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Depuis les premiers écrits précédents la conférence de Stockholm en 1972 jusqu’au Sommet mondial du développement durable de Johannesburg de 2002, le concept de développement durable aura trouvé un écho médiatique à la hauteur de ses ambitions. A ce jour, ce thème apparaît fréquemment dans la presse, spécialisée ou non. Certains se demandent encore s’il s’agit ou non d’un phénomène de mode – la grande majorité des auteurs, des responsables politiques, associatifs, financiers et économiques ont, heureusement, dépassé cette étape et s’engagent durablement dans la mise en œuvre de politique et de stratégie locale et internationale respectant l’environnement, l’équité sociale et la pérennité de nos entreprises. Il aura fallu une conjoncture d’événements donnant aujourd’hui à ce concept une forte crédibilité : montée des risques écologiques, médiatisation de ces problèmes écologiques et de certains conflits sociaux, mondialisation des échanges, de l’économie et de la communication, influence croissante des ONG, arrivée au pouvoir des individus de la génération post-68, développement de modèles de certification (ISO, OHAS, etc)… Comme nous l’avons démontré au cours de ce chapitre préliminaire, le concept de développement durable est en constante évolution. Chaque acteur possède sa propre définition ; il suffit d’assister à quelques colloques et conférences traitant du sujet pour s’apercevoir que chaque professionnel présente une définition différente de la précédente citée ! Alors qu’aucune définition n’est vraiment arrêtée, que le sujet n’a encore jamais été traité dans sa globalité, le rôle du développement durable dans les principes de gestion est aujourd’hui connu et reconnu et sa pérennité n’est plus contestée. Parce que son analyse est systémique, il n’est pas de domaine qui ne soit inclu dans son champ d’observation.

La diversité des parties prenantes rend le concept de développement durable mouvant car associé à des valeurs culturelles et à des niveaux de développement technologique en mutation permanente, ce qui accroît encore la dimension multiforme de concept et rend plus difficile son appropriation. De plus, le concept est complexe : il couvre des domaines aux finalités parfois contradictoires. Il est souvent délicat pour une entreprise d’être en adéquation avec les attentes de l’ensemble de ses parties prenantes. Par exemple, comment considérer les intérêts de ses salariés et ceux d’une association de protection de l’environnement lorsqu’il s’agit de modifier ou d’abandonner un site industriel, nécessairement créateur d’emplois mais aux conséquences polluantes ? Ces problématiques sont nombreuses pour l’entreprise et

évoluent en fonction du secteur d’activité, du secteur géographique et de la taille de l’organisation concernée. Les orientations développement durable données par les entreprises sont différentes d’un pays à l’autre. A l’heure de la mondialisation, les firmes doivent arbitrer entre diverses cultures : celles de leur pays d’origine et celles des régions d’exercice de leurs activités. « Cette différence de culture que rencontrent les entreprises qui opèrent sur des

marchés épars est source de risque si elle n’est pas connue et acceptée. En revanche, elle peut s’avérer fructueuse si elle permet d’identifier des valeurs ou des best pratices qui sont intégrées à une culture commune d’entreprise. C’est l’enjeu des multinationales que d’identifier ces principes de management multiculturels et transnationaux pour en faire des vecteurs de développement et des mobiles d’adhésion » (C-H d’Arcimoles, 2002).

Ce chapitre préliminaire nous aura permis de présenter un concept jeune et difficilement définissable ; il nous paraissait essentiel de définir avec précision les origines, les racines et les fondements du développement durable. Malgré une certaine jeunesse – entre 30 et 40 ans d’ancienneté – ce concept apparaît comme la solution aux divers problèmes sociaux, environnementaux et économiques. Néanmoins, comme nous l’avons décrit dans ce chapitre, de nombreux détracteurs libéraux et anti-mondialistes s’insurgent contre un concept aux antipodes de leurs modèles. D’une part les extrémistes écologistes voient dans le développement durable un alibi, « un cache misère […] ayant pour seul objectif de faire

durer un peu plus l’exploitation anarchique des ressources naturelles ». De l’autre, des

économistes ultra-libérales et des lobby industriels – le plus connu d’entre eux étant le think

thanks – défendent l’idée que les futures catastrophes naturelles prévues dans le cas d’un

réchauffement généralisé de la planète sont « des craintes totalement injustifiées […] C’est un

scénario fantaisiste où les données avancées sont sans fondements scientifiques et présentent des failles scandaleuses ». Ces propos furent tenus par Christopher DeMuth, président de

l’AEI (American Enterprise Institute for Public Policy Research) et ancien responsable du budget du Président Reagan. Malgré ces réticences, nombre d’organisations publiques, para-publiques, privées se battent pour insuffler une dynamique continue au concept de développement durable.

avaient déjà, à la fin des années 1970-80, intégré le développement durable dans leur stratégie mais celles-ci restaient marginales. Cette prise de conscience de la sphère privée s’est exercée par la multiplication des communications et des informations relatives à ces problématiques et aux risques émergents.

La premier partie de nos travaux de recherche s’efforcera d’analyser l’apparition d’une dynamique multi-acteur connexe au concept de développement durable. L’émergence d’acteurs nouveaux, de problématiques et de risques sociétaux, environnementaux et sociaux obligent les donneurs d’ordres, objets centraux de notre recherche, à introduire des pratiques inédites dans leurs stratégies commerciales, productives, sociales, d’approvisionnement… Comment limiter l’impact environnemental de mes activités ? Quels best practices déployées ? Comment sensibiliser mes fournisseurs à ces problématiques « développement

durable » ? Ces quelques questions sont devenues des axes de réflexion stratégiques pour

l’ensemble des multinationales. Notre recherche s’articule sur la relation entre donneurs d’ordres – fournisseurs. Cette logique multi-acteurs analysée dans le chapitre suivant apparaît donc comme centrale. L’arrivée de nouveaux acteurs environnementaux et sociétaux soulève des problématiques nouvelles pour les multinationales. Ce chapitre cherchera à analyser la nature et les ambitions de ces nouveaux acteurs, ainsi que les innovations développées par les entreprises afin de répondre du mieux possible aux interrogations de leurs parties prenantes.