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II. LES NORMES APPLICABLES, LES CONDITIONS

2. Une notion dont les effets, hormis en cas de transfert

de Vienne

2.212 La petie ou la détérioration de la marchandise, constitutive d'une im-possibilité objective au sens défini ci-dessus dans le cadre de 1' étude du Code des obligations, qui survient après le moment du transfert des risques à l'ache-teur libère le vendeur. Cela étant, il s'agit là de 1' effet des art. 66 CV ss- qui consacreraient exactement le même résultat si la perte ou la détérioration ne rendaient pas la prestation du vendeur impossible-etnon d'une conséquence des règles de la Convention de Vienne en matière d'impossibilité d'exécution.

2.212a Si la prestation du vendeur devient objectivement impossible avant le moment du transfert des risques et que celui-ci puisse s'exonérer de toute responsabilité selon 1' art. 79 al. 1 et 2 CV, 1' ati. 79 al. 5 CV libère le vendeur du paiement des dommages-intérêts prévus aux art. 74 à 77 CV mais main-tient les autres droits à disposition de 1' acheteur, au nombre desquels 1' action en exécution réelle de 1 'obligation du vendeur, 1 'action en livraison de mar-chandises de remplacement et 1 'action en réparation.

Or, lorsque, avant le moment du transfert des risques, le corps certain est perdu, confisqué, détérioré, lorsque le genre convenu ou le stock sur le-quel devait être prélevée la marchandise a disparu, lorsque les ventes de mar-chandises d'un certain genre sont interdites, lorsqu'une réparation est maté-riellement exclue etc., les actions en exécution réservées par l'art. 79 al. 5 CV, c'est-à-dire l'action en exécution (art. 46 al. 1 CV), celle en livraison de mar-chandises de remplacement (art. 46 al. 2 CV) ou celle en réparation (art. 46 al. 3 CV) sont vides de contenu et de sens152 . Dans ces cas d'impossibilité, l'inanité de tels moyens résulte à l'évidence de la nature même des choses.

Cela étant, même si elle tombe sous le sens, 1' exclusion de 1' action en exécution réelle dans ces cas d'impossibilité n'est pas expressément statuée par la Convention de Vienne; au contraire, la lettre claire de l'art. 79 al. 5 CV -«les dispositions du présent article n'interdisent pas à une partie d 'exer-cer tous ses droits autres que celui d'obtenir des dommages-intérêts en vertu de la présente Convention» -laisse entendre que, même en cas

d'impossibi-152 Cf. TALLON, n. 2.10.2 à l'art. 79; NEUMAYERIMING, n. 13 à l'art. 79; STOLL, n. 56 à l'art. 79 CV; NICHOLAS, Force majeure and Frustration, pp. 241 s; HUBER, n. 33 à l'art. 28 CV et 15 à l'art. 46 CV. Voir également MARCHAND, p. 186, ch. 178 et les réf. citées n. 518 en bas de page.

lité, l'action en exécution- qui est au nombre des autres droits visés par l'art. 79 al. 5 CV- serait maintenue.

La logique impose donc de constater 1 'existence d'une lacune de la Con-vention sur ce point153, qu'il convient dès lors de combler conformément aux directives de l'art. 7 al. 2 CV. Ce comblement peut intervenir soit en faisant appel au principe de la bonne foi (art. 7 al. 1 CV in fine) 154, soit par réfé-rence à l'art. 7.2.2 des Principes UNIDROIT155 relatifs aux contrats du com-merce international, qui peuvent être considérés comme des principes géné-raux dont la Convention de Vienne s'inspire (cf. art. 7 al. 2 CV) 156. Les deux voies conduisent au même résultat concret: 1' adage impossibilium nul/a est obligatio est 1 'un des principes généraux dont la Convention de Vienne s' ins-pire. Cela étant, sur le plan purement dogmatique, le comblement par réfé-rence aux Principes UNIDROIT paraît mériter la préféréfé-rence, le détour par les règles de la bonne foi étant généralement perçu comme une ultima ratio à laquelle on recourt lorsqu'il n'existe pas d'autre solution plus directe.

Il faut donc retenir que, dans les cas évoqués ci-dessus, le vendeur est libéré de toute obligation (exécution de la prestation originellement conve-nue, remplacement ou réparation de la marchandise) dont l'objet est impossi-ble157. Il est libéré, même si cette impossibilité lui est imputable: le fait que le vendeur soit responsable de la survenance d'un obstacle à l'exécution de sa prestation ne peut en effet donner naissance à aucun moyen dont la mise en œuvre serait logiquement impossible. La faute du vendeur donnera en revan-che à l'arevan-cheteurun droit à des dommages-intérêts selon les art. 45 al. 11itt. b et 74 ss CV, dont le vendeur ne pourra pas s'exonérer selon l'art. 79 al. 1 ou 2CV.

153 Cf. dans le même sens PICHONNAZ, p. 415, ch. 1800.

154 Cf. dans le même sens STOLL, n. 57 à l'art. 79 CV; ENDERLEIN/MASKOW/STROHBACH, n. 13.6 à l'art. 79 CV; NEUMAYERIMING, n. 8 à l'art. 7 CV.

155 Art. 7.2.2 des Principes UNIDROIT: «à défaut pour le débiteur de s'acquitter d'une obligation autre que de somme d'argent, le créancier peut en exiger l'exécution sauf lorsque (a) l'exécution est impossible en droit ou en fait ( ... )». C'est notamment la solution préconisée par PICHONNAZ, p. 416, ch. 1804.

156 Voir à ce propos Principes UNIDROIT,p. 5, ch. 6, etPICHONNAZ,pp. 379 ss, ch. 1641 ss, 1652. Voir également Burkart/Koch, p. 69.

157 A noter que, si la Convention de Vienne ne consacrait pas la libération du vendeur de son obligation principale lorsque celle-ci est impossible, l'art. 28 CV, devrait, dans des cas de ce genre, permettre aux tribunaux saisis d'une action en exécution fondée sur la Convention de Vienne de ne pas y donner suite, dans la mesure où ils seraient également autorisés à rejeter cette action en vertu de leur loi nationale dans des cas analogues non régis par la Convention. Voir également NEUMAYERIMING, n. 13 in initia à l'art. 79 CV. L'inconvénient de cette construction est le risque d'une absence d'uni-formité.

CHAPITRE 2: DANS LA CONVENTION DE VIENNE DES NATIONS-UNIES

2.213 Le sort de la contre-prestation de l'acheteur en cas de libération du vendeur pour cause d'impossibilité n'est pas davantage réglé par la Conven-tion de Vienne.

En principe, le contrat de vente ne prend pas fin du seul fait de la libéra-tion du vendeur158 . L'obligation de l'acheteur, pour sa part non affectée par l'art. 79 CV, est donc maintenue. Il s'ensuit qu'il ne peut en être libéré qu'à la condition de résoudre le contrat159. Conformément à l'art. 49 al. 1, litt. a CV, seule une contravention essentielle au contrat au sens de l'art. 25 CV en auto-rise la résolution, contravention essentielle qui sera en principe toujours réa-lisée dans le cas d'une impossibilité affectant une obligation principale du vendeur.

Ce qui importe en cas d'impossibilité frappant la prestation principale du vendeur avant le moment du transfert des risques, c'est que l'acheteur, qui par hypothèse aurait versé d'avance tout ou partie du prix, puisse récupérer son paiement. L'art. 81 al. 2 CV règle expressément cette question, en dispo-sant que «la partie qui a exécuté le contrat totalement ou partiellement peut réclamer restitution à l'autre partie de ce qu'elle a fourni ou payé en exécu-tion du contrat». A la rigueur du texte de la Convenexécu-tion et selon la systéma-tique de celle-ci, l'art. 81 al. 2 CV ne s'applique qu'en cas de résolution. Si l'on devait suivre TALLON et admettre qu'en cas d'impossibilité entraînant la libération du débiteur touché le contrat prend fin ex lege, c'est-à-dire sans résolution, le régime juridique de la restitution des prestations déjà effectuées soulèverait des problèmes que la construction préconisée ici en conformité du texte de la Convention ne pose pas160.

En cas d'impossibilité partielle frappant la prestation du vendeur, les actions contre le vendeur en exécution réelle et en dommages-intérêts sont

158 Dans le même sens PICHONNAZ, p. 417, ch. 1806. Contra: TALLON, n. 2.10.2 à l'art. 79 CV, qui considère que le contrat disparaît de toute façon «by operation of the law», ce qui est toutefois contraire à la lettre de la Convention de Vienne, qui ne contient aucune disposition qui opère expressément une telle résolution du contrat.

159 Cf. art. 81 al. 1 CV; PICHONNAZ, p. 417, ch. 1806 s. et les réf. citées, ainsi que p. 418, ch. 1813; cf. également HONNOLD, n. 423.4, 435.2 et 435.4 à l'art. 79 CV, qui consi-dère qu'une partie ne doit jamais perdre son droit de mettre fin au contrat en cas d'inexécution par l'autre.

160 Cf. à ce propos MARCHAND, p. 186 s., ch. 178, qui considère (n. 519 en bas de page) que l'art. 81 al. 2 CV n'est pas applicable si le contrat n'est pas résolu. Selon lui, si l'on retient la construction de la résolution ipso iure du contrat en cas d'impossibilité, il conviendrait de soumettre la restitution du prix déjà payé par l'acheteur à l'art. 81 al. 2 CV par analogie. Il paraît néanmoins favorable à ce que l'acheteur déclare résou-dre le contrat, en observant que «la résolution du contrat consistant en droit uniforme en une simple déclaration de volonté, l'exigence d'une résolution du contrat ne ( ... ) paraît pas être excessive te simplifie le rapport de liquidation du contrat».

exclues, conformément aux principes exposés ci-dessus161. Dans cette hypo-thèse, 1' acheteur devrait en outre avoir la faculté de résoudre le contrat, à tout le moins dans la mesure où l'absence d'une partie de la prestation due cons-titue une contravention essentielle au contrat dans son ensemble, c'est-à-dire le prive substantiellement de ce qu'il était en droit d'attendre de ce contrat162.

2.214 Une rapide comparaison entre le Code des obligations et la Convention de Vienne sur les points abordés ici révèle donc qu'en cas d'impossibilité objective subséquente définitive d'exécution, frappant la prestation du ven-deur avant le moment du transfert du prix:

le vendeur est libéré ipso jure par 1 'art. 119 al. 1 CO et 1' acheteur par l'art. 119 al. 2 CO;

le vendeur est également libéré ipso jure dans le cadre de la Convention de Vienne, non par une disposition de la Convention mais par les princi-pes généraux dont elle s'inspire, notamment les Principrinci-pes UNIDROIT.

En revanche, la libération de l'acheteur est subordonnée à une résolu-tion du contrat.

b. Exorbitance de la prestation du vendeur

1. Un état de fait clairement étranger à la question du transfert