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Certaines limites subsistent en lien avec le dispositif didactique et au choix de l’album Combien

de terre faut-il à un homme? Les prochaines sections en font état.

5.1. Limites liées au dispositif didactique

Les commentaires des experts sur notre dispositif didactique ont permis d’identifier certaines limites à notre dispositif. Nous explicitons ici ses limites liées à son ampleur, aux notions mathématiques qui sont abordées en lien avec les situations-problèmes mathématiques ainsi qu’à l’activité créative qui y est proposée.

5.1.1. Taille du dispositif didactique

Une première limite à soulever à propos du dispositif concerne son ampleur et, par conséquent, la durée nécessaire pour l’exploiter entièrement. Effectivement, le document en soi inclut une trentaine de pages couvrant l’ensemble des activités ainsi qu’une douzaine de pages de capsules théoriques que l’enseignante ou l’enseignant peut consulter au besoin. D’abord, l’ampleur du document peut laisser croire à une certaine lourdeur d’exploitation. L’appropriation d’un tel outil peut en effet supposer un certain investissement de temps pour l’enseignante ou l’enseignant et son exploitation en classe gagnerait certainement à être planifiée sur plusieurs jours. D’ailleurs, un des experts consultés s’est prononcé à ce sujet en disant « Je me questionne seulement sur la notion du temps. Beaucoup de concepts mathématiques sont exploités. Est-ce possible d’imaginer faire ce projet sur 2 ou 3 semaines? ».

5.1.2. Situations-problèmes et notions mathématiques: niveau de complexité

Les situations-problèmes mathématiques proposées dans le dispositif didactique pourraient présenter un certain niveau de complexité pour des élèves du 3e cycle du primaire (5e et 6e année). D’une

part, comme le souligne l’enseignant de 6e année que nous avons consulté, « il y a beaucoup de notions

rattachées (aire-périmètre-cercle-triangles-convexe/concave) » dans une même situation-problème. D’autre part, l’enseignante de 5e année qui a commenté notre dispositif didactique précise que le « contenu

[de l’album] est plus près de la 6e année/secondaire 1 que [de la] 5e année ». Certaines notions

mathématiques exploitées à partir du récit ne font effectivement pas partie du Programme de formation

de l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 2013) pour le 3e cycle du primaire; leur exploitation

demeure facultative, bien qu’il puisse être intéressant voire stimulant de les aborder avec les élèves. C’est le cas de l’exploration de diverses techniques pour estimer l’aire du cercle, de l’algorithme pour la calculer,

du calcul de l’aire du triangle et des relations métriques dans le triangle. Selon le Programme de formation

de l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 2013), au 3e cycle du primaire, l’étude du cercle (rayon,

diamètre, circonférence, angle au centre) n’inclut pas le calcul de son aire et l’étude des triangles a pour principaux objectifs d’amener les élèves à les identifier, les nommer, les décrire et les classifier.

Cela dit, nous sommes d’avis que le dispositif didactique pourrait être exploité autant au 1er cycle

du secondaire qu’au 3e cycle du primaire, ce qui contribue à son originalité. La profondeur des notions à

couvrir et les attentes de la personne enseignante pourraient tout simplement être adaptées au niveau des élèves composant sa classe.

5.1.3. Activité d’écriture créative: sentiment d’incertitude

Outre certains aspects en lien avec les situations-problèmes mathématiques, l’activité d’écriture créative proposée en troisième partie du dispositif didactique peut également s’avérer une tâche complexe voire déroutante pour les élèves, ce qui pourrait en constituer une troisième limite. L’un des experts que nous avons consultés mentionne à ce sujet qu’il croit que ce type d’activité « sera difficile pour les élèves de par le côté nouveauté ». En effet, un sentiment d’incertitude ou de déséquilibre peut être ressenti par les élèves (et les personnes enseignantes) qui sont moins familiers avec les activités à caractère interdisciplinaire. Il s’agit justement d’une difficulté liée à l’interdisciplinarité qui a été soulevée notamment par Wolton (2013), qui prévient que « travailler dans l’interdisciplinarité [c’est], en effet, avancer sans beaucoup de références stables, dans l’incertitude » (p. 211).

En même temps, il s’agirait là d’une condition à la créativité dans une approche interdisciplinaire, comme le précise Besnier (2013) qui soutient que « seul le désordre est créateur » (p. 25) et que de là, un nouvel ordre peut surgir. Considérant cela, dans l’optique où l’activité d’écriture créative amène les élèves à faire appel à deux disciplines en vue d’obtenir un résultat original (Fourez, Maingain et Dufour, 2002), la personne enseignante doit inévitablement accepter que ses élèves empruntent des parcours interprétatifs divers et produisent des écrits selon autant de représentations originales. Comme le dit Besnier (2013) à propos des approches interdisciplinaires, pour s’y investir il importe d’accepter l’imprévisible et de se montrer créatif et productif dans la résolution des problèmes.

5.2. Limite liée au choix de l’œuvre

La sélection de l’album, à partir duquel notre dispositif didactique a été élaboré, s’est effectuée à partir d’un ensemble de critères. Notamment, rappelons-le, Combien faut-il de terre à un homme? est un album dont le récit a le potentiel de poser des problèmes de compréhension (réticence) et d’interprétation

(proliférance). De plus, la présence de nœuds dans la trame de l’histoire appelle au recours à des notions et à des stratégies mathématiques, lesquelles pourraient contribuer à mieux apprécier l’œuvre et à offrir un gain de sens pour l’élève. La richesse de son texte et le fait qu’il s’agisse d’un conte classique s’ajoutent aux arguments ayant mené à la sélection de cet album. Enfin, tant les éléments langagiers que mathématiques sont d’un niveau de difficulté adéquat et accessible pour des élèves du 3e cycle du primaire.

Dénicher un tel album n’a pas été une mince affaire. Effectivement, plus de deux années de recherche ont été effectuées pour identifier des albums présentant des caractéristiques susceptibles d’être exploitées au sein d’un projet interdisciplinaire littérature et mathématiques. Au terme de nos recherches, un nombre très restreint d’œuvres de littérature de jeunesse s’avèrent suffisamment pertinentes pour être exploitées en ce sens.

Ce constat soulève le défi de la reproductibilité d’un tel projet à caractère interdisciplinaire pour une personne enseignante qui, après avoir expérimenté notre dispositif didactique élaboré à partir de l’album

Combien de terre faut-il à un homme?, voudrait répéter l’expérience en exploitant un autre album de

littérature. Certes, des albums présentent un intérêt certain sur les plans littéraires ou de la résolution de situations-problèmes mathématiques. Toutefois, les œuvres de littérature présentant la richesse et le potentiel de Combien de terre faut-il à un homme? demeurent l’exception. En effet, l’articulation du français et des mathématiques n’est pas chose facile. Pour la rendre possible, il importe notamment de s’appuyer sur des éléments issus de la réalité, comme nous l’avons fait ici à partir d’un récit. Les particularités essentielles du texte du récit d’Annelise Heurtier, outre sa richesse sur le plan littéraire, demeurent d’une part la présence implicite de situations-problèmes mathématiques, qu’il nous a bien sûr fallu extraire de la trame de l’histoire et problématiser, mais d’autre part, le gain qu’apporte la résolution de ces situations-problèmes au sens même à donner au récit. Cela dit, l’approche proposée dans le cadre de notre dispositif pourrait être réalisée à partir d’autres œuvres littéraires résistantes en français et dans d’autres disciplines que les mathématiques.