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La détermination du débiteur de la remise en état du site et sol pollué dans la législation marocaine

§I- La dépollution des sites et sols pollués

A. Le responsable de la remise en état du sol et site pollué

1. La détermination du débiteur de la remise en état du site et sol pollué dans la législation marocaine

En l’absence d’un droit des sols pollués dans la législation marocaine175

, l’administration aura la possibilité de croiser la législation des installations classées pour la

protection de l’environnement176

et du droit de déchets. Comme elle pourra s’intéresser, également, aux prescriptions du droit commun en vue d’identifier le responsable de la décontamination des sols et sites pollués.

Depuis le protectorat le législateur a réglementé l’ouverture des établissements

insalubres, incommodes et dangereux177 afin d’assurer la sécurité, l’hygiène, la commodité

publique et la protection de l’eau. Ce n’est qu’à partir du début du XXIème siècle qu’il ait

prescrit les conditions de fermeture de ces installations178. Ces mesures devraient prévenir la

réalisation du dommage à l’environnement et la santé de l’homme179

. Nonobstant, elles peuvent être vouées à l’échec. Le sol peut être pollué. Dans ce cas, l’administration doit

trouver le responsable de la remise en état du sol et site pollué180. Autrement, les collectivités

textes réglementant les établissements insalubres, incommodes ou dangereux, exploitée ou appartenant à une personne morale ou physique, publique ou privée, susceptible de constituer un danger ou une nuisance pour le voisinage, la santé, la sûreté, la salubrité publique, l’agriculture, la pêche maritime, les sites, les monuments ou tout élément de l’environnement. »

175

L’art. 7 de la loi cadre n° 99-12 du 6 mars 2014 portant CNEDD précise qu’il faut : « adopter un régime juridique particulier visant la protection du sol contre toutes les formes de dégradation et de pollution et consacrant l’affectation du sol en fonction de sa vocation ».

176

ICPE.

177

Dahir du 3 chaoual 1332 (25 août 1914) portant réglementation des établissements insalubres, incommodes ou dangereux, BO n° 97 du 7 sept. 2914.

178

Dahir n° 1-06-153 du 30 chaoual 1427 (22 nov. 2006) portant promulgation de la loi n° 28-00 du 22 nov. 2006 relative à la gestion des déchets et à leur élimination, BO n° 5480 du 7 déc. 2006.

179

Dahir n° 1-03-60 rabii I 1424 (12 mai 2003) portant promulgation de la loi n° 12-03 relative aux études d’impact sur l’environnement, BO n° 5118 du 19 juin 2003 ; Dahir n° 1-03-59 du 10 rabii I 1424 (12 mai 2003)

promulguant la loi n° 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement, BO n° 5118 du 19 juin 2003, p. 500.

180

Art. 34 de la loi cadre n° 99-12 du 6 mars 2014 portant CNEDD dispose qu’ : « un régime juridique de responsabilité environnementale offrant un niveau élevé de protection de l’environnement est mis en place. Ce

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locales vont supporter les dépenses rattachées à cette remise en état.

Le législateur a consacré la section 2 du chapitre VI de la loi n° 11-03 du 12 mai 2003 relative à la protection de l’environnement, intitulé des règles de procédure, a encadré la remise en état de l’environnement. L’article 3, 1, de cette loi avait défini l’environnement

comme étant « l’ensemble des éléments naturels […] ». Le sol fait partie de cet élément. De

ce fait, les dispositions de cette section seront appliquées à la remise en état du sol pollué.

L’exploitant a été désigné comme étant le seul débiteur de la décontamination du sol pollué181. Ainsi, le détenteur182 de l’installation classée n’a pas été mis en cause. Pourtant, l’article 11 de cette loi avait incité le détenteur et l’exploitant de prendre les mesures qui s’imposent pour lutter contre la pollution de l’environnent et le milieu naturel. Dès lors, ils devaient tous les deux supportés la charge de cette action. Néanmoins, la loi n° 28-00 du 22

novembre 2006 relative à la gestiondes déchets et à leur élimination avait décidé de mettre à

la charge du propriétaire en parallèle de l’exploitant cette obligation183

. Il semble que cette solution se soit alignée sur l’esprit du droit commun. En effet, l’article 88 du Dahir des

obligations et contrats184 précise que « chacun doit répondre du dommage causé par les

choses qu’il a sous sa garde, […] ». Dans le cas qui nous intéresse, c’est le propriétaire qui est gardien de son terrain, puisqu’il est chargé d’en assurer la surveillance, le contrôle et la direction et le seul à en avoir la maîtrise. De ce fait, par cette seule qualité la responsabilité de la décontamination du site peut lui être imputable. En outre, parce qu'il a accepté par

négligence ou par complaisance, des déchets sur son terrain. À ce titre, il consent à toutes les

conséquences juridiques qui en découlent. Aussi, en se fondant sur la théorie du

risque-profit185, cette responsabilité se confirme. Étant donné que le propriétaire est la seule personne

pouvant tirer profit de la vente ou de la jouissance de son bien. En engageant la responsabilité

régime est assorti de mécanismes de réparation de dommages, de remise en état et d’indemnisation des dégâts causés à l’environnement,[…]. »

181

Art. 70 de la loi n° 11-03 du 12 mai 2003 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement.

182

Art. 3, 13, de la loi n° 28-00 du 22 nov. 2006 relative à la gestion des déchets et à leur élimination dispose que : « toute personne physique ou morale ayant la possession de fait des déchets. »

183

Art. 51 de la loi n° 28-00 du 22 nov. 2006 relative à la gestion des déchets et à leur élimination.

184

D.O.C. ; C’est la codification du droit des contrats au Maroc. Il repose sur le Dahir du 12 août 1913 pendant la période du protectorat français.

185

Cette théorie est appelée également théorie du risque d’activité. C’est une théorie élaborée par la doctrine de la fin du XIXème siècle, (en particulier par Labbé, Raymond Saleilles ou Louis Josserand). Elle consiste à dire que celui qui tire profit d’une activité doit en supporter les charges, ce qui englobe l’indemnisation des dommages qu’elle provoque.

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du propriétaire, le législateur a ignoré le principe pollueur-payeur186 (PPP), pourtant consacré

par la législation marocaine187.

L’imputation de la décontamination des sites pollués aux propriétaires constitue une véritable insécurité juridique. Dorénavant, les propriétaires doivent être vigilants. Cela dit, le législateur n’a pas précisé les cas et les conditions dans lesquels le propriétaire sera tenu à remettre le site en état. Toutefois, il a sommé l’exploitant de préparer un plan de la remise du site en fin d’exploitation de la décharge et déposer une garantie financière destinée à couvrir

les dépenses afférentes à cette réhabilitation lors de l’ouverture de la décharge188. Il faut

espérer que cette garantie suffira à couvrir les frais de la remise du site à « son état initial ou

dans un état écologiquement acceptable »189.

La détermination des objectifs à atteindre pour la remise en état du sol pollué est laissée

à l’appréciation de l’administration190

. À l’issue des travaux, elle procède à un examen des lieux et prend une décision donnant quitus lorsque les travaux accomplis sont conformes à ses

186

Ce principe a été créé en 1972 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Il figure dans l’acte européen signé en 1986. Il fait partie d’un ensemble de principes (principe de précaution, principe d’action préventive et correction, principe selon lequel toute personne à le droit d’accéder à l’information relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques, le principe de participation). Il a été défini par l’art. L. 110-1, II, 1° du C. envir., comme étant : « le principe selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celles-ci doivent être supportés par le pollueur ». Ce principe a été inspiré par la théorie économique selon laquelle les coûts sociaux externes qui accompagnent la production industrielle (dont le coût résultant de la pollution) doivent être internationalisés, c’est-à-dire pris en compte par les agents économiques dans leur production.

Dans une acception large, le PPP vise à imputer au pollueur le coût social de la pollution qu’il engendre. Cela conduit à entraîner un mécanisme de responsabilité pour dommage écologique couvrant tous les effets d’une pollution non seulement sur les biens et les personnes mais aussi sur la nature elle-même.

Dans une acception plus limitée, qui est celle retenue par l’OCDE et la Communauté économique européenne (CEE), il vise à faire prendre en charge les dépenses de lutte contre la pollution par le pollueur.

Il a été consacré par l’art. 2 de la loi relative à la mise ne valeur et à la protection de l’environnement ; M. Baucomont, « Vers un principe pollué-payeur ? La mise en danger des acquéreurs et loueurs de sols pollués », BDEI n° 1/2000, p. 30.

187

Le PPP a été adopté par la loi n° 10-95 du 16 août 1995 sur l’eau ; L’art. 2 de la loi cadre n° 99-12 du 6 mars 2014 portant CNEDD a énuméré plusieurs principes dont le principe de responsabilité qui « signifie que toute personne, physique ou morale, publique ou privée, à l’obligation de procéder à la réparation des dommages causés à l’environnement. »

188

Art. 5, § 2 du décr. n° 2-09-284 du 20 hija 1430 (8 déc. 2009) fixant les procédures administratives et les prescriptions techniques relatives aux décharges contrôlées, BO n° 5802 du 07 janv. 2010.

189

Art. 51 de la loi n° 28-00 du 22 nov. 2006 relative à la gestion des déchets et à leur élimination.

190

38

prescriptions191. De même qu’en cas de fermeture de cette décharge, l’exploitant doit présenter un dossier contenant les dates et les échéanciers d’exécution des mesures contenues

dans le plan de réhabilitation192. Dans le cas où aucune remise en l’état n’a été réalisée,

l’administration peut, après avoir mis en demeure la personne concernée par les mesures

imposées, exécuter les travaux à ces frais193.