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But de la coopération entre l’enseignant EMILE et son collègue de L2

CHAPITRE 2 Création des rubriques d’évaluation, d’autoévaluation et de co-évaluation entre pairs

6. But de la coopération entre l’enseignant EMILE et son collègue de L2

Dans la première partie de notre thèse (chapitre 5 paragraphe 4), nous avions souligné que plusieurs enseignants EMILE réclament un manque de collaboration plutôt général, mais il faut préciser que, dans le cas spécifique de l’évaluation, la coopération paraît particulièrement "délicate". En effet, les enseignants de langue n’ayant, pour la plupart, aucune connaissance de la méthodologie EMILE, n’ont pas le même regard tolérant envers les erreurs et les évaluent comme s’il s’agissait de cours de langues traditionnels. C’est aussi l’opinion exprimée par l’une des enseignantes de notre enquête quand elle déclare que sa collègue de L2 n’a pas encore compris l’esprit de l’EMILE et qu’elle continue à « demonizzare l’errore » (diaboliser l’erreur). Même si une collaboration entre l’enseignant EMILE et son collègue de langue étrangère pourrait s’avérer parfois contreproductive, nous estimons qu’elle est toujours souhaitable. On peut arriver à une véritable évaluation intégrée et partagée mais, pour que cette collaboration soit profitable, il faut qu’il y ait un certain passage d’informations de la part de l’enseignant EMILE et une grande ouverture de l’enseignant de L2 envers les principes fondamentaux de cette méthodologie. Si on veut créer une collaboration efficace, il ne suffit donc pas que l’enseignant de langue étrangère partage ses compétences linguistiques avec son collègue EMILE, mais il faut qu’il intègre une plus grande tolérance envers l’erreur. Un but important de nos rubriques évaluatives est aussi de favoriser les contacts et les échanges entre les enseignants EMILE et leurs collègues de L2.

Nos rubriques autoévaluatives et de co-évaluation sont centrées sur la dimension linguistique de l’EMILE, justement parce que les enseignants ont plus de difficultés à gérer et à évaluer cet aspect et la collaboration des élèves ne peut que leur être utile. Nous voulons aussi préciser que l’un des objectifs principaux de ces rubriques est de fournir de la documentation écrite très intéressante pour l’enseignant EMILE, mais surtout pour son collègue de L2. Elles permettent de recueillir d’importantes informations se référant aux performances orales en EMILE qui sinon seraient perdues. En effet, même s’il existe des dispositifs technologiques qui enregistrent, et même vidéoenregistrent, toutes les interrogations, cela demanderait trop de temps pour les réécouter. Ces rubriques donc, outre le fait qu’elles pallient les "verba volant, scripta manent", représentent une stratégie pour que les élèves collaborent activement afin que les "verba manent" et ne "volant" pas. Leur but est donc aussi d’être un trait d’union entre les enseignants EMILE et leurs collègues de langue, car ce seront eux qui pourront ensuite les utiliser au mieux en analysant davantage les informations pour résoudre les difficultés linguistiques des élèves (nous verrons que certains enseignants de notre enquête ont effectivement transmis les rubriques à leur collègue de français). En effet, même si nos rubriques répondent à l’exigence de

l’EMILE de faire progresser aussi bien en discipline qu’en langue (et surtout à celle des élèves qui dans les questionnaires ont exprimé leur volonté d’améliorer leurs compétences linguistiques et communicatives à travers cette méthodologie), il ne faut pas oublier que les cours EMILE présupposent, avant tout, l’utilisation véhiculaire de la langue et non pas un véritable discours approfondi sur la langue, qui appartient plutôt au contexte des cours de langue.

Nous rappelons qu’en Italie la méthodologie EMILE avait été introduite dans des contextes scolaires où le parcours était assuré par les deux enseignants, de discipline et de langue, présents dans la classe en même temps. Dans le cadre qui nous intéresse pour notre travail de recherche (celui de l’école secondaire de deuxième degré) depuis l’institutionnalisation de l’EMILE il n’y a plus cette coprésence en classe. Le fait que l’on ait choisi l’enseignant de discipline pour enseigner selon la méthodologie EMILE a eu d’importantes répercussions aussi sur l’évaluation : si avant l’enseignant de L2 s’occupait de l’évaluation de la dimension linguistique, cela n’est plus possible depuis l’introduction officielle en 2010. Comme l’affirme Serragiotto (2014, p. 72), l’enseignant de discipline :

[…] nella valutazione potrà verificare i contenuti appresi dagli studenti, vedere se c’è una certa struttura organizzativa dei contenuti e un’efficacia comunicativa, ma non potrà soffermarsi sui singoli errori o attivare attività di rinforzo e/o recupero di tipo linguistico.24

Serragiotto soutient ici que l’enseignant EMILE seul n’a pas les compétences nécessaires pour évaluer les deux dimensions, notamment en particulier la dimension linguistique. Il affirme donc que l’on peut aspirer à une évaluation exhaustive seulement si les deux enseignants travaillent en synergie. Cette déficience, soulignée entre autres par Serragiotto, est l’une des raisons qui nous ont poussée à chercher des moyens pour favoriser cette synergie : parmi les différents buts des rubriques, il y a justement celui d’aider les enseignants à coopérer, afin de rendre moins problématique l’absence du collègue de L2 en classe. En même temps nous estimons que grâce à l’utilisation des rubriques de co-évauation, demandant la coopération d’élèves parfois très doués linguistiquement, on pourrait aspirer à donner une certaine attention aussi à la langue, sans naturellement transformer les cours EMILE en cours de langues traditionnels.

24 « […] dans l’évaluation (l’enseignant de discipline) pourra vérifier les contenus appris par les

élèves, voir s’il y a une certaine structure dans l’organisation des contenus et une efficacité communicative, mais il ne pourra pas s’arrêter sur les différentes erreurs ou activer des activités de renforcement et/ou valorisation linguistiques ».