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Démarche méthodologique de notre recherche

Si  nous  voulons  énoncer  de  manière  schématique  notre  problématique,  nous  dirons qu'à l'origine de ce projet, se trouvent deux préoccupations importantes. La  première  relève  d'un  travail  théorique  qui  renvoie  lui‐même  à  des  questions  épistémologique ; la seconde préoccupation concerne le problème de l'usage, et de  la valeur associée à cet usage, à savoir comment inscrire la presse de territoire dans  l’objectif  d’en  percevoir  les  réalités  identitaires  et  celles  liées  à  la  création,  à  la  diffusion d’un produit marchand informatif et communicationnel. En effet, ce qui va  essentiellement nous intéresser dans ce travail95, c'est l'étude des comportements  identitaires attachés à différents niveaux de réflexions : les mots, les lieux communs  figuratifs, l’imagerie, la photographie, les sens, le genre de discours [discours pris au  sens de propagande]… C’est la première des préoccupations qui a en quelque sorte  déterminé la seconde : l'analyse des lieux communs et des stratégies énonciatives 

93. Nous parlerons dans le détail de cette question fondamentale dans le chapitre consacré à la notion d’espace dans les sciences sociales.

94. Alain CORBIN, L’avènement des loisirs 1850, 1960, Flammarion, Paris, 1995.

95. Nous concevons – en effet – (a priori) la thèse au sens fort du terme, c'est-à-dire comme un ensemble d'hypothèses qui concourt à la mise en place d'une réflexion théorique, épistémologique, méthodologique, pratique… Notre thèse, est pour nous, une sorte d’échafaudage théorique à partir duquel nous entendons mener une réflexion et une recherche sur le long terme. Et de ce point de vue, nous avons cherché à ponctuer notre visée, à savoir que les thèmes abordés au cours de ces pages relatifs à la problématique de « l’interface, du lien du relais » ne sont pas abordés en tant que savoir final. Comme une série de propositions pour la réflexion, la discussion, la révision, et de ce point de vue, le corpus hétérogène choisi est le lieu pragmatique où l'on peut décider – au moins provisoirement – de la plausibilité des idées et des conclusions que nous voulons mener.

dans  la  presse  de  territoire.  Pourquoi  faire  un  tel  choix ?  Pour  une  raison  simple :  non  seulement  la  problématique  du  lieu  commun  connaît  —  à  l'intérieur  des  sciences de l’information et de la communication — un accroissement considérable,  mais également elle permet de s’interroger sur l'énonciation au sens large et plus  spécifiquement sur la praxis identitaire. 

Il  nous  a  semblé  intéressant  de  considérer  d'autres  objets  d’informations,  particulièrement  ceux  liés  à  d'autres  pratiques  plus  proches  de  notre  quotidien96  qui  sont  à  même  de  confirmer  ou  d'infirmer  notre  intuition  et  notre  réflexion  autour de la presse de territoire. La presse informationnelle ou identitaire qui figure  les  travaux  sur  le  territoire  de  groupe  n’appartenant  pas  à  la  presse  [issue  des  volontés identitaires locales] dite traditionnelle et qui signe notre quotidien.  

Ajoutons  à  cela  une  question :  le  modèle  de  production  de  l’information  écrite de Bernard MIEGE est‐il « universel » ou l’expérience du magazine généraliste  permet‐elle  de  constater  d’autres  manières  de  faire  dans  la  conception  /  production / diffusion de la presse écrite ? 

Notre réflexion s'inscrit dans le vaste champ des sciences de l’information et de  la  communication  et  peut  paraître  peu  rigoureuse  sur  le  plan  épistémologique.  Celle‐ci est à la fois un travail de convergence de ce qui est de la presse de territoire  et des interfaces que nous pouvons y associer. C’est aussi une action de réflexion à  partir de l'observation et de l'analyse des contenus identitaires et territoriaux de la  presse. Et aussi de ce que peut apporter l’attitude de l’acheteur comme éclairage à  la  problématique  du  lien  ou/et  relais  et  enfin  une  tâche  de  construction  logique.  Nous  ne  voulons  pas  réduire  notre  thèse  à  une  interrogation  méthodologique  du  concept de presse de territoire, mais placer au contraire l'interrogation énonciative  entre une réflexion théorique sur la production et l'interprétation du sens dans le  champ des médias. 

Ce  choix  répond  à  une  volonté  scientifique  de  préférer  une  démarche  de  comparaison, à cause de trois phases qui vont configurer notre choix. La première  est avant tout méthodologique. Les ajustements de modèles et leur appropriation 

96. Nous avons choisi volontairement le terme de « quotidien », pour rappeler que l'objet premier de la théorie sémiotique n'est pas, pour nous, l'analyse de la référence ni même de l'illusion référentielle, mais la détermination des conditions de la production et de la saisie du sens.

par  des  sociétés  ou  des  individus  qui  ne  les  ont  pas  créés  constituent  une  problématique  large,  laissant  interprétables  de  nombreuses  façons  de  faire  et  manière de voir de la part des chercheurs. La démarche de comparaison présente  un particularisme, celle d’être réfléchie. De ce fait nous nous gardons d’encourager  des perspectives globalisantes, pour préférer des études de cas plus restreintes et  surtout plus interprétatives.  

La démarche comparatiste est aussi raisonnée, réflexive97 et critique : dans notre  volonté  de  saisir  les  diverses  réalités  des  phénomènes  de  transferts  de  modèles,  l’analyse  de  plusieurs  cas  d’étude  permet  de  souligner  les  éléments  clés  et  les  contrastes  mais  aussi  de  « démasquer »  certains  éléments  constitutifs  en  creux.  Cette  démarche est  féconde  pour  la  qualité  des  observations,  des  interprétations,  des enseignements théoriques et permet d’éviter certains écueils de classifications  traditionnelles ou de généralisation. 

 

Figure 3 L’Estey98 Malin, n° 1, avril 2002.  Figure 4 L’Estey Malin, n° 13, avril 2005. 

   

   

 

Source : responsable de la rédaction Jean ALEXANDRE, décembre 2008.  

97. « La démarche comparatiste est devenue, plus que jamais, une approche réflexive, au sens où la mise en œuvre de cette méthodologie ne saurait se concevoir comme celle d’un outil passe-partout, adapté de manière mécanique à toutes les situations d’enquêtes ». Emmanuel NADAL, Marianne MARTY et Céline THIRIOT (directrice),

Faire de la politique comparée. Les terrains du comparatisme, Karthala, 2005, p. 22.

98. L’estey est une subdivision du chenal sur le Bassin d’Arcachon qui se décline de la façon suivante du plus grand au plus petit : le chenal, l’estey, l’esquirey. Ces deux derniers suivent une route exclusivement faite de sable, contournent les obstacles. Ils sont malins.

  Figure 5 Aqui, n° 2, octobre 2004.  Figure 6 Aqui, n° 5, février 2005.            Source : photographie de l’auteur.    

Nous  devons  pour  comparer,  analyser  les  deux  grands  courants  de  la  presse  magazine : celui des groupes de presse et l’autre d’initiative locale, comprendre les  phénomènes  de  transfert  du  premier  sur  le  second  et  la  fâcheuse  tendance  qui  conduit  à  s’inspirer  très  fortement  de  la  « grande  presse ».  Ce  choix  conduit  la  presse d’initiative à un écueil fort, celui de rebuter une partie de son lectorat. Nous  avons  vérifié  au  cours  de  nos  enquêtes  ce  besoin  du  lecteur  adhérent  à  la  presse  d’initiative  de  ne  s’y  affilier  qu’à  la  condition  du  respect  d’une  ligne  éditoriale  et  graphique  identitaire.  Nous  pouvons  aisément  dire  que  la  comparaison  de  magazines  qu’ils  soient  issus  des  grands  groupes  de  presse  ou  de  volonté  locale,  possèdent souvent une  ligne éditoriale similaire ; comme si le besoin d’uniformité  garantissait aux lecteurs l’authenticité de l’information.  

La  deuxième  phase  configurante  est  également  méthodologique.  L’analyse  comparée nous rappelle avec force que l’analyse des phénomènes de transferts de  modèles,  dans  les  sociétés  de  tous  types,  doit  être  effectuée  avec  la  prise  en  compte de l’historicité singulière de chaque société récipiendaire et des structures  de  la  « longue  durée »99.  L’adage  braudélien  selon  lequel  « le  passé  explique  le 

99. Fernand BRAUDEL, « La longue durée », in-Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1985, p. 41-83. 52

présent »100  se  vérifie  pleinement  dans  l’analyse  de  la  réplication  des  modèles  culturels,  politiques,  institutionnels,  médiatiques :  chaque  société  possède  une  historicité  singulière,  et,  à  l’intérieur  de  celle‐ci,  chaque  appropriation  de  modèle  exogène possède aussi une histoire singulière.  

Aux  yeux  de  Fernand  BRAUDEL,  il  ne  faut  étudier  l'histoire  événementielle,  celle  donc  de  ce  que  nous  pourrions  nommer  les  particularités  spatio‐temporelles,  qu'après « avoir fixé ces grands courants sous‐jacents, souvent silencieux, et dont le 

sens  ne  se  révèle  que  si  l'on  embrasse  de  longues  périodes  de  temps.  Les  événements retentissants ne sont souvent que des instants, que des manifestations  de ces larges destins et ne s'expliquent que par eux »101

Cette  hétérogénéité  oblige  à  retracer  les  “trajectoires”  historiques  et  contemporaines  des  objets  et  sociétés  étudiés.  Le  comparatisme  contraint  le  chercheur  à  penser  en  fonction  d’une  tension  entre  situations  antérieures,  évolutions et influence présente des différentes activités politiques et sociales, d’où  la  « capacité  de  l’approche  comparative  d’être  autant  prospective  que 

descriptive »102

Cette thèse propose une étude nous permettant de définir la presse de territoire  et d’y affecter des comportements identitaires. Elle propose également de faire un  lien  de  causalité  entre  le  magazine  de  territoire,  le  citoyen  consommateur  et  le  territoire  identitaire.  Par  conséquent  certaines  modalités  s'imposent  lors  de  cette  constatation : 

ƒ nous efforcer de comparer des systèmes au‐delà de la statistique et de la  tendance des marchés des produits culturels ; 

ƒ de  définir  des  axes  stratégiques  sur  lesquels  sont  projetées  des  réalités  différentes en fonction des types de magazines [issu de la grande presse ;  issu de volontés collectivistes identitaires] ; 

100. Fernand BRAUDEL, Histoire des Civilisations : le passé explique le présent, publié en 1959 dans L'encyclopédie française et repris en 1997 dans Les Ambitions de l'Histoire, Paris, Éditions de Fallois, 1997.

101. Fernand BRAUDEL, Écrits sur l'histoire, Paris, Flammarion, 1985, p. 13.

102. Emmanuel NADAL, Marianne MARTY et Céline THIRIOT (directrice), Faire de la politique comparée, op. cit.,

p. 24.

ƒ de  prendre  en  compte,  lors  de  notre  étude  le  phénomène  d'industrialisation  de  ce  type  de  presse  et  des  contextes  inhérents  à  chaque marché ; 

ƒ de garder à l’esprit que, dans l'économie du secteur de la distribution des  produits culturels comme c’est le cas de la presse, les outils traditionnels  d'analyse  perdent  une  partie  de  leur  sens.  Nous  pensons  à  certaines  notions  de  distribution  qui  renvoient  de  plus  en  plus  mal  à  la  réalité du  marché des médias. La distribution, bien qu’importante dans le domaine  qui touche notre étude, sera traitée mais s’y appesantir ;  ƒ d’être dans une disposition préalable au genre de notre pensée quel qu'il  soit : économique, culturel, identitaire, territorial.  Cette préférence est précisée afin de cerner la pluralité des aspects du problème  et de combiner à la fois les cinq items évoqués.