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Les notations extra-financière garants des pratiques des entreprises ?

Identification des acteurs du développement durable inhérents à l’entreprise

III. Les notations extra-financière garants des pratiques des entreprises ?

L’émergence des agences de notation extra-financière s’est amorcées à la fin des années quatre vingt dix avec la création d’ARESE par Geneviève Ferone. L’objectif de ces structures est de promouvoir les entreprises contribuant au développement durable en donnant des signes au marché sur leur capacité à anticiper, à réduire et à gérer les risques de nature sociétale, sociale et environnementale.

Le marché de la notation des entreprises s’est dans un premier temps développé avec l’apparition de la notation financière. Trois groupes internationaux opèrent sur ce secteur :

- Standard & Poor’s filiale du groupe Mc Graw & Hill depuis 1996 (USA),

- Moody’s Investors Service, principale filiale de Moody’s Corporation, société indépendante depuis 2000 (USA),

- Fitch Investors Service, filiale à 90% du groupe français FIMALAC. 3.1 Quels types de notation ?

L’objectif des agences de notation financière est de fournir, sous la forme d’une notation synthétique, une information relative au risque de défaut attaché à chaque titre traité sur les marchés financiers. Les agences de notation financière émettent donc un avis sur la capacité de remboursement d’une entreprise, c’est-à-dire sa dette à destination des investisseurs. Activité régulée par les accords de Bâle - comité créé en 1974 par les Gouverneurs des banques centrales, qui établit des normes et des directives - ces agences développent un langage propre et des règles de jeu communément acceptées.

Les aspects sociétaux et environnementaux de l’activité économique des entreprises commencent à intégrer cette démarche d’évaluation en s’inscrivant dans une logique de performance financière et économique de long terme. Cependant, même si certains affirment qu’un jour on tendra vers une note globale rassemblant aspects financiers et extra financiers, aucun modèle de notation globale n’a encore été validé par le marché.

L’émergence de la notation extra financière pose le problème de la sémantique utilisée et fait apparaître de nombreux amalgames. Geneviève Ferone a analysé la situation du rating

sociétale lors d’une conférence organisée par l’AFCAP (Association Française des Conseils en Affaires publiques) :

« En ce qui concerne les acteurs, les Anglais appellent cela le " cottage industry ",

c'est-à-dire un marché extrêmement atomisé de petits acteurs qui gravitent autour des entreprises sur le thème du développement durable, aucun n'étant véritablement rentable. Les grands cabinets d'audit essayent de faire une percée, et l'on devrait s'attendre à une consolidation dans les prochaines années de ces acteurs qui sont dans le conseil, dans la certification, dans l'audit et dans la notation. La presse entretient aussi une certaine confusion en qualifiant " d'agence de notation " des cabinets qui n'en font absolument pas ou des sociétés de gestion qui tout simplement ont une forme de classement, comme n'importe quel organisme financier. Tout cela contribue à l'idée qu'il y a pléthore d'agences de notation sociale. Il y a cinq ans, le concept et le terme même de " notation sociale " étaient inconnus. Aujourd'hui, ce mot a énormément de succès, " notation " et " sociale " par opposition à financier. Mais il y a toujours une confusion sémantique sur les thématiques de notation sociale, éthique, développement durable, investissement socialement responsable, investissement responsable, CSR, et sur les acteurs. La plupart des bureaux de conseil ou de recherche (appelés research providers) ne font pas de notation mais des classements d'entreprises selon des critères éthiques (quelle entreprise est impliquée dans l'industrie du tabac, de l'alcool, de l'armement, de la pornographie, vend des produits abortifs, vend dans les régimes dictatoriaux, fait travailler les enfants, etc). Dans les pays anglo-saxons, les organismes qui vendent ces listes à des investisseurs ne s'intéressent pas du tout au fait de savoir si Suez a un bon système de management environnemental, ou si elle a une bonne maîtrise des risques environnementaux ».

On distingue plusieurs types d’acteurs de la notation extra financière : ceux à buts lucratifs que nous développerons ci-après et les organisations sans but lucratif rassemblant les associations ayant une activité de notation intégrée et les organisations syndicales. Notre analyse portera sur les agences de notation extra financière à but lucratif. Deux approches se distinguent : la notation déclarative et la notation sollicitée.

complète ainsi les demandes d’informations quantitatives et parfois qualitatives. Afin de cibler les problématiques sociétales propres aux entreprises d’un secteur donné, les analystes examinent préalablement à l’envoi dudit questionnaire les documents publics publiés par chaque entreprise. Ils consultent également les informations légales et les publications (rapport annuel de gestion, rapport de développement durable), la presse généraliste et spécialisée ainsi que le ou les sites Internet. Ce recueil d’information (benchmark sectoriel) Les agences traitent les informations recueillies en produisant une information synthétisée, destinée aux investisseurs institutionnels, aux gestionnaires d’actifs, aux banques et aux sociétés boursières. Ce travail est fait en fonction de méthodologies qui diffèrent d’un organisme à l’autre.

Cette méthode de recueil d’information par questionnaire a nécessité un temps d’adaptation important des entreprises. En effet, celles-ci n’étaient pas préparées à ce type de demande. Le surcoût logistique (recueil des données demandées par les agences de notations) et humain (création de postes dédiés au traitement des questionnaires) fut important.

Cette approche correspond donc à la notation déclarative.

3.1.2 La notation sollicitée

3.1.2.1Définition

La notation sollicitée est une évaluation à l’initiative de l’entreprise. Celle-ci porte sur la responsabilité sociétale, sociale et environnementale d’une organisation privée et/ou publique sur un périmètre sectorielle et/ou géographique donné. Elle s’adresse aux dirigeants d’entreprises désireux d’être clair ou d’éclairer leurs parties prenantes sur le niveau de leur responsabilité sociétale. Cette analyse est principalement destinée aux entreprises européennes, cotées ou non. La mission est rémunérée par l’entreprise.

Les entreprises attendent de cette évaluation une plus grande transparence de ses actions en matière de développement durable et de pouvoir se comparer aux autres entreprises du secteur. Les objectifs sont les suivants :

- Etablir un état des lieux des pratiques sociétales, sociales et environnementales de l’entreprise évaluée,

- Contribuer à la maîtrise des risques,

- Démontrer ses engagements, sa responsabilité et son efficacité,

- Compléter et ajuster les actions de management engagées dans le cadre de projet d’entreprise.

3.1.2.2Quel modèle économique ?

Le rating sociétal s’impose peu à peu comme un véritable gage de confiance sur les marchés financiers, au même titre que la certification qualité. Le modèle économique d’une agence de notation extra financière comme BMJ Ratings, filiale du Groupe Altares, s’apparente de plus en plus à celui de la notation financière. « La migration de la notation déclarative à un

système de notation sollicitée est la seule issue pour pérenniser l’activité. Les entreprises vous rémunèrent selon un cahier des charges très précis et identique pour tout le monde. A la suite de ces ratings sera alors délivré, auprès des investisseurs, des études sectorielles sur les pratiques sans délivrer la notation réalisée pour l’entreprise » Pascal Bello – PDG de BMJ

Ratings.

La question de l’indépendance et de l’objectivité des agences de notation extra financière est récurrente. « La vraie indépendance peut se faire dans la généralisation du principe et dans sa transparence. On peut aussi dire que si l’on n’a pas dans son capital des entreprises qu’on évalue, cela garantit une certaine indépendance puisque nos clients ne sont pas nos actionnaires. Certes, il n’existe pas de modèle parfait : la notation pourrait être réalisé par l’ONU, par la COB, par des fondations, etc. Mais je pense que la notation n’existe que parce qu’elle suit une demande du marché » G. Ferone.

3.1.2.3Quelle méthodologie ?

Au cours des trois années passées dans le cadre d’une convention CIFRE avec l’agence de notation extra financière BMJ Ratings, nous avons analysé la méthodologie pratiquée dans la notation sollicitée. Celle-ci se différencie en quatre étapes :

informations proviennent de documents internes à l’entreprise, les rapports d’activité, les rapports développement durable, les articles de presse, les diverses sources web, etc.

2. Entretiens : la deuxième étape d’une notation sollicitée est la réalisation d’entretiens

avec les responsables qualifiés de l’entreprise évaluée. Ces entretiens permettent d’affirmer ou d’infirmer les hypothèses retenues lors de la première étape. L’ensemble des informations obtenues est, par la suite, coupé avec la consultation des parties prenantes de l’entreprise (clients, fournisseurs, ONG, community, etc.)

3. DEEPP® MODEL, l’exercice de la notation : chaque agence de notation extra

financière possède sa propre méthodologie. Créé par Pascal Bello, en collaboration avec le professeur Pierre Bardelli, le DEEPP® MODEL est le modèle de notation de l’agence de notation BMJ Ratings. Nous détaillerons dans la deuxième partie de ce travail de recherche la méthodologie propre au DEEPP® MODEL.

4. Comité de Notation et Restitution : L’évaluation terminée, l’ensemble des analystes

se réunissent en comité de notation afin de justifier les notes choisies ainsi que la pondération des enjeux. L’évaluation de l’entreprise est alors consolidée pour obtenir une note globale ; la restitution au comité directeur de l’entreprise cliente termine la mission.

Cette méthodologie, notamment le modèle de notation DEEPP® MODEL, est propre à chaque agence de notation extra financière. Cependant des similitudes apparaissent dans le recueil des données et les entretiens avec les responsables qualifiés de l’entreprise évaluée.

3.2 Le positionnement des agences de notation extra financière

Quelle que soit la nature de l’agence de notation, financière ou extra financière, on recense des similitudes dans leurs objectifs et dans leur fonctionnement :

- Les agences de notation délivrent aux acteurs du marché une opinion indépendante, objective et prospective,

- Le traitement de l’information s’apprécie par une exposition à des risques et des enjeux,

- Amélioration du flux d’information ayant pour objectif de réduire l’asymétrie d’information à l’égard des acteurs du marché,

- Les agences de notation expriment une opinion.

Malgré ces convergences, il existe de nombreux éléments de différenciation entre les agences de notation. Dans un premier temps, il convient de souligner la jeunesse du métier de la notation extra financière. Apparu avec la création de l’agence ARESE en 1997 en France, ce métier émergent ne possède pas encore la légitimité, la reconnaissance et l’expérience de son homologue financier. De plus, la demande de la part des investisseurs institutionnels et particuliers d’intégrer dans les montages d’investissement « éthique » ou « socialement

responsable » des éléments d’évaluation extra financiers, reste encore peu développée. Dans

un deuxième temps, l’hétérogénéité du contenu de l’information dédié aux champs de l’évaluation extra financière handicape cette carence de légitimité précédemment citée. Il convient d’y ajouter l’absence de standardisation et de normes à la différence des reporting et des standards édités pour la comptabilité internationale. De plus, les Accords de Bâle régulant l’activité de la notation financière (comité créé en 1974 par les Gouverneurs des banques centrales, établit des normes et des directives régissant la notation financière) n’ont pas d’équivalent pour la notation extra financière. Cette carence organisationnelle illustre parfaitement les limites et les difficultés rencontrées par la notation extra financière.

Néanmoins, cette absence de standards internationaux offrant une normalisation des activités des agences de notation extra financière est, en partie, comblée par les multiples certifications Qualité. Ces normes (ISO, SA 8000, SD 21000, EMAS, etc.) représentent aujourd’hui la boite

à outil Développement Durable de l’analyste extra financier.

Comme nous le développons dans notre dernière sous partie, il existe quelques similitudes entre la démarche Qualité et les stratégies développement durable. Cependant, la mise ne place de normes se résume à une vocation procédurale. De parsa subjectivité, ses enjeux – plus globaux – et ses risques inhérents, le concept de développement durable n’apparaît pas à

Section 3

La diversification des standards de référence :