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Le nouveau management public et le « DRG / GHM »

Selon Halgand (1997), le mouvement du nouveau management public s’est traduit par l’introduction du modèle des DRG (Diagnosis Related Groups) dans les hôpitaux de nombreux pays de l’OCDE. En France, ce modèle se développe sous le label de « Groupes Homogènes de Malades » (GHM) dans le cadre du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), dont la généralisation à l’ensemble des hôpitaux date du début des années 1990 (loi du 31 juillet 1991). Ce modèle, conçu par l’équipe de recherche du professeur Fetter à l’université de Yale, aux États-Unis, répond en effet aux deux exigences du nouveau management public : « réduire ou supprimer les différences existantes entre les secteurs public et privé et évoluer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat » (Hood, 1995, p. 94).

2.1.1. Le contrôle de gestion à l’hôpital s’inscrit dans le mouvement du nouveau management public

Les évolutions et les réformes dans le secteur public en général et le secteur hospitalier en particulier depuis les années 1990 s’inscrivent dans le cadre de ce qui est communément appelé le « nouveau management public » (Paulsson, 2012). Le « nouveau management public » est un mouvement qui dépasse le cadre national et vise à développer une culture de gestion au sein du secteur public (Hood, 1995 ; Pettigrew et al, 1995, Keraudren, 1999). L’introduction de la gestion de la performance, de la comptabilité et du budget annuel, la

106 décentralisation et l’allocation des ressources sur le fondement de la production sont des exemples des orientations du nouveau management public (voir aussi Hood, 1995 ; Bromwich et Lapsley, 1997 ; Lapsley, 2008).

Les réformes issues du nouveau management public sont construites sur le fondement d’un modèle rationnel de prise de décision où les systèmes de comptabilité, d’audit et de responsabilisation sont introduits dans le but de fournir des informations pertinentes afin d’améliorer l’efficacité et l’efficience du secteur public (Nyland et Pettersen, 2004).

Nyland et Pettersen (2004) font le constat des changements introduits par le nouveau management public dans la gestion des hôpitaux en Norvège. Les techniques de gestion issues du secteur privé sont introduites dans le secteur hospitalier. Cette mise en œuvre est accompagnée par des schémas d’audit de performance et par des demandes des pouvoirs publics visant la mise en place de programmes d’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des hôpitaux.

2.1.2. Le DRG ou le PMSI comme support au contrôle de gestion

La transposition à l’hôpital des schémas traditionnels du contrôle de gestion a été rendue possible par la conception d’un modèle conceptuel fournissant une représentation du produit hospitalier se prêtant à une démarche de calcul de coût. Dans les années 1970, répondant à une demande d’outils d’évaluation de la performance des établissements hospitaliers émanant d’organes de contrôle nationaux, l’équipe du professeur Fetter construit le modèle des « DRG » (Diagnosis Related Groups). Ce modèle sera notamment adopté pour le financement du programme fédéral de soins « Medicare » (destiné à la prise en charge des personnes âgées) avant d’être largement exporté dans nombre de pays de l’OCDE dont la France (Halgand, 1995).

Ainsi, en fournissant à l’hôpital un concept de produit (le DRG / GHM), les spécificités imputables au secteur de la santé s’estompent, permettant d’appréhender cette organisation de façon analogue à une entreprise du secteur privé. Dans la publication rapportant le travail des chercheurs de l’équipe de Yale (Fetter et al., 1980), le modèle des DRG / GHM fournit à l’hôpital un concept opérationnel de produit. Ainsi, le concept de produit offre une possibilité de transplantation des systèmes de comptabilité et de contrôle traditionnels au domaine

107 hospitalier et le mécanisme comptable de calcul des coûts peut alors être appliqué (Halgand, 1997).

Sur le plan méthodologique, l’obtention des DRG / GHM résulte du traitement statistique d’une base de données consistant à expliquer la consommation totale de ressources des patients traités à partir d’une batterie de variables cliniques (Halgand, 1995). Ne disposant pas directement du coût des prises en charge (puisque la conception d’un tel modèle est précisément motivée par la recherche d’une solution de calcul de ce coût), l’équipe du professeur Fetter s’est reportée sur un indicateur, la « durée de séjour », dont on postule une corrélation satisfaisante avec la consommation totale de ressources (Fetter et al., 1980, p. 6). En conséquence, la partition de produits est issue d’un processus de segmentation visant à expliquer la « durée de séjour » (variable dépendante), sur la base d’une plateforme explicative réunissant les variables dépendantes suivantes : le diagnostic principal, les actes médico-chirurgicaux, les éventuels diagnostics secondaires, l’âge, le sexe et le mode de sortie du patient (Halgand, 1995).

Selon Preston (1992), l’introduction des DRG en 1983 aux États-Unis est un exemple de l’émergence des mécanismes de contrôle fondés sur un principe de contrôle des coûts plus que sur le remboursement des coûts comme c’était le cas dans le cadre du financement par une dotation annuelle globale. Le financement par une dotation globale annuelle consistait à financer l’hôpital en fonction des coûts générés par son activité sur l’année précédente. Le système de financement devient donc prospectif et non pas seulement rétrospectif, le remboursement par l’assurance maladie est déterminé par le diagnostic de la pathologie des patients selon un classement défini par les GHM. À chaque DRG est affecté un tarif calculé correspondant au coût moyen des DRG de la même catégorie (Smith et Fottler, 1985).

À l’instar du système anglo-saxon, la mise en place du PMSI et de catégorisation de l’activité hospitalière à travers les GHM a favorisé l’introduction de la Tarification à l’activité (T2A) comme fondement du mode de financement. La T2A relie directement les ressources perçues par la structure hospitalière à l’activité qu’elle déclare via le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI).

Le PMSI permet de classer les séjours des patients dans un Groupe Homogène de Malades (GHM). Chaque GHM renvoie alors à un Groupe Homogène de Séjours (GHS) qui déterminera le tarif « facturable » par l’hôpital à l’assurance-maladie. L’inscription en GHS,

108 dans le cadre du PMSI est réalisée à partir d’un codage des actes et diagnostics par les praticiens, sur la base d’un Résumé de Sortie Standardisé (RSS). Les tarifs des GHS sont déterminés au niveau national à partir des travaux de l’Étude Nationale des Coûts à méthodologie Commune (ENCC) qui, sur la base d’un échantillon d’établissements volontaires calculant leurs coûts selon la méthodologie de la comptabilité analytique hospitalière, définit des standards permettant de déterminer des tarifs bruts (Georgescu et Naro, 2012).

Le DRG / GHM représente le produit hospitalier dans sa double dimension médico- économique. Il définit au sein des catégories majeures de diagnostics (CMD), des profils de patients (DRG ou GHM). Pendant le séjour, le diagnostic majeur détermine le GHM dans lequel sera affecté et classé le séjour (exemple : un patient admis à l’hôpital pour un suivi de son diabète présente des complications nécessitant une intervention chirurgicale cardiaque. Le diagnostic est donc l’acte chirurgical et le séjour du patient sera classé dans un GHM chirurgical et non médical même s’il était admis initialement pour un suivi de son diabète). L’homogénéité s’entend du point de vue du montant des ressources requises pour leur traitement. Cette modélisation permet d’accéder à une meilleure connaissance de l’activité de l’établissement en caractérisant la demande de soins par le type de pathologie des patients. II devient alors possible d’associer aux différents profils (GHM) une combinaison d’intrants correspondant aux activités mises en œuvre pour traiter les patients (Halgand, 1995). Aussi, un contrôle comptable de l’activité émerge par l’utilisation de données chiffrées, représentées par les Groupes Homogènes de Séjours (GHS). Le calcul des coûts des séjours hospitaliers constitue ainsi l’un des fondements de la T2A.

Mais le système des DRG / GHM et la tarification qui en découle pour le financement des hôpitaux font l’objet de plusieurs débats. Dana et Giroux (1989) soulignent que l’objectif d’un système de paiement prospectif est la réduction de la durée de séjour et des coûts associés. Comme précisé précédemment, l’équipe du professeur Fetter s’est reportée sur la « durée de séjour » pour l’affectation des charges postulant une corrélation satisfaisante avec la consommation totale de ressources (Fetter et al., 1980, p. 6). La démarche de réduction des coûts par patient renvoie ainsi à la réduction des durées de séjours.

Selon Dana et Giroux (1989), l’impact du système de financement fondé sur les DRG en termes d’amélioration de l’efficience ou en termes de baisse de la qualité des soins prodigués

109 au patient est un sujet de débat considérable. Depuis son introduction en 1983 aux États-Unis, la communauté médicale a exprimé sa préoccupation quant à l’impact potentiel d’un système de contrôle des « tarifs » sur les coûts et sur la qualité des services de soins rendus.

Selon Macinati (2010), le système des DRG crée un ensemble de « produits standards » de santé. Cette standardisation conduit à la standardisation du niveau de remboursement tout en garantissant aux médecins la liberté de traiter (soigner) les patients de la manière qu’ils jugent la plus appropriée. Ainsi, le système impose un comportement de quasi-marché en prédéterminant le remboursement au lieu de financer les dépenses. Cette situation crée des possibilités et des incitations à la manipulation du système. Les médecins peuvent « sur- diagnostiquer » dans l’intérêt de l’hôpital. L’hôpital, à travers ses gestionnaires, peut décourager l’admission à l’hôpital pour des diagnostics ayant une « faible marge ».

En offrant un mécanisme de calcul des coûts des produits, le modèle des DRG / GHM favorise la mise en place d’un système de contrôle axé sur les résultats qui met l’accent sur l’efficience, au travers d’une comptabilité en coûts complets et d’un système de contrôle budgétaire. En définitive, le modèle des DRG / GHM peut être défini comme une construction conceptuelle permettant la transplantation à l’hôpital des systèmes de comptabilité et de contrôle traditionnels (i.e. fondés principalement sur une comptabilité analytique par produits alimentant un système de contrôle budgétaire) utilisés dans le secteur privé (Halgand, 1997).