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Des pionniers du journalisme contemporain à la culture  de masse

Chapitre I. Évolution du rapport au territoire dans la presse

Section 2. Des pionniers du journalisme contemporain à la culture  de masse

Section 2. Des pionniers du journalisme contemporain à la culture 

de masse 

« Le  journaliste  avait  beaucoup  plus  besoin  d'aller  chercher  l'information.  Nous  sommes dans une société  de  communication et ceux qui  détiennent des  informations  sont  beaucoup  plus  poussés  qu'autrefois  à  les  livrer  au  public.  Mais  il  faut  creuser  davantage  l'information  ainsi  préparée  et  découvrir  l'information  cachée.  C'est  difficile  car  ceux  qui  délivrent  l'information  ne  livrent par définition que ce qu'ils veulent rendre public »215

Nous  examinerons  dans  cette  section  de  la  thèse  comment  les  débuts  du  journalisme que nous avons sommairement décryptés dans le précédent chapitre,  sont  analogues  en  tous  points  au  journalisme  contemporain.  Le  journalisme,  aujourd’hui, forme au travers de son esprit d’information le peuple et paramètre les  comportements  de  nos  congénères.  Toutefois  la  presse  et  les  journalistes  sont  au  carrefour de nombreuses polémiques ; ils alimentent les animosités des détracteurs  de tous genres et défont les présupposés d’un lectorat acerbe. Les « gratuits », les  journaux alternatifs216, les médias, gardiens de l’ordre social, sont autant de sources  de conflits et de dislocation de la presse et du métier de journaliste. La presse de  territoire  va  être  le  champ  d’un  journalisme  d’imagination  mêlant  les  composants  de  la  structure  territoriale,  de  l’espace  géographique  et  de  son  histoire.  Elle  va 

215. JacquesFAUVET, Presse et techniques d'information, Lausanne, Édition Grammont, 1975, p. 15.

216. Nous indiquons ci-dessous quelques exemples de journaux alternatifs repris dans l’édition du Monde Diplomatique de septembre 2004 :

L’Agglo Rieuse, « Lisez la Mouette, le journal qui sait emballer le poisson », hebdomadaire, fondé en 2002, diffusé dans la grande agglomération de Montpellier, 1 euro. – SPAM BP 44 – 34172 Castelnau-le-Lèz cedex.

L’Aiguillon, « Journal (im)pertinent d’informations de l’agglomération chartraine », mensuel, fondé en 2000, diffusé dans l’agglomération de Chartres, par l’Association « Énergies citoyennes », 1 euro. Énergies citoyennes 30, rue de Fresnay 28000 Chartres.

L’Ami du 20e, « journal chrétien d’informations locales » Mensuel, fondé en 1946, diffusé dans le 20e

arrondissement de Paris, 1,60 euro – 81, rue de la Plaine, 75020 Paris.

L’Asperge, « revue satirique » Trimestriel, fondé en 1994 et diffusé en Alsace, 3 euros – 6, lotissement Plein-Soleil, 68150 Ostheim.

L’avis de la Cité, « Pour l’insertion, la solidarité et la citoyenneté contre l’exclusion, la précarité et le chômage. Conçu, rédigé et réalisé par des personnes en situation précaire du Pays de Brest », trimestriel, fondé en 1996, diffusé dans le Pays de Brest et le nord Finistère, gratuit (abonnement de soutien). Atelier Zef Communication 63, rue Jean Macé, 29200 Brest.

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masses ».   

Ouvrons  une  parenthèse  dans  notre  déclinaison  de  ce  métier  pour  visualiser  la  face politique que Christian DELPORTE mentionne :  

« Le  journalisme  en  France  s’est  bâti  dans  l’ombre  du  politique.  Le  peu  d’enthousiasme  des  journalistes  français  à  formaliser  les  relations  entre  les  médias et le pouvoir s’explique, notamment, par l’autonomie qu’offrirent, dès  1881, les lois de la République, et la faible conscience, dans la profession, de ce  qui  sépare,  sur  le  fond,  le  journaliste  de  l’homme  politique.  Le  journaliste  français  s’est  toujours  montré  loyal  à  l’égard  d’un  État  considéré  comme  le  garant de sa liberté, et a toujours estimé participer activement à l’édification  de  la  démocratie  et  à  la  formation  de  l’opinion  publique.  Il  est  alors  peu  surprenant  que  l’intervention  des  puissances  d’argent  dans  les  affaires  de  presse  ait  été  considérée  comme  un  obstacle  à  la  libre  expression  du  journaliste,  non  seulement  parce  qu’elle  substituait  l’intérêt  particulier  à  l’intérêt  général,  mais  parce  qu’elle  faisait  écran  au  dialogue  privilégié  entretenu avec le pouvoir et avec les délégués de la nation »217

a. Évolution de l’écrit journalistique 

De  cette  acrimonie  s’exhale  un  comportement  d’achat que  le  consommateur  intègre  dans  sa  forme  de  pensée.  En  effet,  derrière  la  multitude  de  supports  d’informations avec laquelle nous vivons au quotidien, il est nécessaire de déceler  les influences sur nos comportements. Cette réflexion se fait nécessairement avec  un  certain  tâtonnement mais  avec  la  volonté  opiniâtre  d’une  plus  grande  intelligibilité.  Il  faut  se  rendre  à  l’évidence,  la  naissance  de  la  profession  de  journaliste  est  entachée  de  quelques  animosités.  La  condescendance,  voire  le  mépris pour cette profession qui n’en fut une que bien longtemps après sa création  idéologique, ont été souvent commentés. 

217. Christian DELPORTE, Les journalistes en France (1880-1950). Naissance et construction d’une profession,

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première  fois  le  terme de  « journaliste ».  Émile  LITTRÉ219  le  trouve,  à  peu  près  à  la 

même époque, chez Bernard de FONTENELLE. Le mot « journal », lui, est apparu dès 

1631 dans La Gazette de France par ellipse de papier‐journal. Le mot journalisme se  trouve,  en  1781,  chez  Sébastien  MERCIER,  mais  É.  LITTRÉ le  donne  encore  pour  un  néologisme.  Dès  lors  le  journalisme  va  subir  –  et  encore  de  nos  jours  –  un  grand  nombre de polémiques220.  

Nous  pensons  que  le  tiraillement  entre  l’achat  d’impulsion  et  le  raisonné  est  guidé  par  cette  quête  volontaire  de  la  vérité  médiatique.  Nous  ne  pouvons  que  rarement  distinguer,  dans  l’achat  de  presse,  le  lecteur  habitué  du  flâneur.  Dans  cette  extrême  complexité  du  comportement  de  doute  de  l’acquéreur,  nous  nous  emploierons  à  décrire  l’histoire  de  ce  métier  passionnant  et  sa  traversée  parfois  laborieuse  du  labyrinthe  du  temps.  De  la  description  temporelle  du  journalisme  naîtra  une  conception  propre  à  nous  éclairer  sur  le  métier  contemporain  et  à  comprendre pourquoi le métier de journaliste est mis au pilori de la sentence des  mass‐médias.  « On a parlé des sept plaies de l'Égypte, disais‐je ; la France n'a qu'une  plaie, le journalisme. Sans les journaux, il n'y aurait plus dans notre beau pays  ni misère, ni gastrites, ni émeutes, ni affections de poitrine. Les trois premières  pages d'un journal sont l'origine de tous les troubles »221…  Au début du XXe siècle le journalisme n’est souvent qu’un moment dans la vie de  ceux qui s’y consacrent et, de ce point de vue aussi, son caractère professionnel est  encore  assez  mal  marqué.  Il  n’est  guère  besoin  de  souligner  qu’il  n’existe  pas  et 

218. Albert DAUZAT, linguiste français, ces travaux d’onomastique ont longtemps fait autorité. Octobre 2007. 219. Émile LITTRÉ, lexicographe et philosophe français, nous lui devons le dictionnaire du même nom. LITTRÉ entre au National en 1831 pour lire les journaux anglais et allemand pour y découvrir des extraits intéressants. En 1836 il apporte ses contributions à la Revue des deux mondes en écrivant des articles sur les sujets les plus divers dont certains d’entre eux révélaient le médecin et le philosophe.

220. Ibid., Bernard VOYENNE, les journalistes in- Revue française de Sciences politiques, décembre 1959, volume 9, p. 901.

221. Louis REYBAUD, Jérôme PATUROT, À la recherche d'une position sociale, édition Belin, collection temps présents, 1842, p. 303, nouvelle édition 1997.

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recrutement spécifique à cette profession. 

Le  journalisme  souvent  décrié  par  ses  détracteurs  offre  le  flanc  à  la  critique  depuis  de  très  nombreuses  années.  Théophraste  RENAUDOT  ne  concevait‐il  pas  ses  publications  comme  épurées  de  toutes  autres  passions  que  celle  de  la  vérité  ?  Sa 

Gazette  n'en  constituait  pas  moins  une  littérature  de  combat  au  service  des 

Bourbons puisqu'il la qualifiait lui‐même de « journal des rois et des puissants de la 

terre ».  Voilà  subséquemment  de  quoi  alimenter  le  débat  sur  la  pertinence  d'une 

censure  consubstantielle  à  l'information.  Pour  paraphraser  T.  RENAUDOT,  nous  pourrions  affirmer  que  « sa  publication  est  en  effet  nouvelle  […]  mais  cette 

nouveauté ne peut lui acquérir que de la grâce ».  

Le  mot  « média »,  très  usité  aujourd’hui,  désigne  étymologiquement  « un  lieu 

accessible ou exposé au regard des autres »223. Au XXe siècle, c’est l’abréviation de  l’anglais  des  États‐Unis  « mass  media »,  de  même  sens :  tout  moyen  de  communication  servant  à  transmettre  et  à  diffuser  des  informations,  des  œuvres.  Aujourd’hui  les  médias  sont  devenus  un  champ  d'études  reconnu.  Cet  espace  d’investigation  alimente  l’ensemble  des  groupes  de  presse  désireux  de  coller  au  plus près de leur lectorat. Petits ou grands éditeurs, tous ont recours à ces chiffres  de  sondages  et  se  soumettent  avec  allégeance  aux  tendances  affirmées  pour  imprimer.  

À  la  fin  du  XVe  siècle,  à  la  suite  de  la  découverte  de  l'imprimerie  à  caractères  mobiles  en  alliage  métallique  par  GUTENBERG  et  de  l'organisation  presque  concomitante  des  postes  d'État,  naquirent  les  premières  feuilles  volantes  imprimées, inspirées par l'actualité, qui, sous le nom latin de Relationes, allemand 

222. En 1899 madame Dick MAY crée, avec l’appui d’Antonin PIRIVIER, ancien co-directeur du Figaro, l’École supérieure de journalisme de Paris. Elle est rattachée l’année suivante à l’École des hautes études sociales. Cette initiative place la France en position avancée dans l’enseignement du journalisme.

223 . Cette note concerne les trois citations entre guillemets de ce paragraphe. Théophraste RENAUDOT,

Encyclopædia Universalis France S.A. électronique, 2007. Les recherches, nous ayant permis de vérifier et de confronter nos sources, se sont enrichies du livre de Jean TULARD, Jean-François FAYARD et Alfred FIERRO, Histoire et dictionnaire de la Révolution française. 1789 – 1799, Robert Laffont, collection « Bouquins », Paris, 1987.

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de grands événements militaires, diplomatiques ou des cérémonies officielles. Plus  tard,  dans  le  XVIe siècle,  on  connut  les  canards,  récits  de  faits  divers  criminels,  catastrophiques ou merveilleux et, avec la Réforme, les pamphlets, libelles, placards  ou chansons de polémiques politiques ou religieuses. Ces feuilles volantes, diffusées  par  colportage  plus  ou  moins  clandestin  ou  même  en  librairie,  survécurent  longtemps, et les canards ne disparurent qu'à la fin du XIXe siècle, tués par la presse  populaire. 

L’écriture  médiatique  arrive  avec  la  naissance  du  premier  journal  imprimé  au  monde224  en  1605 ;  il  paraît  à  Strasbourg.  Cet  hebdomadaire  de  quatre  feuilles  relate  « les  histoires  distinguées  et  mémorables »  se  déroulant  dans  les  grandes  villes  d’Europe  et  transmises  par  un  réseau  de  correspondants  rémunérés.  Nous  devons  ce  bouleversement  du  monde  des  médias  à  Johann  CAROLUS qui  publia  en  1605 « Relation »225 ; maintenant pourvu du livre et du journal nous pouvons entrer  dans l’ère médiatique. Cet homme adresse au magistrat de la ville une requête où il  est  notamment  question  de  ce  que  nous  appelons  aujourd’hui  le  copyright226.  L’invention  du  premier  journal  nous  plonge  d’emblée  dans  la  problématique  semblant  appartenir  en  propre  à  notre  modernité.  Nous  pouvons  nous  poser  la  question  de  savoir  qui  le  premier  a  écrit  dans  le  but  d’informer  et  tenter  de  faire  une  réponse.  Cette  dernière  risque  d’être  corrompue  par  une  étymologie  bouleversée au fil des siècles ; depuis THUCYDIDE, les évènements et les choses ont  considérablement  modifié  le  panorama  de  la  presse  et  avec  les  concepts  et  les  préceptes. 

224. Cf. Jean Pierre KINTZ, Professeur émérite à l’université Marc Bloch et Martin WELKE, directeur du musée de la presse de Meersburg. Fabienne KELLER et Robert GROSSMANN, Strasbourg, berceau de la presse, éditions François MICLO, Strasbourg, 2005.

225. Ce quatre pages, haut de 25 centimètres et large de 15, constitue le plus lointain ancêtre connu de la presse moderne. Nous devions faire cette distinction dans ce travail de recherche pour amorcer le formatage contemporain de nos magazines.

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presse  périodique  en  France,  mais  il  reste  bien  le  fondateur  du  premier  grand  journal français, La Gazette. Journal parisien paru du 30 mai 1631 au 30 septembre  1915. Le premier périodique français, Nouvelles ordinaires de divers endroits, naquit  en  janvier 1631 :  il  était  édité  par  deux  libraires  parisiens,  Jean‐Martin  et  Louis  VENDOSME, et son texte était pour l'essentiel la traduction de feuilles d'informations  périodiques éditées aux Pays‐Bas ou en Allemagne ; la France avait, en la matière,  plus  de  vingt  ans  de  retard.  T.  RENAUDOT  publia  le  premier  numéro  de  sa  Gazette  hebdomadaire  le  30  mai  1631.  Fort  de  l'appui  de  RICHELIEU  et  du  père  JOSEPH,  il  obtint, le 11 octobre 1631, un privilège d'exploitation en France de ce type d'écrit,  ce  qui  lui  permit  d'absorber  les  Nouvelles  ordinaires  dans  sa  Gazette,  dont  elles  formèrent  durant  plusieurs  années  une  sorte  de  complément,  nous  dirions  aujourd’hui un encart ou encore un supplément. 

De petit format227, de quatre puis huit et parfois douze pages, La Gazette n'était  qu'un  recueil  de  nouvelles  et  de  documents  officiels,  sans  commentaire.  Les  nouvelles  de  l'étranger  y  occupaient  toujours  au  moins  les  deux  tiers  du  texte  imprimé.  C'était  une  feuille  officielle :  elle  servit  à  RICHELIEU  d'instrument  de  propagande  et  d'organe  pour  l'expression  de  sa  politique  étrangère  et  intérieure.  RENAUDOT  éditait  aussi,  à  l'occasion,  des  suppléments  « extraordinaires ».  Il  publia,  dès  juin  1632,  une  feuille  d'annonces,  la  Feuille  du  bureau  d'adresses,  et  reprit,  à  partir de 1639, la publication du Mercure français, recueil annuel qui résumait les  événements de l'année écoulée et qui remontait à 1611. 

La  nouveauté  de  La  Gazette  lui  valut  un  succès  durable ;  elle  tira,  semble‐t‐il,  jusqu'à  huit  cents  exemplaires  dans  les  années  1640.  Tous  les  ans,  T.  RENAUDOT  publiait en livre ses Gazettes de l'année et, dans les préfaces de ces volumes, il sut  remarquablement exposer les buts et les difficultés du journalisme : 

227. Ce quatre, huit et parfois douze pages, haut de 23 centimètres et large de 15, est en tout point similaire, du moins dans sa dimension, à son ancêtre cité auparavant. Nous devions faire cette distinction dans ce travail de recherche pour amorcer le formatage contemporain de nos magazines et donner aux dimensions une réalité encore présente.

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qui en court [...]. Je prie les princes et les États étrangers de ne point perdre  inutilement  le  temps  à  vouloir  fermer  le  passage  à  mes  nouvelles  dont  le  commerce  ne  s'est  jamais  pu  défendre  et  qui  tient  en  cela  de  la  nature  des  torrents qu'il se grossit par la résistance »228

b. La presse dans la tourmente éditoriale 

Après la mort de RICHELIEU, RENAUDOT réussit à sauvegarder La Gazette qui faillit  disparaître sous la Fronde. Ses deux fils continuèrent sa publication après la mort de  leur père en 1653, et elle resta jusqu'en 1762 entre les mains de ses descendants. À  cette date, CHOISEUL l'annexa au ministère des Affaires étrangères : elle prit le titre  de  Gazette  de  France  et  devint  bihebdomadaire ;  elle  conserva  jusqu'en  1789  son  caractère officiel et le monopole de l'information politique. 

La Gazette de France, devenue un temps Gazette nationale de France, traversa 

sans éclat la Révolution et l'Empire. Après 1815, elle commença une longue carrière  de quotidien monarchiste, légitimiste après 1830. La première guerre mondiale lui  porta un coup fatal et elle disparut en septembre 1915 dans sa 285ème année. Nous  devions  faire  revivre  l’histoire  de  ce  journal  dans  cette  thèse  et  en  apporter  les  contours temporels dont la durée voisine de trois siècles demeure une exception du  genre.  

Nous  lisons  là,  dans  ce  court  paragraphe,  les  prémices  de  ce  que  T.  RENAUDOT  qualifie de difficultés du journalisme. En janvier 2005 Ignacio RAMONET écrit dans un  papier sur les « Médias en crise » : « toutes ces affaires, ainsi que l’alliance de plus 

en  plus  étroite  avec  les  pouvoirs  économique  et  politique,  ont  causé  un  tort  dévastateur  à  la  crédibilité  des  médias.  Elles  révèlent  un  inquiétant  déficit  démocratique.  Le  journalisme  de  bienveillance  domine,  alors  que  recule  le  journalisme critique. On peut même se demander si, à l’heure de la globalisation et 

228. Théophraste RENAUDOT, Encyclopædia Universalis France S.A. électronique, 2007, texte de Bernard VALADE, professeur à l’université de Paris V Sorbonne.

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perdre »229

À partir de l’exemple de ces organes de presse qui traversèrent le temps, nous  évoquons  la  nécessité  d’informer  au  cours  des  siècles  et  nous  approcher  de  cette  forme de communication. Nombre de pratiques regroupées sous le terme ambigu  de  « guerre  de  l’information »  reposent  sur  la  capacité  matérielle  de  percevoir  ou  d’empêcher  de  percevoir  des  signaux  destinés  à  la  compréhension  du  plus  grand  nombre. 

La  communication  sociale  est  un  des  besoins  essentiels  de  toute  société  organisée.  L’information  proche  voisine  de  la  communication,  va  au  fil  des  siècles  apporter  une  réponse  essentielle  aux  préoccupations  du  monde  contemporain ;  obtenir  par  les  moyens  techniques  les  plus  sophistiqués  d’une  époque  des  renseignements sur nos congénères, les politiques, les finances d’une nation, d’une  industrie,  d’un  village,  d’une  personne.  Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  les  qualificatifs  subséquents  de  la  presse  et  de  ses  pouvoirs230 ;  nous  ne  devons  pas  omettre le fait simple que, le relais de l’information passe par un tiers. Reprenons  quelques phrases d’un article de presse écrit par Jean‐Loup MOTCHANE pour affirmer  notre point de vue sur la validation de l’information par les mass médias. 

« Il est tentant, lorsqu'on aborde la question des médias, de succomber à  l'attrait  du  lieu  commun  et  de  la  caricature ;  de  passer  sans  transition  de  l'exaltation  des  nouvelles  technologies  de  la  communication  à  leur  condamnation  sans  appel.  Plus  difficile  est  d'analyser  leurs  implications  sociales  et  politiques,  tant  les  médias  constituent  une  “boîte  noire”,  productrice de  fantasmes.  Et  d'abord  celui  de  leur “toute‐puissance”.  Mais  si 

229. Le Monde Diplomatique, janvier 2005, Ignacio RAMONET, page 4, « Médias en crise ». Dans cet article le journaliste décrit avec précision les avatars journalistiques liés aux mouvements économiques politiques de la grande presse.

230. Le Monde Diplomatique, octobre 2003, Ignacio RAMONET, pages 1 et 26, « Le cinquième pouvoir ». Notons dans cet article la réflexion suivante qui donne sa substance au cinquième pouvoir : la presse « Contre les abus des pouvoirs, la presse et les médias ont été, pendant de longues décennies, dans le cadre démocratique, un recours des citoyens. En effet, les trois pouvoirs traditionnels –législatif, exécutif et judiciaire– peuvent faillir, se méprendre et commettre des erreurs. Beaucoup plus fréquemment, bien sûr, dans les États autoritaires et dictatoriaux, où le pouvoir politique demeure le responsable central de toutes les violations des droits humains et de toutes les censures contre les libertés. »

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leurs effets » 231 ? 

Dans ce climat de domination des mass médias par la presse, sans cesse mise au  pilori  aujourd’hui  et  adulée  le  lendemain,  nous  devons  avec  beaucoup  de  parcimonie  obtenir  un  raisonnement  indubitable  à  nos  remarques.  Pour  appuyer  notre  thèse,  reprenons  ce  court  paragraphe  du  Monde  Diplomatique  sur  le  « cinquième pouvoir » : « Il faut, tout simplement, créer un “cinquième pouvoir”. Un 

“cinquième  pouvoir”  qui  nous  permette  d’opposer  une  force  civique  citoyenne  à  la  nouvelle coalition des dominants. Un “cinquième pouvoir” dont la fonction serait de  dénoncer le superpouvoir des médias, des grands groupes médiatiques, complices et  diffuseurs de la globalisation libérale. Ces médias qui, dans certaines circonstances,  ont non seulement cessé de défendre les citoyens, mais qui agissent parfois contre le  peuple dans son ensemble »232

Nous  avons  auparavant  dans  ce  texte  commenté  des  formes  équivalentes  au  journalisme dans les sociétés les plus anciennes233. Elles sont liées à l’invention de  l'écriture,  pour  conserver  la  trace  d'écrits  d'actualité :  correspondances  administratives,  inscriptions  lapidaires  célébrant  les  grands  événements,  récits  de  voyageurs, annales... 

Le  journalisme  évolue.  Depuis  cette  période,  la  presse  change  nos  façons  de  raisonner  et  réorganise  notre  pensée.  Les  bouleversements  de  la  presse  et  ses  transformations importantes à la fin du XIXe siècle s’insèrent dans la période où se  sont  développés  les  médias  à  grand  tirage.  Dans  un  souci  constant  de  donner  à  l’information  la  priorité  sur  l’opinion,  la  presse,  depuis  trente  ans,  traverse  un  second  cycle  de  mutations  profondes.  Nos  observations  nous  montrent  combien  cette mutation est ancrée et combien les mœurs en matière d’achats de presse se 

231. Le Monde Diplomatique, novembre 1998, Jean-Loup MOTCHANE, pages 28 et 29, Limiter les dégâts des médias.

232. Le Monde Diplomatique, octobre 2003, op. cit., p. 4. 233. Cf. THUCYDIDE.

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chalands :  le  nombre  croît,  la  diversité  d’achat  rompt  avec  l’habitude  et  le  fait  de  feuilleter un magazine est devenu coutumier voire imposé à l’esprit pour acquérir.