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Un nouveau dénominateur commun, définir, conquérir  et clore l’espace « territoire »

Chapitre II. Histoire du territoire : le domaine de la presse  magazine spécialisée

Section 1. Un nouveau dénominateur commun, définir, conquérir  et clore l’espace « territoire »

spécifique  de  cette  rencontre.  […]  Je  pars  donc  de  l'hypothèse  dominante  selon  laquelle le territoire est un support d'unité et d'identité, par l'exercice de la fonction  politique.  Unité  et  identité  me  rappellent  la  seule  définition  possible  du  lieu,  la  définition en compréhension par la propriété de la distance nulle. Le territoire n'est‐il  pas une forme spatiale de la société qui permet de réduire les distances à l'intérieur  et  d'établir  une  distance  infinie  avec  l'extérieur,  par‐delà  la  frontière ?  L'interrogation peut se simplifier encore dans la formule suivante : le territoire est‐il  un  lieu »290 ?  À  cette  étape  de  l’investigation  apparaît  de  manière  flagrante, 

l’absence  de  la  prise  en  compte  des  facteurs  culturels  dans  cette  conception  démodée  et  limitée291  de  la  géopolitique.  Notre  interrogation  se  justifie  à  l’observation des définitions des dictionnaires à notre disposition et largement cités  dans  cette  thèse.  Nous  excluons  de  nos  propos  un  raisonnement  modulaire  selon  lequel les acceptions du mot territoire ne sont pas en corrélation étroite avec une  conception globalisée de la géographie.  

Section 1. Un nouveau dénominateur commun, définir, conquérir 

et clore l’espace « territoire »  

Les  territoires  sont  aujourd’hui  sur  le  devant  de  la  scène  économique  et  culturelle, s’astreignant à fournir des solutions de développement socioéconomique  ou  encore  une  image  cohérente  des  lieux  qu’ils  englobent,  des  terroirs  qu’ils  annexent  et  animent.  Nous  assistons  à  une  utilisation  prépondérante  de  la  représentation : tout est territoire ; et des concepts qui recouvrent d’autres réalités  glissent  imperceptiblement  vers  cette  notion  devenue  très  générale ;  elle  représente tout et rien à la fois. Les territoires se font et se défont, s’entremêlent  parfois ;  se  définissent  en  s’accordant  un  espace  jusqu’alors  visité  par  un  autre 

290. Denis RETAILLÉ, Le monde du géographe, Éditeur Les Presses Sciences Po, 1997, p.116. 291. C’est ce que nous pensons.

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cette  notion  de  territoire  à  des  fins  de  produire  une  définition  opérationnelle  qui  permette de situer à nouveau le territoire vis‐à‐vis de l’espace géographique. 

Le territoire est actuellement au cœur des préoccupations des scientifiques, des  politiques,  mais  également  et  surtout  des  acteurs  économiques.  Les  géographes  n’ont  pas  été  les  seuls  à  s’approprier  cette  notion ;  les  acteurs  administratifs  soucieux d’étendre des approches économiques ou sociologiques accueillent cette  conception  avec  enthousiasme.  Sans  remettre  en  cause  cette  tendance,  posons‐ nous  la  question  suivante :  Pourquoi  le  concept  de  territoire  est‐il  tant  utilisé,  en 

géographie,  dans  des  sciences  connexes  et  plus  globalement  en  relation  avec  l’aménagement de l’espace et les différents acteurs qui en ont la charge ? 

Cette  question  est  également  posée  par  les  éditeurs  de  magazines  généralistes  de toutes natures qui étendent aujourd’hui les parutions au niveau très local ; avec  des numéros spéciaux sur telle ville ou telle autre région de France. Le territoire est  devenu une sorte de vitrine culturelle où les coutumes refont surface pour exprimer  au plus grand nombre les spécificités profondes de son identité.  

a. Tout d’abord définir 

Alexandre  MOINE293 pense  que  cette  grande  notion  de  territoire  procède  de  quatre  logiques  combinées :  une  logique  d’aménagement  propre  à  la  France  qui,  dans  les  années  1960‐1970,  durant  lesquelles  l’aménagement  du  territoire,  très  conquérant en France, s’est développé ; l’État en occupant une position majeure a  créé une réelle distance entre l’échelle de planification et d’intervention nationale  et le développement local. Une logique liée au besoin de conserver un lien, dans le  cadre d’un monde global où l’on a tendance à perdre ses repères, avec le quotidien, 

292. À titre d’exemple nous développons dans cette remarque, le cas de l’Estuaire journal papier et informatique décrivant les territoires ou la région immédiatement proche de l’estuaire de la Gironde. Cette publication offre à ses lecteurs les richesses culturelles et sociales d’une zone particulièrement empreinte de coutumes.

293. AlexandreMOINE, Le territoire comme un système complexe –Des outils pour l’aménagement et la géographie,

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étroitement  attachée  à  la  complexité  du  monde  qui  nous  entoure,  de  l’échelle  locale à l’échelle régionale. Les différents acteurs pressentent cette complexité, ont  des difficultés à l’identifier et la nommer, observent avec incertitude la quantité de  relations qui lient les acteurs, les objets de l’espace géographique, le grand nombre  d’alliances,  de  répercussions  faisant  évoluer  des  systèmes  aux  contours  flous.  Et  enfin une logique liée à la discipline même de la géographie au sein de laquelle les  anciens découpages thématiques s’estompent progressivement pour une approche  phénoménologique.  « Et  ainsi,  petit  à  petit  tout  devient  territoire,  l’adjectif  se 

généralise,  à  en  devenir  polysémique.  Le  territoire  est  tout  puisqu’il  recouvre  une  complexité qui demeure difficile à saisir, à cerner »294

Préciser  pour  rendre  intelligible  la  notion  de  territoire  et  clarifier  les  concepts  clés,  in  fine  très  intimement  associés,  entendu  que  leurs  définitions  laissent  à  penser  quelquefois  qu’ils  sont  catégoriquement  redondants295.  Nous  observons  actuellement, à travers les régions de France, une recrudescence des mobilisations  identitaires qui suscitent un intérêt d’autant plus vif que s’affirme parallèlement la  difficulté de s’accorder sur le sens de cette recrudescence dans le présent contexte  de  la  mondialisation.  Comme  le  précise  aussi  Guy  DO296,  « le  territoire  est 

souvent  abstrait,  idéel,  vécu  et  ressenti  plus  que  visuellement  repéré »297.  Il  existe 

bien évidemment de nombreuses manières de poser le problème, selon la discipline  universitaire  choisie  et  l’échelle  d’observation  privilégiée,  selon  encore  la  notion 

294. Jacques LEVY et Michel LUSSAULT, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Édition Belin, Paris, 2003, p. 907.

295. Certaines définitions des concepts de territoire et d’espace géographique sont très proches : « L’espace géographique est l’étendue terrestre utilisée et aménagée par les sociétés en vue de leur reproduction, non seulement pour se nourrir et s’abriter, mais dans toute la complexité des actes sociaux ». (Roger BRUNET, Robert FERRAS, Hervé THÉRY, 2005, Les mots de la géographie – Dictionnaire critique, Montpellier, Reclus, 3e édition) ; « Le territoire est la portion de surface terrestre appropriée par un groupe social pour assurer sa production et la satisfaction de ses besoins vitaux ». Michel LE BERRE, « Territoires », in- Encyclopédie de Géographie, 1992,

Economica, p. 620-621.

296. Guy DI MÉO est un géographe français, spécialiste de la géographie sociale. La ville moyenne dans sa région : Pau, les pays de l'Adour et l'Aquitaine, 1995 ; Les territoires du quotidien, 1996 ; Géographie sociale et territoires, 1998 ; L'espace social : Lecture géographique des sociétés, 2005.

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territoire  social  et  culturel,  également  et  plus  directement  l’espace,  ou  encore  la  mémoire, l’histoire étroitement liée aux hommes et leurs us et coutumes. En tant  que tel ou dans sa relation à la question identitaire, le territoire a déjà fait l’objet de  nombreuses  réflexions  et  écrits.  Nous  avons  l’impression  première  dans  notre  travail  de  recherche  que  tout  a  été  dit  sur  cet  espace  complexifié  par  l’approche  identitaire  en  constante  mouvance,  du  fait  des  migrations  socioprofessionnelles  dans  l’Hexagone.  Pour  le  littoral  aquitain,  qui  est  au  cœur  de  notre  étude,  cet  espace  attire  de  plus  en  plus  de  résidents.  Au  cours  des  30  dernières  années,  sa  population  a  progressé  deux  fois  plus  que  celle  du  territoire  régional298.  Cette  croissance  démographique,  liée  aux  migrations,  se  traduit  par  un  étalement  de  la  population.  Néanmoins,  malgré  de  fortes  augmentations,  le  littoral  médocain  et  celui du nord des Landes restent nettement moins peuplés que le Pays basque et le  bassin d’Arcachon. Cette croissante propension à habiter les littoraux génère par‐là  même  la  créativité  et  le  développement  de  médias  et  particulièrement  de  magazines traitant de l’espace territorialisé. 

Ce morceau d’espace est non seulement pratiqué et fréquenté mais aussi investi  de  sens  et  d’émotions  par  la  fixation  de  l’histoire  d’un  groupe  social,  du  groupe  culturel,  dans  l’aire  qu’il  dessine.  Le  territoire  approché  de  cette  manière  devient  alors  discontinu,  agrandi  ou  diminué,  en  partie  rêvé  par  ses  protagonistes.  Ces  difficultés  de  définition  engendrent  les  apories  du  territoire.  Nous  vérifions,  en  avançant  dans  notre  recherche  et  en  consultant  des  magazines  approchant  la  caractérisation de l’espace territorial, que les frontières ne sont plus définies. Cette  notion  de  frontière  territoriale  se  déplace  pour  empiéter  sur  l’autre  territoire  ou  encore  se  dessiner  en  fonction  d’un  littoral  méditerranéen  ou  océanique,  d’une  zone montagneuse ou d’une vallée, d’un groupe d’agriculteurs AOC, la liste pouvant  s’étendre indéfiniment. La lecture d’ouvrages parlant des us et des coutumes d’un  espace  géographique  nous  démontre  parfaitement  la  rupture  de  ces  limites  et 

147 territoire est défini par l’appropriation identitaire de ses acteurs. Rassemblant des  notions  subjectives  dans  ce  cas,  le  territoire  se  métamorphose  pour  donner  naissance  à  un  autre  espace  géographique,  lui  encore  transformable.  Nous  observons  actuellement,  à  travers  le  monde,  et  plus  particulièrement  sur  l’Hexagone une recrudescence des mobilisations identitaires qui suscitent un intérêt  d’autant  plus  ardent  que  s’affirme  parallèlement  la  difficulté  de  s’accorder  sur  le  sens  de  cette  recrudescence  dans  le  présent  contexte  de  la  mondialisation.  Nous  pouvons poser le problème de différentes manières en fonction de la nature de la  discipline permettant d’observer et graduer selon l’échelle de valeurs privilégiée. En  fonction  de  ce  choix,  nous  sommes  en  mesure  d’entrer  dans  l’analyse  des  phénomènes  identitaires  traités  dans  notre  thèse :  l’espace  géographique,  la  mémoire  collective,  l’histoire,  les  patrimoines  culturels…  Les  travaux  qui  marient  identité,  donc  la  perception  du  vécu,  et  le  territoire  ne  sont  pas  selon  nous  très  nombreux.  Peu  ou  point  ont  traité  de  l’extensibilité  subjective  du  territoire.  La  continuité de l’occupation d’un même espace géographique admet la transmission  de valeurs intrinsèques et de significations localement référencées, assurant de ce  fait la pérennité de la représentation collective de soi et de l’identification profonde  au  lieu.  Indubitablement,  en  qualité  d’entités  « sociohistoriques »,  les  territoires  connaissent  un  processus  de  requalification  et  de  modifications  sémantiques  incessantes.  De  ces  bouleversements  naissent  indiscutablement  des  informations  historiques,  sociales  et  culturelles,  qui  sans  doute  dans  un  contexte  différent  d’approche  des  espaces  seraient  restées  dans  les  limbes.  Cette  course  incessante  aux  images  et  aux  textes  du  passé  ou  du  présent  revisité  dévoile  l’extrême  attachement à son « morceau de terre ».  

Longtemps,  malvenu  était  l’intérêt  porté  à  des  éléments  subjectifs,  alors  que  l’économie  et  les  données  quantitatives  révélaient  des  formes  pragmatiques  de  l’information.  La  multiplication  et  l’accélération  des  échanges  économiques  et  culturels, la mobilité accrue, le déplacement des populations, le développement des  techniques  de  communication  contribuent  à  bouleverser  les  anciens  cadres  de 

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l’espace territorial et de l’individu compris dans cet espace nous abordons les lignes  de Michel ROUX avec un intérêt tout particulier299

 « En effet à l’amont de ces différentes questions, et c’est peut‐être pour  cette  raison  qu’elles  résonnent  avec  autant  d’intensité  dans  l’opinion,  se  profile  une  autre  interrogation  qui  renvoie  au  sentiment  d’appartenance  territoriale.  Par  quel  procès  les  individus  s’identifient‐ils  à  un  espace ?  Autrement dit quelle est la nature des rapports hommes/espaces » ? 

« Cette problématique reste en général sans réponse parce que l’espace  n’est  souvent  pensé  qu’en  tant  que  toile  de  fond,  support,  cadre  des  événements ou alors comme surface de distribution des populations, des biens  économiques,  des  langues,  des  lois  ou  des  coutumes  […]  Le  rapport  hommes/espaces n’est que trop rarement abordé sous l’angle plus personnel  de ce que Gaston BACHELARD appelle “la phénoménologie des valeurs d’intimité  de l’espace”. La dimension “sentimentale” des relations hommes/espaces, ou  mieux encore leur dimension existentielle, ne semble devoir concerner que le  poète. Quand par extraordinaire elle prétend investir le champ du social et du  politique, elle réveille de vieilles suspicions, et fait craindre le romantisme ou le  retour des thématiques réactionnaires de la mystique des champs »300   b. Du territoire jusqu’au terroir  Nous ne pouvons pas laisser vagabonder notre esprit dans « l’ordre éternel des  champs » et de la « terre qui ne ment pas », nous devons nous souvenir que dans  toute  société  traditionnelle301,  l’osmose  entre  territoire,  habitants  et  pratiques  collectives  est  très  forte :  la  culture,  les  rites,  les  fêtes,  les  rapports  sociaux,  tout  nous  renvoie  à  un  ancrage  symbolique  et  mythique  dans  un  monde  clos  où  l’extérieur n’apparaît que comme fauteur de troubles.  

Le nom de famille se révélant que beaucoup plus tard dans l’histoire, l’individu  n’a  pas  de  réelle  identité,  sa  véritable  identité  est  la  communauté  à  laquelle  il 

299 . Notre étude entre parfaitement dans le champ décrit de l’auteur. De cette approche nous tirons la substantifique moelle de notre réflexion sur le territoire et l’individu.

300. Michel ROUX, Géographie et complexité : les espaces de la nostalgie, Édition L’Harmattan, 1999. 301. En France, cela a duré jusqu’au XIXe siècle.

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Auvergnats  de  Paris,  entre  autres  exemples,  qui  forment  une  communauté  importante liée par des quotidiens dont nous parlerons plus tard302. L’espace intime  des individus, celui vécu quotidiennement, s’émiette pour se recomposer selon des  principes standardisés autour d’aires spécialisées et fonctionnelles, du travail de la  résidence  en  faisant  un  détour  par  les  centres  commerciaux  et  les  loisirs  organisés303. Nous pouvons définir le territoire comme étant un morceau d’espace  modifiable non seulement pratiqué et fréquenté par des individus mais également  enveloppé de sens et d’émotions grâce à un ancrage de l’histoire du groupe social  et culturel dans le champ qu’il dessine. Cet espace territorial peut être discontinu et  en  partie  rêvé.  Il  est  alors  considéré  comme  une  ressource  que  le  sentiment  d’appartenance  régionale  peut  contribuer  à  valoriser  et  à  améliorer.  Cet  espace  économique arrête d’être un simple support anonyme pour le développement des  ses  activités  marchandes,  il  devient  un  espace  identitaire  de  mémoire  susceptible  de  porter  un  projet  collectif  d’identification  territoriale.  Sa  population  n’est  plus  seulement  économiquement  active,  c’est  une  société  civile  organisée  et  « territorialisée » susceptible de faire des choix de développement et de promotion.  L’historien Eugen WEBER304 montre dans La Fin des terroirs que cette entreprise  n’a  pu  s’effectuer  qu’à  l’encontre  des  masses,  attachées  à  leurs  particularismes  linguistiques, à leurs unités de poids et mesures, à leurs chemins, autrement dit à  tout  ce  qui  personnalisait  le  rapport  au  monde  de  l’individu  au  sein  de  sa 

302. Daniel MARTIN, L’identité de l’Auvergne : Mythe ou réalité historique, Édition Créer, 2002, ainsi que Josiane TEYSSOT et Thierry WANEGFFLEN, Histoire de l’Auvergne, Ouest France, collection Histoire des provinces, 2001. 303.Michel ROUX, Géographie et complexité : les espaces de la nostalgie, op. cit.

Le lecteur pourra se reporter également aux ouvrages suivants : René-Paul DESSE, « La mobilité des consommateurs et les nouveaux espaces commerciaux », Revue Espace-Population et Sociétés, Lille, n° 2, 1999 ;

« Les déterminants et les modes de mobilité des consommateurs », Revue de Géographie de l’Université de Liège, n° 39, 2000, p. 65-78 ; Le nouveau commerce urbain. Dynamiques spatiales et stratégies des acteurs, Presses Universitaires de Rennes, Collection Espace et Territoires, 2001.

304. Eugen Joseph WEBER, La fin des terroirs (modernisation de la France rurale 1870 – 1914), Éditions Fayard, 1983.

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analogues à celles employées lors de la colonisation. 

Les  normes  les  plus  variées  ont  codé  le  territoire  —  voire  surcodé  —  avec  des  indicateurs  visuels  de  plus  en  plus  nombreux  donnant  aux  spectateurs  une  vision  abstraite de l’espace. Rappelons que le mot paysage n’est apparu qu’avec la fin du  pays,  lorsque  les  citadins  se  sont  employés  à  redécouvrir  la  France  profonde  et  à  inventer  le  « pittoresque ».  Si  nous  juxtaposons  les  notions  d’identité  et  de  territoire,  que  ce  dernier  soit  homogène,  imbriqué,  réticulé,  différencié,  sectorisé  etc., nous évoquons de manière générale un espace communautaire spécifique qui  est  à  la  fois  fonctionnel  et  symbolique  et  où  des  pratiques,  des  coutumes  et  une  mémoire  collective  construite  dans  la  durée  ont  permis  de  définir  un  « Nous »  différencié  et  un  sentiment  d’appartenance.  Cette  construction  méthodique  consubstantiellement  identitaire  et  territoriale  nous  donne  la  matière  de  notre  réflexion sur la presse de territoire et fait émerger le fait que le comportement de  l’acheteur  se  lie  étroitement  à  cette  notion.  Notion  qui  guide  l’éditeur  dans  le  champ focal du consommateur et lui donne par sa substance l’envie de s’imprégner  du  terroir  considérée  sous  l'angle  de  la  production  ou  d'une  production  agricole  caractéristique.  

La publication et l’édition de territoire sont un secteur d’activités important sans  cesse en expansion, et par ailleurs, offrent une diversité de champs éditoriaux non  négligeables. Les magazines de territoire se sont avérés énonciateurs d’une forme  de  presse  déclinant  en  même  temps  l’information  discursive  et  l’approche  sémantique d’une part des discours qui nous communiquent des « prêt‐à‐penser »,  du  « prêt‐à‐raconter »,  du  « prêt‐à‐juger »,  du  « subjectif  et  du  fictif  emballés »  comme  nous  trouvons  aussi  bien  du  prêt‐à‐porter,  du  prêt‐à‐consommer.  Nous  pensons que cette presse, issue des grands groupes, opte pour une relecture et une  réécriture  de  l’ensemble  des  articles  afin  d’homogénéiser  l’ensemble  en  terme 

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contre partie financière, beaucoup plus commune et hybride, elle se cantonne dans  une  domination  excessive  des  lieux  commerciaux  ou  d’une  approche  territoriale  caricaturale.  Plongée  dans  un  mélange  insolite  de  textes  et  photographies  anciennes,  elle  démontre  une  authenticité  et  un  vocabulaire  proches  des  images  quotidiennes.  Le  territoire  n’est  pas  épargné  par  la  description  flagrante  de  coutumes mises sans aucune légende avec des jugements parfois trop simplistes. La  notion de territoire nous amène au siège des appartenances, du retour aux sources,  du retour à ses origines ; prochainement si la poursuite de nos nouvelles tendances  de consommations et de pensées ne s’infléchissent pas, nous pourrons écrire « du  retour à la source ».  Néanmoins nous avons constaté lors de nos investigations qu’il existe aussi une  gamme de magazines de territoire de qualité. Ils traitent avec beaucoup de véracité  et  à  grand  renfort  d’images  du  passé  une  notion  territoriale  particulièrement  alléchante. Ils complètent leur ligne éditoriale par un passage obligé vers une forme  de  consommation  de  l’espace  touristique  et  de  ses  légendes.  C’est  en  cela  que  le  manque de particularisme de cette tranche de presse nous amène à penser que le  franchissement  est  accompli  entre  une  ligne  éditoriale  et  l’autre.  La  tentation  est  grande,  de  citer  bien  des  exemples  contemporains  de  cette  dégénérescence  dans  nos  cultures  des  métaphores  de  la  géographie  territoriale  que  Michel  ROUX  approche comme une déterritorialisation généralisée306 pour retrouver de multiples  formes  de  la  reterritorialisation  métaphorique :  ludique,  sportive  urbaine,  culturelle…  Le  discours  n'est‐il  pas,  lui  aussi  un  espace  complexe,  multidimensionnel, polyphonique ? 

305. Nous évoquons ici les magazines de territoires non issus des grands groupes de presse mais insinués localement par des volontés associatives, culturelles ou encore des collectivités locales sous ses formes les plus diverses : offices de tourisme, syndicats d’initiative, initiatives : associatives, culturelles, personnelles, etc.

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quelque chose que l’on intègre comme partie de soi, et que l’on est donc prêt à  défendre »307

De  nos  jours,  tout  type  d'espace  est  matière  à  territorialités.  Parcourez  les  magazines,  les  journaux,  les  expositions,  vous  noterez  que  l'expression  est  d'actualité  et  qu'à  chaque  semaine  suffit  ses  nouveaux  territoires,  ses  nouveaux  terroirs. La liste ne serait pas exhaustive et ce travail ne peut entrer dans le champ  de la description facétieuse de la territorialité descriptive. Néanmoins, la notion de  territoire suscite de très nombreux débats entre, pour faire simple, d’une part, des  géographes  en  faveur  de  l’utilisation  du  mot  territoire,  et  d’autre  part,  des  géographes opposés à l’utilisation de ce terme. Les magazines, qui aujourd’hui font  figurer  dans  leurs  sommaires  les  notions  de  territoire  ou  de  terroir,  se  vendent