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CHAPITRE 2 LE CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE DE LA RECHERCHE

2.2 Construction d'une approche interactionnelle pour l'organisation des discours

2.2.1 La notion de représentation

Avant toute chose, certaines précisions s'imposent. En premier lieu, représenter, c'est quoi? Nous considérons d'abord qu'il s'agit d'une pratique mobilisatrice effectuée par un acteur en interaction. C'est l'acteur en interaction qui mobilise des symboles43. Dans ce contexte interactionnel où l'acteur est amené à organiser un discours, il met en scène une situation (Fourez, 2004) qu'il articulera autour de symboles dans le but qu'elle fasse sens pour lui- même et pour son interlocuteur. Plus précisément, dans notre contexte de recherche, lorsque les décideurs pédagogiques, grâce aux entretiens, discuteront des utilisations possibles des ordinateurs par les élèves et les enseignants, ils ne feront pas mention de la situation éducative en tant que telle. C'est pourquoi nous mobiliserons et organiserons une constellation de concepts (acteurs, interactions, etc.) pour en dégager un sens pertinent à nos orientations de recherche. Notre représentation construite à partir des théories et postulats qui suivront viendra, dans une certaine mesure, se substituer aux discours des personnes interviewées, car c'est à travers cette perspective théorique que ces discours

42 Distincte ainsi de celle de Schwab (1973) ou encore de celle de Donnay et Charlier (1990).

43 Qu'entendons-nous par symbole? Premièrement, nous considérons les symboles comme des objets sociaux.

Ils sont établis socialement et se définissent dans l'interaction. Ils sont également conventionnels dans la mesure où ils sont arbitrairement et intentionnellement développés pour se référer à quelque chose ou pour représenter cette chose (Charon, 2010). Deuxièmement, les symboles sont significatifs. Ils sont compris par les personnes qui les utilisent, qui leur attribuent une signification. Troisièmement, les symboles sont utilisés pour représenter et communiquer. Ils représentent, ils tiennent lieu, ils réfèrent à ce que la personne veut représenter. La représentation est ainsi utilisée dans un contexte de communication intentionnelle. Par conséquent, le symbole est aussi intentionnel. Bref, il est mobilisé comme représentation par une personne qui lui attribue une signification dans une visée de communication à autrui ou à soi-même. Et donc, les significations attribuées ne sont jamais indépendantes de l'interaction. Dans cette approche, le langage est considéré comme un système symbolique dans la mesure où les mots sont des catégories, des lieux-tenants qui sont utilisés par des personnes pour se référer à des éléments. C'est cette signification attribuée qui est le lieu de rencontre des acteurs dans l'interaction. Les significations ne sont pas des composantes intrinsèques aux choses ou aux personnes, elles émergent et sont constituantes d'un processus interactionnel et interprétatif (Blumer, 1969) où socialement et subjectivement les humains attribuent ces significations pour la construction d'un monde cohérent (Berger & Luckmann, 1967).

seront présentés. Représenter, tout comme l'entends Fourez (2004, p. 30), c'est rendre présent. Ici, le but étant de rendre présent, à des fins d'analyse, les discussions entre les personnes participant à la recherche et l'auteur de ce mémoire. Notre représentation, comme le qualifie Jodelet (2005, p. 362), « tiendra lieu de, sera à la place de ». Le lecteur, n'aura accès qu’à notre représentation construite des discussions, d'où l'importance de présenter les théories et concepts autour desquels nous élaborerons cette organisation discursive. Il faudra ainsi comprendre que cette organisation discursive sera une interprétation des discours des décideurs pédagogiques du Cameroun autour de ce qui serait susceptible de se passer dans une classe où serait utilisé l'ordinateur XO. Ces discours sont l'objet de notre représentation, soit une représentation qui pour nous doit être valable et pertinente dans un projet d'accompagnement de ces décideurs pédagogiques dans leur rôle d'acteurs de suivi et de formateurs au sein du déploiement des ordinateurs dans les établissements concernés. Dans son commentaire Knowledge as Representation, Gérard Fourez (2007) s'entend avec von Glasersfeld pour suggérer que le savoir se rattache à la façon dont nous organisons le monde de nos expériences. Rappelons que la construction de cette représentation a pour but d'orienter d'éventuelles mesures d'accompagnement. Il est donc de notre responsabilité de nous attarder à la façon dont nous voyons le monde, dont nous l'appréhendons, éléments déterminants de nos interactions. Il en va de même pour notre responsabilité qui découle de notre organisation et de notre analyse des discours des décideurs pédagogiques :

Once one accepts the view that all knowledge is a cognizing subject's construction, that subject regains such autonomy as it can find within the constraints of an unknowable world. And with autonomy comes responsability. What we know determines how we act. Consequently, if we want to act responsibly, we shall have to take responsability also for the way we see the world. (von Glasersfeld, 2007, p. 98).

2.2.1.1 Une représentation exprimée par un observateur et pour un observateur

L'observateur de la situation est un incontournable qu'il ne faut pas omettre dans la description de celle-ci. C'est tout de même lui qui est l'initiateur du processus de construction de la situation. Tout comme il en est le destinataire. Pour citer Maturana (1970; 1987) dans la présentation de sa perspective cognitive: «Tout ce qui est dit, est dit

communiqué à un observateur, qui peut être soi ou une autre personne (Maturana, 1970, p. 4)». Nous nous accordons avec la perspective de von Foerster (2003, pp. 247-248) selon laquelle les observations effectuées par cet acteur sont relatives à son point de vue et que les observations elles-mêmes affecteraient l'observé. L'observateur et le langage qu'il mobilise pour communiquer ses observations ne sont-ils pas situés socioculturellement? Ainsi, la description de la situation éducative implique nécessairement celui qui la décrit, le langage qu'il utilise et le milieu d'où ils sont relatifs (l'observateur et le langage). Il faut garder à l'esprit que lorsque nous abordons l'observateur nous référons à la triade observateur, langage et société d'un seul tenant, et tout comme von Foerster (2003, p. 249). Comme le soulève Charon (2010, p. 124), la définition de la situation en elle-même est le produit des interactions sociales, mais également de l'interaction que nous avons avec soi44. Sans nous étendre sur le concept du soi, il demeure important de souligner que, comme von Glasersfeld (1995, p. 72), nous appliquons l'une des présuppositions issues des théories piagétiennes qui soutiennent que le sujet pensant coordonne continuellement des éléments de son cadre expérientiel lorsqu'il est en interaction avec son environnement.

Qu'en est-il des implications de cette perspective théorique pour la construction de notre représentation? Lorsque nous organiserons les discours des décideurs pédagogiques sur les éventuelles situations pédagogiques impliquant l'ordinateur XO nous jugeons qu’il sera d'abord important de tenter de dresser un portrait, bien qu’il sera limité, de nous-mêmes et de nos rôles au sein du projet. Par la suite, l'auteur étant également un sujet participant à cette recherche et l’un des principaux destinataires de celle-ci par l'entremise des mesures d'accompagnement qui pourraient en résulter, il importe de présenter au meilleur de notre compréhension le contexte dans lequel les participants et le chercheur œuvrent et leurs rôles. Dans leurs discours, les décideurs pédagogiques parleront certes d'utilisations de l'ordinateur XO que nous connaissons par ailleurs, mais ils les situeront dans un contexte éducatif avec lequel nous ne sommes que très peu familiers. Au-delà de leur fonction, il ne faut pas oublier qu'ils interagiront avec leur subjectivité propre, une humanité complexe composée de parcours de vie unique et dont aucun texte ne peut rendre justice. Les sujets de ce mémoire, son auteur et les décideurs pédagogiques participants, malgré qu'ils œuvrent

44 Encore une fois, il aurait été intéressant d'approfondir le concept du soi développé par George Herbert

dans des sphères dites éducatives, ont tous évolué et évoluent dans des contextes socioculturels différents; un biais possible à considérer par le lecteur lors de sa lecture de notre analyse. Tout comme il en est des discours des décideurs pédagogiques, à la construction de notre analyse ne pourra se soustraire notre subjectivité.