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Chaque discipline impliquée dans une relation interdisciplinaire pourrait être vue comme un langage (Delattre, 1995), d’où nait un problème de compréhension mutuelle et de circulation entre les savoirs. L’interdisciplinarité permettrait de lutter contre le fractionnement ou l’émiettement des savoirs et constituerait en quelque sorte une activité de traduction, voire d’élaboration d’un nouveau langage commun aux disciplines mises en jeu. Ce processus contribuerait à repousser, selon Delattre (1995), les limites ressenties à l’intérieur de certaines disciplines pour résoudre des problèmes d’une complexité croissante. Fourez (1998) abonde aussi dans le même sens, en soulignant qu’une véritable « collaboration interdisciplinaire suppose que deux ou plusieurs spécialistes collaborent pour résoudre un problème » (p. 38).

Lenoir (2003), quant à lui, définit l’interdisciplinarité comme étant « les interactions entre deux ou plusieurs disciplines portant sur leurs concepts, leurs démarches méthodologiques, leurs techniques, etc. » (Ibid., p. 7). Briot (2013) précise, pour sa part, que l’interdisciplinarité suppose une « génération de nouvelles connaissances qui seront plus grandes que la somme des contributions individuelles des disciplines engagées » (p. 136). Pour Rege Colet (2003), l’interdisciplinarité implique un « résultat qui prend la forme d’une synthèse, d’une nouvelle représentation de la réalité » (p. 9). Pasquier et Schreiber (2007) soulignent eux aussi l’intérêt d’un produit nouveau, en mentionnant que l’objectif interdisciplinaire n’est plus tant l’harmonisation des savoirs que le moyen de développer des méthodes et des pratiques pédagogiques nouvelles intégrant au moins deux disciplines. Une négociation entre celles-ci serait nécessaire dans un objectif de résolution d’une problématique qui n’est pas particulière à une discipline (Lenoir et Sauvé, 1998). Pour Taddéi (2013), une approche interdisciplinaire favorise l’ouverture, où les élèves « apprennent à apprendre » (p. 59), en allant chercher les notions dont ils ont besoin, en les approfondissant par eux-mêmes, voire en développant de nouvelles connaissances, afin de résoudre un problème proposé. Les élèves seraient ainsi amenés à se diriger vers des connaissances qu’ils ne pensaient pas pouvoir maitriser ni développer au départ.

Selon Fourez, Maingain et Dufour (2002), une démarche « interdisciplinaire » sous-entend une approche globale qui utilise des savoirs et des méthodes provenant de plus d’une discipline. Une telle démarche favorise des « pratiques visant à décloisonner la construction des savoirs » (p. 11).

Dans leur ouvrage, Approches didactiques de l’interdisciplinarité, ces auteurs définissent l’interdisciplinarité comme:

L’utilisation des disciplines pour la construction d’une représentation d’une situation, cette représentation étant structurée et organisée en fonction des projets que l’on a (ou des problèmes à résoudre), dans leur contexte précis et pour des destinataires spécifiés. Pour pouvoir être qualifiée d’interdisciplinaire, cette approche doit faire appel à diverses disciplines, et ce, en vue d’obtenir un résultat original organisé moins en fonction des disciplines utilisées que des projets que l’on a. (Ibid.)

Dans le cadre de notre recherche, nous nous appuyons sur la définition de Fourez, Maingain et Dufour (2002). Pour s’assurer du caractère interdisciplinaire d’un projet, certaines conditions de réalisation doivent être prises en compte. La section qui suit présente ces conditions.

2.1. Conditions de réalisation d’un projet interdisciplinaire

Quelles que soient ses vertus, connaitre les rouages d’une démarche interdisciplinaire n’en garantit pas sa réussite. C’est pourquoi nous nous sommes intéressée aux conditions de réalisation d’un projet interdisciplinaire. Nous nous sommes surtout inspirée des travaux de Fourez, Maingain et Dufour (2002) et Lowe (2002), mais également de Erickson (1996), Jacobs (1995), Klein (1998), Lataille-Démoré (1998), Sill (1996) Wood (1996) pour identifier des conditions de réalisation desquelles s’inspirer pour développer notre dispositif didactique.

Selon Lowe (2002) dont les travaux s’inspirent de plusieurs auteurs cités précédemment, des conditions de réalisation d’un projet interdisciplinaire seraient liées aux participants (enseignants et élèves), c’est-à-dire à l’attitude et aux expériences interdisciplinaires des ceux-ci, à l’organisation de leur travail et au climat de travail, à leurs intérêts. Des conditions de réalisation d’un projet interdisciplinaire seraient plutôt rattachées aux disciplines mises en jeu.

Ce sont les conditions de réalisation d’un projet interdisciplinaire liées aux disciplines mises en jeu qui attirent notre attention dans le cadre de notre recherche. En effet, certains auteurs préconisent de retourner aux fondements de chaque discipline, d’identifier les disciplines qui se prêtent le mieux à l’intégration, en examinant les liens profonds entre les disciplines, et de ne procéder à l’intégration que si les liens entre les matières sont clairs et naturels (Jacobs, 1995; Wood, 1996). Il importerait aussi de respecter l’intégrité de chaque discipline en sauvegardant son contenu d’apprentissage (Erickson, 1996; Jacobs, 1995; Sill, 1996), et d’axer l’enseignement

interdisciplinaire sur la pratique et le développement des processus de pensée tels que la résolution de problèmes et l’établissement de liens conceptuels entre les matières (Erickson, 1996; Lataille- Démoré, 1998). Enfin, l’activité interdisciplinaire supposerait des tâches étroitement reliées à la vie (Lenoir, 2003), où il y a un ancrage dans le réel, et dans un objectif d’amener les élèves à réaliser des apprentissages plus concrets et globaux (Lowe, 2002).

Outre des conditions de réalisation d’un projet interdisciplinaire, certains auteurs mettent de l’avant des indicateurs de l’interdisciplinarité.

2.2. Indicateurs de l’interdisciplinarité

Nous inspirant des travaux de Fourez et al. (2002) sur les approches didactiques et de Rege Collet (2003) sur l’enseignement interdisciplinaire, et compte tenu du contexte du dispositif dont il est question dans la présente recherche, nous nous inspirons d’un certain nombre d’indicateurs de l’interdisciplinarité. Ces indicateurs nous ont servi de guides pour doter d’un caractère interdisciplinaire le dispositif didactique que nous avons élaboré. Ces indicateurs, tels que proposés par Fourez et ses collaborateurs (2002), se présentent sous la forme de questions à se poser pour l’enseignante ou l’enseignant qui propose un projet à visée interdisciplinaire à ses élèves. Dans le cadre de la présente recherche, ces indicateurs ont servi de guides généraux, sans toutefois structurer le dispositif didactique développé selon les questions ou les étapes proposées.

Indicateur 1: Formulation du problème

 L’élève est-il invité à formuler le problème avec ses mots?

 L’élève est-il sollicité à identifier des contextes de la vie qui donnent du sens au problème? Indicateur 2: Maitrise de la méthode

 L’élève est-il sollicité à dresser une liste de solutions possibles au problème?  L’élève est-il sollicité à justifier ses choix de solutions possibles?

 L’élève est-il sollicité à identifier des ressources disponibles pour alimenter ses réflexions? Indicateur 3: Production d’une synthèse

 L’élève est-il invité à communiquer une synthèse de ses recherches de solutions, à proposer une représentation originale?

 La synthèse produite est-elle susceptible de représenter le problème et d’être communiquée de façon claire pour tout destinataire?

Indicateur 4: Utilisation des disciplines

 L’élève est-il invité à garder le cap vers l’objectif du projet, en mettant une emphase équilibrée sur les outils disciplinaires?

Indicateur 5: Réflexivité épistémologique

 L’élève est-il sollicité à préciser le champ disciplinaire d’où est issu tel type de données?

Ces indicateurs ont fourni un appui réflexif à la démarche de conception et d’élaboration du dispositif didactique, de manière à concourir à son caractère interdisciplinaire.

Les prochaines sections font état des éléments centraux concernés par notre dispositif didactique. D’abord, il est question de la formation littéraire, plus particulièrement de 1) l’appréciation d’une œuvre, 2) la lecture littéraire, 3) l’écriture créative, 4) l’activité d’écriture « à la manière de » et 5) la sélection des textes résistants. Par la suite, nous traitons de la formation mathématique, où est dressé un portrait de la résolution de situations-problèmes en mathématiques. Enfin, les tenants de la formation interdisciplinaire littéraire et mathématique sont explicités.