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3. APPORTS DE LA RECHERCHE

3.1. Intégration de trois sphères

En ce qui concerne notre travail de recherche pris dans sa globalité, l’exigence d’explorer le domaine de la didactique de la littérature, celui de la didactique des mathématiques et, enfin, l’interdisciplinarité dans un objectif de mise en relation de manière intégrée de ces deux domaines, a constitué un défi. Les travaux de recension et d’analyse des écrits scientifiques ont contribué de façon non négligeable à l’ampleur et à la durée de la démarche de recherche.

Plus encore que l’exigence d’approfondir au cours de notre recherche des éléments de ces trois catégories, le défi d’élaborer un outil destiné aux enseignantes et aux enseignants, qui permette d’articuler de façon logique des éléments littéraires et des éléments mathématiques en les intégrant au sein d’activités à visée interdisciplinaire demeurait considérable. À ce titre, le développement d’un tel outil s’avère un apport important de notre recherche.

En effet, les activités proposées dans notre dispositif didactique ont été élaborées selon une double préoccupation. D’une part, nous avions le souci constant de respecter l’essence même des disciplines en jeu, c’est-à-dire le français et les mathématiques. D’autre part, les activités proposées dans notre dispositif

devaient intégrer des éléments provenant des deux disciplines de manière à créer une véritable interaction entre elles, visant la « construction d’une représentation d’une situation », ce qui constituerait un fondement de l’interdisciplinarité, selon Fourez, Maingain et Dufour (2002, p. 11).

Le recours à une œuvre de littérature de jeunesse soigneusement sélectionnée a contribué à nous fournir un cadre favorisant l’exploitation de concepts liés à la langue et aux mathématiques en favorisant un gain de sens pour l’élève. En effet, l’analyse fine du récit Combien de terre faut-il à un homme? a permis de relever des éléments langagiers et des éléments mathématiques qui fournissent des indices sur le sens à donner au récit et l’interaction entre ces éléments contribue à apporter un éclairage nouveau au récit.

À titre d’exemple, prenons la deuxième situation-problème mathématique que nous avons proposée dans notre dispositif didactique, dont l’énoncé est « Le parcours de Pacôme pour acquérir son domaine est-il réaliste? ». Afin de répondre à la question soulevée par cette situation-problème, l’élève est d’abord amené à réfléchir sur le sens du mot « réaliste » qui peut tant référer aux caractéristiques des lieux, des personnages et de leurs actions, des péripéties, etc., telles que les a décrites l’auteure de l’album, que référer au caractère réaliste du parcours de Pacôme sur le plan des contraintes mathématiques livrées de manière plus ou moins explicite dans le texte. Le personnage aurait-il réellement pu faire le tour d’un domaine tel que le décrit le texte? L’élève est amené à extraire du texte les indices langagiers et les indices mathématiques pertinents et à les faire interagir de façon à démontrer que le périple de Pacôme est réaliste, ou non. L’élève doit ensuite se faire une représentation du parcours du personnage. Cette représentation constitue une illustration provenant de l’intégration des éléments littéraires et des éléments mathématiques issus du texte de l’album, éléments contribuent au sens à donner au récit. Notamment, une analyse intégrée des extraits du récit tels que « commencer son trajet en ligne droite », « J’ai été trop gourmand pour les deux premiers côtés de mon champ » et « il oblique pour rentrer » permettent de conclure que le trajet prend la forme d’un triangle. La plupart des élèves pourraient en arriver à cette conclusion et à une représentation du parcours ayant cette forme, et ainsi conclure que le parcours de Pacôme est réaliste. Or, ce n’est pas le cas.

En effet, d’autres extraits du texte cachent des indices mathématiques encore plus déterminants que ceux que nous avons mentionnés précédemment, indices qui nécessitent une analyse et un niveau d’inférence peut-être plus grands pour l’élève. C’est le cas des extraits « Voilà plusieurs heures que Pacôme est parti », « [il ne peut] quand même pas tourner déjà » bien qu’il se rende compte que la moitié

de la journée s’est écoulée… L’élève extrait le sens langagier et mathématique de ces indices et les intègre dans une représentation de la situation. Sa réflexion nourrie par les échanges avec ses pairs en travail d’équipe et lors des moments collectifs ménagés par la personne enseignante, l’élève constate qu’il s’avère impossible d’illustrer un triangle dont le premier côté mesure la moitié du périmètre total. Par conséquent, le parcours de Pacôme, tel que décrit dans le récit, n’est pas réaliste. La construction d’une représentation de la situation à partir de l’interaction entre les éléments langagiers et les éléments mathématiques a contribué à donner du sens aux enjeux mêmes du récit. Cette interaction et ce gain de sens constituent un apport important du dispositif didactique que nous avons développé.

Ce gain de sens proviendrait, d’une part, du fait que nous avons exploité une œuvre de littérature de jeunesse résistante, laquelle contribue à lier les savoirs des domaines du français et des mathématiques. Cet avantage du gain de sens issu de l’exploitation d’œuvres littéraires a été soulevé par plusieurs chercheurs tels que Capraro (2006), Jacobs et Rak (1997) et Lynch (2006).

Le souci d’articuler de façon logique des éléments des domaines de la langue et des mathématiques ainsi que de les exploiter de façon intégrée nous a amenée à effectuer un va-et-vient itératif entre les fondements de leurs didactiques respectives, mais également à apporter des ajustements à notre dispositif didactique tout au long de son développement. Ces ajustements avaient pour but d’amener notre dispositif didactique à présenter un caractère interdisciplinaire. La prochaine section décrit en quoi notre dispositif présente un ensemble de caractéristiques liées à l’interdisciplinarité.