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Une nouvelle tendance dans l’importance donnée à la dimension de la langue en EMILE

CHAPITRE 6 L’évaluation dans la méthodologie EMILE

1. La complexité de l’évaluation en EMILE

1.2. Une nouvelle tendance dans l’importance donnée à la dimension de la langue en EMILE

Nous avons vu (chapitre 4, paragraphe 2) qu’à la base de la méthodologie EMILE il y a la

rule of forgetting ou forgetting principle, célèbre théorie de Krashen selon laquelle on acquiert

mieux une langue quand on oublie qu’on est en train de l’acquérir.20 L’un des buts principaux des cours EMILE est, en effet, de permettre aux élèves d’utiliser concrètement la langue étrangère pendant qu’ils apprennent une autre discipline. Il s’agit de cours où il est fondamental que les

20 Ici nous avons expressément utilisé ces mots pour rappeler la distinction de Krashen entre

enseignants gardent toujours une attitude bienveillante, limitent les interruptions à l’oral et évitent de se lancer dans des explications trop détaillées des règles syntaxiques, caractéristique plutôt des cours de langue traditionnels.

Toutefois, même si les cours EMILE sont loin d’être des cours de langues, ces toutes dernières années on a assisté à une tendance à suivre plutôt les théories de chercheurs tels que Lyster, Pica et Swain qui soulignent la nécessité d’augmenter le temps consacré à la réflexion sur la langue pour que les apprenants puissent véritablement progresser. Il est vrai qu’en EMILE on utilise une langue étrangère pour apprendre et qu’on apprend en utilisant cette langue, mais cela n’implique pas que l’on fasse abstraction totale des aspects liés à sa forme. Jusqu’aux années 2000 on a beaucoup insisté sur le fait que la transmission du contenu devait compter plus que la correction linguistique et malheureusement ce principe a été mal interprété : au lieu de se limiter à évaluer moins sévèrement les erreurs liées à la langue par rapport à celles liées au contenu, cela a engendré une mise de côté exagérée de la dimension linguistique excepté le lexique qui a toujours eu une grande importance dans les cours EMILE). Toute réflexion sur la forme de la langue, ainsi que toute analyse des erreurs, étaient donc automatiquement bannies des cours EMILE pour donner plus d’importance au contenu, bien qu’on ait compris ensuite que cela empêchait l’apprentissage intégré et n’apportait pas l’enrichissement mutuel qui est à la base de cette approche. On rappelle à ce propos que dans le rapport Eurydice 2006 (cité au chapitre 1, paragraphe 3 de notre thèse), l’on souligne précisément la double importance de la langue et de la discipline « sans qu’il y ait de préséance de l’une sur l’autre ».

Pourtant l’un des plus grands reproches que l’on fait encore à l’EMILE est celui de ralentir l’apprentissage disciplinaire, alors qu’il semble évident que l’enseignement d’une discipline dans une langue étrangère ne peut qu’être plus lent à cause des difficultés des élèves. Quand on veut approfondir une discipline, d’habitude, on utilise la langue maternelle des élèves et donc cela ne peut pas être le but de l’EMILE ! Au chapitre 5, nous avons vu qu’effectivement les cours EMILE sont caractérisés par l’utilisation des périphrases, des redondances, etc., mais nous estimons que ces ralentissements ne sont pas en antithèse avec un enrichissement mutuel. Au contraire, malgré ce léger ralentissement, cette méthodologie améliore l’apprentissage de la discipline, en offrant une vision plus ouverte et une perspective différente. Nous avons déjà abondamment décrit les nombreux bénéfices de l’EMILE, non seulement au niveau linguistique, mais aussi au niveau cognitif et culturel, ce qui n’est pas à sous-estimer.

De toute façon, il ne faut pas oublier que l’un des premiers buts de l’EMILE est celui d’augmenter les heures de contact avec une langue étrangère pour améliorer les compétences

linguistiques et communicatives des élèves. À ce propos il nous paraît intéressant de citer Coonan (2012, p. 135) :

[…] Che posto deve avere la LS nella verifica? La LS va verificata separatamente oppure insieme al contenuto che ha veicolato e che ha contribuito al suo sviluppo?

Per rispondere dobbiamo ricordare che CLIL è un acronimo che evidenzia la necessità che la LS e il contenuto debbano costituire un apprendimento integrato. C’è la consapevolezza che l’apprendimento di una materia scolastica nella LS contribuisce allo sviluppo qualitativo della LS per cui in un certo qual senso il contenuto è il veicolo e il promotore di t ale crescita.21

Coonan insiste sur le fait que le contenu contribue à améliorer la compétence dans la langue étrangère et qu’il doit promouvoir cette amélioration. Elle explique très clairement qu’en EMILE le focus n’est donc pas sur le contenu, mais qu’au contraire il devient le véhicule et le promoteur des progressions linguistiques : paradoxalement ici ce n’est pas la langue qui véhicule le contenu, mais le contenu qui véhicule des progrès dans la dimension linguistique de l’EMILE. Les détracteurs de l’EMILE devraient en tenir compte et considérer que cette approche n’est pas née pour transmettre le plus possible de notions des différentes disciplines. Il est toutefois vrai que les enseignants EMILE sont confrontés à des programmes immenses, mais ce n’est pas la faute de cette méthodologie. C’est plutôt l’organisation scolaire qui ne leur laisse pas la possibilité de s’adapter au rythme de la classe. Apparemment, comme le soulignent aussi les enseignants qui ont assisté à nos cours sur l’évaluation en EMILE (notre expérience sur le terrain décrite dans la quatrième partie), l’école en Italie n’est pas encore prête à la liberté de cette méthodologie et reste encore trop ancrée aux programmes ministériels "fantômes" qui peu ont à voir avec l’esprit EMILE.

Pour revenir à la théorie de la rule of forgetting de Krashen, elle reste donc sûrement fondamentale pour la méthodologie EMILE, mais on a dû admettre, se référant en particulier aux théories de Swain sur les programmes d’immersion au Canada, que n’accorder aucune attention

21 « […] Quelle place doit-elle avoir la langue étrangère (L2) dans le contrôle ? La L2 doit-elle

être vérifiée séparément ou avec le contenu qu’elle a véhiculé et qui a contribué à son développement ?

Pour répondre nous devons nous rappeler que EMILE est un acronyme qui met en évidence la nécessité que la L2 et le contenu doivent constituer un apprentissage intégré. Il y a une pleine conscience que l’apprentissage d’une matière scolaire dans une L2 contribue au développement qualitatif de la L2, par conséquent, d’une certaine façon, le contenu est le véhicule et le promoteur de ce développement ».

à la forme de la langue ne donne que des résultats très peu satisfaisants, en particulier dans la production linguistique des apprenants. Comme le rappelle Serragiotto (2014, p. 39) :

I casi CLIL documentati nella realtà canadese da parte di Swain e Lapkin (1982) sono serviti alla comunità scientifica europea per mettere a fuoco i termini di un percorso […]. Si è andato delineando, perciò, un quadro strategico che ha segnato l’adozione della metodologia CLIL in Europa con lo scopo di produrre un salto di qualità nell’acquisizione delle lingue […].22

Tout en s’adaptant parfaitement à l’utilisation pragmatique de la langue, caractéristique essentielle de l’enseignement EMILE, il est désormais reconnu que dans le cadre de cette approche la rule of forgetting de Krashen devrait être mitigée (nous reviendrons sur ce concept au chapitre 2 paragraphe 1 de la deuxième partie).