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Dès lors, l’enjeu de cette thèse, qui tente de rendre compte de la complexité du  phénomène  de  création  et  de  production  des  systèmes  de  presse  de  territoire,  s'inscrit à l'intersection entre un protocole d’adhésion identitaire et une économie  de  la  culture  et  de  la  communication,  en  somme  entre  la  culture  et  le  marché.  L’adhésion à l’identité territoriale aura pour objet l'étude des acteurs adhérents au  marché  de  la  presse  de  territoire  dans  leur  environnement  de  transaction ;  par  ailleurs  nous  nous  intéresserons  à  la  structure  des  systèmes  de  création  et  de  diffusion  et  aux  formes  d'organisation  et  de  régulation  de  l'activité  entre  les  partenaires  [presse  généraliste  et  presse  de  vocation].  Nous  traiterons  également  des conditions et des schémas de création, du comportement des acteurs impliqués  directement  dans  cette  chaîne  et  de  l'incidence  de  leur  politique  éditoriale  sur  le  développement et sur la mutation du secteur de la presse de territoire. 

Nous pensons exposer, dans une perspective comparative entre le secteur de la  presse magazine généraliste et celle de niche103 leurs motivations réciproques dans  la  mesure  où  tout  canal  de  conceptualisation  se  trouve  composé  de  membres  intervenant dans la réalisation du procès de fabrication contre une rémunération ou  sans indemnité. Par conséquent, le mode rémunérant la prestation accomplie et les  formes de paiement de chaque intervenant constituent un enjeu pour l'organisation  des relations entre les acteurs et la continuité du fonctionnement du système. Une  constante,  systématiquement  présente  dans  notre  étude,  est  celle  de  la  mise  en  relation des deux formes de presse de territoire. Elle peut se justifier du fait que le  système,  disposant  de  plusieurs  fonctions,  regroupe  donc  plusieurs  métiers.  La  réglementation  est  alors  nécessaire  afin  de  veiller  sur  la  continuité  du  fonctionnement  des  deux  types  de  presse  et  empêcher  toute  pratique  compromettante  pour  le  marché.  Nous  savons  que  la  difficulté  d’identifier  une  presse plurivoque est au cœur de notre réflexion sur l’identité et l’attachement à la  notion d’espace territorial. 

Dès lors, les règles et les accords établis en vue de régulariser et de réguler les  différentes tâches ainsi que les pratiques indispensables à l'activité de la création de  magazine de territoire sont obligées. Ils constituent un champ idéal pour repérer et  analyser  tout  aspect  ou  procédé  caractéristique  d'une  libéralisation  ou  d'une  restriction de la concurrence dans l'environnement interne et externe des systèmes  de  déploiement  de  cette  presse  hybride.  Cette  analyse  sera  complétée  par  une  approche  monographique  au  sens  d'une  lecture  linéaire  de  la  situation  et  de  l'environnement des marchés de la presse spécialisée. Ceci pour nous permettre de  nous  accorder  sur  des  repères  historiques,  politiques  aussi  bien  qu’économiques,  sur  l'évolution  de  ce  secteur  de  presse ;  par  voie  de  conséquence  de  mieux  comprendre  l’étude  des  mutations  et  des  bouleversements  dans  leurs  contextes  locaux. 

103. Sur les magazines traitant du territoire et en fonction d’un classement à double entrées nous notons : Rubrique Tourisme –Voyages : L'art de voyager, Le chasse-marée, Détours en France, Géo, Grands reportages, National géographic, Rail passion, Terre sauvage, Ulysse, La vie du rail magazine, Voyages d’affaires. Rubrique Territoires :

Alpes loisirs, Alpes magazine, Bretagne magazine, En Alsace, Forêts magazine, Massif Central magazine, Pays Basque magazine, Pays de Provence, Pyrénées magazine, Terre de vins, Terres Catalanes.

Quant  à  l'analyse  que  nous  pouvons  faire  des  deux  types  de  presse  et  de  leur  pénétration  dans  le  tissu  local  d’une  région  ou  d’une  grande  ville,  elle  se  justifie.  L'étude  de  la  chaîne  de  création  et  de  diffusion  de  cette  presse  s'appuie  essentiellement  sur  les  modèles  d'analyse  des  canaux  de  création  et  de  diffusion.  Ces  derniers,  développés  à  l'origine  pour  l'étude  de  produits  génériques  courants  sont  reformulés  après  adaptation  au  contexte  de  la  distribution  des  produits  culturels  identitaires.  Les  limites  de  ce  cadre  méthodologique  nous  autorisent  à  engager  l’étude  sur  les  types  de  presse  et  de  répondre  aux  questions  de  notre  problématique.  

Nous  souhaitons  que  notre  travail  ne  soit  pas  en  fin  de  compte  qu’un  geste  déictique  par  lequel  nous  désignons,  nous  présentons  une  presse  magazine  empreinte  d’identité  mais  identitaire.  Il  nous  faut  « élever  le  regard »104.  Mieux  encore, pour que ce geste « déictique » devienne un « beau geste », encore faut‐il  être à « la bonne distance »105… 

Nous  observons  actuellement,  à  travers  le  monde,  une  recrudescence  des  mobilisations  identitaires  qui  suscitent  un  intérêt  d’autant  plus  vif  que  s’affirme  parallèlement la difficulté de s’accorder sur le sens de cette recrudescence dans le  présent  contexte  de  la  mondialisation106.  Le  problème  du  territoire  se  pose  de  différente manière, selon la discipline et l’échelle d’observation privilégiées, selon la  notion choisie ; aussi, pour entrer dans l’analyse des phénomènes identitaires : ici le  territoire,  ailleurs  plus  directement  l’espace,  ou  encore  la  mémoire,  l’histoire,  la  culture  les  usages  et  les  coutumes…  Bien  évidement  en  tant  que  tel  ou  dans  sa  relation  à  la  question  identitaire,  le  territoire  a  déjà  fait  l’objet  de  nombreuses  réflexions  et  ouvrages  de  littérature.  C’est  ainsi  que  notre  cadre  théorique  va  reprendre  dans  le  détail  les  éléments  constitutifs  à  la  fois  du  territoire  en  tant 

104. « Ce qu'il (Algirdas Julien GREIMAS) nous a appris dans ce splendide isolement ? –questionne Éric LANDOWSKI

–Une méthode sûrement. Mais aussi, mais d'abord ce geste : Élever le regard », in- «Hommages à Algirdas Julien GREIMAS», Nouveaux Actes Sémiotiques, n° 25, 1993, p. 3.

105. Jean Claude COQUET, La bonne distance selon L’homme et la coquille de Paul VALERY, Actes sémiotiques

n° 55, Documents, VI, Presses universitaires de Limoges, 1984.

106. Sur le sujet du « territoire et des identités » notons les ouvrages : Bertrand BADIE, La Fin des territoires : essai sur le désordre international et sur l’utilité sociale du respect, Paris, Fayard, 1995 ; François THUAL, Les Conflits identitaires, Paris, Ellipses, 1995 ; Le Désir de territoire, Paris, Ellipses, 1999 ; Alain TOURAINE, Pourrons-nous vivre ensemble ?, Paris, Fayard, 1997.

qu’espace  mais  aussi  en  qualité  d’identité.  La  recherche  se  détermine  dans  cet  esprit pluridisciplinaire, à la jonction de sciences multiples, évoquant les sciences de  l’information et de la communication : la sociologie pour l’étude des émetteurs et  des  récepteurs  des  modèles ;  l’ethnologie  pour  l’approche  du  terrain  et  la  tenue  d’un  « journal  de  bord  ou  journal  de  thèse »107 ;  anthropologies  culturelle  et  comportementale  pour  donner  des  explications  aux  productions,  pratiques  et  représentations ; médiologie108 pour comprendre les conséquences de l’arrivée de  l’écrit dans des sociétés de l’oralité. Nous défendons pleinement le fait d’avoir assez  souvent recours aux sciences transverses et à l’histoire sociale contiguë des notions  de  loisirs  et  de  tourisme.  Nous  ne  pouvons  dissocier  de  notre  orientation  les  évolutions  sociales  et  culturelles  des  cas  d’étude  rattaché  au  développement  des  régions  des  espaces  et  des  territoires  ou  bien  encore  au  développement  économique  lié  aux  politiques  touristiques  et  culturelles  des  régions.  L’historicité  singulière  de  chaque  société  impliquée  dans  notre  analyse  des  phénomènes  de  transferts  de  modèles  de  la  presse  territoriale  des  grands  groupe  à  celui  des  vocations locales s’effectue de manière comparative. 

Les  cadres  référentiels  théoriques  et  les  auteurs  des  différentes  disciplines  que  nous venons d’énoncer, ont investi de manière plus ou moins forte les champs de  notre  problématique  des  identités  territoriales.  Nos  influences  se  sont  conceptualisées  et  affermies  par  la  lecture  d’ouvrages  de  sociologues,  d’ethnologues  et  d’anthropologues  qui  se  sont  intéressé  aux  cultures  et  aux  transformations des sociétés contemporaines assujetties à la perte d’identité ; par  les  recherches  et  développements  en  sciences  de  l’information  et  de  la  communication  sur  les  modèles  de  presse.  Nous  avons  choisi  une  forme  de  transversalité  des  modes  observatoires  des  sciences  humaines  pour  éviter  l’enfermement dans un champ théorique immobile et figé. Les théories considérées  selon  nous  comme  étant  des  moyens  disponibles  nous  permettent  d’échapper  à  l’enferment  ou  à  la  sclérose.  Ces  boîtes  à  outils  doivent  s’adapter  et  s’articuler 

107. La suggestion de ce journal nous a été faite par notre directrice de recherche.

108. Les enseignements sur la médiologie sont extraits des nombreuses lectures et riches discussions avec Alain BOULDOIRES, responsable du programme de recherche : Construction des identités et pratiques médiatiques : étude d’une crise de transmission.

comme  toute  la  méthodologie  de  recherche  en  fonction  de  l’objet  de  l’étude.  À  l’évidence, les références vont converger du fait de l’importance quantitative de nos  références  que  nous  nous  approprions  et  deviennent  réappropriation  après  le  passage  dans  notre  langage  interprétatif.  Nous  étendrons  les  apports  théoriques  dans les chapitres de ce travail avec attention. 

C’est sur les notions de territoires et d’identités que nous portons une attention  particulière  sans  pour  autant  négliger  les  autres.  Les  nouvelles  pratiques  d’information  et  de  communication  dans  les  sociétés  contemporaines  influencent  de  façon  importante  les  comportements.  La  sociologie  des  usages  représente  un  courant  fécond  dans  le  monde  francophone  depuis  les  années  1980  et  ses  problématiques  ne  cessent  d’évoluer109.  Les  TIC  vont‐elles  permettrent  de  démontrer  que  les  individus  s’approprient  des  outils  à  des  fins  d’émancipation  personnelle,  d’accomplissement  dans  le  travail  ou  de  sociabilité ?  Si  les  TIC  deviennent des objets sociaux, le processus descriptif de cette tendance n’est pas,  selon  nous,  formalisé  et  n’intègre  pas  tous  les  champs  de  la  diffusion  de  l’information.  Nous  pouvons  nous  questionner  sur  la  relation  entre  innovation  technique  et  transformations  de  la  société.  Josiane  JOUËT110 montre  qu’il  faut  écarter le déterminisme technique [la technique ne façonne pas de facto l’usage] et  le  déterminisme  social  [attention    ne  pas  surestimer les  résistances  et  détournements des usagers] mais prendre en compte une double médiation de la  technique  et  du  social.  Nous  pensons  que  la  presse  de  territoire  va  échapper  aux  innovations technologiques et informatiques pour se cantonner dans une approche  plutôt picturale énonciative que virtuelle.  à   Au cours des années 1990, avec l’essor des TIC, nouveaux  objets techniques et  nouveaux médias, la sociologie des usages diversifie ses problématiques, ses objets,  ses  méthodologies.  Même  si  beaucoup  d’études  se  penchent  sur  les  pratiques  du  public  et  que  certains  axes  dominent  le  champ,  la  généalogie  des  usages,  les  processus  d’appropriation,  l’élaboration  du  lien  social  et  l’intégration  des  usages 

109. Pierre CHAMBAT, « Usages des technologies de l’information et de la communication (TIC) : évolutions des problématiques », Technologies de l’information et société, vol. 6, n°3, Paris, Dunod, 1993.

110. Josiane JOUËT, « Les TIC (technologies de l’information et de la communication) : facettes des discours auprès du grand public », RevueTerminal, été 2001, N°85.

dans les rapports sociaux se font jour. Mis à part quelques rares exemples de presse  de  territoire  mise  en  ligne111  sous  une  forme  s’approchant  distinctement  de  la  mouture papier et profitant simplement de la facilité de production, ces magazines  se  cantonnent  au  papier.  Nous  constaterons  au  cours  de  l’étude  des  éléments  de  notre enquête la propension des individus à collectionner et relire régulièrement les  magazines  à  forte  identité  territoriale.  Ces  ouvrages  sont  en  quelque  sorte  les  détenteurs  d’un  patrimoine  culturel  et  identitaire.  Ils  gravent  dans  le  marbre  le  passé et le présent qu’ils peuvent seuls confirmer. 

Nous  en  déduisons  que  les  questions  ordonnant  la  problématique  de  cette  recherche,  c’est‐à‐dire  les  questions  structurantes  qui  vont  constituer  ses  axes  théoriques et méthodologiques reposent sur une idée maîtresse. Le territoire, nous  l’entendons non comme espace géographique administratif mais comme un espace  structuré  autour  d’une  activité  touristique  ou  plus  largement  culturelle.  Pouvons‐ nous écrire que le modèle du magazine de territoire est une réplication du modèle  originel  du  magazine  ou  est‐il  une  incursion  dans  l’identité  territoriale  des  individus ? Nous sommes‐nous réapproprié le territoire avec le magazine112 ?