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Objectifs du dossier patient

Dans le document Dossier Patient à l’Officine (Page 49-58)

Partie Théorique

I. Généralités sur le dossier patient

4. Objectifs du dossier patient

Le médicament est « remède et poison » en effet, tout en guérissant il peut être aussi source d’EI pour le patient. Le pharmacien spécialiste du médicament doit assurer la sécurité de la dispensation grâce au DP, en se lançant dans la lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse, et en respectant les BPD décrit dans l’arrêté du 28 novembre 2016 Code de la santé publique - art. L5121-5 (VT).Qu’ils soient prescrits ou non, tous les médicaments

doivent faire l’objet d’un suivi rigoureux, une attention doit être portée pour les sujets les plus vulnérables à ces accidents. Ainsi un ibuprofène en automédication ou avec ordonnance nécessite les même attentions, car les Anti-inflammatoires non stéroïdiens sont reconnus pour leurs interactions avec plusieurs classes pharmacologiques.[11]

Le DP permet d’appréhender le patient dans sa globalité, ses antécédents pathologiques son traitement quotidien ou ponctuel afin que le pharmacien évalue l’efficacité de son traitement, et détecte les interactions dangereuses. Le DP est un outil professionnel incontournable qui renforce considérablement le rôle de professionnel de santé du pharmacien.[1]

Voyons les enjeux pour lesquels ce dossier a été créé :

Avant de détailler les enjeux pour lesquels le dossier patient a été créé, nous allons définir quelques termes qui seront cités par la suite :

Iatrogénie médicamenteuse : le terme « iatrogénie » provient du grec iatros = médecin et genos= origine, ce qui signifie donc « qui est provoqué par le médecin » : c’est l’ensemble des effets indésirables médicamenteux, y compris les défauts d’efficacité liés à un problème d’observance. Elle constitue un problème de santé publique tout particulièrement chez les sujets âgé.

Effets indésirables : correspondent selon L’OMS à « toute réaction nocive et non souhaitée à un médicament et survenant à des doses normalement utilisées chez l’homme, à des fins de prophylaxie de diagnostic ou de traitement d’une maladie ou la modification d’une fonction physiologique » OMS 1972. Cette définition est élargie par une directive de la commission européenne en Décembre 2000 et inclut donc « les réactions conséquentes à un mésusage (= une non prise intentionnelle par le malade) ou à une erreur médicamenteuse (= prescription inappropriée) ou à un abus et une exposition professionnelle d’un produit de santé». [12]

Interactions médicamenteuses : La prise concomitante d’un traitement médicamenteux, d’un aliment, de la consommation de l’alcool, ou de tabac peut entrainer une modification de l’effet d’un produit sur l’autre, soit de manière bénéfique (augmentation de son action) ou néfaste (augmentation de sa toxicité). Ainsi toutes les IM ne sont pas cliniquement significatives. En effet, on dit qu’une Interaction est cliniquement significative si l’activité thérapeutique ou la toxicité du médicament est suffisamment modifiée pour qu’une modification de la posologie ou une autre intervention médicale soit justifiée.

On distingue deux types d’IM : l’interaction pharmacodynamique et l’interaction pharmacocinétique.

L’interaction pharmacodynamique met en jeu les propriétés pharmacodynamiques et est composé schématiquement de trois cas de figure :

 La synergie ou potentialisation : est l’association de deux agonistes, les deux effets s’ajoutent et donc majoration de l’effet primaire. (Exemple : l’association de sulfamethoxazole et de la triméthoprime =BACTRIM qui permet d’obtenir un effet bactéricide plus élevé).

 Antagonisme ou inhibition : où l’association d’un agoniste et d’un antagoniste l’effet est diminué ou annulé. Là encore il y’a plusieurs types : compétitif réversible, non compétitif ou irréversible…

L’interaction pharmacocinétique met en jeu les propriétés pharmacocinétiques, elles sont en général deux types d’interactions : celles qui vont modifier la quantité du médicament résorbée et celles qui vont agir sur la vitesse de résorption et on compte :

 les modifications de l’absorption digestive : on peut citer la formation d’un complexe stable non résorbable par la muqueuse intestinale (exemple : la présence des sels calcium ou de fer avec des tétracyclines), ou la modification du pH gastrique ou du bol alimentaire (exemple : la résorption de la didanosine est diminué par la prise de certains aliments).

 les modifications de la distribution : concernent leur affinité pour la fixation aux protéines plasmatiques. Le produit qui la plus forte affinité se fixe en premier et majore la forme libre active du second produit, cela résulte d’une accumulation de la forme libre dans le sang, une toxicité et une majoration de son effet.

 les modifications du métabolisme : en effet les enzymes hépatiques peuvent être modifié de deux manières opposées par: les inhibiteurs enzymatiques (qui vont inhiber l’enzyme et donc provoquer l’accumulation du principe = toxicité) et les inducteurs enzymatiques (conduisent à l’accélération du métabolisme hépatique par conséquent réduisent l’effet du principe)

 les modifications de l’élimination : Au niveau des tubules rénales, des modifications peuvent apparaitre au niveau du transport actif ou à cause du modification du pH ou encore par modification de la réabsorption tubulaire (Ex : la réabsorption tubulaire des sels de lithium est augmentée par un régime désodé par les AINS, les IEC, et les ARAII ce qui majore la concentration plasmatique de lithium avec un risque de toxicité du fait de sa faible marge thérapeutique).[13] Ces interactions sont hiérarchisées comme suite :

 Contre-indication : il s’agit d’une contre-indication absolue (Macrolides + Cisapride ou l’ergot de seigle, Tétracyclines + Rétinoïdes), le pharmacien doit entrer en contact avec le médecin prescripteur afin de lui signaler ce problème, et ne doit en aucun cas délivrer le produit sous peine de voir sa responsabilité engagée.

 Association déconseillée : c’est une contre-indication relative, l’association est de préférence à éviter sauf en cas de nécessité importante, après examen de rapport bénéfice-risque. Elle impose une surveillance étroite du patient avec mise en œuvre des mesures adaptées. Il est recommandé d’entrer en contact avec le médecin prescripteur pour se rassurer

 Précaution d’emploi : cette association est possible à condition de respecter les recommandations décrites dans le RCP (résumé des caractéristique du produit). C’est le cas le plus fréquent à l’officine, une adaptation posologique ou un renforcement de la surveillance clinique, biologique par exemple, peut éviter l’apparition d’une IM.

 A prendre en compte : dans ce cas, il s’agit seulement d’attirer l’attention sur le risque d’interaction. Il appartient au praticien lors de la prescription, d’évaluer l’opportunité de l’association.[14]

Redondance du traitement : Le même médicament est prescrit plus qu’une fois au patient soit par le même médecin par oubli, ou par un deuxième médecin sans connaissance de la prescription du premier médecin

4.1. Enjeux du dossier patient

Le DP répond à quatre enjeux majeurs : [15]

 Sécuriser la dispensation : grâce au DP, le pharmacien d’officine va acquérir une vue d’ensemble sur le traitement dispensé au patient durant les quatre derniers mois. Il va déceler le risque d’IM dangereuse entre produits, ou entre un médicament et l’état physiopathologique du patient, ainsi que les redondances de traitement qui entrainent un surdosage. En effet les accidents d’origine médicamenteuse représentent d’après la direction générale de l’offre des soins (DGOS) une hospitalisation sur dix en France.

Exemple d’interaction médicamenteuse détectée par le DP en France: un patient sous

statine (hypocholestérolémiant), part en voyage pour un weekend, lors de son séjour, suite à une petite infection, un médecin de garde lui prescrit un antibiotique de la famille des macrolides. A l’aide du DP, une fois que le pharmacien a saisi les données sur la carte vitale du patient, il s’aperçoit du traitement habituel (statine), étant donné qu’il s’agit d’une contre-indication absolue : risque de rhabdomyolyse (= destruction des cellules musculaires des muscles striés), il contacte le médecin pour trouver une alternative.[16]

 Orienter d’avantage l’acte pharmaceutique vers le patient: l’exercice officinal n’est pas seulement centré sur le seul médicament, actuellement, il évolue vers une pratique d’avantage orientée vers le patient. Le DP permet d’approfondir la relation pharmacien-patient en éduquant le pharmacien-patient sur sa pathologie, c’est un véritable suivi thérapeutique.

 Informer les patients en cas d’alerte sanitaire et favoriser la coordination des soins : en effet, grâce au système d’alerte du DP en coordination avec les autorités de santé chaque officine sera informée sans délai quand et quelle spécialité sera retirée du marché, (Exemple de retrait 2017 : le CYTOTEC du laboratoire Pfizer retiré du marché pour son utilisation hors AMM d’interruption volontaire de grossesse), mais aussi quand un médicament sera en rupture. Le pharmacien aura l’obligation d’informer ses patients afin de trouver une alternative avec le médecin traitant des patients sous ces spécialités.

 Alimenter le Dossier Médical Personnel (DMP) : le DP aidera au développement du volet médicament du DMP. Mais, la participation du pharmacien au DMP ne serait pas immédiate, parce que seuls le médecin traitant et le service d’urgence ont accès au dossier, mais plus tard, le pharmacien d’officine aura la possibilité d’alimenter directement le DMP grâce au DP.

4.2. DP dans la lutte contre les prescriptions médicamenteuses

inappropriées

Les prescriptions médicamenteuses inappropriées (PMI) peuvent être : une sur-prescription (sur-prescription d’un médicament non indiqué) ou sur-prescription inadapté au patient (molécule, durée, dose…) ou d’une sous-prescription (omission d’un traitement indiqué). Dans tous les cas, elles sont redoutables en gériatrie [17] et représentent l’une de première cause de prolongement de la durée d’hospitalisation. Ainsi, pour un patient possédant un DP à l’officine, dans lequel toutes les pathologies sont connues et adhérant bien à son traitement, les risques de PMI seront faibles par rapport à un patient ne possédant pas un document de suivi.

4.3. Conciliation ville-hôpital

Les erreurs médicamenteuses surviennent souvent lors de la transition du patient de la ville à l’hôpital (hospitalisation) ou lors de sa sortie de l’hôpital. Ce lien ville-hôpital permet de répondre aux attentes des pharmaciens d’officine et des médecins traitants et les intègres au mieux dans la prise en charge du patient. Cette conciliation se compose en trois parties [18, 19]

 La conciliation d’entrée : s’intéresse à l’admission du patient à l’hôpital, avant toute action il convient d’établir une liste exhaustive des médicaments pris par le patient en dehors de l’hôpital. Le dossier patient à l’officine apporte toutes les informations nécessaires sur le traitement du patient en complément, avec l’entretien du pharmacien du médecin traitant, avec le patient lui-même et éventuellement avec l’infirmier à domicile. Ces informations seront confrontées à l’ordonnance en cours en hospitalisation, les divergences (omission par le patient, médicaments supplémentaires ou différence de dose et de fréquence) seront relevées. Les patients les plus concernés sont les patients âgés poly-médiqués, et les classes médicamenteuses incriminées sont les médicaments cardiovasculaires, neurologiques (surtout les antidépresseurs), gastro-intestinales…On rapporte d’après une étude qu’entre 27 à 52% d’erreurs médicamenteuses ont un impact grave sur la santé du patient.[20]

 La conciliation de transfert : elle concerne le transfert du patient d’un service à un autre service durant son hospitalisation ; Ici, le DMP a son importance.

 La conciliation médicamenteuse de sortie : c’est le lien entre l’hôpital et la ville, celle-ci garantie la continuité du traitement médicamenteux lors du retour du patient à son domicile. Là encore le DP à l’officine montre son importance pour le suivi de la prescription du patient lors de son passage d’hôpital vers le domicile. En effet, le pharmacien d’officine, par sa proximité avec les patients assure un suivi au quotidien des patients. Ceci va créer une collaboration entre médecin prescripteur, pharmacien dispensateur et le patient.

Dans sa délibération du 6 Mai 2010, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait autorisé, à titre expérimental, l’utilisation du Dossier Pharmaceutique dans les pharmacies hospitalières (ou pharmacies à usage intérieur – PUI). Depuis le 5 Octobre 2012, les pharmaciens dans les PUI peuvent accéder au DP[3] dans le but de sécuriser le parcours de soin du patient. Grâce à cette nouvelle expérimentation, cinq pharmacies hospitalières concernées ont été en mesure de partager l’information relative aux dispensations de médicaments des patients titulaires d’un DP avec les officines de ville et réciproquement.[21]

La coordination entre ville et hôpital concerne également les patients initiés par les médicaments « sensibles » tels que les anticoagulants oraux, les anticancéreux oraux ou les immunosuppresseurs. Le pharmacien d’officine, via le DP, l’ETP et les conseils associés, participe massivement à la sécurisation du traitement du patient en ville.

4.4. Amélioration de la couverture vaccinale

La vaccination est le moyen le plus efficace de protéger la population contre les maladies infectieuses. Pourtant en France, presque 1 français sur 5 ne serait pas à jour dans ses vaccins. Le pharmacien d‘officine participe massivement à l’augmentation de la couverture vaccinale, par le biais du DP-Vaccination où est répertorié l’historique vaccinal des 21 dernières années, le pharmacien d’officine doit : [22]

 Informer le public sur l’importance de la vaccination

 Délivrer des conseils personnalisés en fonctions des situations

 Vérifier le statut vaccinal et promouvoir le suivi des vaccinations (indiquer les éventuels rappels de vaccins).

 Les objectifs du DP sont résumés Dans la figure 4 :

Figure 4 : Les objectifs du Dossier Patient (source : Ordre des pharmaciens 2017)

Apres ces quelques notions sur le dossier patient, nous allons décrire dans la partie II, sa création, son contenu…

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