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CHAPITRE 2 La méthodologie EMILE et les actions de politique linguistique en Europe

2. L’EMILE dans l’école secondaire de deuxième degré en Italie

L’Italie, où se situe notre enquête, est le seul pays européen où l’EMILE dans l’école secondaire de deuxième degré est devenu une discipline obligatoire. Dans les autres pays cette méthodologie reste une option, à l’exception de la Belgique (communauté flamande), de Malte et du Luxembourg : comme nous venons de le voir, dans ces deux derniers pays l’enseignement bilingue est présent sur l’ensemble des établissements scolaires et cela depuis le XIXème siècle. En Italie le chemin vers l’EMILE avait commencé en 1992, ainsi qu’en France, avec l’institution du premier lycée européen, il avait poursuivi en 1999 avec le décret 275/99 sur l’autonomie de l’école, où l’on prévoyait une expérimentation EMILE dans tous les niveaux d’école avec la possibilité d’effectuer des « parcours formatifs impliquant plusieurs disciplines et activités, et

même dans une langue étrangère ». Mais c’est avec la Réforme Gelmini de 2010 pour l’école

secondaire de deuxième degré que l’EMILE a franchi la ligne d’arrivée entrant officiellement dans les programmes de l’école italienne. Aujourd’hui dans tous les Instituts Techniques une matière

doit être enseignée en anglais pendant la dernière année, dans les Lycées on peut choisir même une autre langue étrangère, à l’exception des Lycées linguistiques où une matière en troisième année et une autre en quatrième année doivent être obligatoirement enseignées dans deux langues étrangères. Depuis l’année scolaire 2014/2015 l’EMILE représente une matière à préparer pour l’Esame di Stato (examen de fin d’études équivalent du Baccalauréat).

La loi 107 de 2015, art. 1, paragraphe 7, définit comme objectifs formatifs prioritaires :

[…] valorizzazione e potenziamento delle competenze linguistiche, […], anche mediante l’utilizzo della metodologia Content language integrated learning.1

L’on retrouve la validité de l’EMILE aussi dans le Plan de Formation pour les enseignants 2016-2019, au point 4.4 « Compétences en langue étrangère ». On met ici en évidence que les projets structurés selon cette méthodologie sont fondamentaux pour répondre aux prescriptions de 2010, ainsi que pour améliorer, grâce à sa spécificité, les programmes dans toutes les classes de l’école primaire et secondaire.

2.1. Le profil de l'enseignant EMILE

À la suite des indications de la Réforme de 2010, le Ministère de l’Instruction, de l’Université et de la Recherche a commencé à promulguer de nombreux décrets ministériels afin de discipliner une action de formation pour les enseignants EMILE.

Le Décret ministériel du 30 septembre 2011 définit le profil de l’enseignant EMILE dans l’école secondaire de deuxième degré : il s’agit d’un enseignant de discipline ayant une connaissance certifiée de la langue à un niveau C1 du CECRL (successivement modifié en B2, mais l’enseignant doit fréquenter un cours pour atteindre le niveau C1) et une formation spécifique sur la méthodologie EMILE, livrée par les universités après l’obtention de 60 crédits formatifs. Le profil décrit aussi les compétences disciplinaires et linguistiques demandées. En ce qui concerne plus précisément la dimension linguistique l’on peut observer qu’elle regarde à la fois la langue de la discipline et la langue de la communication.

1 « […] la valorisation et le renforcement des compétences linguistiques […], grâce aussi à

l’utilisation de la méthodologie Enseignement d’une Matière Intégré à une Langue Étrangère »

(Dans cette thèse toutes les citations dans les langues étrangères ont été traduites par nous- même).

L’offre de formation EMILE s’est de plus en plus amplifiée ces dernières années avec l’organisation de plusieurs cours pour l’acquisition de compétences méthodologiques et linguistiques (pour permettre à tous les enseignants d’atteindre le niveau C1). À côté des cours de formation institutionnels dans les universités ou dans des établissements autorisés, il existe des cours en ligne ou encore de nombreux projets Comenius et Erasmus +.

En Italie les enseignants de langues ont été exclus de l’enseignement EMILE dans le secondaire de deuxième degré, même s’il est fortement souhaitable qu’ils collaborent avec leurs collègues, alors qu’à l’école primaire et secondaire du premier degré la méthodologie EMILE peut être utilisée même par les enseignants de langues. Dans ces deux derniers contextes l’EMILE naît spontanément d’une réelle collaboration entre les enseignants qui choisissent volontairement d’enseigner selon cette méthodologie. Pour cette raison certains chercheurs, arrivent à affirmer que les meilleurs projets en EMILE sont organisés dans ces deux ordres d’enseignement. C’est aussi l’idée de Serragiotto quand il affirme (2014, p. 41) :

Il CLIL ufficiale, istituzionalizzato c on DD.PP.RR. attuativi della Riforma della Scuola Secondaria di secondo grado nn. 87/2010 […], è una riduzione del vero CLIL […].2

En 2014 le Ministère de l’Instruction, de l’Université et de la Recherche a publié un document très intéressant, L’introduzione della metodologia CLIL nei Licei Linguistici – Rapporto

di monitoraggio nelle classi terze dell’a.s. 2012/20133 qui a donné des résultats assez importants pour comprendre comment améliorer la situation de l’EMILE en Italie. Le profil des 524 enseignants EMILE qui ont répondu au questionnaire en ligne montre qu’ils ont pour la plupart un CDI, que 73% ont plus de 46 ans, que 50% ont plus de 20 ans de service, qu’ils ont un Master et qu’ils enseignent histoire ou science. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement ce sont leurs besoins concernant la formation. Ils regardent trois domaines spécifiques : la compétence linguistique (la majorité des enseignants n’a que le niveau B2 et ne se sent pas toujours en mesure de bien gérer les contextes d’apprentissage), la didactique EMILE afin de garantir une réelle intégration des savoirs disciplinaires et linguistiques et enfin les modalités de vérification et d’évaluation. Ce dernier point est naturellement celui qui a attiré le plus notre attention, car les enseignants ont exprimé toute leur inquiétude à cause de la complexité de l’évaluation en EMILE.

2 « L’EMILE officiel, institutionnalisé avec les décrets du Président de la République d’application

dans la Réforme de l’École Secondaire de deuxième degré n. 87/2010 […], est une réduction du véritable EMILE […] ».

3 « L’introduction de la méthodologie EMILE dans les Lycées Linguistiques – Rapport de suivi

Le Rapport (2014, p. 29) signale une importante nécessité des enseignants qui nous regarde de près :

[…] la necessità di accompagnare l’innovazione e la sperimentazione con una strumentazione e/o uno spazio riflessivo che investano tutte le fasi della valutazione […]. La complessità della valutazione nella sperimentazione CLIL assume quindi une doppia valenza. Il primo riguarda il versante disciplinare […]. Il secondo riguarda il versante linguistico L2 […]. La verifica e valutazione di entrambi i versanti e della loro interazione positiva richiedono formati e modelli specifici, da impiegare durante lo sviluppo dei moduli (verifica formativa e autovalutazione) sia al termine (verifica certificativa).4

Dans le deuxième chapitre de la deuxième partie nous exprimerons l’esprit avec lequel nous avons conçu nos rubriques évaluatives, de co-évaluation et d’autoévaluation. Nous n’avions pas encore lu ce rapport quand nous avons eu l’idée de fournir des instruments aux enseignants EMILE de notre enquête. Nous n’aurions pas, naturellement, la prétention de croire que nos rubriques puissent répondre à toutes les exigences de l’évaluation en EMILE, nous estimons néanmoins, qu’une fois mises en ligne, elles pourraient représenter un support utile pour de nombreux enseignants.

2.2. Des premières formations EMILE auprès de la Ca’ Foscari de Venise à la diffusion

dans les autres universités italiennes

En Italie le premier grand laboratoire qui s’est occupé de la promotion de l’EMILE avait été activé à l’Université Ca’ Foscari de Venise, qui depuis continue à produire d’importantes publications, à organiser de nombreuses conférences et beaucoup de cours de formation en présence et en ligne. Actuellement, justement à cause de l’entrée officielle de l’EMILE dans l’école italienne, dans toutes les régions des cours ont été organisés pour former les futurs enseignants. Nous avons suivi personnellement plusieurs formations EMILE organisées par l’Université de Gênes et plus particulièrement par sa responsable Elisa Bricco et nous avons pu interroger les

4 « […] la nécessité d’accompagner l’innovation et l’expérimentation par des instruments et/ou

un espace de réflexion qui impliquent toutes les phases de l’évaluation […]. La complexité de l’évaluation dans l’expérimentation EMILE assume donc une double valeur. Le premier concerne la dimension disciplinaire […]. Le second concerne la dimension linguistique L2 […]. La vérification et l’évaluation des deux dimensions et de leur interaction positive nécessitent de formats et de modèles spécifiques, à utiliser pendant le déroulement des modules (évaluation formative et autoévaluation) ainsi qu’à la fin (évaluation certificative) ».

enseignants de l’école secondaire du deuxième degré qui suivaient les cours, ainsi que les professeurs experts de l’EMILE qui les leur proposaient. Nous avons répété la même expérience au Piémont où nous avons eu l’occasion de rencontrer la responsable, Teresina Barbero, experte en évaluation. Ces contacts avec les futurs enseignants EMILE et avec les spécialistes ont été très utiles pour avoir un aperçu représentatif du cadre général des formations EMILE en Italie.