Discussion du résultat de l’enquête

1.1. Connaissance sur le DP : Etat de lieu au Maroc

Le but étant de nous renseigner sur la perception du DP vis-à-vis des pharmaciens au Maroc et en l’absence d’une étude similaire réalisée, toutes les données ci-dessus ont été croisées et il en ressort que :

La plupart des pharmaciens avaient entendu parler du DP au moins une fois dans leur vie. En effet, certains pharmaciens qui avaient la chance de travailler ou de suivre une formation en Europe ou au Canada, ont eu l’occasion de l’utiliser durant leurs séjours. Pour les autres pharmaciens, une explication détaillée sur le DP leur a été procurée, en insistant sur son importance, et sa contribution dans la profession. Parmi nos arguments forts sur ses utilités, le DP :

 Sécurise la dispensation : grâce aux informations personnelles, administratives, thérapeutiques, physiopathologiques, le pharmacien d’officine aura une vue d’ensemble sur l’historique du patient et de ce fait va assurer un bon suivi.

 Elargie les missions du pharmacien d’officine : participe à l’ATP, l’ETP,…

 Fidélise le patient : en effet, le patient recherche toujours le climat le plus favorable, et en voyant un pharmacien assurant un bon suivi avec des conseils hygiéno-diététiques le patient se sentira bien pris en charge et sera attaché à cette pharmacie.

Au départ, pour la majorité des pharmaciens, il y avait une confusion entre le DP et le dossier crédit. Comme formulé précédemment, il y a des pharmaciens qui avaient coché la case « posséder les deux dossiers ». Nous avons recontacté ces officines, et finalement il nous a semblé qu’ils confondaient leur dossier client avec dossier patient, la nuance entre les deux dossiers a été précisée. Le dossier crédit est un dossier inclus dans le LGO (logiciel de gestion d’officine), qui permet aux officinaux de noter tous les médicaments pris par un patient surtout les patients avec des pathologies chroniques qui règlent leur facture plus tard sur une durée d’un mois ou plus, le but étant d’abord de maitriser ces crédits, mais certains pharmaciens utilisent ce dossier crédit pour mieux connaitre leurs patients, et intervenir si besoin pour donner des conseils à propos de leurs pathologies, mais celui-ci est loin d’avoir les fonctionnalités du DP.

Nous avons remarqué d’après ces résultats, que presque aucune officine au Maroc, possédait un vrai dossier suivi patient et que, pour plus de 90%, c’était juste le dossier crédit, et des pharmacies qui ne détenaient aucun de deux dossiers existaient aussi. Ce Dossier crédit était stocker sous la forme électronique pour le plus grand nombre des pharmacies, mais n’empêche que beaucoup d’autres préféraient l’usage de deux formats, pour assurer une bonne traçabilité en cas de panne informatique.

Quand il était question de connaitre l’importance du DP, les pharmaciens n’avaient pas hésité sur la réponse et jugeaient le DP indispensable dans le travail quotidien de l’officinal. Les cases le plus cochées concernant les utilités du DP après la case « compte crédit » sont :

 « suivre les prescriptions médicales » car, les pharmaciens sont confrontés tous les jours à des ordonnances falsifiées (figure 10), des non renouvellements des ordonnances de psychotropes.

 « suivre l’automédication », en effet, les patients âgés abusent des antidouleurs, des antimigraineux… ils sont devenus presque dépendants, sans parler des abus aux antibiotiques qui sont demandés fréquemment pour une toux, une fièvre, une angine même virale. On note que 90% de la consommation d’ATB se fait en ville ceci participant activement à l’antibioresistance. D’où le rôle du pharmacien d’officine dans la lutte contre l’automédication. [59]

 Il y avait aussi la question de « détection des interactions médicamenteuses ». Le DP grâce à son système de détection automatique des IM, facilitera une partie du travail du pharmacien et de ce fait, il en résulte un gain de temps concernant l’analyse de l’ordonnance.

Les pharmaciens étaient conscients de l’importance de ce dossier et comment il pouvait redonner de la valeur dans leurs activités, surtout que ces dernières années avec l’industrialisation, l’officine de pharmacie tend à perdre sa place au profit des industries. Le pharmacien d’officine est réduit à celui d’un simple commerçant qui, en achetant des matières premières ou des produits finis, le revend à sa clientèle moyennant un certain bénéfice. Certes, nous avons rencontré des pharmaciens qui se contentaient de ce rôle. Mais, nombreux étaient ceux qui voulaient participer au changement de la profession, ils étaient prêts à suivre la formation continue pour mieux aider leurs patients. Pour ceux, qui avaient jugé le DP comme facultatif ou inutile, nous avons écouté leurs éclaircissements. Effectivement, d’après eux, il était question d’effective, en hébergeant l’outil, ils se voient contraints d’engager plus de personnel pour la gestion du logiciel, l’action en elle-même est chronophage, le temps dépensé pour s’occuper d’un seul patient sera équivalent à celui pour cinq patients. C’est ainsi qu’ils estimaient connaitre assez leurs patients par cœur et n’avaient nullement besoin d’un dossier comme celui-ci.

D’après notre enquête, nous avions remarqué que, ces pharmaciens manquaient de motivation, et surtout avaient peur du changement. Nous leurs avons rappelé, qu’il était temps que la profession change et si nous n’apporterons pas la première pierre à l’édifice ou ne ferons aucun compromis nous n’y arriveront peut être jamais. On doit garder à l’esprit que la mise en place du DP en France, avait nécessité un fort investissement non seulement financier, mais aussi en temps, en matériels de la part de la profession, et que cet outil provient totalement de l’imagination de l’ordre des pharmaciens français.[1]

1.2. Validation du Modèle

94% des pharmaciens ont validé le modèle Dossier patient que nous leur avons proposé, là encore nous avons eu plusieurs cas de figure :

 Il y’avait des pharmaciens qui trouvaient que le modèle proposé suffisait, et donc n’avaient apporté aucune modification à la fiche initiale.

 D’autres, acceptaient le modèle, mais désiraient ajouter certains éléments, comme : antécédents psychiatriques, tiers payants, adresse, enfants, maladies génétiques….

 Néanmoins, nous avons rencontré des cas qui eux aussi avaient approuvé le modèle mais souhaitaient supprimer certaines choses dont ils jugeaient inutiles exemple : le numéro de CIN du patient, le prix des produits.

Seul 6%, n’avaient pas validé et n’en voulaient pas de sa mise en place. Pour eux, c’était une perte du temps, ils jugeaient déjà maitriser leur travail et qu’un dossier n’apporterai pour de problèmes que solutions.

Cependant, appart ce 6% de refus, nous avons obtenu un résultat plus que satisfaisant, nous espérons avoir les 100% d’agrément dans le futur. Justement, il serait préférable d’avoir l’unanimité pour que le lancement du projet soit réalisable.

Notre travail, ne s’est pas arrêté au seul désir de connaitre l’état de lieu, nous avons effectué un essai de mise en place au sein d’une officine.