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PARTIE II. CLARIFICATIONS CONCEPTUELLES ET PRESENTATION DE

3.1 Une notion floue aux contours multiples

Etymologiquement, l’identité vient du latin identitas, « qualité de ce qui est le même », plus tard, au 18ème siècle, elle désignera ce qui est permanent. Puis, au début du 19ème siècle, en droit et en langage courant, l’identité désignera le fait, pour une personne, d’être un individu donné et de pouvoir être reconnu comme tel46. Nous sommes passés de ce qui unit, voire fige, à ce qui différencie. Cette évolution terminologique va de pair avec des approches différentes pour aborder la notion d’identité : essentialiste, psychologique, interactionniste et nominaliste (Dubar, 2007, p. 11). A chaque approche correspond l’assignation de caractéristiques de ce qu’est l’identité, ce sont ces caractéristiques plus que les approches que nous discutons ici.

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« […] je pourrais aussi en appeler à ceux qui, comme Wittgenstein, ont dit la vertu heuristique des concepts ouverts et qui ont dénoncé "l’effet de fermeture" des notions trop bien construites, des "déformations préalables" et autres fausses rigueurs de la méthodologie positiviste […]. Les concepts peuvent-et, dans une certaine mesure, doivent rester ouverts, provisoires, ce qui ne veut pas dire vagues, approximatifs ou confus. » (Bourdieu, 1987, p. 54)

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PARTIE II : Clarifications conceptuelles et présentation de l’étude

 L’identité immuable

L’approche essentialiste de l’identité, d’origine philosophique (Platon par exemple) répond à la question "Qu’est-ce que l’être en tant qu’être ?". Appliquer à l’identité d’un groupe, cela amène à rechercher les caractéristiques immuables qui le définissent. Ici, « dans l'identité on reconnaît les siens » (Laplantine, 1999, p. 37). Ce sentiment d’appartenance ou d’identification à une collectivité plus ou moins imaginaire est rendu possible par l’activation des représentations que se font les individus de la réalité sociale et de ses divisions. L’identité est réduite à des choix arbitraires (Cuche, 2010, p. 100).

L’identité réifiée fait que « l'individu est réduit à n'être que le "représentant" de la "communauté" à laquelle il appartient » (Laplantine, 1999, p. 45). En le renvoyant ainsi à une appartenance, on va mettre en avant ses origines, ce qui est le plus stable et permanent dans le groupe, et ainsi valoriser ce qui a été. Dans cette approche « ([l]'identité réactualise toujours, en le ritualisant, un fondement incontestable. Elle est un processus de réactivation de l'origine » (id., p. 41). Cette réification de l’identité « est une pensée de l'affirmation qui ne permet la critique ni de ses propres énoncés, ni des énoncés des autres » (ibid., p. 19).

 L’identité plurielle

L’approche psychologique reconnaît, quant à elle, la pluralité et le caractère évolutif des identités qui permettent de définir le Soi et répond à la question "Qui suis-je ?". Ici, le verbe être est « la pierre angulaire de la logique de l'identité » (Laplantine, 1999, p. 31) et l’on n’est pas le même au cours du temps et des situations rencontrées. L’identité ne peut pas ici être définie précisément car toujours mouvante, contrainte par la contingence.

Pour Kaufmann, c’est dans l’action que l’on peut avoir accès à la manifestation du soi. « Il n’y a pas de soi en soi, il n’y a pas de centre du soi. Le centre est toujours construit par le contexte du moment, par les décisions que l’on prend : on construit à un certain moment cette totalité significative » (Kaufmann, 2009, p. 62).

 L’identité sous influence

L’approche interactionniste va mettre en avant la relation entre assignation par les autres et revendication par soi répondant ainsi à la question "Que fais-je de ce que les autres disent de moi ?". Cette approche prend sa source dans les mécanismes et dynamismes de la stigmatisation (Goffman, 1963). Ici, « L’identité n’est pas un "état" mais un acte relationnel

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qui met en jeu des rapports de domination et des hiérarchies culturelles, des luttes pour le territoire et des modes de communication entre groupes sociaux. » (Dubar, 2007, p. 18).

Cette approche met donc en avant l’importance de l’autre pour se définir soi. « Il existe une dialectique étroite entre le fait de se sentir exister (qui se situe dans le registre de l’être), et la nécessité, pour ce faire, d’emprunter à autrui (qui se situe dans le registre de l’avoir) » (Golse, 2009, p. 21).

 L’identité discursive

Enfin, l’approche nominaliste va répondre à la question "Comment rendre compte du cours de ma vie ?" en faisant de l’identité une forme discursive inséparable d’une interprétation biographique, en mettant en avant l’idée de trajectoire passant par des « formes langagières (le discours des sujets sur eux-mêmes) grâce auxquelles les personnes concernées tentent de résoudre ce paradoxe d’une identité voulue "stable et cohérente" dans un contexte de changement permanent » (Gonnin-Bolo, 2007, p. 9). Dubar parlera ainsi de « formes identitaires » (par exemple Dubar, 1992, 2007).

 Vers une définition de l’identité

Dans la perspective de notre recherche, nous considérons donc que l’identité se manifeste dans la recherche de traits communs entre des individus d’un même groupe, traits qui peuvent évoluer dans le temps mais qui présentent une stabilité suffisante pour être observés à un moment donné (sans pour autant que cela n’amène à réifier l’identité). Dans le même temps, plusieurs identités peuvent coexister dans la même personne. Elles seront activées différemment en fonction des situations. De plus, les interactions entre les membres d’un même groupe et entre membres de différents groupes permettent de mieux comprendre leur identité. Enfin, nous gardons cette idée de trajectoire qui permet de mieux comprendre la construction des formes identitaires.

En utilisant la notion d’identité, il nous faut nous prévenir d’un certain nombre d’écueils. Tout d’abord, on ne peut prétendre tout dire « la connaissance ne peut être que parcellaire et inachevée » (Laplantine, 1999, p. 10) du fait du caractère multiple et fluctuant de l’identité alors que dans le même temps, l’identité peut être « une captation frauduleuse de significations qui en dit toujours trop, elle affirme de tout son poids la Totalité et l'Absolu » (id., p. 12). Il faut ensuite prendre garde à « objectiver notre position objectivante »

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(Bourdieu, 1993 ou 1997) puisque « [l]e monde ne parle pas et n'a rien prévu pour être parlé » (Laplantine, 1999, p. 11). Pour cela, il faudra particulièrement prendre en compte le fait que nous sommes enseignante en collège et en situation d’observation participante sur l’un de nos terrains de recherche. Enfin, il faudra prendre garde aux idées reçues (id., p. 13), idées qui caractérisent une population dans sa globalité sans prendre garde aux particularités intra- individuelles.

En parlant de l’identité d’un enseignant, qu’il soit PE ou PC, nous recherchons ce qu’il peut avoir de commun avec les autres individus de son groupe (PE ou PC), en quoi il est différent des caractéristiques communes aux membres de l’autre groupe (PE pour les PC et PC pour les PE) ainsi que la manière dont il se perçoit, et dont il est perçu, dans son groupe.