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Identification d’un espace : le territoire en Aquitaine

Chapitre II. Histoire du territoire : le domaine de la presse  magazine spécialisée

Section 3. Identification d’un espace : le territoire en Aquitaine

investigations nous ayant permis de corroborer ces informations. Les interventions  conscientes  des  acteurs  et  des  leaders  qui  contribuent  à  façonner  le  territoire  est  également  soulignée  par  G.  DO364 qui  adopte  une  posture,  que  nous  pouvons  qualifier  de  syncrétique  du  fait  de  sa  tentative  d'associer  objectivisme  et  toute  réalité qui est réductible au sujet. Nous retiendrons de sa réflexion deux éléments  constitutifs  majeurs  du  concept  territorial :  sa  composante  espace  social  et  sa  composante espace vécu. 

Section 3. Identification d’un espace : le territoire en Aquitaine 

Généralement,  l’étude  du  territoire  voisine  avec  l’analyse  d’un  système  de  comportement  et  la  territorialisation  pour  conduire  un  organisme,  prendre  possession  d'un  espace  et  le  défendre.  Plaidant  en  faveur  d’une  spécificité  de  l'espace  social,  en  quelque  sorte  le  primat  des  échanges  sociaux  dans  les  constructions  territoriales,  Marcel  RONCAYOLO  a  indiqué  les  risques  que  contient  le  réductionnisme  éthologique  dans  certains  transferts  en  géographie  sociale.  « Il 

reste  à  juger  si  l'on  peut  établir  un  continuum  entre  les  espèces,  traiter  dans  les  mêmes termes de tous les niveaux de la territorialité, de l'environnement immédiat  aux constructions politiques les plus audacieuses, et, enfin ramener les phénomènes  sociaux,  collectifs  qui  supportent  à  la  fois  la  division  de  l'espace  et  les  sentiments  d'appartenance  soit  à  des  exigences  biologiques  communes  à  des  séries  d'êtres  vivants, soit à la psychologie individuelle » 365

Cet  ensemble  « monoscalaire »  imaginé  comme  une  surface  délimitée  et  étanche, animé par des acteurs enfermés dans ses limites remet en cause l'idée de 

territorium  d'autrefois  dans  la  conception  actuelle  du  territoire.  L’approche 

territoriale  connaît  un  renforcement  parce  que  les  relations  sociétés/territoire 

364. Guy DI MEO, Géographie sociale et territoires, Éditeur Nathan, 1998.

365. D’après l’Historique du territoire, Marcel RONCAYOLO, La ville et ses territoires, Gallimard, Folio Essais, Paris, première édition 1990, 2e édition 1990, <www.hypergeo.eu> , novembre 2008.

177 individualisation et une séparation des niveaux d'échelle. Dans cet espace territorial  co‐existent  et  co‐habitent  à  la  fois  du  local  et  du  global,  du  spécifique  et  de  l'universel.  Une  partie  de  l'analyse  géographique  reste  pourtant  souvent  négligée.  La  plupart  des  études  sur  la  territorialisation  privilégient  avant  tout  la  mise  à  jour  des logiques de fonctionnement internes d'un territoire, auquel s’adjoignent parfois  des emboîtements « multiscalaires ». Les choses se font comme si tout reposait sur  un  implicite  qui  est  celui  du  fonctionnement  autonome  du  lieu  étudié.  Cette  idée  abandonne les réactivités induites par les interactions avec des ensembles spatiaux  voisins et de même niveau. 

a. L’accélération de la croissance démographique au service de la presse de 

territoire 

Dans cette définition du territoire à la fois sociale et spatiale, la presse va initier  une  percée  utilisatrice  des  bienfaits  de  l’espace  géographique.  Avec  des  contours  dessinés  mais  modifiables  dans  une  volonté  de  donner  au  mot  une  philosophie  adaptable,  le  territoire  va  prendre  des  formes  champêtres  ou  marines.  La  « campagne »,  la  « mer »  semblent  aujourd’hui  en  France  parées  de  toutes  les  vertus.  Endroit  de  « ressourcement »  pour  des  citadins  en  mal  de  « racines  territoriales », espace de préservation d’un environnement que l’on considère bien  souvent comme menacé, elles deviennent une valeur marchande très prisée par les  milieux offrant de l’immobilier et du foncier par exemple. Elles sont aussi une valeur  sûre pour les biens symboliques en particulier. L’espace territoire littoral est depuis  quelques  années  le  refuge  en  termes  de  flux  migratoires,  notamment  d’une  rhétorique  d’un  retour  aux  sources  ou  d’un  mieux  vivre  que  la  presse  généraliste  commente  régulièrement.  Il  renaît,  tel  le  phénix,  des  cendres  d’un  centralisme  excessif de la décennie 1990.  

L’évolution  du  regard  porté  sur  ces  espaces  ruraux  ou  littoraux  a  conduit,  scientifiques  et  chercheurs  à  faire  l’analyse  de  ce  « retour  du  local ».  Dans  de  nombreux  cas  les  relations  tissées  sont  plus  ou  moins  heureuses  ou  conflictuelles 

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nous accordons un large traitement à la question des territoires. Dans ce traitement  la  presse  assure  à  elle  seule  une  couverture  considérable  des  espaces.  Dans  une  analyse  à  caractère  ethnographique  du  « retour  au  local »  précité,  les  manifestations à caractères historiques et culturels sont essentiellement à vocation  touristique. Par expérience nous pouvons regarder et expliquer ce retour au local,  par le renforcement de signes identitaires forts. Le pays et le groupe d’individus se  produisent  et  donnent  à  voir  leur  « identité »,  leurs  « traditions »,  leurs  us  et  les  coutumes attachées. Cet exemple doit être rattaché plus généralement aux actions  fortes de signifiants et d’espoirs promis au territoire. Chaque parcelle de cet espace  est  amélioré  dans  l’action  qui  tend  à  généraliser  le  processus  de  valorisation  de  « l’authenticité et des spécificités ».  

La  question  de  la  problématique  de  l’espace  reste  sans  réponse  en  général  car  l’espace  n’est  souvent  pensé  qu’en  tant  que  toile  de  fond.  Support,  cadre  des  événements  ou  encore  surface  de  distribution  des  populations,  des  biens  économiques, des langues, des coutumes, des usages. Les liens entre les hommes et  l’espace  sont  quelquefois  abordés  sous  l’angle  plus  personnel  de  ce  que  Gaston  BACHELARD  nomme  la  phénoménologie  des  valeurs  d’intimité  de  l’espace367.  La 

dimension « sentimentale » de la relation hommes/espaces, ou encore la dimension  existentielle semblent être uniquement la préoccupation des poètes. Lorsque cette  dernière,  de  manière  très  sporadique,  investit  le  champ  du  social  et  du  politique,  elle  met  à  jour  certaine  vieilles  méfiances  qui  fait  craindre  le  romantisme  ou  le  retour des thématiques réactionnaires de la mystique des champs368

366. L’utilisation récurrente des termes comme « mutations », « bouleversements », « retour », « renaissance » depuis le début de la décennie 1990 pour qualifier les évolutions du monde rural et littoral peut assurer, dans l’analyse partagée, l’évidence du phénomène tout en contribuant à sa production. Le constat, sur ce point, n’a que difficilement démontré la neutralité de son objectivité tellement son succès et sa valeur performative ont amené à le transformer en élément constituant de la réalité décrite, érigeant ainsi celle-ci en registre de justification partagé, notamment au sein du monde de l’aménagement du territoire. Nous souhaitons intégrer dans notre réflexion une similitude entre le rural et le littoral. Les espaces littoraux étant le lieu d’habitation des paysans de la mer.

367.Gaston BACHELARD, La poétique de l’espace, PUF, 1957.

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sociaux,  et  leur  mise  en  relation  avec  d'autres  éléments  localisés.  Cette  caractéristique est le fondement de la géographie régionale. Elle met en évidence  les particularités spécifiques de certains espaces et dévoile ainsi « l'identité » d'une  entité  géographique.  L’individu  peut  également  exprimer  un  « sentiment  identitaire » par référence à un espace particulier auquel il se sent particulièrement  attaché.  C’est  le  creuset  de  la  presse  de  territoire  et  nous  parlerons  plus  loin  de  l’utilisation des sentiments identitaires. Lorsqu’ils sont regroupés, généralement ils  font  naître  des  émotions  collectives.  Nous  sommes  dans  ce  cas  au  cœur  de  la  préoccupation  des  acteurs  de  la  presse  de  territoire  identifiant  avec  une  grande  précision  les  phénomènes  identitaires  pour  les  utiliser  et  parfois  les  théâtraliser  dans les lignes éditoriales.  

Il  existe  entre  les  identités  sociales  collectives  et  les  identités  territoriales  une  adéquation  mise  en  question  de  façon  récurrente  depuis  quelques  décennies.  L'identité  sociale  collective  est  toujours  une  construction  intellectuelle,  sociale  ou  politique.  Elle  se  façonne  autour  d'un  pays  rural,  d'une  ville,  ou  d'une  région  plus  large,  plus  ou  moins  fortement  mythifié  ou  les  renforts  identitaires  sont  les  plus  présents.  Donnons  pour  la  France  des  exemples  la  Bretagne,  le  Nord,  la  Corse,  le  Pays Basque, l’Auvergne… Localement elle est l'expression d'un lien social. Lorsque  nous  posons  la  question  « si  je  vous  demande  d'où  vous  êtes  ? »,  plus  d'une  personne  sur  deux,  en  France,  se  déclare  d'une  commune369.  L’élargissement  géographique des espaces est influencé par l'intensité de sa prise en charge par les  acteurs structurés en groupe de pression. Ils doivent être susceptibles de produire  et de diffuser des brochures, d'organiser des conférences, d'éditer des publications  régulières aux risques de disparaitre dans le néant de l’inconnu médiatique. 

L'identité territoriale, n'est pas une notion scientifique, en ce sens qu'il n'est pas  possible  de  mesurer  le  degré  d'adhésion  d'une  population  à  cette  identité.  Sa  fluctuation est fonction du contexte historique et culturel. L’adhésion est d’autant 

180 Dans cette construction de l'identité territoriale, l’efficacité sera plus marquée par  des représentations symboliques que son l’histoire, le paysage au sens le plus large  et le patrimoine qui seront mobilisés pour en assurer un développement efficient.  La carte est un instrument qui figure et fige l'identité territoriale, ce qui constitue  une  ambiguïté,  car  cette  notion,  au  départ  intellectuelle  et  sentimentale  et  aux  contours  flous,  donne  alors  naissance  à  un  territoire  précis  et  délimité.  Espaces  cartographiés repris généralement par la presse de territoire pour en modeler des  contours souvent économiques.  

La  notion  de  patrimoine,  terme  flou,  permet  de  subsumer  la  systématisation  opérée très largement par les acteurs consensuels du territoire. Cette approche ne  serait  pas  complète  sans  poser  la  base  théorique  du  développement  local.  Selon  Philippe  AYDALOT,  il  existerait  des  « milieux »  plus  ou  moins  propices  au  développement selon la nature des relations que les entreprises entretiennent avec  leur  territoire.  Ce  milieu  innovateur  est  celui  où  les  entreprises  développent  des  réseaux  d'échanges  et  de  coopérations  en  mobilisant  les  ressources  humaines  et  matérielles de leur territoire370. C’est le cas de l’Aquitaine avec à la fois ses espaces  urbanisés et adhérents aux patrimoines architecturaux les plus nobles, des espaces  ruraux  et  littoraux  ancrés  dans  une  des  plus  grandes  tradition  vitivinicole  mondiale371.  La  presse  d’initiative,  va  trouver  sa  substance  dans  ces  réseaux  et  surtout dans les milieux innovateurs qui portent les ressources humaines historique  et patrimoniales du territoire et du terroir. La représentation du territoire étant par  essence  complexe  et  souvent  floue,  il  est  commode,  pour  l'appréhender,  de  se  servir de notions connues et bien identifiées. Nous nous rendrons vite compte que 

370. Philippe AYDALOT, Milieux innovateurs en Europe, GREMI, Paris, 1986.

371. Cf. La France étant l'un des pays de l'héritage latin le vin fait partie intégrante de sa culture. La façon dont la culture française s'est investie dans l'élaboration de ses vins lui a même valu la réputation internationale d'être « le pays du vin ».

Les grands terroirs : Vignoble d'Alsace, du Beaujolais, de Bordeaux, de Bourgogne, de Champagne, de Corse, du Jura, du Languedoc, de Provence, du Roussillon, de Savoie, du Sud-Ouest, du Val-de-Loire, de la vallée du Rhône. Les terroirs de petite taille : Vignoble des coteaux du Lyonnais, du Bugey, de Lorraine, d'Île-de-France.

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territoire, une notion très alambiquée, ne disposant pas de définition toute faite.  Nous reprenons donc les définitions du dictionnaire372. Les interprétations nous  donnent  une  vision  emblématique  de  ce  que  nous  considérons  comme  l’attachement  à  un  espace  défini,  incombant  aux  individus  et  aux  acteurs  de  l’espace.  Reprenons  ces  définitions  pour  justifier  les  champs  théoriques  de  notre  approche, convoqués pour notre réflexion, sur le stéréotype du terroir. 

Le  dictionnaire  nous  dit  que  le  terroir  est  un  « ensemble  de  terres  exploitées 

diversement par une collectivité rurale ». Il accompagne sa définition d’une phrase 

prise à un auteur, nous concédant une compréhension proche de notre sentiment  de  chercheur  que  de  donner  au  lecteur  ce  particularisme  d’appréhension  d’une  situation sensorielle exprimée : 

« Je voudrais (...) entrer dans l'âme de ce sauvage que nous étions, il y a  si peu de temps encore, deux mille ans (...), quand il fondait l'un des plus vieux  terroirs  du  monde  (...),  défrichait  la  forêt,  étendait  la  clairière,  bâtissait  les  chemins, créait la campagne »373

Lisant  cette  deuxième  approche  définitionnelle :  « sentir  le  terroir,  avoir  la 

saveur,  le  goût  du  terroir.  Avoir  le goût  particulier  dû  à  la nature  du  sol »  et  aussi  « Le jeune homme (...) goûte ce pain et ce vin qui ont la saveur de leur terroir »374

Les  définitions  suivantes  nous  approchent  d’une  réalité  concomitante  au  territoire  et  affectent  la  pensée  d’une  réalité  première :  Région,  province,  pays  considéré dans ses particularités rurales, ses traditions, sa culture, ses productions  et du point de vue du caractère des personnes qui y vivent ou en sont originaires.  Terroirs breton, charentais, lorrain, gaulois ; avoir l'amour du terroir ; être enraciné  dans  le  terroir ;  la  France,  terroir  fertile  en  talents ;  goût,  saveur,  odeur,  parfum,  senteur  de  terroir ;  esprit  de  terroir ;  avoir  l'accent  du  terroir ;  chants,  contes,  coutumes, dictons, légendes, proverbes du terroir. 

372. Le Trésor de la langue française informatisé, version 2008, <http://atilf.atilf.fr>, Conception et réalisation informatiques : Jacques DENDIEN.

373. Jean GUEHENNO, Journal d’une révolution, édition Grasset paru en 1939, p. 83.

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richesses culturelles et identitaire : 

« C'est  encore  un  plaisir  d'entendre  ces  idiotismes  pittoresques  régner  sur le vieux terroir du centre de la France »375

« N'en déplaise à ceux qui pourraient nier l'influence du terroir, je sentais  qu'il  y  avait  en  moi  je  ne  sais  quoi  de  local  et  de  résistant  que  je  ne  transplanterais jamais qu'à demi »376

« Savez‐vous que ce que vous dites là, Villefort, sent la révolution d'une  lieue ? Mais je vous pardonne : on ne peut pas être fils de Girondin et ne pas  conserver un goût de terroir »377

Ces  mots  accolés  très  différents  tentent  de  le  faire  exister :  terroir  folklorique,  terroir agricole, terroir culturel, terroir gastronomique depuis quelques années, etc.  Aussi, sans avoir fixé une fois pour toutes de définition, le terroir peut‐il réellement  aider  le  lecteur  à  identifier  le  territoire.  Il  est  intéressant  cependant  d'évoquer  la  notion  de  « terroir  touristique ».  Elle  permet,  sans  vouloir  à  tout  prix  philosopher  sur  le  territoire,  de  tracer  les  pourtours  d'un  espace  cohérent,  au  moins  dans  sa  dimension  agricole,  identitaire  et  touristique.  Sans  commencer  à  parler  de  territoire, bien trop complexe pour en saisir tous les champs, le terroir touristique  ne  serait‐il pas  un  moyen  de  cheminer  vers  la définition  d'un  espace  pertinent  de  projets,  et  donc  vers  un  stade  certes  inachevé,  néanmoins  satisfaisant  de  territorialité ? 

Le concept du territoire est à forte densité. Il s’envisage selon différents points  de  vue :  géographique,  biologique,  économique,  philosophique,  politique,  sociologique, etc. Sa multi dimensionnalité ne le rend pas strictement réductible à  un domaine ou à une zone particulière, ce qui explique évidemment la singularité  de l’emploi du mot. Développons ce qu’est la notion de territoire, insistons dès lors  sur l’herméneutique du mot. Faire entrer dans un formalisme littéral des idées est  fort  complexe.  Cette  représentation  du  territoire,  nous  la  déroulerons  durant  les 

375. George SAND, La Mare au diable, 1846, Collection Le Livre De Poche, Éditeur LGF, 1984, p. 162.

376. Eugène FROMENTIN, Dominique, 1863, Collection Maxi Poche, Éditeur Bookking International, 1996, p. 137. 377. Alexandre DUMAS père, Monte-Cristo, tome 1, 1846, p. 63.

183 de  comprendre  le  comment  du  magazine  de  territoire.  Les  ressources  identitaires  territoriales nous permettent de valoriser ou de revaloriser l’image de cet espace. 

Le territoire est ici décrit en fonction du terroir. L'objectif est de situer le concept  de territoire par rapport à celui de terroir. Ce dernier serait‐il alors l’antichambre du  territoire,  un  état  inachevé  prometteur  de  territorialité ?  Dès  lors,  ne  pourrions‐ nous  pas  comparer  le  terroir  à  un  territoire  hybride ?  Tant  de  pistes  à  creuser  œuvrent sans conteste à une meilleure lisibilité du concept de territoire. Ces deux  notions de terroir et de territoire sont fondamentales dans l’approche systémique  que nous devons faire pour expliquer le magazine du même nom. La limite de ces  termes est ambiguë et se situe tantôt d’un point de vue économique tantôt sur un  plan  culturel.  Corroborons  le  fait  que  cette  approche  de  la  territorialité  et  de  l’ensemble  de  ses  facteurs  économico‐culturels  vont  trouver  leurs  ancrages  dans  l’approche qui peut être faite par le lecteur.  

Notre choix privilégié de l’Aquitaine a plusieurs raisons. Tout d’abord elle est le  lieu de notre activité sociale. Deuxième raison : les Aquitains savent accueillir et les  rituels  de  convivialité  sont  une  marque  forte,  un  trait  caractéristique  forgeant  le  patrimoine territorial. En troisième lieu, la générosité aussi des espaces d’une très  grande  diversité  et  harmonieusement  répartis  entre  ceux  humanisés  –  terroirs  agricoles  et  viticoles,  villages  et  bastides,  villes  d’art  et  d’histoire  –  et  ceux  ou  la  nature  s’exprime  –  la  forêt  des  Landes,  le  massif  pyrénéen  et  le  cordon  littoral,  l’estuaire  de  la  Gironde… –  autant  de  diversités  que  la  presse  va  accaparer.  Sans  doute  la  réalité  de  l’identité  historique  aquitaine  est‐elle  différente  de  celle  de  la  Bretagne  ou  de  l’Alsace  par  exemple.  Elle  n’en  est  pas  moins  très  riche  et  très  prégnante. Elle offre aux plumes des journalistes un fabuleux creuset.  

b. Décentrement et mobilité. Hauts lieux des territoires  

La  différence  principale  serait  dans  l'appropriation  des  acteurs  de  l’espace.  Le  terroir  n'implique  pas  nécessairement  le  sentiment  d'appartenance  de  l'espace 

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construction humaine inhérente au travail de la terre et à son occupation, ainsi que  des richesses extraites de son « ventre ». 

Des  exemples  permettent  un  certain  rapprochement  sémantique  des  deux  notions,  jusqu’à  rendre  compte  d'une  connivence  presque  parfaite !  Depuis  plusieurs décennies, d’authentiques terroirs acquièrent un certain prestige agricole  et touristique, grâce à l'Appellation d'Origine Contrôlée et au tourisme favorisé de  loin par les pratiques sportives ou culturelles. La cohabitation sur un même espace  des  pratiques  artisanales  et  des  sites  touristiques  a  contribué  à  la  fierté  de  toute  une  population  autochtone  et  à  l'appropriation  d'un  «terroir  touristique»,  caractérisé par un terrain (sol, relief, paysage), par une étendue d’eau (mer, océan,  lacs), un climat et des pratiques agricoles ou maritimes, le tourisme vert et les loisirs  sportifs  et  culturels.  Comprenons  l'assimilation  d’un  terroir  à  un  espace  identitairement cohérent approprié par ses habitants, en d'autres termes, le terroir  se serait progressivement mué en territoire. 

Ce  ne  fut  qu’à  la  fin  des  années  1950  que  les  comportements  commencèrent  véritablement à se modifier378 « une sorte de révolution estivale »379. Pierre BELVILLE  peut encore écrire, en 1963 : 

« Les sidérurgistes comme d’ailleurs la plupart des ouvriers du Nord et de  l’Est ne partaient pratiquement pas en vacances jusqu’à ces toutes dernières  années… […] Ce ne fut, en France, qu’avec la troisième semaine de congés, en  1956,  que  les  comportements  commencèrent  à  se  modifier…  Le  temps  disponible est désormais plus grand »380

Le tourisme de mer et de montagne étant plus « juteux », les acteurs préfèrent  parier sur les agents économiques liés. De là au glissement décrit par l’INSEE381, de  la propension à migrer vers les zones littorales, la frontière se franchit simplement. 

378. Alain CORBIN, L’avènement des loisirs 1850-1960, Flammarion Paris 1995, p. 407.

379. Formule empruntée à Antoine PROST, « Frontières et espaces du privé », in- Philippe. ARIÈS, Georges DUBY

(dir.) Histoire de la vie privée, tome V, Paris, Éditions du Seuil, 1987, p. 100. 380. Pierre BELVILLE, Une Nouvelle Classe ouvrière, Paris, Julliard, 1963, p. 7.

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côtiers.  En  Gironde,  dans  les  Landes  et  les  Pyrénées  Atlantiques,  un  habitant  sur  cinq  est  installé  sur  le  littoral.  La  distinction  se  fait  désormais  entre  tourisme  et  activités  professionnelles  mais  là  encore  la  zone  géographique  à  forte  densité  migratoire devient un acteur prépondérant de la notion de terroir et de territoire. Si  l'on  n'y  prenait  garde,  on  assisterait  au  divorce  programmé  entre  territoire  et