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Nous avons ainsi vu que la maîtrise de la langue étrangère prévoit la prise en compte des régularités objectives et subjectives provenant d’une concrète langue maternelle et d’une corrélation entre ces deux langues. Pour nous, il s’agit de réunir les particularités psychologiques, psycholinguistiques et linguistiques du processus d’acquisition des bases du FLE par les étudiants russes et de formuler précisément une tactique et une stratégie de gestion de l’activité d’apprentissage de chaque étudiant par l’intermédiaire du groupe.137 Ceci est une condition indispensable pour une bonne maîtrise de la communication s’organisant conformément aux traditions langagières du français. Avant de se distinguer par leurs langues, les Russes et les Français se distinguent par les fonctions qu’ils attribuent au langage, et par les conditions qu’ils fixent à son usage. Même si ces distinctions ne sont pas trop évidentes, elles existent réellement.

Les stratégies conversationnelles varient elles aussi considérablement d’une civilisation à l’autre. Les comparaisons des échantillons de dialogues authentiques en russe et en français nous le prouvent.

Précisons quand même que la culture n'est pas toujours un passage obligé pour l'efficacité du message. Le culturel n'a de valeur que dans un dysfonctionnement communicatif au niveau de la relation et non pas du contenu du message. Il semblerait que la compétence culturelle se rattacherait davantage à l'expérience de l'altérité et de l'étrangéité qu'à celle de l'expérience linguistique.

2. 1. 1. Les difficultés que rencontrent des étudiants russes lors

de la maîtrise de la parole française

Nous étant référés sur les analyses de L. Nasina138 concernant l’anglais, nous avons spécifié

deux types d’erreurs que les apprenants russes peuvent commettre en s'exprimant en français. Il s’agit donc des:

137KITAÏGORODSKAÏA G. A., Oboutchénié inostrannomou iasikou v iasikovoï laboratorii, Moskva, 1986, 152p.

138NASINA L. I., « Sur le Statut des erreurs stylistiques et les méthodes de leur correction », dans: Chatilov S. P. (réd. en chef), Nouvelles Tendances dans les méthodes d’enseignement des langues étrangères à l’école et à

erreurs linguistiques qui déforment la langue comme système codifié représenté par

des moyens de former et de formuler les idées. Par exemple: c'est un garçon marron (au lieu de: marrant); je t'attends à peine (au lieu de: entends). Le russe ne possède pas de sons nasaux, leur distinction s’avère parfois difficile pour les étudiants;

erreurs langagières qui ne concernent pas le système de la langue, ni l'idée de

l'énoncé, mais déforment un lien entre la forme langagière et la situation communicative, ce qui se révèle parfaitement à travers le choix du style.139 Nous

pouvons citer à ce propos un emploi inadmissible des formes de salutations familières dans des situations officielles. Par exemple, la rencontre d'un étudiant et de son professeur sous-entend le recours à un style officiel des deux côtés. Il est de fait que les locuteurs français recourent beaucoup plus souvent à des formules de politesse que les Russes. Et d’autre part, dans des situations familières, les Français se tutoient, malgré leurs différences d’âge, ce qui est inadmissible en Russie. Toutes ses distinctions liées à des phénomènes culturels et sociaux, sont à l’origine des erreurs langagières des locuteurs russophones. Donc les erreurs langagières déforment

l'authenticité du langage ou bien le rendent stylistiquement inadéquat pour une

situation donnée.

Il est évident que le premier type d’erreurs touche directement au contenu, tandis que le seconde concerne la forme d’expression, sans empêcher de comprendre le sens de ce qui est dit.

« Apprendre à communiquer, c'est acquérir la connaissance des conventions qui régissent le processus de la communication. »140 Ce sont des conventions d'ordre socioculturel, ainsi que celles qui sont créées par la situation même et qui dépendent des variations introduites par les participants.

Certaines « préférences » des apprenants russes concernant leur manière de construire les phrases sont facilement explicables par l'effet de l'enseignement même. Par exemple, la fameuse tournure est-ce que est largement enseignée en classe de FLE. A ce propos, on peut constater, après les auteurs du corpus LANCOM, que le français que parlent les apprenants

l’université. Recueil interuniversitaire de travaux de recherche, Saint-Pétersbourg, Obrasovanié, 1992,

p.p.115-122.

139VERECHTCHAGUINE E. M., Caractéristiques psychologique et méthodologique du bilinguisme, Moscou, 1969.

étrangers est assez souvent « plus du bon français » que du « vrai français ».141 C'est une langue marquée, d'une part, par les descriptions des grammaires d'usage et, d'autre part, par un transfert, dans la langue étrangère, des structures dominantes de la langue maternelle.

Pendant trois ans, nous avons enseigné le FLE dans une école secondaire et ensuite, pendant cinq ans - à l'Université pédagogique de Russie et nous avons souvent remarqué ces deux tendances présentes chez des apprenants russes des deux niveaux, surtout la seconde. En voici un exemple. Dans la langue russe, il y a seulement une particule négative qui se place devant le verbe, d’où vient la tendance des étudiants russophones d’omettre la deuxième partie de la négation en français.

En ce qui concerne les moyens paralinguistiques, c'est surtout l'intonation et le rythme de la phrase française que les apprenants russes ont de la peine de maîtriser parfaitement. Le russe est une langue où chaque mot porte son propre accent et l'intonation peut beaucoup varier à l'intérieur d'une même phrase, en fonction de son sens. C'est pourquoi les étudiants russes se familiarisent sans trop de difficultés avec l'accent emphatique du français, mais, en même temps, ils ont des problèmes avec des intonations montantes dans les phrases interrogatives à l'inversion du sujet (dans les mêmes circonstances, la langue russe fait recours uniq u ement à une intonation variable, avec une insistance considérable sur le mot ou la partie de la phrase mis(e) en question), de même qu'avec celles dans les phrases se terminant par un mot interrogatif du type: «Tu rentres quand ?».142

Selon V. Gak,143 la comparaison des modèles intonatifs des mêmes types de phrases en français et en russe permet de conclure que des intonations affirmatives et exclamatives se ressemblent dans les deux langues, tandis qu’un ton ascendant de la phrase interrogative en français n’est pas caractéristique pour la question russe. Donc, il est à l’enseigner en prio rit é aux apprenants russophones.

Souvent, les futurs enseignants envisagent la phonétique comme une science technique et rébarbative. Elle se réduit à des connaissances livresques résumées par divers tableaux et schémas avec quelques vagues notions sur le rythme et l’intonation.144

141DEBROCK M. et FLAMENT-BOISTRANCOURT M., « Le Corpus LANCOM: Bilan et perspectives », dans: I.T.L. Review of applied lilnguistics 111-112, Louvain, Université Catholique Néerlandophone, 1996, p.20.

142Les enregistrements audio des jeux de rôle réalisés en français par les étudiants russes de l'université en sont la preuve.

143GAK V. G., « Frantsouzsky iasik…», op. cité, p.72.

144BILLIÈRES M., « L’Inhibition phonétique en langue étrangère », dans: Pradal F. (réd.), Le Français dans le

2. 2. Le rôle d’une ambiance « authentique »

dans une situation exolingue d’apprentissage

Il est évident, que dans un groupe homogène, l'enseignant de FLE partageant généralement la culture du groupe, saisit nettement mieux les interactions dans leurs buts et intentions que son collègue français qui se serait retrouvé à sa place. En même temps, les interactions en français sont fortement influencées par cette culture dominante au quotidien; on assist e so uv ent à une d éform ati on fr a ncis ée d es no rm es conv ersat ion nel les du pays. Une langue

étant un produit de la vie en société, le besoin s’impose d’enseigner l'ensemble de

comportements aussi bien langagiers que socioculturels, jusqu’à faire saisir aux apprenants la

spécificité des manières d'être, de penser et d'agir propres à la communauté qui parle cette langue, sans oublier de faire systématiquement des comparaisons et des distinctions avec la

culture d'origine des étudiants.

Dans ce contexte, nous postulons l'importance capitale du matériel authentique pour l'enseignement/apprentissage de la communication en FLE en dehors de l'ambiance naturelle du pays, pour des apprenants russophones dont la culture et des traditions langagières se distinguent considérablement de ceux des Français, en particulier des sources vidéo qui reproduisent les comportements langagiers des natifs avec toutes les nuances propres à la langue parlée. Le rôle de ces échantillons est précieux pour les apprenants adultes qui ont besoin de comparer plusieurs fois leur langue maternelle avec une nouvelle langue qu'ils ont à maîtriser. Grâce à la vidéo, les futurs enseignants sont en mesure de mieux percevoir les particularités du FLE sous tous ses aspects, à tous les niveaux, dans toutes les situations. La parole d’un locuteur non-natif deviendra plus naturelle grâce à l’emploi bien à propos des mots et des expressions liés à la vie moderne. Par exemple, on peut y mentionner le lexique provenant du domaine informatique: Internet et ses technologies ont envahi notre quotidien et bien entendu notre langage de tous les jours. Ensuite, il s’agit des néologismes et des anglicismes énumérés dans les dictionnaires accessibles aux russophones, tels que

Dictionnaire des mots nouveaux, Dictionnaire du temps présent, Dictionnaire des mots contemporains, La cote des mots. Quoique les termes nouveaux se créent plus vite que les

dictionnaires puissent les fixer. L’enseignant doit donc veiller à introduire impérativement et systématiquement ce type de lexique dans des situations d’apprentissage.

Précisons toutefois que les comportements situationnels ne sont pas toujours cent pour cent prédictibles, car ils dépendent des personnes communiquantes, de leurs intentions, des points

difficiles propres à cette situation et des possibilités des interlocuteurs de généraliser au moyen du langage leurs sollicitations réciproques. C'est-à-dire, nous ne pouvons pas baser l'enseignement uniquement sur l'approche situationnelle de l'organisation du lexique et des comportements. Il faut enseigner aux apprenants le sens d’observation, l’intérêt à l’égard de leurs interlocuteurs, l’envie d’improviser, le courage de demander de l’aide auprès d’un partenaire plus compétent, d’oser exprimer leurs Moi d’une façon naturelle, sans gêner ni offenser l’autre.

2. 2. 1. La pragmatique comparée des cultures

Compte tenu de ce qui est dit ci-dessus, il nous paraît nécessaire d’introduire les apprenants dans une pragmatique comparée des cultures russe et française dont l’objet serait de mettre en lumière, de façon systématique, leurs particularités respectives, ce qui facilitera la maîtrise de la parole authentique en français.

La part de l’implication et son contenu varient d’une culture à l’autre, et l’on conçoit dès lors à quels problèmes se heurtent l’élaboration et la compréhension des dialogues figurant dans les méthodes d’enseignement.

La systématisation du comportement langagier est importante, puisqu’elle reflète les facteurs principaux (psychologiques, linguistiques, motrices, objectifs et subjectifs) caractérisant le langage, décèle des modèles de comportements langagiers des locuteurs natifs, aide à modifier ceux des apprenants au fil de l’enseignement de la communication étrangère, permet de former le savoir-faire d’exprimer son Moi dans une langue différente de la maternelle.

Une langue cesse d’être étrangère au fur et à mesure qu’on avance réellement dans son apprentissage. Il importe de considérer l’apprentissage d’une langue non maternelle comme un phénomène d’acculturation. Ce sont les modes de passage d’une culture à l’autre, autant

que les cultures elles-mêmes, qui y sont déterminants.

Conclusion partielle

Nous adhérons aux postulats avancés par le programme « Language learning for European citizenship »145 proclamant qu’on doit apprendre à communiquer librement et efficacement

afin d’atteindre une compréhension et un estime mutuels. Cela reflète parfaitement le but

ultime de l’enseignement/apprentissage de la langue étrangère à l’université pédagogique. Il

s’agit d’apprendre des spécificités de la parole et de l’agir du peuple parlant cette langue. Il

est à étudier non pas la langue telle quelle, mais plutôt à propos de la langue.

La langue et la culture maternelles de nos apprenants russes doivent leur servir de « passerelle » dans le processus de l’appropriation du FLE.

Il est, en même temps, très important d’inculquer aux étudiants de la faculté des langues de l’université pédagogique le goût de la lecture des textes français de toute sorte, y compris des œuvres littéraires.

La formation d’un esprit critique littéraire garantie à ces apprenants un système de

compétences solides concernant la littérature moderne et classique étrangère. Vers la fin des études, ils seront capables d’analyser et d’interpréter les textes littéraires originaux. Ce type de formation est assuré par les cursus théoriques de l’histoire de la littérature et de la

stylistique, ainsi que par les cursus pratiques de la lecture analytique et de la lecture à domicile.

L’enseignant doit s’orienter parfaitement dans les questions de civilisation afin de les exposer aux apprenants d’une façon accessible et intéressante, en français ou en russe.

La formation des bases de civilisation française se fait par l’intermédiaire des cursus

littéraire et linguistique, celui de civilisation.

N’importe quel discours a besoin d’un contexte socioculturel concret représentant une

communauté linguistique et ethnique. La compréhension et la construction de divers types de discours sont ainsi possibles uniquement à la base de la maîtrise d’un système de savoirs sur la civilisation dont on étudie la langue.

Les compétences discursive et linguistique font partie de la compétence interculturelle considérée par les didacticiens modernes comme but d’enseignement de la langue étrangère.

Les chercheurs analysent la compétence discursive comme maîtrise de différents types de discours et des règles de leur construction, savoir-faire de les créer et de les comprendre, en fonction de leur contexte (y compris d’un contexte culturel). Elle sera plus vite acquise si les apprenants ont comme référence au moins des échantillons audio et vidéo des dialogues authentiques réalisés par des locuteurs natifs.

En étudiant quelque phénomène de la culture française, il est utile d’évoquer, en parallèle, des sujets similaires caractérisant tel ou tel aspect de la vie en Russie, de sa culture. Cette

habilement une conversation « authentique » en salle de cours ou, plus tard, de discuter avec

des locuteurs natifs en connaissance de cause.

Le rôle de futurs enseignants de FLE étant de transmettre à leurs apprenants les savoirs et les savoir-faire communicationnels en français, nous évoquerons ci-dessous les particularités de la formation méthodologique de ces premiers en Russie.

Chapitre 7

la formation méthodologique des