• Aucun résultat trouvé

Exclusions : éléments de droit comparé. La comparaison des systèmes

Dans le document La licence de droit d'auteur (Page 35-47)

juridiques est plus systématique dans les ouvrages de droit d’auteur anciens que dans les plus récents, comme si notre législation aspirait désormais à une certaine suffisance. Dès lors, à quelques exceptions près, cette approche comparatiste semble réservée à des études dédiées124. Sans doute attend-on de l’Union Européenne un rapprochement entre législations

privé, GLN Joly, 1995 ; J.-S. Bergé, La protection internationale et communautaire du droit d’auteur. Essai d’une analyse conflictuelle, LGDJ, 1996 ; A. Vacher-Roederer, Les licences internationales de droits de la propriété intellectuelle – Contribution à la théorie du contrat de licence, Thèse, Paris 2, 2007 ; adde : M. Walter,

La liberté contractuelle dans le domaine du droit d’auteur et les conflits de lois, RIDA, janv. 1976, p. 45.

122 D’ailleurs, les outils laissés par l’internationaliste sont d’une polyvalence telle que nous en ferons à notre tour l’usage. Ainsi, envisageant la notion de « prestation caractéristique » au travers ses différentes fonctions, en droit interne et en droit international : M.-E., Ancel, La prestation caractéristique du contrat, Economica, 2002.

123 Ce qui est précisément l’objet de la thèse de M. Raynard (op. cit., v. spéc. n° 8 et ss. sur les origines historiques de la protection de l’œuvre de l’esprit dans un contexte international).

124 Par ex. : A. Strowel, Droit d’auteur et copyright divergences et convergences Etude de droit comparé, Bruylant-LGDJ, 1993 (quoique n’abordant pas la question contractuelle) ; A. Lucas-Schloetter, Droit moral et

droits de la personnalité, Etude de droit comparé français et allemand, PUAM, 2002 ; M. Josselin-Gall, op. cit. ;

M. Markellou, Les contrats d’exploitation de droit d’auteur en droit comparé (Allemagne, France, Grèce), Thèse, Montpellier, 2009 ; adde : M. Cornu, I. de Lamberterie, P. Sirinelli, C. Wallaert, Dictionnaire comparé

du droit d’auteur et du copyright, CNRS éditions, 2003. – Pour quelques articles et études de référence, v. par

ex. : A. Dietz, Le droit d’auteur dans la Communauté européenne. Analyse comparative des législations

nationales relatives au droit d’auteur face aux dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne. Etude réalisée à la demande de la Commission des CE, Coll. études Série secteur culturel n° 2,

Bruxelles, juill. 1976 ; du même auteur : Le droit primaire des contrats d’auteur dans les états membres de la

communauté européenne. Situation législative et suggestions de réforme. Etude réalisée à la demande de la commission des CE. Publications de la commission – Etudes, série secteur culturel, 4, 1981 ; G. Boytha, La

législation nationale relative aux contrats d’auteur dans les pays suivant la tradition juridique de l’Europe continentale, Le Droit d’auteur, oct. 1991, p. 208 ; du même auteur, Le développement des dispositions législatives relatives aux contrats d’auteurs, RIDA, juil. 1987, n° 133, p. 41 ; D. De Freitas, Les contrats de droit d’auteur. Etude des clauses des contrats d’exploitation d’œuvres protégées par le droit d’auteur dans le cadre du régime juridique des pays de common law, Le Droit d’auteur, nov. 1991, p. 232 ; D. Reimer, Remarques de droit comparé sur la liberté des contrats en matière de droit d’auteur, RIDA, avril 1977, LXXXXII, p. 3 ; adde : J. A. L. Sterling, World Copyright Law, Sweet & Maxwell, Londres, 2003 (spéc. n°1.14 et ss. sur les différences entre

26

nationales125. La Directive n° 2001/29 du 22 mai 2006 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) constitue un exemple intéressant. Son considérant n° 30 indique : « Les droits visés dans la présente directive peuvent être transférés, cédés ou donnés en licence contractuelle, sans préjudice des dispositions législatives nationales pertinentes sur le droit d’auteur et les droits voisins. ». Ce que l’on peut comprendre en deux sens : à chaque pays son propre système de qualifications contractuelles des contrats du droit d’auteur ; ou encore : la reconnaissance de la cession aux côtés de la licence n’est pas incompatible avec ces différentes législations. En raison de la source et de l’objet de ce texte, la première interprétation semble raisonnablement la meilleure. Exclure la dimension comparatiste de cette recherche ne nous nous privera cependant pas de nourrir notre réflexion de quelques exemples empruntés à d’autres systèmes ; dès à présent, il importe de nous pencher sur quelques-uns des plus significatifs.

D’autres systèmes juridiques relevant du droit continental (famille dite romano-germanique), qui évoquent pareillement la « transmission », la « cession » du droit d’auteur, sont susceptibles d’offrir des incertitudes comparables à celles du système français quant à la qualification contractuelle. Il en va ainsi du droit italien126, qui tout en évoquant la transmission du droit d’auteur, fixe une durée limitée au contrat d’édition127 qui évoquera davantage la licence, la concession (« l’autore concede », article 118 de la loi n° 633 du 22 avril 1941, modifiée128), que la « trasmissione » ou l’« alienazione » pourtant annoncées par la même loi (v. art. 107 et 117). Le système espagnol, dans le même esprit, recourt à la notion de cession, mais impose sa délimitation dans un esprit très proche du droit français. Précision originale cependant : à défaut d’indication dans l’acte, le contrat voit sa durée

125 « Afin de faciliter un harmonisation européenne, il serait souhaitable de reconnaître, à côté de la cession (seul terme utilisé dans le Code français de la propriété intellectuelle), la concession de droit d’auteur (« licence »), n’opérant aucun transfert de propriété au profit de l’exploitant. Ces différentes qualifications contractuelles existent dans de nombreux pays européens et sont reprises dans de nombreux textes communautaires. », Ch. Geiger, in Perspectives d’harmonisation du droit d’auteur en Europe, Rencontres franco-allemandes, M. Bouyssi-Ruch, Ch. Geiger, R. M. Hilty (dir.), Litec-Editions du JurisClasseur, 2007, n° 29, p. 522.

126 Relevant que la « transmission » visée par la loi italienne (v. note infra) inclut les notions de cession et de concession : V. de Sanctis, En matière de transmission du droit d’auteur, Etudes sur la propriété industrielle littéraire et artistique, in Mélanges Marcel Plaisant, Sirey, 1960, p. 287.

127 Moyennant quelques exceptions, la loi transalpine limite la durée des contrats d’édition à 20 ans. Il existe en fait deux contrats assez proches : contrat per edizione et contrat a termine. Le contrat dit « per edizione » (pour édition) confère à l’éditeur le droit de réaliser une ou plusieurs éditions dans un délai de 20 ans à compter de la livraison du manuscrit complet. À défaut d’indications, le contrat est réputé avoir pour objet une seule édition d’un tirage maximum de 2000 exemplaires. Le contrat d’édition dit « a termine » (à terme) confère quant à lui à l’éditeur le droit de réaliser le nombre d’éditions qu’il estime nécessaire pendant le délai fixé, qui ne peut excéder 20 ans. Ce délai de 20 ans ne s’applique pas aux contrats d’édition concernant certains types d’œuvres (les encyclopédies et les dictionnaires ; les esquisses, dessins, gravures, illustrations, photographies et œuvres similaires à usage industriel ; les travaux de cartographie ; les œuvres dramatico-musicales et symphoniques).

128 Loi n° 633 du 22 avril 1941 : Protezione del diritto d’autore e di altri diritti connessi al suo esercizio (Loi sur la protection du droit d’auteur et des droits voisins).

27

limitée à 5 ans (article 43 de la loi espagnole du 11 novembre 1987) ; le contrat d’édition est limité à une durée de 15 ans (art. 69). Ces modalités relèvent davantage de la licence que de la cession, bien que celle-ci soit également envisageable129. Le système allemand, quant à lui, est souvent présenté comme détenant une part d’originalité : la conception moniste qu’il déploie rend en effet indissociable la composante morale et la composante patrimoniale130. Ce système interdirait le recours à la notion de cession au profit de celle de concession, c’est-à-dire de licence. On observera cependant que ce système atteint des résultats comparables au nôtre, et permet à l’exploitant d’être investi définitivement du droit « concédé »131. La loi belge propose en revanche une typologie plus nette, qui correspond à celle que le droit français connaît sans la nommer : « Article 3. § 1. Les droits patrimoniaux sont mobiliers, cessibles et transmissibles, en tout ou en partie, conformément aux règles du Code civil. Ils peuvent notamment faire l’objet d’une aliénation ou d’une licence simple ou exclusive. »132. Ces systèmes ont pour point commun avec le nôtre l’élaboration de contrats aux régimes détaillés, organisant l’exploitation de l’œuvre (édition, représentation), au lieu de la seule évocation de l’autorisation d’exploiter (licence et/ou cession).

Au-delà du jeu stimulant des ressemblances et des différences, l’étude des solutions retenues par d’autres systèmes juridiques, et particulièrement le système de copyright, est parfois une source de remise en question, et présente à ce titre un intérêt véritable. Dans un article à l’objectivité éclairante, Monsieur Dietz133 rappelle qu’un principe de non-identité de la durée du droit et de la durée du contrat, méconnu du droit français, s’est épanoui dès les origines du copyright ; on en retrouve aujourd’hui l’idée dans le droit inaliénable de résilier l’assignment (cession) ou la license après 35 ans en copyright américain134. Or, ce système est

129 Sur ces dispositions (loi 22/1987), notant la possibilité théorique d’une vente, v. M. Josselin-Gall, op. cit., n° 62 et ss.

130 Pour une référence récente (la loi allemande du 9 sept. 1965 « Urheberrechtsgesetz » dite « UrhG », réformée le 22 mars 2002) : A. Lucas-Schloetter, Le droit contractuel d’auteur allemand depuis la réforme du 22 mars 2002, Prop. intell., act. 2005, n° 17, p. 403.

131 Sur la proximité possible de certaines « concessions » avec la cession admise par la loi française : M. Josselin-Gall, op. cit. n° 57 et s. ; A. Dietz, Le droit d’auteur dans la Communauté européenne, étude préc. n° 532. Le système allemand, considéré comme « l’inventeur » du droit moral, sera évoqué plus loin. Il est intéressant de constater que ce système très attaché aux intérêts moraux de l’auteur parvient à des solutions pourtant très libérales par ailleurs (comme l’absence théorique de formalisme contractuel).

132 La loi belge du 30 juin 1994 officialise ces distinctions (elle fait suite à une loi du 22 mars 1886), v. A. Cruquenaire, L’interprétation des contrats en droit d’auteur, Larcier, Coll. Création Information Communication, 2007, v. n° 15.

133 A. Dietz, Le problème de la durée de protection adéquate du droit d’auteur sous l’aspect de la réglementation des contrats d’auteur, Propriétés intellectuelles, Mélanges en l’honneur d’André Françon, Dalloz, 1995, p. 107. V. aussi : D. De Freitas, op. cit, n° 150.

134 United States Code, Title 17 – Copyright (Copyright Act du 19 oct. 1976) : « Résiliation des transferts opérés et des licences concédées par l’auteur : Art. 203. - a) Conditions de la résiliation. Dans le cas d’une œuvre autre qu’une œuvre créée dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage ou de services, le transfert ou la concession

28

réputé pour la grande liberté contractuelle et son ignorance relative des intérêts moraux de l’auteur. L’idée de ne pas calquer la durée du contrat sur celle du droit ne serait pourtant en rien étrangère à la tradition française du droit d’auteur135. A tenter une comparaison, la termination of rights ne heurterait en rien l’esprit de notre loi, système en partie dérogatoire dans un objectif de protection de la partie faible. Pour le reste, si le système des contrats du copyright se prête à la comparaison, il diffère toutefois du système contractuel du droit d’auteur, dont il ne peut être la transposition. La distinction entre l’assignment et l’exclusive ou la simple license136 ne reprend pas celle que nous voudrions établir entre cession et licence : elle tient davantage à l’étendue des droits cédés qu’à une qualification telle que nous l’entendrons. Ainsi, l’assignment peut être temporaire… tout comme la license. Il est vrai que la licence, du fait de la circulation des œuvres sur les réseaux et des pratiques en matière de logiciel, est souvent reliée à la terminologie anglo-saxonne de la license (également Licence). Or, ce rapprochement pourrait s’avérer trompeur.

La reconnaissance de la licence en France conduira, de fait, à une harmonisation souhaitable qui facilitera la compréhension entre des acteurs de la création qui se jouent des frontières. Mais il nous importe de démontrer que la licence de droit d’auteur, si elle peut produire des effets similaires et constituer un langage commun, n’est pas le fruit de la transposition de la license of copyright. Elle est avant tout, ce qu’il conviendra de démontrer, la transposition du contrat de bail. Aussi souhaitable soit-elle, la recherche d’une harmonisation des systèmes juridiques nous paraît en revanche constituer une impasse intellectuelle, en termes de méthode, lorsqu’il s’agit d’affirmer l’existence d’une institution137 contractuelle dans notre droit.

sous licence, à titre exclusif ou non, du droit d’auteur ou de tout droit qui s’y attache, effectué par l’auteur au 1er janvier 1978 ou après cette date, autrement que par testament, peut être résilié dans les conditions suivantes : (…) 3) La résiliation du transfert ou de la licence peut intervenir à tout moment au cours d’une période de cinq ans commençant à l’expiration des 35 années qui suivent la date à laquelle le transfert a été opéré ou la licence concédée (…) » (version française disponible sur le site de l’OMPI : www.wipo.int). V. M. Josselin-Gall, thèse préc., sur les contrats du copyright anglais (v. n° 74) et ss. et américain (v. n° 86 et ss).

135 M. Dietz l’analyse ainsi : « Cet exemple important qui, semble-t-il, est trop peu connu en Europe, mériterait d’être étudié dans un contexte plus large analysant, tout en recherchant d’autres exemples d’autres pays, les raisons pour lesquelles un tel principe de non-identité entre durée de protection et durée du contrat devrait plutôt être la règle que l’exception. », A. Dietz, Le problème de la durée de protection adéquate du droit d’auteur sous l’aspect de la réglementation des contrats d’auteur, in Propriétés intellectuelles, Mélanges en l’honneur d’André

Françon, Dalloz, 1995, p. 107. On ne s’étonnera donc pas de voir ce mécanisme évoqué favorablement par une

doctrine par ailleurs très attachée à la tradition française du droit d’auteur. V. en ce sens : F. Pollaud-Dulian, La durée du droit d’auteur, RIDA, avril 1998, n° 176, p. 83 (v. spéc. p. 155).

136 Sur lesquelles : M. et D. Nimmer, Nimmer on copyright, Matthew Bender éd., 1984, vol. 3, v. ch. 10 :

Assignments, licenses, andother transfers of rights.

137 Institution, ici dans un sens large : « toute organisation créée par la coutume ou la loi positive, fût-elle un simple moyen de la technique juridique » M. Hauriou, Principes de droit public, 2e éd., Sirey, 1916, p. 109.

29

L’étude de la licence de droit d’auteur interroge avant tout les catégories du droit civil. Ces catégories étant multiples, selon quel ordre, selon quelle méthode devrons-nous opérer ?

XIV. L’étude de la licence de droit d’auteur interroge les catégories du droit civil138. Au premier chef, c’est donc la catégorie des contrats autorisant un usage temporaire

d’une chose qui est ici en jeu. On songe principalement – mais non pas exclusivement – au contrat de bail. Est-il nécessairement exclusif, temporaire, onéreux ? Si la contrepartie de la jouissance de l’œuvre n’est plus un loyer, une redevance, mais une part sociale, s’agit-il toujours d’un contrat de licence ? Comment ce qui n’est pas caractéristique pourrait-il disqualifier un contrat ? Lorsque l’auteur, dit-on, « apporte » son œuvre à une société de gestion collective, sans que cet apport ne donne lieu en tant que tel à l’attribution d’une part sociale, c’est bien la notion d’apport en société qui sera jaugée. Lorsque l’auteur se satisfera de l’intérêt moral et de la notoriété que lui procure la diffusion de son œuvre, la qualification de bail devra céder le pas à celle de prêt, quand bien même celui-ci serait « intéressé ». Avant de qualifier et d’élaborer un régime, encore faut-il s’entendre sur ce qui, dans un contrat, est onéreux ou gratuit. Parce qu’elles constituent autant de prérequis à l’étude des contrats, d’autres catégories cardinales seront interrogées. On enseigne ainsi que le contrat est « nommé » dès lors que la loi l’identifie et le pourvoit d’un régime. Mais comment expliquer alors que les contrats de notre matière, régis pas la loi depuis plus d’un demi-siècle, soient encore tenus pour « innommés » ou « sui generis » ? C’est probablement que ces notions, sous la rassurante apparence de la summa divisio, sont également plus nuancées qu’il n’y paraît.

Cet exercice est des plus stimulants. A chaque époque sa comparaison, ses sous-entendus. Hier, le contrat liant l’auteur avec son exploitant était comparé, en droit comme en littérature, au métayage139 : preuve des liens vitaux tissés autour d’un fonds si particulier. Il le

138 Ce qui est naturel dans la mesure où le travail de qualification consiste, avec les limites que l’on verra, à faire entrer les données des contrats du droit d’auteur dans les catégories du droit civil. Nous verrons également ce qu’il peut y avoir de réducteur à ne tenir pour « qualifié » que ce qui satisfait aux catégories du Code civil.

139 - En littérature : « « Mes anciens fermiers », dit Balzac. Si l’artiste est noble, s’il est un aristocrate de la pensée, ses éditeurs ne peuvent être que des métayers auxquels il consent une sorte d’avance foncière : le manuscrit à transformer en livre. À ces exploitants, il revient de faire les avances financières nécessaires et de verser une redevance – des droits d’auteur – au propriétaire. », S. Vachon, Les « fermiers » d’Honoré de Balzac,

L’Année balzacienne, 2000/1, n° 1, p. 25. C’est également le contrat « à compte d’auteur » qui est visé ici,

aujourd’hui nettement distingué, en droit comme « sociologiquement », du contrat d’édition à proprement parler, qui n’implique aucune participation financière à la charge de l’auteur.

- En droit : M.-E. Ancel, La prestation caractéristique du contrat, Economica, 2002, n° 181, p. 127 et s. Cet auteur compare le contrat d’édition avec le métayage, forme spéciale de bail par laquelle « un bien rural est donné à bail à un preneur qui s’engage à le cultiver sous la condition d’en partager les produits avec le bailleur » (art. 417-1 du Code rural). Mais le rattachement de cette dernière formule au bail n’est pas acquis, et on le

30

fut ensuite à une société en participation, mettant en avant l’intérêt commun que les parties trouvent à leur rencontre. Mais n’oublions pas que l’exploitant se doit de faire fructifier une chose immatérielle appartenant à autrui : le contrat sera comparé à la location-gérance, aujourd’hui à la fiducie-gestion. A l’extrême, lorsque les utilités de l’œuvre audiovisuelle ne seront tenues que pour un court instant, il sera comparé à l’antique precarium. Ces tentatives d’assimilation sont toujours saisissantes, jusqu’à ce qu’à la faveur d’une analyse plus minutieuse, l’étape de l’analogie soit franchie. Rattacher les contrats du droit d’auteur au droit civil poursuit un louable objectif de rationalisation ; or, les formules de notre Code civil n’offrent pas toujours des bases intangibles que l’on pourrait espérer.

Notre objectif est donc de parvenir à une meilleure connaissance de la licence de droit d’auteur. Or, identifier et classifier la licence suppose évidemment pour point de départ une vue d’ensemble sur les contrats de la matière dans laquelle nous cherchons à la situer. En tenant compte des acquis de la doctrine, il convient d’élaborer la méthode la plus propice à cette fin.

XV. Méthode « traditionnelle » d’étude des contrats du droit d’auteur : droit spécial et droit commun. La conciliation ou la confrontation du général (droit civil) et du

spécial (droit d’auteur) est devenue une démarche récurrente de la doctrine attachée à la connaissance des différents contrats du droit d’auteur140. Cette confrontation accède à la maturité, au point qu’il est permis d’y voir une véritable méthode consacrée en la matière. Le droit d’auteur constitue un terreau des plus fertiles pour ces investigations. La liberté de s’obliger, tenue pour une émanation du général, entrera en contradiction avec le spécial. rapproche volontiers de la société sans personnalité morale (v. par ex. Ch. Aubry et Ch. Rau, Droit civil français, t. 5, Ed. Techniques SA, 6e éd., 1946, par P. Esmein, § 371, p. 351 ; le continuateur de cette tradition penche davantage en faveur du bail). Notons que le contrat d’exploitation du droit d’auteur se voit une fois de plus rapproché, pour l’exemple, d’un contrat ancien dont l’identité complexe est finalement d’un secours très relatif.

140 La démarche apparaît dans le plan d’ensemble de plusieurs thèses récentes, qu’elles portent sur un contrat en particulier ou qu’elles embrassent la matière. C’est le cas de la thèse de Mme Denoix de Saint Marc sur le contrat de commande en droit d’auteur : celui-ci est rapproché du contrat d’entreprise avant d’être confronté à la problématique de la protection de l’auteur, v. S. Denoix de Saint Marc, Le contrat de commande en droit

d’auteur français, Litec, 1999, passim. – La thèse de M. Montels sur les contrats de représentation des œuvres

Dans le document La licence de droit d'auteur (Page 35-47)