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3. F ORMATION LITTÉRAIRE

3.5. Œuvres de littérature: critères de sélection

Sélectionner minutieusement les œuvres proposées aux élèves, particulièrement dans un but d’établissement de liens interdisciplinaires entre ces disciplines, est une première étape essentielle. Certains auteurs se sont donné des critères de sélection d’œuvres de littérature de jeunesse,

notamment Couet-Butlen (2007), Ducolon (2000), Hellwig et al. (2000), Hunsader (2004), Lépine et

al. (2015), Ollness (2005), Schiro (1997), Tauveron (2001) et Van der Linden (2007), de même que

le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) du Québec, dans le site web

Livres ouverts14. Sans décrire les critères établis par chacun de ces auteurs, qui l’ont fait dans diverses

intentions et selon divers regards, nous traiterons ici de la posture de sélection qui nous semble pertinente pour notre recherche ainsi que des critères que nous avons établis en nous inspirant des auteurs cités précédemment.

Selon Tauveron (2001), il importe de proposer aux élèves des textes dits « résistants », c’est- à-dire « réticents », qui posent des problèmes de compréhension délibérés, laissant au lecteur le soin de trouver des réponses, et/ou « proliférants », qui posent des problèmes d’interprétation, en ce qu’ils multiplient les interprétations possibles. Pour cette auteure, lire, c’est « faire la conquête du texte », c’est « une aventure » (Ibid.). Le texte doit présenter notamment des problèmes de compréhension, sans que la difficulté soit insurmontable. Au contraire, selon Tauveron (2002), les élèves « ne peuvent être initiés à la lecture littéraire, comme activité de résolution de problème, [que sur de tels textes] » (p. 9) et il faut les amener à développer des moyens de surmonter la résistance des textes (Tauveron, 2001).

Pour Ducolon (2000), une œuvre de littérature riche amène le lecteur à réfléchir, raisonner et résoudre des problèmes. Pour Lépine et al. (2015), il importe d’abord d’amener les élèves à découvrir des œuvres littéraires qui permettent de travailler des notions et des concepts issus des domaines de la littérature et des mathématiques. Ces œuvres, plutôt rares, présentent un riche contenu littéraire et intègrent des concepts et stratégies mathématiques dans une démarche de résolution de problèmes. Plus précisément, nos recherches nous ont amené à nous intéresser à la présence d’un problème (nœud) dans la trame du récit (Baroni, 2007). Ce moment charnière dans le récit, ce problème à résoudre (nœud à dénouer), doit nécessiter la mise en branle de processus cognitifs et de connaissances relevant du domaine des mathématiques pour parvenir à son dénouement – autrement dit, pour mieux apprécier l’œuvre dans son ensemble. Il ne s’agit donc pas de retrouver des éléments littéraires et des éléments mathématiques côte à côte, donc de les juxtaposer, mais bien d’avoir recours à des éléments et des processus provenant d’un domaine pour réaliser des apprentissages dans le

second et inversement; c’est dans cette contribution mutuelle que l’interdisciplinarité commencerait à prendre forme, où une mise en relation des disciplines est réalisée au sein d’une approche intégrée.

En plus du nœud dans la trame, les œuvres doivent respecter certains critères tant sur le plan littéraire que mathématique. À titre d’exemples, le texte doit être de qualité sur le plan de la langue (Ollness, 2005), susciter l’inférence (Couet-Butlen, 2007; Tauveron, 2001) et présenter des aspects qui font référence aux mathématiques, de manière explicite ou non (Hunsader, 2004; Schiro, 1997). Le tableau 2 présente un condensé des critères sur lesquels s’est appuyée la présente recherche dans la sélection de l’œuvre qui a été exploitée pour l’élaboration du dispositif didactique.

Tableau 2

Synthèse des critères de sélection des œuvres de littérature tirés des écrits recensés dans le cadre d’une démarche interdisciplinaire français-mathématiques

Dimensions littéraires Dimensions mathématiques

 Qualité de la langue (Ollness, 2005; Hunsader, 2004; Hellwig et al., 2000; Schiro, 1997)

 Histoire cohérente qui soutient l’intérêt (Hunsader, 2004; Hellwig et al., 2000; Schiro, 1997)

 Texte polysémique qui suscite l’inférence (Couet- Butlen, 2007; Tauveron, 1999, 2001)

 Texte réticent (présence d’implicite, de

paradoxe,…) (Couet-Butlen, 2007; Tauveron, 1999, 2001)

 Personnages intéressants et bien développés (Hunsader, 2004; Schiro, 1997)

 Sujets et thèmes qui enrichissent des réalités connues par le lecteur

 Valeurs positives et non discriminatoires (Hunsader, 2004; Schiro, 1997)

 Illustrations et mise en pages attrayantes (Couet- Butlen, 2007; Hunsader, 2004; Hellwig et al., 2000)

 Texte et illustrations tous les deux nécessaires à la construction du sens (Hunsader, 2004; Schiro, 1997) dans un rapport intéressant (Van der Linden, 2007)

 Texte approprié au niveau du lecteur (Hunsader, 2004; Schiro, 1997)

 Texte propice à la mise en place d’un projet d’écriture (Couet-Butlen, 2007)

 Contenu ou aspects qui font référence aux mathématiques, de manière explicite ou non (langages mathématiques, symbolisme, graphisme, etc.) (Hunsader, 2004; Schiro, 1997)

 Contenu mathématique précis et correct (vocabulaire, graphique, etc.) (Hunsader, 2004; Hellwig et al., 2000; Schiro, 1997)

 Présence d’au moins un problème (un nœud) dans la trame du récit, nécessitant le recours à des concepts et/ou stratégies

mathématiques pour être résolu (dénoué) (Lépine et al., 2015)

 Illustrations pouvant susciter une réflexion mathématique, une implication chez le lecteur (Hunsader, 2004; Schiro, 1997)

 Contenu mathématique suscitant une

réflexion, un raisonnement, une résolution de problème (Ducolon, 2000)

 Contenu mathématique approprié au niveau du lecteur (Hunsader, 2004; Schiro, 1997)

 Contenu mathématique et récit s’enrichissent l’un l’autre (Lépine et al., 2015)

Le tableau 2 propose les critères principaux desquels une personne enseignante du 3e cycle du

primaire pourrait s’inspirer, à son tour, pour sélectionner des œuvres de littérature de jeunesse dans une perspective interdisciplinaire littérature et mathématiques. L’élément central à retenir serait la

présence d’un problème (nœud) dans le récit, devant être résolu (dénoué) à l’aide des mathématiques afin de permettre une appréciation qui se veut pleine et entière de l’œuvre de littérature.

La section qui suit abordera la formation mathématique, plus particulièrement 1) la résolution de situations-problèmes, 2) des stratégies de résolution de problèmes et 3) des facteurs qui interviennent dans une résolution de problèmes mathématiques.