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CHAPITRE 4 Traits pertinents de la méthodologie EMILE

5. La communication

La langue en EMILE est à la fois langue d’apprentissage (lexique de la discipline, ses structures, etc.) et surtout pour l’apprentissage (soutien linguistique qui sert à l’apprenant pour atteindre ses objectifs cognitifs). Coyle, Hood, Marsh (2010, p. 34), dans leur schéma triangulaire du Language Triptych, ont considéré une troisième composante essentielle de la langue : à la langue d’apprentissage (language of learning) et à la langue pour l’apprentissage (language for learning) ils ont ajouté la langue à travers l’apprentissage (language through learning) : naturellement ces trois composantes de la langue doivent toutes être développées dans un parcours EMILE.

Le fait que l’EMILE mette l’accent non pas sur la langue, mais justement sur la communication, fait en sorte que l’on considère que pour utiliser une langue il n’est pas nécessaire de la connaître parfaitement. On peut la « pratiquer » pour s’exprimer dans des disciplines spécifiques même si on a un vocabulaire limité, une grammaire défectueuse et une prononciation approximative. En effet, l’EMILE encourage à se servir très vite de la langue pour interagir et pour apprendre, même si elle est loin d’être impeccable. Un grand mérite de l’EMILE est effectivement de libérer les apprenants (et même certains enseignants !) de la peur constante de faire des erreurs pendant qu’ils s’expriment. La correction de la langue ne doit pas hanter les élèves EMILE,

qui doivent pouvoir s’exprimer en se concentrant sur le contenu. Une analyse de leurs erreurs est toutefois souhaitable à la fin de la performance ou grâce à la collaboration de l’enseignant de L2. Nous expliquerons dans le chapitre 6 sur l’évaluation et dans les deux premiers chapitres de la deuxième partie que le fait d’utiliser immédiatement la langue et sans se soucier des erreurs n’exclut pas une réflexion sur sa forme.

L’importance que l’EMILE donne à la compétence communicative et à l’expression du contenu de la discipline étudiée augmente énormément la confiance et la motivation des apprenants. Nous venons de souligner l’importance de la motivation : il est fondamental d’associer cet apprentissage à des buts précis, l’utilisation de la langue étrangère en EMILE doit être toujours fonctionnelle et le contexte doit être considéré comme motivant et ayant du sens pour l’apprenant. L’EMILE ne motive pas seulement les élèves qui d’habitude n’aiment pas les langues étrangères, il motive même ces élèves qui ont du mal à étudier une certaine discipline dans leur langue maternelle et qui commencent à l’apprécier justement parce qu’elle leur est enseignée dans une autre langue.

En EMILE la langue est apprise en l’utilisant dans des situations authentiques, naturelles et sur des supports perçus par les apprenants comme plus réels, ce qui accroît naturellement leur intérêt et qui explique l’importance grandissante de cette approche.

5.1. Le binôme BICS-CALP et l’importance du contexte

Les deux acronymes BICS (Basic Interpersonal Communicative Skills) et CALP (Cognitive

Academic Language Proficiency) ont été utilisés pour la première fois par Jim Cummins de

l’Université de Toronto pour formuler une distinction par rapport à la compétence en L2. La définition du binôme BICS-CALP naît d’une observation menée en particulier par Cummins par rapport à certains comportements linguistiques dans les milieux bilingues et d’immigration : les personnes faisaient des progrès assez évidents en ce qui concerne les échanges quotidiens, alors que leurs compétences linguistiques s’avéraient insuffisantes pour effectuer des opérations cognitives plus complexes. La différence entre une modalité et l’autre était due principalement par la présence plus ou moins consistante du contexte. Il est évidemment plus facile de communiquer dans une situation face à face, où il y a un feedback et où la langue est supportée de différents indices liés au contenu et au contexte. Cummins (2000, p. 68) a représenté ce concept dans son célèbre diagramme.

Avec le binôme BICS-CALP, Baker (2001, pp. 170-171) définit deux différentes modalités de maîtrise et d’utilisation d’une langue. Dans les cours de langue traditionnels on simule essentiellement des situations de communication de vie courante où le contexte favorise la compréhension. L’on prend en compte la dimension sociale et relationnelle de la langue avec des fonctions communicatives comme saluer, se présenter, etc. : il s’agit de ce que l’on définit comme la langue BICS. Dans les classes EMILE, en revanche, la langue des disciplines que l’on apprend et que l’on utilise pour apprendre est plus complexe que la langue de la communication, car elle est moins soutenue par le contexte des conversations face à face : il s’agit de langue CALP. En effet, avec l’EMILE on utilise la langue spécifique d’un domaine de la connaissance qui implique des processus cognitifs de haut niveau. Le langage académique CALP présuppose des fonctions linguistiques qui correspondent à des opérations cognitives complexes, telles que persuader un interlocuteur à accepter son point de vue, expliquer un processus, synthétiser un concept ou justifier un résultat.

Dans sa récente contribution, Serragiotto (2014, p. 8) modifie l’acronyme BICS en GICS (General Interpersonal Communicative Skills). Du binôme BICS-CALP des premières études de Cummins on arrive à la distinction de Serragiotto entre les langues GICS et les microlangues disciplinaires : les premières sont les langues pour communiquer, celles que l’on perfectionne, que l’on apprend et, si c’est possible, que l’on acquiert (Serragiotto précise à ce propos qu’il utilise expressément l’acception de Krashen), alors que les dernières sont les langues pour étudier et elles représentent ce qu’il appelle la compétence dans la microlangue disciplinaire.