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PARTIE I. HISTOIRE D’UNE DISTINCTION ENTRE PREMIER ET SECOND

2.1 Evolution de la liaison école-collège depuis la création du collège unique

La liaison école-collège est une préoccupation depuis la création du collège unique en 1975. D’abord circonscrite à des échanges d’information entre enseignants12, cette liaison deviendra plus consistante au fil du temps et des textes officiels l’encadrant.

2.1.1 Premiers principes et modalités de la liaison école-collège dès 1977

La circulaire n° 77-100 du 16 mars 1977 intitulée « Liaison entre école et collège (cours moyen deuxième année - sixième) » part du constat que «[d]ans la scolarité d'un élève tout passage marqué par une modification des conditions ou des formes de l’enseignement peut entraîner des risques de perturbation » pour proposer d’agir dans trois directions :

– l’accueil des élèves en sixième ;

– la préparation des élèves de CM2 aux conditions de l’enseignement au collège ; – la réduction des causes de discontinuité entre l’enseignement élémentaire et celui du collège.

Ainsi, l’entrée des nouveaux élèves de 6ème

sera facilitée par la distribution d’un document présentant l’établissement (plan, clubs, etc.), la visite des locaux, une explication

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Décret n° 76-1303 du 28 décembre 1976, relatif à l'organisation de la formation et de l'orientation dans les collèges.

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par un enseignant de l’emploi du temps, des conseils pratiques méthodologiques. Il est ajouté que cette préparation au collège peut se faire dès l’école primaire.

Les conditions d’enseignement propres au collège mises en avant dans cette circulaire sont la pluralité des enseignants, un emploi du temps déterminé et un travail personnel devant être organisé. Il est conseillé aux enseignants de primaire d’anticiper ces changements : regrouper des élèves de plusieurs classes dans certaines matières pour les habituer à ne pas avoir qu’un seul maître, se référer à un emploi du temps, donner des travaux personnels à réaliser pour une date précise. Ici, c’est le primaire qui doit imiter le collège pour faciliter le passage entre les deux structures.

Cette liaison ne peut se faire dans de bonnes conditions sans être accompagnée d’une harmonisation des enseignements. Il est proposé que les professeurs de 6ème connaissent les « directives officielles auxquelles se réfère la pédagogie de l'école primaire » et les attendus sur ce qui est acquis en fin de CM2 dans les programmes. De même, les enseignants de CM2 doivent connaître les « modes de travail utilisés généralement dans les collèges », les programmes du début du collège, et les « savoirs et savoir-faire nécessaires à leur mise en œuvre ».

Pour cela, différentes mesures sont proposées : des informations générales aux enseignants (documents écrits ou conférences), des échanges d’informations écrites sur les élèves, des rencontres entre instituteurs et professeurs ayant pour objectif « un échange d'informations, et aussi l'étude en commun de thèmes précis relatifs à des contenus ou à des méthodes d'enseignement, dans un souci d'harmonisation » et, dans le cadre de la formation, des stages en collège pour les instituteurs, en primaire pour les professeurs de collège. Il est également encouragé de mettre en place des « visites mutuelles dans leurs classes d'instituteurs de CM2 et de professeurs de sixième » et des activités communes, dans un même secteur, entre élèves.

Nous le voyons, la liaison école-collège, telle qu’envisagée dès 1977, est très ambitieuse et certaines des mesures préconisées ne sont pas en vigueur aujourd’hui comme la systématisation des « visites mutuelles » entre enseignants des deux degrés.

2.1.2 Volonté réaffirmée par la suite

A partir de 1979, l’admission en 6ème est discutée lors de réunions entre instituteurs et Principaux de collège. C’est l’ancêtre des commissions d’harmonisation dont le

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fonctionnement est précisé dans une note de service13 en 1982, ces commissions qui « offrent également un cadre utile pour les échanges d’information sur les élèves, qui peuvent guider et faciliter le travail pédagogique et éducatif au collège ».

Parallèlement, la continuité pédagogique entre le cycle moyen de l’école élémentaire et le cycle d’observation du collège (6ème

-5ème) est mise en avant et posée comme déterminante pour la réussite au collège (arrêté du 16 juillet 1980). Cette nécessaire continuité éducative « au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité » est rappelée dans la loi d’orientation sur l’éducation n° 89-186 du 10 juillet 1989.

La réorganisation du collège en trois cycles à partir de 1996 fait de la 6ème un cycle à part entière dit cycle d’adaptation car il « vise à faciliter la transition école-collège en confortant les compétences acquises à l’issue de l’école élémentaire » et à « initier les élèves aux disciplines et méthodes de travail propres à l’enseignement secondaire »14. A partir de 199815, la liaison école-collège est pensée à partir de l’analyse des évaluations CE2-6ème et les élèves en difficulté sont aidés dans le cadre du « programme personnalisé d’aide et de progrès ». Différentes circulaires de rentrée continueront d’insister sur cette liaison école-collège. Le curseur se déplace progressivement de la continuité entre l’école et le collège à une meilleure prise en charge des élèves les plus en difficulté : « il ne s’agit plus seulement de mieux préparer l’adaptation au collège et de faciliter la transition, mais de prendre en charge mieux et plus rapidement au collège les élèves aux acquis fragiles ou insuffisants » (IGEN, IGAENR, 2014, p. 5).

2.1.3 Socle commun : cadre commun à l’école et au collège

Le socle commun de connaissances et de compétences, inscrit dans la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École du 23 avril 2005, donne comme finalité à l’école obligatoire l’acquisition du socle commun par les élèves et propose un cadre pédagogique commun à l’école et au collège (IGEN, IGAENR, 2014, p. 6). L’acquisition se fait par palier, le deuxième devant être validé à la fin de l’école primaire et le troisième en fin de collège. La validation en fin de primaire ne se faisant pas (id.), le collège doit poursuivre

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Note de service n° 82-381 du 7 septembre 1982 adressée aux recteurs, inspecteurs d’académie, inspecteurs départementaux de l’éducation nationale, principaux de collège et directeurs d’école.

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Circulaire n° 96-132 du 10 mai 1996.

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ces acquisitions de compétences non validées. Par la nécessité, une continuité plus forte entre les deux degrés se met en place.

La même loi de 2005 instaure les programmes personnalisés de réussite éducative pour les élèves les plus en difficulté pour l’acquisition du socle commun. Pour mieux les prendre en charge, l’accent est mis sur les résultats aux évaluations diagnostic de 6ème et sur la liaison école-collège16. Permettre à tous les élèves d’acquérir le socle commun se concrétise par le livret personnel de compétences17 (LPC) chargé d’attester des compétences acquises par l’élève, livret qui doit suivre l’élève pendant toute sa scolarité obligatoire, de la maternelle au collège. En 2010, une nouvelle problématique rentre dans le cadre de la liaison école- collège : la mise en œuvre et la diffusion de « bonnes pratiques »18.

2.1.4 Continuité école-collège dans les réseaux d’éducation prioritaire

Dans le même temps, l’éducation prioritaire met en avant la coopération entre le premier et le second degré. Ce sont les secteurs scolaires qui sont l’objet de toutes les attentions. Ils comprennent le collège et les écoles de secteur regroupés en « zones prioritaires »19, puis l’ensemble d’un territoire20.

En 1998, est mis en place le contrat de réussite qui définit des objectifs pédagogiques au niveau du réseau21. L’année suivante22, ces contrats de réussite sont précisés. Le responsable du réseau, « désigné, connu et reconnu par l'ensemble des partenaires » et le coordonnateur « issu aussi bien du second que du premier degré », reçoivent « une lettre de mission que le recteur établit en fonction des objectifs et du contenu du contrat de réussite ». Ce conseil de réseau est « ouvert à l'ensemble des écoles et des établissements du réseau et à ses principaux partenaires ». Cette dynamique se poursuit en 2006 avec la création des réseaux Ambition réussite qui reprennent la même organisation en la situant dans le cadre du socle commun : « Tous [les élèves] doivent acquérir les connaissances et les compétences du socle commun par le développement d’un environnement de réussite, en atténuant notamment

16 Circulaire n° 2006-051 du 27 mars 2006. 17 Circulaire n° 2007-011 du 9 janvier 2007. 18 Circulaire n° 2010-38 du 16-3-2010. 19 Circulaire n° 81-238 du 1er juillet 1981. 20 Circulaire n° 81-536 du 28 décembre 1981. 21 Circulaire n° 98-145 du 10 juillet 1998. 22 Circulaire n° 99-007 du 20 janvier 1999.

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la rupture entre l’école et le collège »23. A partir de la rentrée 2007, des Réseaux de réussite scolaire (RRS) sont mis en place par les académies. L’instance de pilotage du réseau est constituée du Principal de collège, du Principal adjoint, de tous les directeurs des écoles élémentaires et maternelles rattachées, ainsi que de l’IEN de la circonscription. Dans ce comité exécutif les écoles et un collège se fédèrent autour d’un même projet formalisé par contrat qui s’articule avec le projet d’établissement et les projets d’écoles. De plus, des expérimentations sont possibles notamment sur l’organisation de la journée scolaire et le développement de passerelles entre premier et second degré. Les enseignants supplémentaires du réseau peuvent partager leur temps de service entre les deux degrés. Enfin, afin de limiter le nombre d’enseignants en 6ème

, des professeurs bivalents de disciplines générales et des PLP peuvent être affectés dans des collèges prioritaires.

Nous voyons que la liaison école-collège est l’un des axes forts de l’éducation prioritaire, et le co-pilotage du réseau par le Principal et l’IEN y trouve son origine.

2.1.5 Des commissions de liaison au Conseil école-collège

En 2011 sont créées les commissions de liaison CM2-6ème afin de renforcer la continuité entre les deux niveaux. Organisées avant la fin du CM2, elles visent à « garantir la continuité du parcours scolaire des élèves »24 et plus précisément à « définir les modalités des aides qui pourront être apportées aux élèves entre leur sortie de l'école primaire et la fin de la classe de sixième », et à « suivre leur mise en œuvre et en évaluer les effets ». Elles sont co- présidées par l'IEN et le Principal du collège et composées « des maîtres des classes de CM2 des écoles du secteur du collège, des professeurs principaux des classes de sixième, des professeurs de français et de mathématiques des classes de sixième, le cas échéant des professeurs qui encadrent les modules de remise à niveau ». Un outil est mis au service des élèves : le PPRE (programme personnalisé de réussite éducative) passerelle. Il « définit les objectifs d'apprentissage prioritaires et les modalités de poursuite des aides engagées dès le début de la sixième ».

La création du Conseil école-collège signe une nouvelle étape dans la volonté de renforcer la liaison école-collège. Instauré par la loi (Loi pour la Refondation de l’école de la République de juillet 2013), et non plus par des circulaires, ce conseil a pour objectif de

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Circulaire n° 2006-058 du 30 mars 2006.

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permettre l’acquisition du socle commun par tous les élèves notamment grâce aux PPRE. Le législateur voit plus loin que la simple liaison CM2-6ème et vise la progressivité des apprentissages de la maternelle au collège. Cette progressivité est elle-même renforcée par la création d’un nouveau cycle CM1-CM2-6ème

, également dans la loi, pour la refondation de l’école de 2013, cycle qui vise à faire davantage travailler ensemble les professeurs des écoles et des collèges.

2.1.6 Organisation actuelle de la liaison école-collège

Pour définir ce que recouvre l’ensemble de la liaison école-collège aujourd’hui et les nouvelles modalités introduites par la loi pour la refondation de l’école de juillet 2013, deux temporalités s’imposent : la progression des apprentissages sur toute la scolarité obligatoire et l’échelle du cycle CM1-CM2-6ème

.

Dans le cadre de la progression des apprentissages sur la scolarité obligatoire, la liaison école-collège comprend notamment :

- le conseil école-collège25 qui voit au-delà du lien CM2-6ème et vise « à améliorer la continuité pédagogique et éducative entre l'école et le collège » ;

- le socle commun de connaissances, de compétences et de culture26 qui met l’accent sur « une culture scolaire commune » à l’école élémentaire et au collège ;

- les Parcours notamment santé, d’éducation artistique et culturelle, ou encore citoyen ;

- le suivi et l’accompagnement pédagogique des élèves, présents tout au long de leur scolarité27 ;

- l’autonomie renforcée des collèges et « par conséquent leur capacité d'adaptation aux besoins et aspirations des élèves »28 ;

- dans l’éducation prioritaire, le travail inter-degrés qui vise à renforcer la continuité éducative et le suivi des élèves.

- des échanges de pratiques et d'enseignants entre les établissements29.

25

Décret n° 2013‐683 du 24 juillet 2013.

26

Modifié par le décret n° 2015‐372 du 31 mars 2015.

27

Décret n° 2014‐1377 du 18 novembre 2014.

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Dans le cadre de la temporalité du cycle commun à l’école et au collège, la liaison école-collège comprend par exemple :

- le nouveau cycle de consolidation30 comprenant les classes de CM1, CM2 et 6ème ;

- les nouveaux programmes31, s’appuyant sur le socle commun, conçus à l’échelle des cycles et qui appellent donc une élaboration collective des progressions, des sujets d’étude et de l’évaluation ;

- l’évaluation avec le livret scolaire32, à l’école et au collège, qui comporte les bilans périodiques de l’évolution des acquis scolaires des élèves et les bilans de fin de cycle et stipule que « les modalités d’évaluation des apprentissages des élèves au regard des objectifs des programmes sont définies par les enseignants en conseil de cycle » ;

- la composition et le mode de fonctionnement des conseils de cycle en élémentaire et du conseil pédagogique des collèges modifiés afin de favoriser la coordination et la cohérence entre les actions des deux instances33 ;

- les commissions de liaison CM2-6ème qui deviennent l’un des organes du conseil école-collège ;

- l’organisation des dispositifs accompagnant les élèves les plus fragiles comme les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires avant l’entrée au collège ou les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), notamment les PPRE « passerelle »34.

Le rapport des inspections générales de 2016 tire le bilan de cette liaison et conclut à l’existence d’« initiatives de terrain en nombre, aux entrées très diverses mais à faible impact pédagogique » (IGEN, IGAENR, 2016). Il précise :

« La mission tout en ayant pu mesurer la richesse des initiatives et leur diversité (une centaine de projets dignes d’intérêt ont été signalés par les académies lors du recensement effectué) a pu constater, qu’au‐delà des actions relativement ponctuelles sans véritables échanges professionnels,

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Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

30

Décret n° 2013‐682 du 24 juillet 2013.

31

Arrêté du 9 novembre 2015, publié au JO du 24 novembre 2015.

32

Décret n° 2015‐1929 du 31 décembre 2015.

33

Décret n° 2014‐1231 du 22 octobre 2014.

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la très grande majorité des projets (dont les échanges de services) ne questionnent pas véritablement les pratiques pédagogiques. » (IGEN, IGAENR, 2016)

Les actions recensées dans ce rapport sont de trois ordres : à destination des élèves, concernant les enseignants de cycle 3 et l’encadrement pédagogique.

De façon assez classique maintenant, les élèves de CM2 sont invités à visiter leur futur collège, voire à participer à des actions avec des 6èmes sous forme de défis (principalement en lecture) ou d’évènements sportifs. Pour autant, ces rencontres ne sont pas l’occasion pour les enseignants de travailler ensemble.

Le travail commun entre enseignants aura plutôt lieu dans les instances relevant d’obligations institutionnelles comme le conseil école-collège. Ils peuvent se retrouver ponctuellement pour préparer des projets, produire des outils (d’évaluation ou de progression des apprentissages), voire lors d’animations ou stages ponctuels ne regroupant qu’une petite partie des enseignants. Plus rarement, les enseignants procèdent à des échanges de service, à des observations réciproques de pratiques ou échangent localement sur leur enseignement.

Les Inspecteurs des circonscriptions et Principaux de collège co-pilotent le conseil école-collège et peuvent être à l’origine de formations ou animations conjointes. Même si cela reste une pratique à la marge, de plus en plus souvent, et surtout en éducation prioritaire, les Inspecteurs du premier et du second degré procèdent à des « co-inspections » ou « inspections croisées ».

Ces actions ponctuelles modifient peu les pratiques des enseignants. Finalement, plus de 40 ans après la création du collège unique et malgré la succession de textes institutionnels organisant la liaison école-collège, cette liaison est encore un objectif à atteindre.

Ce bref historique de la liaison école-collège montre que la volonté de renforcer la continuité des apprentissages entre les deux cycles est présente depuis 1977. On note une évolution dans la succession de textes officiels (circulaires ou lois). En 1977, c’est davantage à l’école primaire d’imiter les pratiques du collège pour y habituer les élèves, puis va se poser la question plus spécifique des élèves en difficulté et enfin des échanges pédagogiques entre enseignants. Mais ces évolutions paraissent minimes lorsque l’on compare la circulaire de 1977 et la loi de 2013. La liaison école-collège, malgré les nombreux textes qui tentent de la structurer, peine à se concrétiser. Centrée sur des actions ponctuelles, sans réflexion pédagogique approfondie, elle échoue pour le moment à transformer le système éducatif, à dépasser les clivages professionnels (Leclaire, 2015). Les deux éléments que nous allons voir

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à présent sont des exemples de cette difficulté à mettre en place une liaison école-collège efficiente.

2.2 Une année des Dossiers de la revue Les cahiers pédagogiques