• Aucun résultat trouvé

Introduction

Savoir s’exprimer parfaitement en français n’est pas tout pour un futur enseignant de langues. Il devra être capable de transmettre ses savoirs et savoir-faire à ses élèves. Nous parlerons ici de la formation didactique prévoyant une orientation professionnelle de tout le processus d’enseignement/apprentissage. Il s’agit de créer l’ambiance favorisant cet aspect de la formation générale de futurs enseignants (en salle d’études et en dehors de celle-ci), de

stimuler leur désir d’apprendre et de se former comme professeurs de langue étrangère, en

développant des savoirs et des savoir-faire indispensables.

Les méthodes d’enseignement des langues étrangères à l’école et à l’université se distinguent considérablement entre elles. Il faut que les étudiants maîtrisent parfaitement des spécificités

et des traits communs de ces deux méthodes. Le rôle de l’enseignant est d’adapter des

approches modernes au public concret, afin de mieux réaliser les buts posés, en prenant aussi

en considération des particularités individuelles. Le professeur est un créateur infatigable. Il doit oser expérimenter pour trouver une méthode optimale, puisque la didactique n’est pas en

mesure de donner des réponses exhaustives à chaque situation. Il faut en comprendre l’essentiel et y rajouter ce qui manque, selon le cas.

Les résultats de recherches prouvent que l’apprentissage à l’orientation professionnelle

langue étrangère, en même temps.146 A condition, bien entendu, que l’enseignant sache maintenir la motivation chez ses apprenants, grâce à ses propres « astuces »; ce qui est d’actualité pour le métier d’enseignant en général, en Russie, et d’enseignant de FLE en particulier.

1. 0. La démarche centrée sur l’enseignant

« Enseigner: agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude. »147 Cette affirmation peut s’appliquer à tout enseignant, d’autant plus à l’enseignant de langue, appelé à opérer sur un terrain particulièrement sensible au changement et à l’évaluation.

En matière de formation, la démarche se situe actuellement du côté de la « formation réflexive » issue des travaux de Donald Schön et de la perspective actionnelle proposée par le

CECR.148

Si la formation est aussi un apprentissage, on peut faire appel aux composantes classiques de l’acte pédagogique, désormais définies en termes de savoi r-êt re, savoi r, savoi r-faire et sav oir-app rend re.149

Pour ce qui est du savoir-être, l’enseignant devra donc être capable de se remettre en question en acceptant les idées d’autrui (disponibilité); être conscient de l’image de soi chez les autres (objectivation des comportements); être capable d’assumer des rôles différents dans le processus d’enseignement/apprentissage (flexibilité). Quant au savoir, il devra connaître les notions spécifiques relatives à la didactique des langues et du FLE dans notre cas; à la pédagogie générale; au processus d’enseignement/apprentissage comme élément d’un système. Dans le domaine du savoir-faire, il devra être capable d’utiliser les notions acquises et les techniques de travail expérimentées pour analyser, comparer, choisir des produits éditoriaux ou des pratiques adaptés aux différentes situations d’enseignement/apprentissage; intégrer, adapter à sa propre situation de formation des idées « venues d’ailleurs »; produire des matériaux nouveaux appropriés. Quant au savoir-apprendre (savoi r ap pren dre à s e fo rmer, dans notre cas), il mobilise à la fois des sav oir-être (disposition à prendre des

146NOURIAKHMÉTOV G. M., « Professionalnaïa napravlénnost’ v organisatsii domachnégo tchténia na trétièm coursé iasikovogo vousa », dans: Soverchenstvovanié professionalnoï podgotovki stoudentov na facoultété

inostrannikh iasikov, Saint-Pétersbourg, L.G.P.I. im.Herzena, 1976.

147PERRENOUD Ph., Enseigner: agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude. Savoirs et compétences dans

un métier complexe, Paris, ESF, 1996 (2e éd. 1999).

148Un Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer, Conseil de

l’Europe, Division des Politiques Linguistiques, Strasbourg, 2000.

149BERTOCCHINI P. et COSTANZO E., « Pour une démarche centrée sur l’enseignant », dans: Morin I. et Tillier A. (réd.), Le Français dans le monde, n° 360, 2008, p.p.38-41.

initiatives dans l’interaction en groupe, conscience des possibilités de malentendus culturels dans la relation avec l’autre), d es savoi rs (identifier le type de théorie de l’apprentissage qui sous-tend une activité de formation ou définir les pratiques d’apprentissage correspondant mieux à une culture) et des s av oir-fai re (savoir se repérer rapidement dans une bibliographie ou dans un centre de documentation ou savoir manipuler des supports audio-visuels ou informatiques offrant des ressources pour la formation).

Tout comme pour le savoir-apprendre en langue, l’enseignant qui s’inscrit dans une démarche réflexive aura aussi développé des aptitudes à l’étude telles que la capacité à utiliser tout le matériel disponible pour un apprentissage autonome; la capacité à organiser et à utiliser le matériel pour un apprentissage autodirigé; la capacité à apprendre de manière efficace par l’observation directe et la participation à des activités de formation qui impliquent le développement des aptitudes analytiques; la conscience, en tant qu’apprenant, de ses forces et de ses faiblesses et la capacité d’identifier ses propres besoins et d’organiser ses propres stratégies et procédures en conséquence.

A ces aptitudes s’ajoutent aussi des approches heuristiques qui le rendent capable, dans une situation de formation donnée, de s’accommoder d’une expérience nouvelle (de gens nouveaux, de nouvelles manières de faire, de nouveaux instruments) et de mobiliser ses autres compétences (par exemple par l’observation, l’interprétation de ce qui est observé, l’induction, la mémorisation).

D. Schön prône pour « une nouvelle épistémologie de la pratique »150 qui a comme référence les compétences sous-jacentes à la pratique des bons professionnels, là où « épistémologie de la pratique » désigne une réflexion effectuée à partir de situations pratiques réelles.

Quant à la perspective actionnelle, la démarche proposée dans le CECR pour l’enseignement/apprentissage d’une langue retient le principe que « l’usage et l’apprentissage d’une langue, actions parmi d’autres, sont le fait d’un acteur social qui possède et développe des compétences générales individuelles, et notamment une compétence à communiquer langagièrement, qu’il met en œuvre à travers divers types d’activités langagières qui lui permettent de traiter (en réception et ne production) des textes à l’intérieur de domaines particuliers, en mobilisant les stratégies qui lui paraissent convenir à l’accomplissement des

150SCHÖN D., « À la recherche d’une nouvelle épistémologie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’éducation des adultes », dans: Barbier J.-M. (dir.), Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris, PUF, 1996, p.p.201-222.

tâches à effectuer. Cette mise en œuvre contextualisée des compétences individuelles et singulièrement de la compétence à communiquer contribue à les modifier en retour151 ». Pour mette en œuvre pareille démarche de formation, qui se veut isomorphe à l’apprentissage des langues, il est intéressant de partir du point de vue de C. Tavares qui a remplacé dans la définition précédente, « l’usage et l’apprentissage d’une langue » par « le métier de l’enseignant », tout en procédant parallèlement à quelques adaptations qui découlent du changement de plan, à savoir que « le métier de l’enseignant de langues est réalisé par un acteur social qui possède et développe des compétences générales individuelles, et notamment une compétence à communiquer et une compétence technique qu’il met en œuvre à travers divers types d’activités d’enseignement en mobilisant les stratégies qui lui paraissent convenir à l’accomplissement de tâches à effectuer ou aux rôles à jouer. Cette mise en œuvre contextualisée des compétences individuelles ne cesse de les modifier en retour.152 »

Pour que l’enseignant en formation apprenne non pas « ce qu’il faut faire », mais, comme le dit encore C.Tavares, « ce qu’il faut savoir pour faire »153 et acquérir ainsi un capital qu’il pourra gérer comme il voudra, les pratiques de formation envisagées pourraient s’inscrire dans une démarche en trois temps : bilan des connaissances en relation à ses propres expériences d’apprentissage et/ou à ses représentations de l’enseignement; conceptualisation et systématisation des acquisitions en ayant recours aux savoirs théoriques qui sous-tendent ces pratiques (semblables aux pratiques de classe pour l’enseignement du FLE); réexamen des connaissances et/ou représentations initiales enrichies par de nouvelles approches des différentes notions à travers l’analyse de pratiques de classe en FLE et/ou de situations d’enseignement donnant lieu à des études de cas.

Cette démarche de formation sollicite en permanence l’enseignant dans le cadre d’une démarche interactive tant d’expression que de compréhension qui lie son savoir académique et sa pratique.

151CONSEIL DE L’EUROPE: Cadre européen commun de référence pour les langues, Paris, Didier, 2001,

p.p.15-16.

152FERRAO TAVARES C., BEGIONI L., CONSTANZO E. et FERREIRA F., « Introduction », dans: A.A.V.V., Polyphonies. La Formation des formateurs de langues en Europe, Paris, CIRRMI, 1998, p.15.

153FERRAO TAVARES C., « Former autrement des professeurs de langues étrangères », dans: Teacher

1. 1. Un portrait idéal de l’enseignant de langues

étrangères

En prenant comme point de départ les postulats du Programme du Conseil de l’Europe cité ci-dessus154, nous affirmons que le professeur de langues doit être un « utilisateur » actif et instruit de la langue étrangère, un organisateur habile des activités communicatives en classe, un participant actif du processus d’enseignement/apprentissage, un spécialiste en didactique, un partenaire de communication, un locuteur interactif, un écouteur patient, bienveillant et compatissant, prêt à aider, un conseiller compétent, une personne qui encourage et prédispose à la communication, un chercheur, une source d’informations et d’idées, un novateur dans le domaine de l’enseignement des langues, un juge expérimenté, capable de stimuler la motivation d’apprendre la langue et son application efficace ultérieure.155 Il doit savoir organiser et diriger la communication dans une langue enseignée. Le savoir qu’il a à transmettre n’est pas quelque chose de fini, mais se construisant dans l’immédiateté de l’interaction didactique. Un professeur de langue ne peut pas se limiter à une description de l’objet à enseigner, son rôle est surtout de générer la parole orale et écrite. Pour ce faire, il a recours à un ensemble de sollicitations dont le questionnement est la forme la plus fréquente. Il demande à l’apprenant de faire, de refaire, de corriger, de répondre à un autre étudiant, etc. Le métier de professeur implique l’obligation de faire produire du langage par ses apprenants. Ces derniers apprennent en communiquant. Le processus d’apprentissage est

entièrement basé sur ce principe. L’enseignant stimule les étudiants de communiquer dans la

langue étrangère, en créant des situations d’apprentissage plus ou moins naturelles, en leur proposant de remplir des tâches liées au sujet du cours, en les incitant à travailler par deux ou en petits groupes, à répondre aux questions du professeur ou de leurs camarades, etc.

« On peut se demander, - écrivent L. Dabène, F. Cicurel et al.156, dans quelle autre situation – mis à part le théâtre et le cinéma -, un adulte est ainsi investi d’une identité imaginaire <…> ce qui suggère l’idée d’une classe-théâtre, d’un lieu où l’on représente la communication selon certaines règles. » L’enseignant joue fréquemment à ne pas savoir, à ne pas entendre, à mettre entre parenthèses son savoir157 dans le but d’encourager l’acquisition, de stimuler la

154Voir la page 105.

155Symposium on initial and in-service training of teachers of modern languages (Delphy, 1983), Strasbourg,

Counsil of Europe Press, 1985.

156 DABÈNE L., CICUREL F. et al., Variations et rituels en classe de langue, Paris, Hatier/Credif, 1990, p. 52.

parole. Il s’agit d’un jeu didactique comportant des règles précises et demandant une « coopération » de la part de l’enseignant et des apprenants.

L’enseignant de FLE en Russie se trouve dans une situation exolingue et a généralement comme apprenants des personnes comptant trop sur lui, ne témoignant que peu d’initiative, suite à la façon traditionnelle de l’enseignement. Une vraie cause de silence du groupe peut être due à une passivité aussi bien qu’à une malcompréhension. L’obligation d’assurer un niveau de compréhension satisfaisant engage l’enseignant à recourir fréquemment à des procédés d’auto-paraphrasages, de répétitions, de reformulations, de simplifications, aux feed-back du type: n’est-ce pas ? c’est ça ?, etc.

Le professeur de FLE doit savoir adapter sa parole en fonction de ses apprenants, de leur âge, de leurs niveaux, de leurs intérêts et même de leurs humeurs et tempéraments, alterner un travail collectif avec celui en mini-groupes ou proposer une tâche individuelle, succéder des formes dialogique et monologique, passer d’une activité langagière à l’autre.

L’enseignant représentant pour les apprenants – et la société – la norme de référence du langage proposé à l’apprentissage, est constamment chargé d’évaluer l’acceptabilité des productions réalisées conformément à cette norme. Il ne s’agit pas seulement des aspects formels et institutionnalisés d’évaluation (notations, appréciations et diverses formes de certification) mais aussi de chaque moment de l’échange pédagogique par le seul fait de la présence de l’enseignant, même de sa façon de s’exprimer avec du regard. L’évaluation peut être qualifiée comme moment pédagogique particulier et d’une importance cruciale pour tout le processus d’apprentissage.158

Bref, la triple fonction est réservée à l’enseignant: il est, à la fois, vecteur d’information,

meneur de jeu et évaluateur.159 Et encore nous soulignons qu’un enseignant russe efficace l’est deux fois, en se trouvant en face des apprenants venus « s’approprier » des savoirs et non pas en « acquérir » en résultat d’une coopération active avec le professeur. Ce phénomène résulte dans la plupart des particularités sociales de la vie en Russie. Il est valable aussi bien pour le niveau d’école secondaire que pour les études universitaires.

L’enseignant reproduira inévitablement les modèles didactiques lui étant familiers en résultat d’une formation reçue. En même temps, il n’est pas libre d’agir à sa guise mais doit suivre des directives imposées par le biais d’instances institutionnelles – chef d’établissement, conseiller pédagogique, Instructions officielles, programmes, préface de méthodes. On lui prescrit un

158Cf: MEHANNA G., « La Culture de l’évaluation en Égypte », dans: Ploquin F. (réd.), Le Français dans le

monde, n°353, 2007, p.p.30-31.

comportement verbal. Ceci est moins actuel pour le niveau universitaire, où l’enseignant peut - s’il le souhaite – « coopérer » avec des restrictions prévues par des programmes, un type d’établissement et – en partie – par un manuel choisi souvent par lui-même. Les contraintes existantes – méthodologiques, niveaux des élèves, objectifs à atteindre – ne parviennent pas à gommer sa personnalité. Son style d’enseignement sera conforme à sa culture d’origine et à

sa formation méthodologique.

L. Dabène, F. Cicurel et al.160 reconnaissent qu’il s’agit d’une coexistence des universaux

didactiques, qui dessinent les procédures d’un rituel communicatif spécifique, déterminé par le statut des locuteurs et la finalité des échanges, et des variations des situations d’enseignement/apprentissage qui constitue le noyau dur de la classe de langue.

2. 0. La coexistence des contextes culturel et

institutionnel de l’enseignement d’une langue