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DANS LE BASSIN VERSANT DE MEJERDA

6.3. Les niveaux saisonniers de l’ETR

Nous allons essayer, dans ce qui suit, de suivre le comportement des cumuls de l’ETR à l’échelle saisonnière dans le B.V de la Mejerda. Également, nous visons à connaitre les traits majorats de la distribution spatiale et les facteurs qui agissent le plus sur ce paramètre. Ainsi, le niveau de l’ETR se caractérise par une nouvelle articulation à la fois dans l’espace et entre les saisons.

6.3.1 En automne

Durant l’automne le niveau des cumuls de l’ETR dans l’ensemble du B.V de la Mejerda oscille de 40 mm à 75 mm, 0,44 mm à 0,82 mm par jour. La distribution de l’ETR suit deux axes opposés. Ce fut le cas des faibles quantités qui correspondent, le plus souvent, au sud de la région et les fortes quantités règnent dans le Nord. En effet, les terres de Tala enregistrent le niveau le plus bas avec 41,7 mm, à l’inverse, les massifs de la Kroumirie sont occupés par le niveau maximal alentour de 70 mm (voir figure 75a). Ce gradient Nord/Sud est accompagné par une variation spatiale significative, dans la mesure où l’écart absolu entre Tala et Jendouba atteint 23,1 mm. Dans ce contexte, la topographie accidentée et la diversification du couvert végétal entre les formations forestières aux sommets des collines et les plantations annuelles dans les vallées abritées, semblent être les facteurs déterminants de cette répartition. Vers l’est, la plaine de la basse Mejerda se distingue par une singularité justifiée, essentiellement, par une variation douce. C’est l’exemple de Borj Armi 60,3 mm et Cherfech 54,6 mm, pour qui l’écart absolu parvient à son seuil le plus bas de l’ordre de 5,7 mm. Ceci peut s’associer, d’une part, à la régularité de l’occupation du sol qui est, le plus souvent, des cultures annuelles et/ou des prairies, et d’autre part, à l’effet de la mer qui adoucit la demande évaporatoire du climat. Par contre, l’effet de la réserve hydrique sur la variation spatiale n’est que de deuxième degré. En effet, l’axe de la Mejerda, situé généralement sur des sols alluviaux, peu évolués et limono-argileux, bénéficiant d’un bon drainage. À cela s’ajoute que ces sols plus humides, moins perméables et se caractérisent par une réserve hydrique, qui ne varie pas beaucoup d’un secteur à un autre (Gallali., 2004).

Toutefois, si on considère l’aspect de l’ETR dans chaque sous-région, on peut retenir les idées suivantes :

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le Haut Tell : la principale caractéristique qui distingue cet ensemble est l’intensité de la variation spatiale de l’ETR. Le rapport entre les valeurs maximales situées aux sommets et les valeurs minimales qui dominent les plaines abritées, touche 69 % avec un écart absolu d’environ 22,2 mm. Cette silhouette est corrélée, à mon sens, à l’effet du relief qui intensifie la variation du climat et par conséquent l’ETR.

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la haute Mejerda, constitue un réservoir important pour l’évaporation puisqu’elle détient les valeurs maximales de l’ETR de toute la région. Ces valeurs occupent un palier de 60 à 75 mm, avec une variation spatiale relative d’environ 20 %. À cet égard, plusieurs facteurs peuvent être intervenir : l’effet de l’exposition aux flux humides d’origine Nord-Ouest durant l’automne, l’existence d’une réserve hydrique héritée et la dominance d’une couverture végétale forestière favorisant la transpiration.

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la moyenne et la basse Mejerda, constitue une bande d’environ de 60 km le long du cours d’eau de l’oued Mejerda, se distingue par des valeurs situées le plus souvent alentour de 55 mm et avec une variation spatiale relative de l’ordre de 8,3 %. Il est notoire de constater que le caractère agricole détermine la répartition de l’ETR. En effet l’occupation du sol durant la période de semis peut évaporer entre 0,5 à 1,1 mm par jour (El Garouni A., 1995).

Enfin, une telle répartition de l’ETR présente une gamme de valeurs assez bien définie durant l’automne. Elle met en relation le début de la recharge de la réserve utile et le rythme de l’ETR dans la région.

6.3.2. En hiver

En hiver, les cumuls de l’ETR montrent des niveaux plus élevés que ceux de l’automne, non pas à cause d’une demande évaporative plus forte, mais plutôt à cause de l’absence de stress hydrique de la végétation, où le coefficient de stress est nul (égal à 1). Les valeurs varient peu d’une sous-région à une autre pour s’installer, en général, entre l’intervalle de 55 à 95 mm, soit une moyenne journalière de 0,55 mm à 1,1 mm (voir la figure 75b). La répartition géographique de l’ETR hivernale garde le même aspect par rapport à celui enregistré en automne, dans la mesure où nous constatons une nette opposition entre les secteurs nord et sud de la région. À cet effet, la haute Mejerda détient une gamme de quantités d’ETR allant de 70 à 95 mm. Par exemple, on note 78,5 mm à Jendouba et 93,7 mm à El-Feîja. Plus au sud, le Haut Tell et l’amont du bassin versant de oued Siliana sont occupés par un palier allant de 55 à environ 70 mm, à savoir, Tala 56,2 mm et Siliana 68,1 mm. Par ailleurs, à l’exception de la station de Ghar Melh, la basse Mejerda s’individualise, quant à elle, par une gamme de valeurs comprise entre 75 et 85 mm, c’est le cas de Cherfech 81,9 mm et Borj Amri 81,7 mm. Cependant, les faibles cumuls hivernaux de Ghar Melh sont liés à la dominance d’un sol alluvial hydromorphe à cause de la propagation des surfaces humides. Enfin, le faible niveau des cumuls de l’ETR en hiver résulte, essentiellement, de la fréquence des événements pluvieux, dont le taux d’évapotranspiration devrait être réduit, puisque l’air est presque saturé en vapeur d’eau (Caroline et al., 2005). Une autre explication se rapporte à une ETP très faible et un stress hydrique presque nul, dans la mesure où la valeur de son coefficient (Ks) atteint un record (la valeur de 1) durant les mois de janvier et février.

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Figure 75: Les niveaux saisonniers de l’ETR (mm) (a) automne, (b) hiver, (c) printemps et (d) été, dans le B.V de Mejerda (2000-2011)

À y regarder de plus près, en hiver, l’ETR se qualifie par une forte variation spatiale par rapport à celle enregistrée en automne. Ainsi, dans les plateaux du Tell, l’écart absolu entre Tala et les sommets de la Dorsale touche 30,8 mm en hiver alors il n’est que de 15,2 mm en automne. Vers le Nord, la haute Mejerda présente en hiver un écart absolu de 10,5 mm entre Béja et Jendouba et il diminue à 7,5 mm en automne pour les deux sites. Cette forte variation entre les deux secteurs est liée, probablement, à la forte variabilité des perturbations climatiques qui règnent sur la Tunisie durant l’hiver et l’effet du relief qui influe sur les facteurs conditionnels de l’ETR (les vents, températures, insolation). En effet, les stations du Haut Tell sont exposées aux vents du Nord-Ouest par contre les stations de la vallée de la

182 Mejerda en sont à l’abri. Plusieurs auteurs mettent en relation l’exposition aux courants advectifs, l’importance de la variation spatiale de l’évapotranspiration (Benzti., 2008 ; Vincent J., 2011). Ceci résulte un pouvoir évaporant du climat très variable même au sein de la même sous-région. À titre d’exemple, les monts de Teboursouk au sud du barrage sidi Salem et les monts d’Ouergha à l’ouest du Kef, enregistrent des apports autour de 92 mm, par contre, les plaines voisines montrent des niveaux très faibles d’environ 60 mm. D’un autre côté, dans la basse Mejerda, l’effet de la mer intervient en premier degré pour freiner la demande évaporative du climat et par conséquent une faible variation spatiale des cumuls de l’ETR. Ici, on assiste à un écart absolu qui ne dépasse pas 1 entre mm Cherfech et Borj Amri. Sans être encore totalement concluante, l’analyse de l’ETR en hiver permet de retenir que le niveau d’évaporation, en l’absence de stress hydrique, est gouverné en premier lieu par les conditions climatiques et l’effet du relief. De même, s’il n’y a pas de stress, l'ETR sera égale à l'ETM.

6.3.3. Au printemps

Avec l’évènement du printemps, les cumuls de l’ETR enregistrent leurs niveaux maxima. Ils retiennent presque la moitié des totaux annuels en moyenne, 52,5 % à Jendouba, 51,2 % à Borj Amri et 45,3 % au Kef. Cette situation est en relation avec la présence des coefficients culturaux élevés (alentour de 1) et une réserve utile dans le sol héritée de l’hiver et contribuant en plus des pluies printanières à alimenter l’ETR (Henia L., 1993). Les résultats présentés sur la figure 75c montrent que le niveau de l’ETR occupe un palier, en général, de 150 mm à 340 mm, soit une moyenne journalière varie de 1,6 mm à 3,7 mm et avec un écart relatif de l’ordre de 55,8 %. En effet, on note 154,4 mm à Tala, 237,6 mm à Siliana et 329,5 mm à Jendouba, ces chiffres résument l’ETR pour les principales occupations des terres et la topologie du sol dans le B.V de la Mejerda. En ce sens, les deux remarques suivantes peuvent être retenues :

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les maxima de l’ETR sont associés aux sols de type vertisol et les sols alluviaux où l’évaporation peut atteindre 3,6 mm par jour au printemps (Hammami O., 2010). De plus, ces types de sols se distinguent par une réserve utile considérable qui touche 63,4 mm au niveau de 0 à 20 centimètres et de 428,5 mm au niveau de 0 à 120 centimètres (Ben Hassine H. et al.,

2003). Dans le même ordre d’idée, ces types de sols sont le plus souvent occupés par des cultures annuelles ou d’une végétation arborée dense où l’évapotranspiration s’élève à son niveau maximal.

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Les minima de l’ETR sont, généralement, accordés avec des sols peu évolués (Rendzines et lithosols) et qui ont une capacité d’évaporer une lame d’eau allant de 1,92 mm et 2,54 mm par jour (Hammami O., 2010), à cause des faibles « teneurs en eau qui sont inférieures ou

égales à 10 % en profondeur de 0 à 80 cm » (Ben Hassine H. et al., 2003). Ici, on assiste à

une réserve utile de 286,2 mm pour l’horizon de 0 à 120 cm. Dans une telle condition, l’occupation des sols se caractérise par les céréalicultures en sec, les sols nus et une végétation arborée clairsemée, duquel l’ETR baisse à son niveau minimal.

183 L’évapotranspiration agit sur le sol. « Elle réduit l’humidité en surface et épuise plus

rapidement les réserves dans la terre sableuse que dans les terres limoneuses ou argileuses »

(Diop., 2009)

Néanmoins, l’ETR est un processus hautement variable à l’échelle régionale qui doit être pris en considération dans notre étude et que sa variation spatiale dépend en particulier du stock d’eau dans le sol, de la dynamique du couvert végétal et des flux radiatifs nets. Certes, la basse Mejerda se qualifie par une variation spatiale très marquée. L’écart absolu atteint 118,2 mm, avec une variation spatiale relative de 38,6 %. Le haut Tell, a son tour, enregistre un écart absolu de 95,1 mm sur le transect des piémonts de la Dorsale aux plateaux du Kef, soit une variation spatiale relative de 29,7 %. La haute Mejerda, quant à elle, présente l’écart le plus faible de toute la région d’environ 15 mm. Les écarts notés dans la répartition spatiale de l’ETR indiquent que l’hétérogénéité spatiale des interactions sol-plante-atmosphère joue un rôle majeur dans cette configuration (Caroline et al., 2005). En effet, la haute Mejerda détient des sols plus saturés que les autres sous-régions à cause de son exposition des précipitations et par conséquent un stock d’eau important qui alimente l’ETR. En revanche, la forte variation spatiale de l’ETR, observée dans la basse Mejerda, s’explique par le changement brutal de la capacité de rétention d’eau. En effet, on passe sur une courte distance des sols alluviaux à l’amont de la région à un sol hyrdomorphe en aval (dans le delta). En outre, la couverture végétale est un autre facteur qui détermine la variation l’ETR par ses différences dans l’albédo de surface et par sa capacité à soutirer l’eau du sol par transpiration. Souidi Z et al., (2010) ont constaté que « les valeurs élevées sont observées sur les couverts forestiers denses et que les faibles valeurs concernent les sols nus qui correspondent à des valeurs élevées d’albédo ».

En somme, dans le B.V de la Mejerda et durant la saison de l’activité végétale, l’ETR présente son niveau maximal. Ceci s’explique par la synergie de plusieurs facteurs qui n’ont pas le même poids. En premier lieu, le potentiel du stock d’eau dans le sol hérité de l’hiver. En second lieu le comportement du couvert végétal vis-à-vis du stress hydrique et en fin les conditions climatiques. En ce qui concerne la répartition spatiale, l’ETR prend le sens inverse de l’ETP. C’est-à-dire une croissance du sud vers le Nord de la région.

6.3.4. En été

En été, les valeurs de l’ETR subissent une nette diminution par rapport à celles qui caractérisent le printemps et la répartition spatiale garde un aspect semblable. Les cumuls varient, généralement, de 110 mm à 180 mm, soit 1,2 mm à environ 2 mm par jour. L’écart absolu estival dans l’ensemble de la région atteint 70 mm, soit une variation relative de 38,8 %. Un gradient Nord-Sud, en particulier, suivant le transect Kroumirie/ Haut Tell et une variation inter-régionale dont le rapport gagne 1,5 fois plus important. En effet, le site à Jendouba garde le niveau élevé de 165,7 mm et le site à Tala témoigne le niveau le plus bas 112,8 mm (figure 75d). La manifestation de ce cas, est en relation avec la répartition du bilan radiatif et de l’activité végétale. En période estivale les températures moyennes sont plus élevées, en particulier, dans la vallée de la Mejerda et frôlent 28 à 30°C et le potentiel du rayonnement solaire est maximal. Par ailleurs, l’indice de végétation est quasi-nul dans le

184 Haut Tell par contre, la haute Mejerda se distingue par des indices moyens à faibles (0,2 à 0,45). Ceci met en évidence un stress hydrique de la végétation prononcé et par conséquent un palier d’évapotranspiration plus important au nord qu’au sud. Vers l’Est, le gradient prend le sens inverse, dans la mesure où les valeurs diminuent au fur et à mesure qu’on s’éloigne du littoral. Cependant, on marque à Ghar Melh 172,5 mm et 125,9 mm à Cherfech, et ce pour une distance d’environ 60 km. Ceci est justifié, probablement, par l’effet de la mer, l’existence des surfaces en eau tels que : des Gaârats, des Sebkhas, Lagunes, surfaces marécageuse (cf. figure76) et une nappe phréatique superficielle dans ce secteur. On sait que la mer et les plans d’eau chargent l’atmosphère en vapeur et par conséquent une source de plus pour alimenter l’évaporation. Quant à la nappe phréatique superficielle, elle agit par son pouvoir de charger le stock d’eau dans les sols par la remontée capillaire en cas d’épuisement de la réserve utile, ce qui accentue le rythme de l’évaporation (El Garouni A., 1995).

Figure 76 : Surfaces marécageuses aux environs de Ghar Melh. La végétation est constituée ici de

salicornes (juin 2010 ; Cliché Mjejra M.)

Il est significatif de constater à ce propos que les valeurs extrêmes de l’ETR aux alentours de 170 mm (présentées sur les cartes par la couleur rouge) se répartissent sur des secteurs très réduits. Elles sont associées, la plupart des cas, aux sommets des montagnes couverts par des forêts de feuillus. Dans le même ordre d’idée, les secteurs situés de part et d’autres de oued Mejerda et occupés par les périmètres irrigués ou la végétation hydrophile enregistrent une gamme de valeurs entre 160 mm à 175 mm. Ceci confirme que les surfaces irriguées ont un potentiel moyen d’évaporation d’environ 4,9 mm par jour en mois de juillet (Mjejra M. et al., 2012). Les valeurs d’ETR simulées en été sont très faibles, ce qui contredit les résultats habituels, malgré l’importante quantité de l’ETP dans la région (500 mm à 700 mm). Ce phénomène s’explique par les effets suivants :

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la présence prolongée des sols nus durant une grande partie de la saison et le faible niveau du coefficient de stress hydrique (de 0,35 à 0,5). Cela confirme la relation étroite entre le taux de couverture végétale et l’évapotranspiration réelle (Ayenew, 2003) ;

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la dominance des sols en majorité sablo-argileux, en particulier, dans les secteurs sud du BV de la Mejerda. Ce qui résulte une forte infiltration (faible réserve utile) et un couvert végétal clair (Souidi S. et al., 2010) ;

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L’effet de l’albédo sur la fraction de l’évapotranspiration, ainsi les valeurs élevées de l’ETR sont observées sur les couverts forestiers denses à faible albédo par contre, les faibles

185 valeurs concernent les sols nus qui correspondent à des valeurs élevées d’albédo (Hamimed et

al., 2008).

Au total, l’ETR observée en été, varie de 110 mm à 180 mm avec une fraction d’évaporation très faible d’environ 22,5 %. Ce résultat indique la présence d’un stress hydrique plus ou moins élevé. Il est associé, le plus souvent, aux surfaces forestières denses et les surfaces des cultures annuelles.

Finalement, l’ETR dans son niveau saisonnier présente une grande variabilité à la fois inter-saisonnière et inter-régionale. Au niveau de la variabilité inter-saisonnière les valeurs de l’ETR oscillent de 40 mm en automne à 340 mm au printemps, l’écart-type varie de 46,4 mm à 58,5 mm et avec un coefficient de variation de 0,42 à 0,54, et ce pour les stations, respectivement, de Tala et Jendouba. En ce qui concerne les variations spatiales se manifestent, d’abord, par une décroissance apparente du taux de l’ETR du Nord vers le Sud du B.V de la Mejerda ; en suite une nette opposition entre les versants exposés au nord et ceux exposés au sud ; enfin un contraste entre les terres nues et les terres végétalisées. Cette hiérarchie est liée à l’interférence des propriétés sol-plate-atmosphère, essentiellement, les caractéristiques de la réserve utile, le cycle de la croissance de la végétation et les processus radiatifs.