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PARTIE II. CLARIFICATIONS CONCEPTUELLES ET PRESENTATION DE

3.3 A propos de l’identité professionnelle des enseignants

Depuis les années 1960, on parle d’enseignants pour désigner ceux qui exercent de la maternelle à l’Université en passant par le secondaire. Cette dénomination commune, allant a contrario des différences statutaires et des conditions d’exercice du métier, met en avant une volonté d’unifier des professions jusqu’alors distinctes (Hirshhorn, 1993). Pour ce qui concerne les PE et les PC, la question se pose de savoir si cette dénomination unique peut être mise en parallèle avec la construction d’une identité professionnelle commune. C’est en tout cas l’objectif affiché par les textes officiels régissant ces deux professions depuis 1989.

3.3.1 Ce que disent les textes officiels

La préoccupation, pour une identité professionnelle commune aux enseignants des deux degrés d’un point de vue institutionnel, est patente à partir de la création des IUFM en 1989 (voir partie I sur l’histoire du système éducatif). La circulaire du 27 juillet 2001 sur l’accompagnement de l'entrée dans le métier et la formation continue des enseignants des premier et second degrés et des personnels d'éducation et d'orientation précise que l’enseignant ne peut construire « une identité professionnelle affirmée » qu’en maîtrisant progressivement les « compétences attachées à l'exercice de son métier dans sa classe, son école ou son établissement, dans le système éducatif ainsi que dans l'environnement territorial, social et économique », et cela « avec le temps et au contact des réalités pédagogiques ». L’année suivante, un autre texte précise les contours de la formation initiale au métier et son rôle dans la construction de l’identité professionnelle. Il s’agit de la circulaire du 4 avril 2002 portant sur l’organisation de la deuxième année de formation des enseignants et des conseillers principaux d'éducation stagiaires, et mettant en œuvre le plan de rénovation de la formation des enseignants du 27 février 2001. C’est la formation qui doit permettre « la construction de l'identité professionnelle de l'enseignant », et c’est l’IUFM qui doit en être le

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pivot. Pour les PE, il est précisé que c’est « la notion de polyvalence qui s'attache à l'identité professionnelle du PE ».

Retenons de ces textes que l’identité professionnelle n’est pas un donné mais un construit, qu’elle repose sur la maîtrise de compétences professionnelles, compétences qui peuvent être acquises en formation. Ici, l’identité est liée au « faire ». Elle comporte des spécificités pour chacune des professions (polyvalence des PE versus spécialisation des PC) mais elle est également en partie commune aux PE et aux PC. Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation (arrêté du 1er juillet 2013) réaffirme et définit ces compétences communes : « [T]ous les personnels concourent à des objectifs communs et peuvent ainsi se référer à la culture commune d'une profession dont l'identité se constitue à partir de la reconnaissance de l'ensemble de ses membres ». On cherche ici à mettre en place les conditions de la construction d’une identité professionnelle commune à tous les enseignants qui ne soit plus exclusivement basée sur des compétences, mais également sur des finalités et une culture pédagogique partagée.

3.3.2 Les composantes de l’identité professionnelle enseignante

Parallèlement à ce projet institutionnel qui cherche à mettre en avant ce qui est commun aux individus, quel que soit le niveau dans lequel ils exercent, les chercheurs ont souligné le poids des particularités propres à chaque groupe d’enseignants. Ainsi, dans un article récent, on trouve cette définition plus ancienne : « L’identité professionnelle d’un groupe d’enseignants est constituée à la fois dans la référence et l’appartenance au "nous" de l’ensemble des professeurs et par l’opposition aux "eux" formé par l’ensemble des professeurs exerçant à un autre niveau et/ou une autre discipline et/ou dans un autre contexte » (Thin, 1998, p. 72, cité par Bret, 2015a, p. 9). Ici, l’identité professionnelle de l’enseignant se définit par rapport à l’ensemble des professeurs mais également par rapport à des groupes plus restreints auxquels il peut également appartenir. Il n’y a pas d’identification unique (Dubar, 2015), des variables contextuelles influencent l’identité professionnelle : niveau d’enseignement mais aussi type de public accueilli, taille de l’établissement, milieu rural ou urbain, syndicalisation (par exemple Robert et Mornettas, 1994), etc.

Si le contexte joue sur la construction de l’identité professionnelle, des variables pédagogiques (au-delà de la simple compétence) interviennent également.

« L’identité de l’enseignant est professionnelle en ce sens qu’elle se définit essentiellement en relation avec l’exercice de son métier, à partir du travail et des relations avec les élèves dans les

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classes, à partir du rapport aux savoirs et compétences (disciplinaires, pédagogiques, relationnels, émotionnels) que l’enseignant y engage. » (Cattonar, 2002, p. 117).

Ce sont ces variables qui constituent ce que nous avons nommé « culture pédagogique », et que nous définissons dans le point 4.2 (p. 110). Mais ces variables contextuelles et pédagogiques ne suffisent pas à rendre compte des multiples facettes de l’identité professionnelle. Il faut également y adjoindre des variables personnelles ou biographiques qui prennent en compte la trajectoire individuelle de l’enseignant. En effet, « [l]’identité professionnelle prend appui sur le « socle » de l’identité personnelle et y intègre des composantes professionnelles : pour trouver un équilibre, l’individu se représente la discipline, le métier, les pratiques professionnelles. » (Perez, 2006, p. 110). Une étude menée en 2001 et 2002 (Périer, 2003) a montré par exemple l’importance des personnes rencontrées dans la construction de l’identité professionnelle, et notamment des enseignants fréquentés dans sa scolarité (plus de la moitié des professeurs citent cette influence), donnant à penser que « les jeunes professeurs héritent d’un modèle qui façonne, consciemment ou inconsciemment, leur conception du métier et leur identité professionnelle » (id., p. 21). Pour comprendre l’identité professionnelle d’un enseignant, il faut donc aussi s’intéresser à son expérience comme élève et au modèle idéal de l’enseignant qu’il s’est ainsi construit.

Pour accéder à l’identité professionnelle des enseignants, il faut également ajouter, aux variables contextuelles professionnelles qui définissent l’exercice de la profession (niveau, type d’établissement, etc.), des variables contextuelles plus générales qui resituent l’enseignant dans la société et l’histoire de sa profession car « [c]ette identité est le résultat d’un processus biographique et social, qui est tributaire des contextes d’enseignement et de la biographie individuelle, mais aussi de la période historique et de l’état du système d’enseignement » (Cattonar, 2002, p. 117).

La définition suivante de l’identité professionnelle des enseignants permet de mieux l’appréhender :

« L’identité professionnelle enseignante est alors considérée comme une construction dynamique et continue, à la fois sociale et individuelle, qui est le résultat, plus ou moins stable et provisoire, de divers processus de socialisation envisagés comme des processus biographiques et relationnels, liés au contexte (socio-historique et professionnel) particulier dans lequel ils s’inscrivent. » (id., p. 173)

On peut donc dire, pour synthétiser, que l’identité professionnelle des enseignants est dynamique (elle se construit tout au long de la vie de l’individu), qu’elle est le fruit d’interactions entre individus, et que l’on peut l’appréhender par l’étude de variables

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personnelles (biographiques), pédagogiques (la culture pédagogique) et contextuelles (socio- historiques et professionnelles).

3.3.3 Le poids de l’histoire du système éducatif

Dans le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant (Pochard, 2008), une partie est intitulée « Une identité professionnelle forte héritée de l’histoire et pesant sur la pratique des enseignants » (Pochard, 2008, p. 50). L’auteur y affirme que les professeurs des deux degrés d’enseignement ont des identités distinctes qui n’ont pas évolué depuis plus d’un siècle. On peut y lire que « [l]a tradition des instituteurs envoyés dans les campagnes éclairer des esprits encore "soumis à des forces obscures" est bien établie » (id., p. 50) et cela malgré la création du statut de professeur des écoles ayant remplacé celui d’instituteur et la disparition des Ecoles normales. A ce modèle du premier degré s’oppose celui des professeurs du second degré pour lesquels

« la discipline et le cours magistral sont au centre d’une identité marquée par deux références : le concours de l’agrégation, créé en 1766, qui privilégie l’excellence des futurs enseignants dans leur discipline de prédilection et qui sert toujours de modèle ; la Révolution et l’Empire, qui font des professeurs de lycée des fonctionnaires » (ibid., p. 50).

Le seul point commun relevé par l’auteur entre les identités professionnelles des enseignants des deux degrés est l’attachement à la liberté pédagogique, liberté qui permet à chacun de rester dans les représentations historiques de son métier et « pèse de plus en plus sur le fonctionnement du système éducatif » (op. cit., p. 52).

Cette focalisation sur le passé des enseignants se conjugue avec l’image « d’une profession habitée par le doute, repliée sur son passé, insatisfaite de son présent, inquiète pour son avenir » (Broussal, Talbot, 2010, p. 89). Cette crise semble particulièrement importante dans le second degré avec, contrairement à ce qu’affirme Pochard, « l’impossibilité de maintenir un modèle du métier en pleine décomposition » (Lessard, Tardif, 2004, p. 269). Ce modèle qui ne tient plus est celui de

« l’enseignant disciplinaire et savant, transmettant le plus clairement possible, grâce à sa parfaite maîtrise de l’exposé magistral et à sa passion intellectuelle, le patrimoine national et la grande culture universelle, à des élèves triés sur le volet, de par leur origine de classe, proches de la culture scolaire et de ses codes implicites, et destinés au statut de membre de l’élite méritocratique, bref des « héritiers », au sens où Bourdieu et Passeron (1970) en parlaient à la fin des années 1960 » (id., p. 269).

Ce modèle ne peut plus être activé par le professeur du second degré car

« [il] ne dispose plus de la force des supports historiques constitutifs d’un "héritage" identitaire longtemps symbolisé par la figure du "maître instruit" ou de "l’homme cultivé", porteur de savoirs

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disciplinaires reconnus, lui conférant légitimité et autorité dans la classe et au-delà » (Périer, 2013, p. 17).

L’une des raisons qui explique la disparition de ce modèle historique est que les professeurs du second degré sont de plus en plus nombreux, et notamment plus nombreux que les PE, ce qui produit une « banalisation du métier [une] perte de prestige social [qui] est renforcée par la prédominance du corps des certifiés, alors que le groupe professionnel était auparavant composé majoritairement d’agrégés » (Lang, 2004, p. 158). Cette déqualification ressentie du métier est exacerbée par la valorisation en parallèle du statut des PE. La rivalité entre les deux corps se manifeste par exemple dans les luttes entre syndicats enseignants des deux degrés ayant abouti à l’éclatement de l’ancienne Fédération de l’Education nationale en 1992, comme nous l’avons vu plus haut (voir également Lang, 2004, p. 158).

Nous voyons ici deux conceptions du poids de l’héritage historique sur l’identité professionnelle des enseignants : l’une qui la met en avant ; l’autre qui la critique, notamment pour les PC qui seraient en perte de modèle.

3.3.4 Des identités individuelles avant que d’être collective ?

« Confrontés à une diversification des missions, des publics auxquels ils s’adressent, à une complexification et un alourdissement des tâches, les acteurs de l’éducation expriment une forme de brouillage identitaire qui affecte l’image du soi professionnel et la relation à autrui. » (Perez- Roux, Salane, 2013, p. 10)

Evoquer l’identité professionnelle des enseignants, c’est considérer qu’elle peut être commune à un groupe. Or des recherches récentes pointent l’affadissement d’une telle "communion". Nous avons vu que, pour Dubar (2000), la crise des identités (Dubar, 2000) était le symptôme de la mise en avant du "Je" au détriment du "Nous". Cette crise se ressent également chez les enseignants. Ainsi, pour les professeurs des écoles,

« On note une quête de l’identité professionnelle pas tant sur le versant de l’identité professionnelle pour soi : les valeurs et le réel de la profession (la profession telle qu’on souhaite la faire, ses missions) ne pose pas de problème. Il y a par contre une incertitude sur le fait que cette identité professionnelle pour soi soit partagée par la communauté. On perçoit donc un affadissement de l’identité professionnelle collective, un doute qui pourrait constituer une faiblesse. Cette fragilité contribue à une certaine fragmentation de la communauté des enseignants du premier degré (absence de culture commune). » (Broussal, Talbot, 2010, p. 91)

Les enseignants du premier degré ne constituent donc pas un bloc uniforme ce qui, pour les auteurs, peut engendrer l’absence de culture commune aux PE, absence renforcée par la disparition d’une formation initiale unique dans les Ecoles normales avec la masterisation et une professionnalisation accrue du métier allant de pair avec sa complexification. Pour notre part, nous ne posons pas un tel lien de causalité entre identité et culture. Ce n’est pas

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parce que l’identité professionnelle des PE ne peut plus être considérée comme « une », que leur culture pédagogique se diversifie. Nous pensons au contraire que la diversification des cultures peut être à la source d’identités professionnelles distinctes.

Si on constate l’affaiblissement d’une identité professionnelle commune aux PE, que dire de celle des professeurs du second degré dont les statuts et les disciplines sont multiples ? Pour les PC, en effet, l’existence d’une identité professionnelle commune est mise en question depuis plus longtemps du fait de la pluralité des statuts et des disciplines enseignées. « Le groupe professionnel des enseignants du secondaire constitue un monde composite malgré l’image d’un corps soudé et homogène qu’en a l’opinion » (Lang, 2004, p. 158). A ces distinctions historiques s’ajoute une évolution du public des établissements secondaires, faisant naître un sentiment de malaise chez les enseignants dont les référents traditionnels ne sont plus opérants (Demailly, 1991). Ce sont ces « transformations des conditions d’exercice du métier qui modifient en profondeur les manières de faire cours, de concevoir et d’exercer la fonction et au-delà, l’identité professionnelle des enseignants » (Périer, 2003, p. 14). Pour autant, on trouve encore des similitudes entre enseignants du second degré, des modèles qui perdurent, avec notamment « la discipline qui joue un rôle moteur à la fois dans l’accès au métier et dans la définition de l’identité professionnelle » (id., p. 14). Mais dans notre société où les connaissances ne sont plus l’apanage d’un petit nombre, cet ancrage disciplinaire peut difficilement perdurer : « [c]et effacement des limites entre profane et expert participe à un relativisme social des savoirs qui remet en cause l’identité professionnelle de l’enseignant comme passeur privilégié du savoir – point de vue qui pouvait encore être défendu à une époque assez récente » (Rayou, 2010, p. 43).

Dans un article récent, c’est le modèle universitaire qui est cité comme référence et qui procure à l’identité professionnelle des professeurs du second degré « en dépit des bouleversements de structures et de méthodes, à la fois légitimité et stabilité » (Obin, Savoie et Verneuil, 2013, p. 133). Mais c’est l’exemple des professeurs de lycée qui est ici mis à contribution : « L’histoire des professeurs de lycée, sommet hiérarchique du professorat d’hier, est inséparable de ce modèle, et tout attache encore aujourd’hui les jeunes enseignants à leur formation universitaire : qualifications, mode de recrutement, enseignement dispensé, légitimité sociale et institutionnelle, modèles pédagogiques » (id., p. 133). Il nous faudra regarder si cette assertion peut également s’appliquer aux professeurs de collège.

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Cette place accordée à la singularité des identités professionnelles peut être une chance pour les enseignants, comme une source de déséquilibre : « Délestée des liens d’appartenance et de socialisation professionnelle qui incorporent et encadrent, l’identité des enseignants dispose de marges d’autonomie nouvelles dont certains parviennent à se saisir, mais elle en devient plus individuelle et plus incertaine » (Périer, 2013, p. 21). L’un des objectifs de cette étude est de comprendre si l’identité professionnelle des PE et des PC se recompose vers d’autres modèles que ceux historiquement construits, et comment cela peut impacter la liaison école-collège.

3.3.5 Représentations de l’identité d’un groupe professionnel par un autre

« [C]hacun élabore une image de soi en relation – accord, tension, contradiction – avec celle que, selon lui, les autres lui attribuent » (Perez-Roux, 2012, p. 133)

Un article publié en 2000 s’intéresse aux représentations réciproques des enseignants des deux degrés (surtout celles des PE sur les PC) et cherche à savoir si elles forment un frein à une coopération efficace (Christ, 2000). Grâce à une enquête dans deux réseaux école- collège, l’auteur avance que PE et PC ont la même conception de l’organisation pédagogique des classes. Il précise :

« Cette situation d'identité apparaît comme paradoxale dans la mesure où instituteurs et professeurs prennent appui, dans des discours informels, sur la différence supposée dans le domaine pédagogique pour s'opposer. Pour les instituteurs, convaincus d'avoir bénéficié d'une formation pédagogique qui fait défaut aux professeurs, la différence se situe dans la prise en compte de la diversité des élèves et dans l'application de méthodes pédagogiques éprouvées. Pour les professeurs, spécialistes d'un savoir, les connaissances de l'instituteur sont adaptées à son enseignement mais se révéleraient insuffisantes hors de ce cadre. La transmission du savoir n'est pas la priorité des instituteurs qui la « sacrifient » au bénéfice des relations avec les élèves. » (id., p. 91)

Le discours informel des enseignants véhicule des représentations fortes de la culture pédagogique des PE et des PC, représentations qui correspondent à celles issues de l’histoire du système éducatif. Pourtant, dans le concret des cas proposés aux enseignants, il n’y a pas de différence entre les réponses des PE et des PC. « La diversité au sein de chaque groupe semble plus forte que la différence entre chaque groupe pris séparément » (ibid., p. 92). Dans le rapport aux familles également on peut voir le poids des représentations historiques des PE sur les PC. « Par rapport aux familles, les instituteurs placent les professeurs dans un rôle traditionnel au sens où ils reprennent à leur compte l'image du professeur dispensateur d'un savoir ne se préoccupant pas de problèmes sortant du cadre de l'enseignement au sens strict » (op. cit., p. 93) alors même que les PC ne se situent pas dans ce modèle-là puisque

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« Les articulations entre individu et société, comportement privé et comportement public sont en pleine mutation. Traditionnellement, l’école secondaire affichait, comme un principe fondamental de son action, la nécessaire ignorance de la vie privée des élèves pour les conduire, par l’instruction, à assumer leur introduction à la vie sociale. Cette coupure a toujours été un peu moins nette dans les petites classes des écoles. Mais aujourd’hui, n’importe quel professeur principal ou n’importe quel conseiller principal d’éducation est obligé de franchir le mur des vies privées pour comprendre et intervenir. » (Paget, 2014, p. 17)

L’article de Christ amène d’autres éléments intéressants pour notre étude. Ainsi, l’auteur constate une hiérarchie entre les deux professions. Lorsque des PC invitent des PE à une réunion, ceux-ci y vont ; lorsque c’est l’inverse, les PC ne se déplacent pas. « Cette "conduite d'évitement" vise le maintien des hiérarchies établies ; le professeur évite une dégradation de sa condition en ne venant pas et l'instituteur n'est pas reconnu par le professeur » (Christ, 2000, p. 93). Il nous faudra également regarder si nous trouvons un tel positionnement hiérarchique dans notre étude.

3.3.6 L’influence des conditions d’enseignement

« On peut se demander si on n’assiste pas aussi à une différenciation assez nette des conditions d’exercice du métier selon le type d’établissement où l’on enseigne » (Maroy, 2006, p. 138)

En axant notre travail sur les différences et similitudes entre professeurs des écoles et des collèges, il ne nous faut pas oublier que d’autres critères que le degré dans lequel on exerce peuvent impacter l’identité professionnelle des enseignants. Nous avons vu que les variables contextuelles d’ordre professionnel sont l’une des composantes de l’identité professionnelle des enseignants. Parmi celles-ci, le fait d’enseigner en milieu rural ou urbain, avec une population favorisée ou au contraire défavorisée peut impacter l’identité professionnelle. Nous présentons ci-dessous quelques résultats de la recherche scientifique sur ce que l’on nomme les écoles de la périphérie (Van Zanten, 2012 [2001]). Il s’agit des établissements accueillant des populations défavorisées mais dans lesquels on peut également ranger les écoles et collèges en milieu rural (Jean, 2008). Dans ces deux types d’établissements, le ministère de l’Education nationale reconnaît des problématiques spécifiques et les a dotées de mesures particulières d’accompagnement de leurs missions éducatives par le biais des zones d’éducation prioritaires et des zones rurales isolées.

3.3.6.1 Les enseignants en milieu défavorisé