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6. DISCUSSION

6.3 I NSPIRER , VERS LA MOTIVATION

Si les entretiens ont permis de relever le lien entre management et leadership, ils soulèvent également un aspect motivationnel lié à ces deux notions.

D’une part, le leader doit favoriser la motivation de ses employés et ce, en les stimulant, en boostant l’équipe. Et, d’autre part, la motivation est vue comme un moyen pour le manager d’inspirer ses collaborateurs, de manière à les amener dans la direction qu’il prône. Cette inspiration est parfois expliquée par la notion de charisme. Ainsi, c’est par son caractère de leader, parfois vu comme charismatique, que le manager pourra motiver son équipe et l’amener où il veut. Si l’on reprend les idées de Mintzberg (2008), cela s’explique notamment par le rôle de leader qu’incarnent les cadres. Ces derniers sont détenteurs d’une autorité formelle en raison de leur fonction mais, comme vu dans le point précédent, cela ne permet pas de situer le niveau de pouvoir qu’ils auront ; ce sont ses qualités de leader qui permettent cela. Cette inspiration passe également par les valeurs et l’image qu’il transmet au sein de l’organisation ; on parle de diffuseur. Dans ce rôle identifié par Mintzberg (2008), le cadre est porté par ses valeurs, son éthique, ses engagements et doit les communiquer de manière à guider ses employés lorsqu’ils ont une décision à prendre. Par exemple, l’un des cadres a mis le doigt sur l’importance de la droiture et ses employés savent ainsi que, lorsqu’un dilemme se présente à eux, ils doivent opter pour la solution la plus droite, la plus juste. Par ailleurs, notons que seuls deux cadres parlent ouvertement de la notion de charisme, or, la littérature souligne de manière évidente le lien entre leadership et charisme. Il est en effet fréquent de lire, notamment chez Mintzberg (2008 ; 2015), qu’un leader amène les gens dans la direction qu’il prône par son physique ou son charisme.

Dans les entretiens, parmi les cadres qui parlent du charisme comme une qualité intrinsèquement liée au métier de manager, l’un la considère comme une qualité « innée » 13. En d’autres termes, certains individus sont dotés de charisme dès la naissance, ils naissent avec, et d’autres ne le sont pas. Ces derniers, qui sont malheureusement exempts de cette capacité,

13 Entretien F

ne pourront pas la développer plus tard car il s’agit d’une qualité « naturelle » qui ne peut se développer par l’expérience ou la formation. Par contraste, un autre cadre ayant également fait mention du charisme comme une source motivationnelle, estime que le charisme n’est pas entièrement inné : en effet, selon lui, certaines personnes naissent avec cette qualité, mais d’autres la développent avec l’expérience, le langage et la posture. Il postule même qu’un leader a tendance à gagner du charisme avec l’âge, avec l’expérience qui se déploie au fil des années.

Il est ainsi intéressant de souligner ces deux positions diamétralement opposées.

La motivation que peut transmettre le manager auprès de ses employés passe aussi par la crédibilité de ce premier. Rappelons que cette motivation s’est notamment traduite par le fait d’être inspirant, de donner envie de travailler avec soi. Or, les gens ne vont pas suivre une personne pour laquelle ils n’ont aucun respect, ou à laquelle ils n’accordent aucune crédibilité.

C’est un élément qui sera traité dans le point suivant, afin que les sujets n’empiètent pas trop les uns sur les autres.

Ainsi, la motivation est très liée au rôle de leader du cadre, qui semble se décliner dans toutes les activités de ce dernier. Cette motivation peut se lier aux qualités charismatiques du manager, notamment à travers lesquelles il est porteur des valeurs qui lui tiennent à cœur. Enfin, la crédibilité est aussi à prendre en compte dans l’aspect motivationnel car c’est elle qui confère une part considérable du pouvoir au cadre.

6.4 Être crédible, une question de compétences

La crédibilité est un sujet qui a partagé les avis des différents cadres interrogés. Néanmoins, ils s’accordent tous sur le lien entre la crédibilité et la réussite : un manager doit être compétent pour pouvoir être crédible.

Dans un premier temps, il est important de souligner que la crédibilité est perçue de deux façons : d’une part, par les actions menées par le cadre et, d’autre part, par ses compétences.

Lorsque la crédibilité est considérée du point de vue des actions menées, le cadre, qui est détenteur de pouvoir, est tenu responsable pour les décisions qu’il prend. Par ailleurs, cette question de pouvoir n’est pas anodine et concerne également la crédibilité : en effet, si un cadre n’est pas crédible, même si sa fonction lui confère une autorité formelle, son pouvoir se verra limité. Dans les différents rôles qu’il doit assumer, celui de leader lui permet, ou non, de gagner

ce pouvoir. Mais ce n’est pas le seul rôle concerné par la question : lorsqu’il est porte-parole de l’organisation, le cadre se doit d’être au courant de toutes les informations concernant cette dernière car c’est cela qui le rendra crédible face aux partenaires de l’entreprise. Pour avoir connaissance de toutes les informations nécessaires à son activité, le cadre doit donc user de ses compétences afin de déterminer la véracité et la pertinence de ces premières, de manière à prendre les meilleures décisions.

Cela nous amène au second point : le rôle des compétences dans la crédibilité du manager. Il ressort des entretiens que différents cadres ont mentionné l’importance pour ce dernier de savoir plus de choses que ses collaborateurs, notamment dans la situation d’un médecin-chef. Ce dernier, qui fait partie du panel de personnes interrogées, a en effet mentionné l’importance de savoir plus que le reste de son équipe, de par son expérience plus importante. En l’occurrence, dans le domaine médical, le médecin qui veut prétendre devenir chef de service par exemple est celui qui a les meilleures compétences du service concerné, et devra prendre en charge la formation de futurs médecins ou prendre part à une activité académique, à savoir de la recherche 14. Il doit donc savoir plus que les autres, c’est même prévu dans son cahier des charges. Le monde médical suisse, du moins une partie, reconnaît ainsi le lien étroit entre crédibilité et compétences. De ce fait, la crédibilité professionnelle peut être plus reconnue que la crédibilité managériale ; un cadre a avoué accorder plus d’importance aux compétences professionnelles d’un cadre qu’à ses compétences managériales. Selon ce schéma, un manager le devient, non pas grâce à ses compétences de cadre, mais s’il est un bon professionnel, confirmant l’adage « le manager, c’est le meilleur ». Il se voit donc engagé, ou promu, pour ses compétences techniques ou ses performances, et non pour ses compétences managériales. Cela renforce la conception du management comme un simple savoir-faire car le fait d’être un bon professionnel prime sur le fait d’être un bon manager. De plus, cela promeut également une culture de promotion interne : les meilleurs professionnels gravissent progressivement les échelons.

Ainsi, la crédibilité va de pair avec la notion de compétences et celle de réussite. Le manager peut donc gagner sa crédibilité par les actions qu’il entreprend, notamment les décisions prises, ou par ses compétences, de bon professionnel avant de cadre.

14 Consulté via :

https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/dsas/cd/fichiers_pdf/Reglement_medecins_cadres_1 4.01.08.pdf

6.5 Gravir les échelons, ou la crédibilité du professionnel

Comme susmentionné, un des cadres interrogés est un médecin-chef qui a mentionné l’importance de savoir plus que ses collaborateurs pour être crédible et ce, en raison d’une expérience de vie et professionnelle plus importante. Il est intéressant de voir que, pour ce cadre, la crédibilité et les compétences sont ainsi liées à l’expérience d’une personne.

Dans la partie précédente, il a aussi été fait mention d’un cadre qui considère les compétences professionnelles comme plus importantes que les compétences managériales, renforçant ainsi l’idée du management comme simple savoir-faire et la promotion d’une culture de promotion interne. Revenons sur ce point : il ressort également des entretiens que la crédibilité est liée au parcours du manager. En effet, plusieurs d’entre eux défendent la position selon laquelle il est important de connaître le métier avant de pouvoir aspirer à diriger. L’un des enquêtés 15 évoque même son admiration pour les entreprises conduites par un patriarche, qui transmettait ensuite tout son savoir à son fils, ou par défaut à un successeur. Il est conscient qu’il s’agit d’une vision quelque peu ancestrale du management, mais défend ce modèle d’ascension progressive, s’opposant à l’idée d’implanter un cadre qui ne connaît rien du métier mais qui a des compétences managériales. On retrouve donc ici l’idée du management comme un second métier, où il faut d’abord maîtriser un métier puis devenir un très bon professionnel, reconnu pour ses compétences techniques, de manière à être ensuite promu à la fonction de cadre. A nouveau, il s’agit donc d’être engagé en tant que manager, non pour ses compétences en tant que cadre, mais pour ses compétences professionnelles. Si c’est une idée partagée par plusieurs interrogés, il est néanmoins important de souligner les risques liés à une telle pratique : le risque est en effet qu’une fois promu, l’activité de ce professionnel change radicalement et qu’il doive faire face à des tâches qui lui sont inconnues. Prenons l’exemple d’un menuisier, qui se fait remarquer par son supérieur pour ses performances et se voit ainsi promu au poste de manager de l’atelier. Une fois à cette fonction, il se retrouve à devoir gérer des tâches liées à la gestion du personnel, tel que l’accueil d’un nouveau collaborateur ou la rémunération salariale, or, il ne possède aucune compétence dans le domaine. Si cette ascension progressive permet de conférer une certaine crédibilité au cadre, c’est aussi défendre une position où, pour intégrer une entreprise qui défend une telle conception, il faut obligatoirement passer « par le bas ». Un des cadres, dont l’organisation défendait une très forte culture de promotion interne, évoque le

15 Entretien E

principal inconvénient lié à une telle pratique : celui de la durée nécessaire à l’accès d’un poste à responsabilités. En effet, il explique qu’avec un tel modèle, il fallait compter dix à quinze ans pour devenir manager et que, dans le contexte actuel marqué par la recherche de performance, la brièveté et les évolutions rapides, cette conception ne pouvait plus survivre. La littérature nous dit autre chose : Mintzberg (2015), soutenu par Livingston (1971), attaque cette recherche qu’il qualifie de « course de vitesse » (Mintzberg, 2015, p.173). Il reproche ainsi aux profils des jeunes étudiants en management de n’avoir aucune expérience dans le domaine et d’accéder à des postes à responsabilités très vite, en raison de leur diplôme. Il critique également leur manque de compréhension de l’organisation dans laquelle ils travaillent et de ne rien connaître d’autres que des outils statistiques appris en cours. Ces deux positions sont ainsi très opposées et pourront peut-être être nuancées par certains éléments à venir.

Ainsi, la majorité des cadres mentionne l’importance de connaître, sinon le métier, le contexte dans lequel ils interviennent. Certains d’entre eux défendent même l’idée d’une ascension progressive où il faut commencer « en bas de l’échelle », se former à un métier, devenir un bon professionnel puis ensuite cadre. Pourtant, ce schéma présente des inconvénients, tel que le temps nécessaire pour y parvenir. De plus, une tendance apparaît : celle de négliger certains aspects du métier de manager qui ont pourtant été mentionnés dans les conceptions de ce dernier. En effet, les cadres reconnaissent la dimension administrative du travail de cadre (cf.

6.1) mais semblent la nier ici ; or, cette dimension ne peut pas forcément s’acquérir par une simple ascension progressive. A nouveau, le management est réduit à une simple prise de lead, à une posture, à un savoir-faire et toutes ses autres dimensions semblent avoir été oubliées.

6.6 Développer les compétences des collaborateurs, une responsabilité discutée

Pendant les entretiens, il a été demandé aux personnes interrogées de donner leur conception du rôle d’un manager. Il ressort de ces échanges que le manager doit notamment montrer l’exemple, prendre des décisions et agir en qualité de lien entre ses collaborateurs et ses supérieurs. Lorsqu’il leur a ensuite été demandé d’expliquer leur activité managériale, les différents cadres interviewés ont mentionné l’accompagnement à la mobilité, à l’évolution, le fait de permettre le développement professionnel ou encore de garder les compétences, de se former. Ainsi, selon ces quelques éléments soulevés, il paraissait évident que, lorsque la question de la responsabilité du développement des compétences de leurs collaborateurs serait introduite, cette dernière serait imputée au manager. La réalité est toute autre.

Si la question n’a pas pu être posée à l’ensemble des cadres, ou qu’ils n’y ont tout simplement pas répondu, ceux qui ont donné une réponse se rejoignent à la majorité sur le fait qu’il s’agit du rôle du collaborateur de développer ses propres compétences. Or, lorsque des éléments tels que l’accompagnement à l’évolution ou le développement professionnel sont indiqués dans le rôle d’un cadre, un écart se creuse entre ces conceptions et la question du développement des compétences. Meignant (2006) évoque diverses pathologies liées au management de la formation. Ainsi, il relève une première pathologie, qui ressort d’ailleurs dans les propos de certains managers, celle du salarié qui est livré à lui-même dans la définition de ses besoins en matière de formation (Meignant, 2006, p.106). Le risque d’une telle pratique est que sa demande de formation ne contribue pas à sa professionnalisation, ni à l’amélioration de l’exercice de son activité quotidienne. De plus, d’un point de vue financier, la formation doit servir l’employé mais également la performance de l’entreprise. Une autre pathologie identifiée est celle du « salarié qui ne demande rien est supposé ne pas avoir de besoins. » (Ibid., p.107) Dans ce cas-ci, il est donc attendu que l’employé se manifeste de lui-même pour exprimer ses besoins de formation. A nouveau, un risque apparaît : celui de se former en fonction de ses envies, non de ses besoins. Il m’est arrivé fréquemment d’entendre, dans mon entourage, des personnes s’enthousiasmer pour une inscription à des cours de langue dans le cadre d’une formation au travail et ce, bien que celle-ci soit tout à fait inutile à l’exercice de leur activité. Il est dangereux de s’appuyer sur une telle conception de la formation, notamment en cas de restructurations car c’est le public le plus touché ; il ne faut ainsi pas oublier que la politique de formation doit servir à la performance de l’entreprise. Par ailleurs, différentes théories ont souligné l’importance du capital humain comme élément important de l’organisation et, plus largement de la société. Dans la théorie du capital humain, il est notamment fait mention du rôle de la formation sur l’économie d’un pays : en effet, plus la main d’œuvre d’un pays est formée et a un niveau d’études élevé, plus le taux de chômage est faible. Pour en revenir aux managers interrogés, ces derniers justifient leur position par le fait que ce ne soit pas des pratiques actuelles, qu’il s’agit d’un modèle ancien de management où le cadre donnait des ordres. Ils voient ainsi la formation comme une initiative du collaborateur et se déresponsabilisent notamment en s’appuyant sur l’importance du rôle actif de ce premier. Si l’on connaît l’importance de l’utilité perçue pour l’apprentissage adulte, ce n’est pas en proposant des formations aux collaborateurs qu’ils seront forcément passifs lors de celles-ci.

Parmi l’ensemble des cadres interrogés, une seule personne16 attribue l’entière responsabilité du développement des compétences au manager. Soulignons qu’il ne s’agit non pas d’un manager, mais d’une personne qui engage des managers. On peut ainsi se demander s’il existe un éventuel manque de compréhension quant au cahier des charges attribué aux cadres. Toutefois, en se penchant sur les entretiens, il est peu probable que ce soit le cas et ce, en raison des éléments donnés par les cadres quant à leur rôle et à leur activité managériale. En effet, ils font mention d’offrir un cadre de développement professionnel ou encore d’accompagnement à la mobilité.

Une incohérence apparaît donc entre leurs conceptions du rôle de cadre et la réponse donnée lorsque la question de la responsabilité du développement des compétences leur est posée de but en blanc.

Finalement, certains attribuent cette responsabilité à l’entreprise et au collaborateur, et suggèrent notamment de soutenir ce dernier par des mesures. Malheureusement, une telle pratique ne garantit pas une qualité de la formation. On peut prendre pour exemple l’apparition de la loi Delors de 1971 qui prévoit qu’un pourcent de la masse salariale d’une entreprise soit allouée à la formation. Cette dernière est ainsi réduite à un simple investissement financier, alors que la somme investie par une entreprise n’est en rien une preuve de qualité de la formation offerte. La qualité de la formation repose sur la politique et le management de la formation, et sur celui qui la représente, notamment par son attitude. En effet, un cadre qui ne comprend pas l’intérêt de la formation, comment pourrait-il convaincre ses employés du bien-fondé d’une telle pratique ? Cela nous renvoie aux différents rôles du cadre identifiés par Mintzberg (2008), notamment celui de diffuseur qui porte des valeurs et qui est guidé par ses engagements, permettant à ses collaborateurs de comprendre la direction à prendre en cas de dilemme ; mais également, celui de leader par lequel il peut laisser des indices de cette direction à suivre.

On constate ainsi qu’il n’existe pas de consensus quant à la responsabilité du développement des compétences des collaborateurs. Néanmoins, l’on découvre que la majorité des cadres attribuent cette responsabilité à l’employé, se cachant derrière la politique de l’entreprise ou le refus de simplement donner des ordres qui semble être une pratique trop démodée. Il serait intéressant d’interroger les premiers concernés, à savoir les employés, de manière à connaître leur opinion sur la question et ainsi savoir s’ils reconnaissent la responsabilité du cadre dans le développement de leurs compétences.

16 Entretien F

6.7 Suivre un parcours académique, un fossé avec les conceptions du management

Avant de discuter les perceptions relevées quant aux parcours de formation initiale, il est important de considérer le profil des interviewés. Ainsi, deux profils se détachent : a) le cadre qui a suivi un parcours académique (universitaire) en formation initiale puis a développé son expérience en travaillant sur le terrain une fois son diplôme obtenu, b) le cadre qui s’est formé par un apprentissage (CFC) en formation initiale puis a suivi une formation continue universitaire. Un autre profil se démarque des autres : un cadre interrogé a effectué un apprentissage en formation initiale puis a suivi un brevet fédéral en formation continue.

Il ressort des entretiens que seules deux personnes, dont l’un n’a pas encore achevé sa formation, ont suivi un parcours académique en formation initiale. Cela peut peut-être expliquer le manque de propos sur la voie par apprentissage et sur les attaques plus importantes quant à la

Il ressort des entretiens que seules deux personnes, dont l’un n’a pas encore achevé sa formation, ont suivi un parcours académique en formation initiale. Cela peut peut-être expliquer le manque de propos sur la voie par apprentissage et sur les attaques plus importantes quant à la