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Cession et licence en droit d’auteur. La licence comme formule opposée à la

Dans le document La licence de droit d'auteur (Page 23-33)

cession existe-elle en droit d’auteur ? L’auteur que la loi dit cédant peut-il ne concéder qu’un droit personnel de jouissance ? Comment concilier cette diversité de contrats auxquels donne lieu l’exploitation de l’œuvre, et ce terme de « cession » qui semble figer à tout jamais la matière ? Tel est bien l’objet principal de notre étude.

73 Sur cette curieuse « cession constitutive » et ses origines, v. infra, n° 14.

74 Nous verrons que Roubier, qui a fortement contribué à l’étude des contrats de la propriété industrielle, ne transposait pas pour autant ces contrats à leurs modèles du Code civil, v. notamment : P. Roubier, Licences et exclusivités, Annales de droit commercial français, étranger et international, 1936, p. 289 ; du même auteur, Le

droit de la propriété industrielle, Partie Spéciale, Sirey, 1954, spéc., p. 260, n° 183.

75 Sans prétendre élaborer ici une enquête historique, il est intéressant de puiser dans les ouvrages anciens. Ainsi, Pouillet, au paragraphe « cession partielle » de son Traité des marques, avance prudemment : « Le contrat serait alors ce qu’est la licence en matière de brevets, et constituerait au profit du licencié les mêmes droits », (E. Pouillet, Traité des marques de fabrique et de la concurrence déloyale en tous genres, 4e éd., Marchal et Billard, 1898, n° 95). Dans la 6e éd. de 1912 par Claro et Taillefer, ce même paragraphe (n° 175) est intitulé « Cession partielle. Licence. ». Sur ce rapprochement, v. notamment : J.-J. Burst, thèse préc. ; R. Joliet, Le contrat de licence de brevet en droit civil belge et français, RTD com. 1982, p. 167 ; du même auteur : La licence de marque et le droit européen de la concurrence, RTD Europe, 1984, n° 1, p. 1 ; E. Tardieu-Guigues, La

licence de marque, Thèse, Montpellier, 1991, passim ; en dernier lieu : A. Abello, La licence, instrument de régulation des droits de propriété intellectuelle, LGDJ, 2008, passim.

76 Notions que nous retrouverons, v. Pothier, Traité des obligations selon les règles tant de la conscience que du

for extérieur, t. I, Paris - Orléans, 1764, (P. I, Ch. I), p. 11, n° 5.

77 Tel est par exemple l’objet même d’une thèse : S. Alma-Delettre, Unité ou pluralité des propriétés

intellectuelles ?, Thèse, Montpellier, 1999. Or, cette étude conclut à l’originalité des contrats dans ces matières,

résultat que l’on pourra juger décevant, après la démonstration convaincante du rattachement de ces droits à la notion de propriété. – Structurant le débat, v. : J. Raynard, Propriétés incorporelles : un pluriel bien singulier,

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Afin de parvenir à cette improbable conciliation des textes et de la réalité, plusieurs attitudes sont possibles78. Celles que nous avons observées peuvent être réparties en trois grandes tendances :

- L’auteur que la loi dit « cessionnaire » démembrerait en fait sa prérogative au profit de tiers79 ; l’incorporalité de la chose appropriée, ou celle du droit portant sur cette chose, selon la conception retenue80, permettrait de modeler l’autorisation de l’auteur quant à son assiette, son intensité, sa durée. La durée limitée ou le caractère définitif n’emporteraient pas de différences de nature, et si une ligne de partage devait être tracée, c’est en fonction du caractère exclusif ou non du droit cédé. Derrière cette description s’esquisse un contrat en droit d’auteur voué à l’originalité.

- On pourrait considérer d’autre part que le droit d’auteur laisserait la place à des licences aux côtés des cessions, mais que la licence produirait des effets réels. La licence ainsi conçue serait à l’image de certains baux spéciaux, dont on a remarqué, par métaphore plus que par souci de qualifier, que leur intensité les « réalisait »81. Plus généralement, c’est bien le débat sur la nature du droit du preneur qui semble ranimé : le contrat en droit d’auteur produirait non pas une « cession », mais du moins un « effet réel ». Initié par Troplong, le débat semblait éteint par la chambre des requêtes placée sous la présidence de l’éminent auteur lui-même : le juge en réfère directement à Pothier pour réaffirmer le droit personnel du preneur82. Mais notre débat est-il l’exacte transposition du débat sur la nature éventuellement réelle du droit du preneur ? Rien n’est moins sûr. D’un point de vue juridique, Troplong et ses continuateurs83, en affirmant la nature réelle du droit du preneur, ne remettaient pas en cause l’existence du bail, qu’ils distinguaient bien de la vente ou de l’usufruit : « le bail ne

78 « (…) une partie de la doctrine rattache les contrats d’exploitation du droit d’auteur, soit à la vente, soit à la location, tandis qu’une autre y voit des formes de démembrement de la propriété (le CPI n’utilisant que le terme de cession, en droit d’auteur) ; une troisième voie consistant à prôner une qualification sui generis… », F. Pollaud-Dulian, Du droit commun au droit spécial – et retour, in Aspects actuels du droit des affaires.

Mélanges en l’honneur de Yves Guyon, Dalloz, 2003, p. 946.

79 J. Dabin, Le droit subjectif, Dalloz, 1952, p. 190 : « L’auteur ou l’inventeur peut aussi « démembrer » son droit en concédant à des tiers des prérogatives qui le constituent. ».

80 La propriété de l’auteur porte-t-elle directement sur son œuvre, chose incorporelle, ou sur un droit, un monopole, que le législateur a conçu à propos de celle-ci ? Ce débat essentiellement théorique, et dont la portée nous semble limitée, sera évoqué dans notre étude. Nous emploierons indifféremment les expressions « droit sur l’œuvre » ou « droit d’auteur » pour désigner la même réalité.

81 Pour une illustration récente : P.-H. Antonmattei, J. Raynard, Droit civil Contrats spéciaux, 5e éd., Litec, 2007, n° 265.

82 Cass. req., 6 mars 1861, D.P., 1961, I, 417, H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, Les Grands Arrêts de la

Jurisprudence Civile, t. 2, Obligations, Contrats spéciaux, Sûretés, 12e éd., Dalloz, 2008, n° 269, p. 728 et ss.

83 V. spéc. J. Derruppé, La nature juridique du droit du preneur à bail et la distinction des droits réels et de

créance, Dalloz, 1952, passim ; du même auteur : Souvenir et retour sur le droit réel du locataire, Mélanges L. Boyer, Toulouse, 1996, p. 169.

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démembre pas la propriété »84. Or, le débat qui nous intéressera porte justement sur l’existence de ces deux formules, vente et bail, dans notre droit. Bien que l’on puisse rapprocher ces deux sujets de discussion, il n’est pas certain qu’il y ait entre eux un lien de filiation direct. Il importe essentiellement ici d’accuser la réception du bail en droit d’auteur et d’en étudier les effets, les interactions. Lorsque les partisans de la nature réelle du droit du preneur invoqueront par exemple l’article 1743 du Code civil, ou la teneur des actes permis au preneur, il nous appartiendra de montrer si les différentes modalités de la licence de droit d’auteur (comme une éventuelle exclusivité, une longue durée, ou encore la titularité de l’action en contrefaçon) doivent nécessairement induire cet effet réel. Là encore, vouloir s’en tenir au seul vocabulaire de la loi est peu convaincant : le terme de cession ne porte déjà plus qu’une vague référence à un effet réel85.

- Une autre voie se profile enfin, qui devra être éprouvée. Curieusement, c’est dans une doctrine ancienne qu’on la devine : « Les droits attachés au privilège d’auteur sont cessibles. Ils peuvent être transmis à titre gratuit ou onéreux, par louage, vente, prêt, mandat, donation entre vifs ou testamentaire, et par tout autre mode »86. Le terme de « cession », qui plus qu’un contrat spécial décrit un mécanisme technique, une opération élémentaire87, se voit hissé au rang de synonyme de « contrat ». En d’autres termes, dire que le droit d’auteur est cessible signifierait lato sensu qu’il peut être mis en œuvre par un contrat.

Au fil de ces différentes acceptions, on entrevoit déjà combien le terme de cession tel que l’emploie notre loi sur le droit d’auteur peut se détacher de son sens traditionnel. Précisant cette faculté et l’assortissant de dispositions impératives qui maintiennent un lien étroit entre l’œuvre et son auteur, la loi du 11 mars 1957 a donc fait subsister le trouble sur la

84 Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre des articles du Code : De l’échange et du louage, t. 1, Paris, 1852, n° 24, p. 102 ; v. également : p. 105, n° 24 : « l’usufruit démembre le domaine (…), le bail l’utilise ! ». Cet auteur remarque (ibid., p. 91, n° 21) que « Le louage a d’intimes rapports avec la vente » : res, pretium et

consensus… ce que nous ne contesterons pas. Pour les différences, Troplong insiste sur le régime du prix,

susceptible d’écarter le bail, argument qui prêtera en revanche à la critique.

85 D’autres justifications sont proposées, que nous étudierons en temps voulus. L’auteur pourrait ainsi vendre ou louer son œuvre, mais ce bail produirait un effet translatif : les fruits correspondant aux actes d’exploitation naîtraient du patrimoine de l’auteur et seraient transférés vers celui de l’exploitant. Voilà la « cession » telle que pourrait l’entendre le CPI. V. S. Raimond, La qualification du contrat d’auteur, Litec, IRPI, 2009, n° 481. Mais à justifier ainsi la réalité de cette « cession », c’est le mécanisme du bail qui est interrogé.

86 A.-C. Renouard, Traité des droits d’auteurs, dans la littérature les sciences et les arts, t. 2, J. Renouard et Cie Libraires, 1839, (Partie IV, Ch. III), p. 278, n° 158. Rappr. : « Cette cession revêt des formes diverses. Parfois l’auteur concède seulement un monopole d’exploitation ; c’est le contrat d’édition. Parfois il s’agit d’une véritable cession du droit de propriété qui relève du contrat de vente », M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique

de droit civil français, t. X Contrats civils, 1re Partie, par J. Hamel, F. Givord et A. Tunc, 2e éd. LGDJ, 1956, n° 328, p. 413.

87 Sur cette notion : P. Puig, Pour un droit commun spécial des contrats, in Le monde du droit. Ecrits rédigés en

l’honneur de Jacques Foyer, Economica, 2008, p. 825, v. spéc. p. 850 et s. en référence aux obligations de dare, facere, praestare.

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nature exacte de cette « cession ». Elle a laissé aux théoriciens le soin de définir cette nature juridique ; ce vide pourra être comblé par l’observation des contrats pratiqués, et par celle de la jurisprudence.

La connaissance du contrat de licence impose donc un important travail de qualification. Celui-ci trouvera sa suite logique dans l’élaboration d’un régime juridique88. On considère traditionnellement que cette deuxième démarche découle tout naturellement de la première. Ici, cette automaticité se verra parfois nuancée, amendée par d’autres facteurs. Des points communs que l’on retrouvera entre les régimes respectifs de la cession et de la licence de droit d’auteur, on pourra être tenté d’induire une identité de nature. Mais la confrontation systématique du droit d’auteur et du droit des contrats spéciaux le montrera : en droit d’auteur, les rapprochements entre formules distinctes, la systématisation d’éléments communs devançant les qualifications s’établira dans les mêmes circonstances que dans les autres sphères du droit. De cette identité, nous venons d’entrevoir la complexité ; évoquons à présent ses principaux enjeux, certains s’apparentant à des mirages, d’autres à des réalités.

IX. L’enjeu de la reconnaissance du contrat de licence de droit d’auteur : la tentation du « nouveau ». Dans son essai de classification synthétique des contrats, Planiol

semblait annoncer le caractère fini des différentes manières de contracter. Il posait en principe : « Tous les genres de contrats sont inventés et connus depuis longtemps (…). Ce qui est possible et que l’on voit se réaliser de temps à autre, avec le progrès de la civilisation et les transformations lentes des mœurs et des institutions, c’est la création de nouveaux objets de contrats. Ainsi, l’organisation actuelle des offices, la création de la propriété littéraire et des brevets d’invention, a fourni la matière de nouveaux contrats ; on avait dès lors à vendre, à donner, à hypothéquer, etc., des choses nouvelles que les époques antérieures n’avaient pas connues. »89. Si l’on a objecté à Planiol90 de viser ici non pas les différents contrats, mais les composantes élémentaires de ces derniers, l’avertissement n’en demeure pas moins salutaire : de nouvelles choses n’entraînent pas nécessairement l’apparition de nouveaux contrats. Les genres d’œuvres (œuvre picturale / œuvre multimédia), les modes d’exploitation

88 Sur ce principe et quelques-unes de ses nécessaires atténuations, v. notamment : J.-L. Bergel, Différence de nature (égale) différence de régime, RTD civ. 1984. 255 ; P. Jestaz, La qualification en droit civil, Droits, Revue française de théorie juridique, 1993, n° 18, p. 45.

89 M. Planiol, Classification synthétique des contrats, Rev. crit. lég. jur., 1904, n° 33, p. 470 et ss. (spéc. p. 484).

90 Dernièrement : P. Puig, Pour un droit commun spécial des contrats, op. cit., v. spéc. p. 850. Ces opérations élémentaires sont : « transférer la propriété, mettre à disposition, conserver, restituer, etc. ».

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(exposition / diffusion sur Internet), semblent pris dans une perpétuelle révolution qui, comme le remarquait déjà W. Benjamin91, suit directement celle des moyens de production. Or, ces objets sont appelés à devenir, par ellipse, les nouveaux objets de contrats, ou plus précisément les nouveaux objets de prestations. Nous constaterons ainsi que la licence est fréquemment reliée à la nouveauté (on pense par exemple à la licence de logiciels), ou à la diffusion d’objets déjà connus par des procédés nouveaux, voire dans un « esprit » nouveau (licences libres d’œuvres). Plus généralement, on se méfiera de l’emploi du terme « licence » qui, admettons-le, est indéniablement « à la mode ». Ainsi dira-t-on d’albums de bandes dessinées, de films d’animation et des produits dérivés qui les accompagnent, par ellipse, qu’ils sont « sous licence »92… ce qui signifie simplement que ces objets sont protégés par le droit d’auteur et distribués de manière organisée en France, avec le consentement des ayants droit. Le merchandising, qui consiste en la commercialisation d’objets représentant des personnages de fiction ou réels sur des figurines, affiches, cartes ou autres objets de vaissellerie connaît à présent de nouvelles déclinaisons : il ne porte pas nécessairement sur des œuvres secondes, « la petite monnaie du droit d’auteur », mais souvent sur des exploitations jugées « secondaires », « dérivées », de véritables œuvres désormais placées au cœur du droit d’auteur, spécialement la photographie et le cinéma93. Aujourd’hui, le merchandising devient « électronique », en référence à son mode de commercialisation. Ces droits d’exploitation dérivés sont généralement concédés à titre exclusif pour une durée limitée, parfois identique à

91 « Grâce à la lithographie, le dessin put accompagner la vie quotidienne de ses illustrations. Il commençait à marcher au même pas que l’imprimerie. Mais à peine quelques dizaines d’années s’étaient-elles écoulées depuis la découverte de la lithographie que la photographie, à son tour, allait la supplanter dans ce rôle. Avec elle pour la première fois, dans le processus de la reproduction des images, la main se trouva déchargée des tâches artistiques les plus importantes, lesquelles furent réservées à l’œil rivé sur l’objectif. Et comme l’œil saisit plus vite que la main ne dessine, la reproduction des images put se faire désormais à un rythme si accéléré qu’elle parvint à suivre la cadence de la parole (…). Si la lithographie contenait virtuellement le journal illustré, la photographie contenait virtuellement le cinéma », Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa

reproductibilité technique (1931), traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac, Editions Allia, 2003, p. 11. 92 On trouve ainsi dans certaines grandes surfaces un rayon « papeterie sous licence » proposant des trousses « Dora l’exploratrice », cahiers « Batman », etc. Sur cette économie florissante, parmi de nombreuses parutions, v. G. Bigle, Droits dérivés. Licensing et character merchandising, Delmas, 1987 ; M. Bahuad, Les droits

dérivés : le cas Babar, L’Harmattan, 1999 ; N. Chouraqui, S. Ways, Au pays des licences. Développement de produits dérivés sous licence : une opportunité marketing et commerciale, Dunod, 2003.

93 Par ex. : CA Paris, 4e ch. A, 10 sept. 2008, RTD Com. 2008, p. 743, obs. F. Pollaud-Dulian. Cet arrêt statuait sur une licence de droit d’auteur concernant « la photographie, mondialement connue, du leader politique cubain d’origine argentine Ernesto Guevara, dit Che Guevara, intitulée « le guérillero héroïque » mais communément désignée comme représentant « le che au béret et à l’étoile ». Cet arrêt « d’espèce » est intéressant, car il illustre le fait que dans les arrêts, la dénomination de licence apparaît dans les faits de la cause et non dans les considérants les plus décisifs : « aux termes d’un contrat conclu à La Havane le 25 mai 1995, K. a cédé (sic) à Patrick M., pour une durée de 10 ans et dans le monde entier, avec la faculté pour le cessionnaire de concéder des licences d’exploitation commerciale, les droits d’exploitation, de reproduction et de diffusion de la photographie sur tous supports, en particulier le papier, la peinture, l’audiovisuel, le vêtement, les produits dérivés tels les pin’s, porte-clés, montres et l’a, en outre, autorisé à procéder, en France et dans tout autre pays, à l’enregistrement à titre de marque de la photographie, seule ou avec la mention « Che Guevara ».

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celle d’un contrat d’exploitation principal94. Nous constaterons ainsi le recours fréquent à la notion de licence dans ces secteurs95.

Mais il serait vain de focaliser toute notre attention sur ces objets nouveaux du droit d’auteur, car d’autres ont sans nul doute vocation à apparaître. Ainsi, les intérêts des parfumeurs sont aujourd’hui préservés par de multiples mécanismes qui contournent l’essentiel : la fragrance96. Les licences permettant l’exploitation de ces produits ne peuvent porter que sur les marques, le modèle déposé du flacon, le droit d’auteur concernant ce dernier, mais en aucun cas sur la création olfactive elle-même. Cependant, si ce type de création venait à entrer dans le cercle des œuvres appropriables, il n’est pas sûr que le contrat ainsi né doive être original97.

La licence est donc, nous le constatons déjà, reliée à de nouvelles œuvres ou de nouveaux modes d’exploitation, ce que le contenu des contrats pratiqués confirme généralement ; mais de cette corrélation, on se gardera bien de tirer des liens de causalité. Car nous voudrions précisément montrer que les domaines les plus classiques du droit d’auteur constituent un terrain de prédilection pour la qualification de licence. Telle figurine de tel héros de comics ou de manga n’a pas seule vocation à être commercialisée « sous licence » ; les rapports entre un auteur et son producteur, son éditeur, ou encore avec la société gérant ses

94 On citera le cas du marché des sonneries de téléphone portable, qui ne suppose plus nécessairement une atteinte à l’intégrité de l’œuvre musicale originale. Ce mode de commercialisation des œuvres musicales est parfois présenté comme un des palliatifs aux difficultés du marché du disque non encore remplacée par le téléchargement en ligne. Pour une référence récente, v. P.-M. Bouvery, Les contrats 360°, Pour une explication

des contrats à droits multiples, Irma, 2011 (spéc. p. 36 et s.).

95 V. par ex. : J.-Cl.Contrats - Distribution, Fasc. 4070 : Merchandising. – Formules. II. - Contrat de concession de licence de droits dérivés (Propriété littéraire) : « Article 1er. - Objet du contrat : Le concédant concède par les présentes au licencié qui accepte une licence exclusive (ou : non exclusive) constituée par le droit de reproduire (et/ou : de représenter) les droits dérivés sur le personnage décrit et reproduit en annexe, sous la forme et selon les modalités précisées ci-après. / Le licencié reconnaît que le présent contrat ne lui accorde aucun droit de propriété littéraire et artistique sur les personnages. (…) ».

96 Les parfums sont protégés « indirectement » (droit des marques, dessins et modèles et droit d’auteur sur le conditionnement, sanction de la concurrence déloyale). Cass. civ. 1re, 13 juin 2006, v. notamment : CCE 2006, comm. 119, obs. Ch. Caron ; Prop. intell., 2006, p. 442, note A. Lucas ; Dr. et patrimoine, 2007, n° 156, p. 42, note J.-M. Bruguière.

97 La question de la protection des parfums est née du souhait de leurs producteurs d’agir en contrefaçon contre des sociétés en commercialisant des imitations. Mais cette reconnaissance aurait une conséquence importante en matière de contrats, en faisant basculer dans le droit des contrats d’auteur ce qui relève du savoir-faire, et du droit des réseaux de distribution. Idéalement, leurs concepteurs pourraient devenir des auteurs, et leurs fabricants des « éditeurs », bien que la qualification de cession pure et simple à l’employeur ou encore celle d’œuvre collective soit plus probable. Comp. avec ce témoignage d’un entrepreneur : « (…) je me suis rendu compte qu’un ami proche, éditeur, faisait le même métier que moi, puisqu’il suit des auteurs, réécrit de temps en temps certains passages d’un roman, ou en enlève un chapitre. Enfin, je me suis laissé convaincre que l’on pouvait éditer un parfum comme un objet d’art. (…) La relation entre un parfumeur et un créateur est très importante et

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