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Les obligations contractuelles imposées aux vendeurs d’un terrain pollué

§I- La dépollution des sites et sols pollués

B. Les obligations contractuelles imposées aux vendeurs d’un terrain pollué

Le droit d’accès à l’information environnementale souffre d’un cadre juridique

lacunaire et disparate267 au Maroc268. Nonobstant, son adhésion à la Convention de Rio en

263

Ex. la réalisation du bilan de l’état du milieu, les enjeux à protéger, les mesures de maîtrise de sources de pollution et les impacts, etc.

264

Loi ALUR.

265

Décr. portant application de l’article L. 512-21 du C. envir.

266

Loi ALUR.

267

Art. 27 de la Constitution précise que : « les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accès à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public » ; Le projet de loi qui garantit le droit d’accès à l’information environnementale a été adopté par le département ministériel de l’environnement en 2008 ; Le projet de la CNEDD souligne que : « l’accès à l’information environnementale détenue par toute personne doit être respecté pour assurer l’accomplissement de la présente Charte » ; L’art. 3 du Dahir n° 1-14-09 du 4 joumada I 1435 (6 mars 2014) portant promulgation

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1992269, qui consacre le droit d’accès à l’information environnementale270, et à l’agenda du

Programme des Nations Unies pour l’environnement271

portant sur les directives pour

l’élaboration d’une législation nationale sur l’accès à l’information272

. Selon ce constat, on essaiera de savoir, si l’obligation d’information précontractuelle lors de la vente d’un terrain pollué est assurée par une loi spéciale (1), ou si elle est sacrifiée à son tour sur l’autel de l’absence d’inventaire des terres contaminées dans ce pays ; de sorte que, la seule issue qui se

présente à l’acheteur est de recourir au droit commun (2).

1.L’obligation d’information environnementale spéciale

L’article 60 de la loi n° 28-00 du 22 novembre 2006 relative à la gestion et à

l’élimination des déchets dispose que le vendeur ait l’obligation d’informer par écrit l’acquéreur de l’historique du terrain objet du contrat ayant reçu l’implantation d’une installation classée, sous peine de nullité de l’acte. L’esprit de cet article se rapproche de

l’article L. 514-20273

du Code de l’environnement en France. Cet article impose, à son tour, au vendeur d’un terrain sur lequel une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation ou à déclaration, d’en informer par écrit l’acheteur. Toutefois, cet article rajoute que ce propriétaire doit informer, également, l’acheteur des dangers ou inconvénients, pour autant qu’il les connaisse. Dans le cas où le vendeur est l’exploitant, il est invité à indiquer par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la

de la loi n° 99-12 portant promulgation de la CNEDD confirme que toute personne à le droit « d’accéder à l’information environnementale finale et pertinente ».

268

Rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en collaboration avec le centre pour la libération des médias au moyen orient et en Afrique du Nord (CMF MENA) intitulé, établie en 2011 : « Vers un droit d’accès à l’information publique au Maroc : Etude comparative avec les normes et les meilleures dans le monde ».

269

Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement du 3 au 14 juin 1992, réaffirmant la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement adoptée à Stockholm le 13 juin 1972.

270

Art. 10 de la Convention de Stockholm précise qu’ : « au niveau national chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs activités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décisions ».

271

Un organisme, dépendant des Nations Unies, créé en 1972 ayant pour but :

- de coordonner les activités des Nations Unies dans le domaine de l’environnement ;

- assister les pays dans la mise en œuvre des politiques environnementales.

272

Bali le 24 févr. 2010.

273

Créé par l’art. 6 de la loi n° 92-646 du 13 juill. 1992 relative à l’élimination des déchets ainsi qu’aux ICPE, (JORF n° 162 du 14 juill. 1992, p. 9461), modifié par l’art. 15 de l’ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 et par l’art. 173 de la loi ALUR.

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manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L’acte de vente atteste de cette formalité.

L’article L. 514-20 du Code de l’environnement a été appliqué littéralement par la

jurisprudence. C’est ce qui ressort de la décision de la 3ème

chambre civile du 12 janvier

2005274. En l’espèce, la commune de Dardilly a acquis un terrain sur lequel une décharge a été

exploitée et dont l’activité a été arrêtée par décision préfectorale du 12 juin 1980. Cette commune a demandé la résiliation du contrat de vente à raison de l’absence d’information écrite sur l’existence d’une installation classée. Toutefois, la commune ne pouvait pas ignorer cette réalité du fait de la notification antérieure des arrêtés préfectoraux et des courriers échangés avec l’exploitant. Pourtant, le juge a bien tranché en faveur de la commune. Cette décision a été renforcée par plusieurs arrêts dont l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 4 mars

2008275 qui a consacré l’obligation d’information incombant au vendeur. L’article L. 125-6276

du Code de l’environnement enjoint à l’État de rendre publique les informations dont il dispose sur les risques de la pollution du sol. Cette prescription devait être précisée par un décret en Conseil d’État qui n’a jamais abouti. À ce titre, cet article a été modifié par la loi

pour l’accès au logement et un urbanisme rénové277 créant et développant d’autres mesures

d’information. Désormais, les propriétaires des terrains pollués situés sur un secteur

d’information sur les sols278

(SIS) doivent informer, en cas de vente ou de location, les contractants par écrit de la réalité des terrains concernés. L’acte de vente ou de location doit

attester de l’accomplissement de cette information279

.

274

Cass. 3ème civ., 12 janv. 2005, n° pourvoi 03-18.055, AJDA 2005. 421, obs. Wertenschlag ; RDI 2005. p. 104, obs. F.-G. Trébulle ; D. 2005. JUR. 2513, obs. Boutonnet.

275

En 1980, la Société Citadis a acquis, dans le cadre d’un projet d’urbanisation, un grand nombre de parcelles. Ces parcelles ont été vendues par la suite à la société SA Constructions Générales Méditerranéennes, dite CGM, devenue par la suite la SA Bouisse Finances afin de créer une plate forme logistique. Au cours des travaux, l’acquéreur a constaté que le sous-sol recèle des déchets. L’acquéreur a désigné un expert qui a conclu qu’une partie des terrains vendus comprenaient des déchets ménagers qui ne pouvaient pas être dangereux. Cet incident a poussé l’acquéreur à chercher la réparation du préjudice subi sur le fondement de l’art. L. 514-20 du C. envir. en parallèle des fondements classiques. Le TGI d’Avignon, confirmé par la CA. de Nîmes, a condamné le vendeur sur le fondement de l’art. L. 514-20 du C. envir., BDEI, 10 sept. 2008, n° 17, BDEI, p. 17, obs. A. Moustardier, F. Braud.

276

Créé par l’art. 188 de la loi n° 2010-788 du 12 juill. 2010 portant engagement national pour l’environnement

(ENE) dite Grenelle 2.

277

La loi ALUR.

278

Le décr. n° 2015-1353 du 26 oct. 2015 relatif aux secteurs d’information sur les sites prévus par l’art. L. 125-6 du C. envir. et portant diverses dispositions sur la pollution des sols et des risques miniers a défini la procédure d’élaboration des SIS et précisé certaines mesures de la loi Alur en matières de sites pollués.

279

51

Le manquement à l’obligation d’information peut exposer le vendeur ou le locateur à des sanctions. Il convient de préciser que la sanction définie par l’article L. 514-20 et L. 125-7 du Code de l’environnement ont été harmonisées. En effet, lors de l’apparition de la pollution, le débiteur de l’information dispose des mêmes délais d’action réservés aux garanties des vices cachés pour pouvoir agir, à savoir un délai de deux ans. Il appartient à l’acquéreur/ locateur d’obtenir la résolution du contrat de vente ou de se faire restituer une partie du prix de vente ou de demander la réduction du prix du loyer. Comme il peut demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.

Désormais, l’obligation d’information devient un instrument efficace de protection de

l’environnement280

.

2.L’obligation découlant des instruments classiques de protection de l’acquéreur

Au Maroc, le Dahir des obligations et contrats281 reste le seul cadre législatif pouvant

gérer les relations contractuelles et régler les différends entre l’acheteur et l’acquéreur.

D’après cette loi, le contrat se forme par la volonté des parties282. L’existence d’un

consentement libre et éclairé est nécessaire à sa formation283. Toutefois, ce consentement est

susceptible d’être altéré284. Ainsi, la personne lésée pourra s’appuyer sur les instruments

classiques définis dans le droit civil, à savoir, le dol285 ou le vice caché pour demander

280

M. Boutonnet, « Contrats et environnement : Quand l’obligation d’information devient instrument de développement durable », LPA, 26 janv. 2006, n° 19, p. 7.

281

Le D.O.C.

282

Art. 19 du D.O.C. affirme que : « la convention n’est parfaite que par l’accord des parties sur les éléments essentiels de l’obligation, ainsi que sur toutes les autres clauses licites que les parties considèrent comme essentielles. »

283

Art. 2, 2° du D.O.C.

284

Art. 39 du D.O.C dispose qu’il : « est annulable le consentement donné par erreur, surpris par dol, ou extorqué par violence. »

285

Art. 52 du D.O.C prévoit que : « le dol donne ouverture à la rescision, lorsque les manœuvres ou les réticences de l’une des parties, de celui qui la représente ou qui est de complicité avec elles, sont de telle nature que, sans ces manœuvres ou ces réticences, l’autre partie n’aurait pas contracté. »

52

l’annulation du contrat286. D’ailleurs, l’acquéreur peut se fonder, aussi, sur l’article 532 du

Dahir des obligations et des contrats287 expliquant que le vendeur est tenu de garantir la

jouissance et la possession paisible de la chose vendue à l’acheteur et les défauts de cette

chose. Dans le même sens, l’article 549 du Dahir des obligations et contrats288

soutient que : « le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l’usage auquel elle est destinée d’après sa nature ou d’après le contrat. »

Il convient de préciser qu’à partir de la date de la délivrance, l’acheteur dispose, seulement, d’un délai d’un an pour pouvoir demander la résolution du contrat et la restitution

du prix289. Ce délai est très court. Il ne permettra pas à l’acquéreur de s’apercevoir de

l’existence de la pollution. Il faut souligner que dans le cas où l’acquéreur préfère garder la

chose, il n’aura pas droit à une diminution des prix290

. Ces mécanismes juridiques peuvent s’appliquer en cas de vente d’un terrain pollué. Néanmoins, il existe des similitudes entre les

dispositions classiques et les dispositions spéciales de droit de l’environnement291. Cependant,

l’article 60 de la loi marocaine du 22 novembre 2006 réglemente la pollution émanant seulement des déchets.

Après avoir choisi le terrain sur lequel le bâtiment sera réalisé, le constructeur devra choisir les matériaux de construction.

286

Art. 316 du D.O.C dispose que : « la rescision de l’obligation a pour effet de remettre les parties au même et semblable état où elles étaient au moment où l’obligation a été constituée, et de les obliger à se restituer réciproquement tout ce qu’elles ont reçu l’une de l’autre en vertu ou en conséquence de l’acte annulé[…]. »

287 D.O.C. 288 D.O.C. 289 Art. 573 du D.O.C. 290 Art. 556 du D.O.C. 291

La jurisprudence française considère que le dol peut parfaitement s’appliquer aux obligations relatives aux informations environnementales (Cass. 3ème civ., 7 nov. 2007, n° pourvoi 06-18.617, JCP N déc. 2007, p. 1, obs. M. Boutonnet). Elle a soutenu, dans l’affaire connue sous le nom de Total Solvant contre plaine développement (La société Total Solvants a vendu le 23 déc. 1991 à la société Sem Plaine commune développement (la SEM) un ensemble immobilier anciennement à usage de stockage d’hydrocarbures afin de réaliser une opération de construction que la Sem a consenti une promesse de vente sur une partie du site à la société Férinel aux droits de laquelle sont venus la société George V industrie, puis Sari développement. La société a estimé que le bien était atteint d’un vice caché en raison de l’ampleur de la pollution) que l’ampleur de la pollution de la terre constitue un vice caché puisqu’elle l’a rendue impropre à sa destination (Cass. 3ème

civ., 8 juin 2006, n° pourvoi K 04-19.069. M. Boutonnet, « La pollution appréhendée par la garantie des vices cachés ou le passage du risque environnemental au risque juridique », Environnement déc. 2006, n° 134).

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§II- Le choix des matériaux respectueux de l’environnement

Les hommes ont, toujours, utilisé les gisements locaux tels que l’ardoise, le bois, l’argile, la chaux, la pierre, le pisé de terre, l’adobe, la paille, le bambou, etc. dans la

construction de leurs foyers292. Ce sont les premiers matériaux utilisés pour construire un

habitat au Maroc. Toutefois, à partir du XIIIème siècle, les industriels de bâtiments ont

employé de nouveaux matériaux dans la construction293. Avec le phénomène de la

mondialisation, la commercialisation de ces produits a prospéré dans tous les pays, y compris au Maroc.

La montée en puissance de la conscience de la pénurie de la terre a poussé les acteurs de la construction à militer pour la reconnaissance et le retour à l’utilisation des techniques et des

matériaux traditionnels adaptés aux conditions climatiques. Les architectes marocains294 se

sont alliés à cette cause. Ils luttent pour la renaissance et le perfectionnement des procédés ancestraux tout en les insérant dans le contexte de la modernité. Ils exploitent toutes les occasions qui se présentent pour vanter les performances esthétiques et écologiques de ces produits. Cette lutte a été couronnée par la création de l’association groupement des

architectes et ingénieurs terre (GAI terre) de Marrakech et Ait Ourir295.

Avec tous les avantages que procurera le retour à la construction de cueillette296 tant au

niveau écologique que sanitaire, il est nécessaire de s’interroger sur les moyens mis en œuvre

par le législateur marocain et français pour ne pas entraver la circulation de ces produits (B)

mais avant, on essaiera de présenter les avantages liés à l’utilisation des matériaux de

construction durable (A).

292

Ex. le Yémen avec la ville de Shibām, aux allures de Manhattan par ses immeubles de huit étages. Elle a été construite avec la terre cuite au XVIème siècle.

293

Ex. le béton a été redécouvert en 1756 par John Smeaton, l’acier qui est apparu avec l’évolution de la métallurgie vers 1786, l’aluminium qui a été découvert en 1807 par Humphry Davy, le ciment qui a été mis au point en France par Louis Vicat en 1817 et en Angleterre dans les années 1824, le métal (la Tour Eiffel a été créée en 1889), etc.

294

Ex. Salima Naji, auteur de plusieurs ouvrages sur les architectures vernaculaires du sud marocain dont : Art et architectures berbères, Portes du sud, Greniers collectifs de l’Atlas et fils de saints contre fils d’esclaves.

295

Une ville marocaine. Elle est située dans la région de Marrakech-Safi.

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