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Objet du contrat de licence et objet de la prestation du donneur de licence

Dans le document La licence de droit d'auteur (Page 49-52)

DROIT D’AUTEUR

1. Objet du contrat de licence et objet de la prestation du donneur de licence

Eriger l’objet du contrat de licence en élément de qualification est une approche pour le moins classique : il s’agit de tirer de l’examen du « contenu du contrat »161 les traits marquants de son identité, et cette « identité » n’est autre que sa qualification.

Néanmoins, classicisme ne signifie pas simplicité, tant il est commun de relever l’ambiguïté de la notion d’objet, susceptible de diverses perceptions, chacune étant en fait relative à la notion à laquelle on l’applique. L’objet désignera dans les termes mêmes du Code civil, l’objet de l’obligation (articles 1129 à 1130 du Code civil), c’est-à-dire la prestation, censée refléter une acception stricte, voire « correcte », de la notion162. Selon une conception plus compréhensive (articles 1126 à 1128 du Code civil), « l’objet du contrat » pourra également désigner l’opération juridique voulue des parties163. Cette dernière acception suggère une approche globale de l’opération contractuelle164. Alors même que l’on en fait un outil d’identification et de classement des contrats, la notion est parfois réduite à celle de

161 Classiquement, l’étude du « contenu du contrat » consiste dans l’étude de son objet, de sa cause et de sa conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs (v., par ex : F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les

obligations, 10e éd., Dalloz, 2009, n° 264.).

162 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, op. cit., n° 265 ; Ph. Malaurie, L. Aynès, Ph. Stoffel-Munck, Les

Obligations, 3e éd., Defrénois, 2007, n° 596 ; Ph. Malinvaud, Droit des obligations, 10e éd., Litec, 2007, n° 232.

163 H., L. Mazeaud et J. Mazeaud, F. Chabas, Leçons de droit civil, t.II, vol. 1, Obligations, théorie générale, 9e

éd. par F. Chabas, Montchrestien, 1998, n° 231 et n° 244. Ce sens est relevé dans tous les ouvrages de droit des obligations cités. Pour une étude approfondie de cette acception de la notion d’objet, prise comme « la finalité globale et immédiate poursuivie par les parties » ou encore « l’opération juridique concrète voulue par les parties », dépassant la juxtaposition des obligations, v. A.-S. Lucas-Puget, Essai sur la notion d’objet du contrat, LGDJ, 2005, v. par ex. n° 371. Sur la distinction de la notion d’objet du contrat de la notion de cause, qui lui est souvent rapprochée dans ses différentes acceptions. (v. Ibid. n° 436 et ss.). – Sur les différentes acceptions de la notion d’objet, adde : J. Ghestin, Traité de droit civil. La formation du contrat, 3e éd., LGDJ, 1993, n° 675 et ss.

164 V. en ce sens : F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, op. cit., loc. cit. – Notons que la notion d’objet du contrat ainsi comprise est contestée dans son utilité. Par exemple, l’illicéité de « l’objet du contrat » peut être atteinte au travers des notions d’objet des obligations ou de cause, v. par ex. : Ph. Malinvaud, op. cit., n° 232 et ss.

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prestation caractéristique, apte à qualifier le contrat165. Il arrivera encore que l’objet d’un contrat portant sur une chose à quelque titre que ce soit, sans préjuger de sa nature juridique, désigne par ellipse la chose, qui est en fait l’objet de cette prestation, l’œuvre dans notre cas. C’est d’ailleurs par la lecture des ouvrages de droit des contrats spéciaux que l’on vérifie cette pluralité des sens attachés à la notion d’objet. Par exemple, au titre classiquement intitulé « Objet du bail » correspondent parfois les développements consacrés exclusivement à la « chose », objet de la prestation du bailleur166, illustrant cette présentation par ellipse. Plus fréquemment, le traitement de la chose est, au sein du traitement de l’objet du contrat, le préalable à l’étude des obligations à proprement parler du bailleur ou du preneur167. Nous ne prétendrons pas départager les acceptions correctes d’autres qui seraient fausses : toutes reflètent une vision du contrat. Un choix est cependant nécessaire.

2. Plan. S’agissant d’identifier un contrat dont l’identité même est contestée, il

nous apparaît opportun de suivre des chemins méthodologiques tracés. La qualification de l’objet de la prestation du donneur de licence : la chose, l’œuvre appropriée168 (Titre 1 – L’objet de la prestation du donneur de licence : un objet de propriété littéraire et artistique), nous permettra d’aborder dans un second temps l’étude de l’objet du contrat à proprement parler, composé des obligations et effets qu’il produit, permettant la qualification de ce dernier (Titre 2 – L’objet du contrat de licence : un mise à disposition temporaire rémunérée).

165 Sur ce point, V. infra n°142.

166 Au titre « L’objet du bail » correspondent exclusivement les développements consacrés à la « chose » : P.-H. Antonmattei, J. Raynard, Droit civil Contrats spéciaux, 5e éd., Litec, 2007 n° 296.

167 Pour quelques exemples : sous un titre similaire, on trouve également l’étude de la « chose », avant l’étude des obligations à proprement parler : V. A. Bénabent, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, 9e éd., Montchrestien, 2011, n° 523, ; J. Huet, Traité de droit civil, dir. J. Ghestin, Les principaux contrats spéciaux, 2e

éd. LGDJ, 2001. p. 629. En revanche ce titre « Objet du bail » n’est pas utilisé dans : Ph. Malaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux, 4e éd., Defrénois, 2009 ; F. Collart Dutilleul, Ph. Delebecque, Contrats civils

et commerciaux, 9e éd., Dalloz, 2011.

168 Les notions d’œuvre appropriée en vertu du droit d’auteur ou par le régime de la propriété littéraire et

artistique doivent, ici, être tenues pour équivalentes. La seconde expression a l’avantage de renseigner sur la

nature du droit en cause, éclairage qui prend tout son sens dans ce Titre I. Elle a pour défaut de maintenir, dans les mots, la matière dans des domaines prestigieux, mais restreints. Pour cette raison, sans que ce choix ne porte d’effets particuliers, lui préférons généralement la notion plus générale de « droit d’auteur ».

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TITRE 1 – L’OBJET DE LA PRESTATION DU DONNEUR DE

LICENCE : UN OBJET DE PROPRIETE LITTERAIRE ET

ARTISTIQUE

3. La qualification d’un contrat « sur une chose » suppose la qualification préalable de cette chose. La licence de droit d’auteur appartient à la famille des contrats sur

les choses169. Pourquoi définir cette chose ? Parce qu’une autorisation contractuelle suppose un interdit légal préalable, faute duquel elle n’aurait aucun objet. Dans notre cas, cette interdiction consiste dans le pouvoir d’interdire attribué par la loi au propriétaire de l’œuvre. Cerner le domaine de l’autorisation contractuelle impose donc que l’on délimite le domaine, l’assiette, de cet interdit légal. Cette assiette consiste dans une chose appropriée : l’œuvre de l’esprit.

La réponse à notre question semble dès lors s’imposer d’elle-même : là où est la chose se trouve l’interdiction, et donc la nécessité d’une autorisation pour lever cette interdiction. Relever le domaine d’application du droit d’auteur sur un objet incorporel, c’est indirectement relever le domaine du contrat d’exploitation dont il pourra, éventuellement, être l’objet. Cette identification est indispensable en droit d’auteur. Effet, si l’œuvre est considérée comme la chose, objet de la prestation du donneur de licence, cette chose dépourvue de corpus n’a d’existence et ne trouve ses limites que par la description qu’en fait la loi.

Traiter de la chose n’est donc pas une fin en soi de ce travail, mais son préalable nécessaire. Il ne s’agira donc pas d’une étude exhaustive de la nature de l’œuvre pouvant être donnée en licence – de précédents travaux s’y sont déjà consacrés170 – mais d’une synthèse

169 Catégorie utilisée dans certains ouvrages de droit des contrats spéciaux : « Les contrats sur les choses » P.-H. Antonmattei, J. Raynard, op. cit., p. 15. – « Contrats relatifs aux biens », F. Collart Dutilleul, Ph. Delebecque,

Contrats civils et commerciaux, 9e éd., Dalloz, 2011, n° 31. Elle se divise en contrats translatifs et contrats de mise à disposition.

170 V. les travaux cités au Ch. 1, présentant un large éventail de thèses. Citons en particulier :

S. Alma-Delettre, Unité ou pluralité des propriétés intellectuelles ?, Thèse, Montpellier, 1999 ; J.-S. Bergé, La

protection internationale et communautaire du droit d’auteur. Essai d’une analyse conflictuelle, LGDJ, 1996 ;

P. Kamina, L’utilisation finale en propriété intellectuelle, Thèse, Poitiers, 1996 ; B. Laronze, L’usufruit des

droits de propriété intellectuelle, PUAM, 2006 ; C. Neirac-Delebecque, Le lien entre l’auteur et son œuvre,

Thèse dactyl., Montpellier, 1999 ; S. Raimond, La qualification du contrat d’auteur, Litec, IRPI, 2009 ; J. Raynard, Droit d’auteur et conflits de lois. Essai sur la nature juridique du droit d’auteur, Litec, 1990 ; P. Recht, Le droit d’auteur, une nouvelle forme de propriété, LGDJ, 1969 ; A. Robin, La copropriété

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