official complaint about it. A participant at a conference on Language and Gender in Utrecht, 2000, stated that when he did his year’s army training, he found the level of impoliteness personally threatening and offensive. My point is that despite classifying this style of speech as impolite, nevertheless he recognised that it was ‘appropriate’ to the context and did not in fact complain to the authorities about it.” (ibid.: 86)

Mills mentionne ici (sans détailler pourtant) un aspect essentiel qui se trouve au cœur de notre vision de l’impolitesse et de la violence verbale : un comportement impoli considéré comme adéquat ne cesse pas d’être impoli de par son caractère conforme aux règles.

Prenons un exemple de nos extraits ; lors des critiques littéraires, les chroniqueurs de ONPC enchaînent les attaques, la plupart du temps sans aucune précaution locutoire. Leurs stratégies discursives sont menaçantes pour la face des invités, qu’il s’agisse des arguments ad rem ou des arguments ad hominem ; ces stratégies sont donc impolies puisque tout ce qui est dévalorisant pour la face d’autrui est impoli. En outre, rappelons-nous que la sincérité, prétendue et défendue par les co-animateurs, et la politesse ne font pas « bon ménage ».

Pourtant, aucun des invités ne considère l’expression de critiques (en l’occurrence, plutôt de mauvaises critiques) comme inappropriée :

(108) extrait 10

26 PL- et ben je vous dis que chacun voit midi à sa/- (.) heureusement\

224 Cette distinction est faite en revanche par Culpeper (2011).

Alina Oprea Le système de la politesse confronté aux défis du talk-show

150

88 PL- avoir tout bon c’est impossible\ c’est c’ que je disais tout à l’heure à propos des films\ en tout cas avoir tout bon/ ça veut dire plaire à tout le monde/\

manifestement ce livre/ avec sa tonalité la façon dont il est écrit\ ça ne veut plaît pas/ mais j’ai rien à dire pour ma défense

(109) extrait 5

90 CF- vous pouvez choisir des exégètes/ votre thèse\ vous avez le droit d’avoir votre thèse/

Car il faut distinguer le plan notionnel du plan pragmatique ; ainsi, les critiques ne sont pas rejetées, ni ne sont considérées comme inappropriées. Néanmoins, nous ne pouvons pas dire que diminuer la valeur du livre de quelqu’un devant les caméras ne comporte aucun risque pour la face de son auteur. Il s’agit bel et bien d’impolitesse, mais elle est autorisée, acceptée comme étant une des règles du jeu ; cela ne veut pas dire pour autant que ses effets ne sont plus ressentis par les personnes visées.

Dans cette perspective, nous considérons que nous avons deux grands types d’impolitesse ou de violence verbale : l’impolitesse/la violence adéquate ─ conventionnalisée donc par le contexte (indifféremment du fait que la cible prend ou non l’impolitesse au sérieux, qu’elle se sent ou non offensée); et l’impolitesse/la violence inadéquate ─ qui va plus loin que ce qui a été légitimé et ce qui est généralement considéré comme permis. Nous y reviendrons.

b. Le système d’attentes

Un autre concept similaire à ceux d’appropriation, de contrat de communication et de Communauté de Pratique est le concept d’attente(s), de système ou d’horizon d’attentes, compris comme l’estimation de la probabilité qu’un certain comportement se produise225. La notion d’attente se trouve d’ailleurs au cœur de la théorie de la politesse inférée vs. la politesse anticipée226 (voir Haugh 2003). Les attentes nous permettent finalement de délimiter (plus ou moins exactement) la zone d’appropriation au-delà de laquelle on risque d’être pénalisé pour avoir mis en danger le déroulement de l’interaction.

Bien évidemment, les interactants formulent leurs attentes selon des cadres et des normes, en fonction d’un écheveau de facteurs : le script des talk-shows (connu à travers les explications de l’animateur et la diffusion des éditions antérieures des talk-shows) ; l’identité (sociale, médiatique, politique, etc.) des actants qui vont « activer », dans chaque rubrique de l’émission, une facette de leur identité (par exemple, ils vont se montrer sérieux au moment du débat, mais ils seront détendus pendant le sketch humoristique, etc.) ; leurs histoires conversationnelles (entre certains acteurs il existe un longue histoire conflictuelle…) ; le sujet et le ton de la discussion (lors d’une polémique autour du racisme ou l’antisémitisme, on s’attend sans doute à un vrai duel verbal, à des attaques virulentes, des insinuations voire des injures, etc.) ; le rôle attribué à chaque actant (par exemple, on ne s’attend pas à ce que les

Bien évidemment, les interactants formulent leurs attentes selon des cadres et des normes, en fonction d’un écheveau de facteurs : le script des talk-shows (connu à travers les explications de l’animateur et la diffusion des éditions antérieures des talk-shows) ; l’identité (sociale, médiatique, politique, etc.) des actants qui vont « activer », dans chaque rubrique de l’émission, une facette de leur identité (par exemple, ils vont se montrer sérieux au moment du débat, mais ils seront détendus pendant le sketch humoristique, etc.) ; leurs histoires conversationnelles (entre certains acteurs il existe un longue histoire conflictuelle…) ; le sujet et le ton de la discussion (lors d’une polémique autour du racisme ou l’antisémitisme, on s’attend sans doute à un vrai duel verbal, à des attaques virulentes, des insinuations voire des injures, etc.) ; le rôle attribué à chaque actant (par exemple, on ne s’attend pas à ce que les