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Dans le secteur « Calcul et fonctions », un objet apparaît comme étant complètement nouveau en seconde avec une désignation et une notation spécifiques, c‟est la valeur absolue d‟un nombre. Comme la désignation des ensembles, la valeur absolue est une borne temporelle dans l‟avancée des savoirs. Une nouveauté qui donne la preuve que le processus de chronogenèse est bien relancé. Je développerai plus loin l‟analyse de l‟enseignement de la valeur absolue chez Mathieu et chez Clotilde (Cf. section 8.2).

5.6.1 Le curriculum officiel concernant la valeur absolue

5.6.1.1 La valeur absolue un nouvel objet du numérique

Le programme en vigueur au moment de ce travail inscrit l‟objet valeur absolue dans le domaine « Calcul et fonctions » et dans un thème essentiellement numérique. Je rappelle précisément ce qui est écrit dans le programme sous la forme d‟un tableau (voir page suivante) qui reprend une partie de la Figure 4 présentée en page 63. Il apparaît notamment dans ce tableau que l‟ordre des nombres et la valeur absolue d‟un nombre semblent être des thèmes que le programme veut associer, un lien possible parait être la notion d‟intervalle. Pour éclairer le programme ce commentaire se trouve dans le document d‟accompagnement : « Aucune étude particulière n'est demandée. Cette notation1 sera présentée essentiellement pour exprimer la distance entre deux nombres. » Les programmes présentent la notion de

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valeur absolue dans le cadre numérique comme étant la distance entre deux nombres ; cette notion est dans les contenus du programme, mais l‟accompagnement du programme minimise cette place pour la réduire à une notation. Cette conception conforte l‟idée que la valeur absolue apparaît davantage comme un nouvel opérateur1 de l‟espace numérique construit en seconde.

Contenus Capacités attendues Commentaires

Ordre des nombres. Valeur absolue d‟un nombre.

Choisir un critère adapté pour comparer des nombres.

Comparer a, a2 et a3 lorsque a est positif.

Caractériser les éléments d‟un intervalle et le représenter.

La valeur absolue d‟un nombre permet de parler facilement de la distance entre deux nombres.

Tableau 7 : la valeur absolue dans le programme de seconde

Voici un autre thème du domaine « Calcul et fonctions » dans lequel apparaît explicitement la valeur absolue :

Contenus Capacités attendues Commentaires

Premières fonctions de référence.

Établir le sens de variation et représenter graphiquement les fonctions 𝑥 → 𝑥2, 𝑥 →𝑥1. Connaître la représentation

graphique de x sin x et de xcos x

D‟autres fonctions telles que :

𝑥 → 𝑥, 𝑥 → 𝑥3, 𝑥 → 𝑥 , etc., pourront être découvertes à l‟occasion de problèmes. Les résultats les concernant pourront être admis.

Tableau 8

L‟opérateur valeur absolue peut être travaillé en tant que fonction à l‟occasion de résolutions de problèmes, mais ce n‟est qu‟une proposition.

5.6.1.2 La valeur absolue : une reprise du collège

Un respect scrupuleux des programmes peut laisser penser que la valeur absolue est réduite à l‟usage d‟une notation quand elle est pertinente et que son usage est surtout rencontré en lien avec une conception géométrique des nombres appréhendés en tant qu‟abscisses de points comme cela vient d‟être montré dans le paragraphe précédent.

Cette conception de la valeur absolue n‟est pas nouvelle, elle est à relier à la première rencontre avec le concept qui a eu nécessairement lieu en classe de cinquième lorsque les élèves ont appris à additionner les nombres relatifs. La dénomination la plus couramment utilisée alors a été la distance à zéro du nombre pour nommer de fait sa valeur absolue. Le programme de cinquième exprime clairement que « la notion de valeur absolue n'est pas

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introduite1 ». Pourtant ce même programme indique que le concept est travaillé en acte en précisant ceci :

Compétences exigibles

• Sur une droite graduée :

– lire l‟abscisse d‟un point donné, – placer un point d‟abscisse donnée,

– déterminer la distance de deux points d‟abscisses données. […]

Commentaires

Les activités graphiques conduiront :

– à enrichir la correspondance entre nombres et points d‟une droite déjà graduée à l‟aide de nombres entiers, en développant l‟usage des nombres décimaux relatifs,

– à interpréter l‟abscisse d‟un point d‟une droite graduée en termes de distance et de position par rapport à l‟origine ; en particulier, le cas où l‟origine est le milieu de deux points donnés mérite de retenir l‟attention,

– à relier la distance de deux points sur un axe et la soustraction des nombres relatifs, […]

Par ailleurs, les objets suivants qui figurent au programme de cinquième nécessitent le recours de ce concept en acte. Il s‟agit en particulier de :

la notion d‟opposé d‟un nombre ;

les règles de comparaison de deux relatifs ;

la règle d‟addition des relatifs.

La disparition de l‟objet valeur absolue en tant que concept explicite a amené les enseignants et les auteurs de programmes à combler ce vide didactique en créant l‟expression distance à zéro ou encore partie numérique2.

5.6.1.3 Les types de tâches algébriques en lien avec la valeur absolue

Aucun travail dans le cadre algébrique en lien avec la valeur absolue n‟est mentionné comme un objectif du programme. Pourtant, comme je le montrerai plus loin, les professeurs Mathieu et Clotilde proposent un travail important concernant les résolutions d‟équations ou d‟inéquations comportant des valeurs absolues. La question se pose de savoir si ces types de tâches algébriques sont ou non conformes au programme officiel de seconde. D‟après les précisions du curriculum officiel données précédemment la réponse parait négative. Pourtant

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Programme de cinquième entré en vigueur en 2006, mais cette précision était déjà dans les programmes de 1985.

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En examinant dix manuels de cinquième parus en 2006, un seul emploie l‟expression partie numérique (Bréal), les neuf autres utilisent l‟expression distance à zéro.

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du côté du savoir enseigné, pour les professeurs cette question apparaît de façon récurrente et sa réponse n‟est pas évidente. Voici par exemple en quels termes un professeur stagiaire de l‟IUFM de Marseille en formation initiale en 2006-2007 s‟interroge :

Il a été dit en GFP1 que, en ce qui concerne la résolution d‟équations et inéquations avec les valeurs absolues, cela doit se faire graphiquement à l‟aide de la droite graduée, au regard du fait que la valeur absolue doit être vue comme une distance. Néanmoins certains élèves m‟ont demandé s‟ils pouvaient faire la résolution algébrique (cas positif, cas négatif, résolution classique). Je leur ai répondu par la négative en argumentant que c‟est hors programme. Ma PCP2 m‟a dit par ailleurs que ce serait bien qu‟ils la voient quand même (« pour les bons élèves »). Je pense leur montrer juste une fois avec les valeurs approchées en module, ceci étant à rapprocher des limites de suites, ce à quoi se prête mieux une résolution algébrique (je pense…). Est-ce une bonne initiative ?

Ce stagiaire ne se demande pas si « la résolution d‟équations et inéquations avec les valeurs absolues » fait véritablement partie du curriculum officiel. Sa question porte seulement sur les techniques à développer. Son formateur de GFP à l‟IUFM et sa conseillère pédagogique ne mettent pas en doute non plus l‟existence de ce type de tâches algébriques dans le savoir à enseigner.

En résumé ces questions subsistent pour l‟enseignement de la valeur absolue en seconde : Quelle interprétation donner des textes officiels ? Quelle raison d‟être de la valeur absolue ? Qu‟est-ce qui peut motiver son étude ? Quelles articulations avec des connaissances plus anciennes ou ultérieures ? Quelles articulations avec d‟autres cadres ?

L‟ancien programme de seconde, avant celui qui est entré en vigueur en 1999, comportait ce commentaire explicite : « L‟étude des équations ou inéquations comportant des radicaux est en dehors des objectifs du programme ; il en est de même pour celles comportant des valeurs absolues, mis à part, les exemples numériques du type xa = b ou xa b. » Avec ces exemples dans lesquels l‟inconnue a pour coefficient le nombre 1, le lien peut être effectivement fait facilement avec la notion d‟intervalle.

5.6.1.4 Le travail relatif à la valeur absolue conformément au curriculum officiel

A la lecture du curriculum officiel, le travail relatif à la notion de valeur absolue apparaît donc très réduit, et ce qui est strictement exigible peut se résumer aux connaissances suivantes : 1°) savoir interpréter et utiliser la notation de la valeur absolue et savoir donner la valeur absolue d‟un réel déterminé.

Exemples : 4 = 4 ; −4 = 4 ; 5 − 3 = 3 − 5

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Groupe de formation professionnelle, dispositif de formation initiale mis en place à l‟IUFM de Marseille

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2°) savoir exprimer et utiliser la valeur absolue d‟un réel indéterminé, c‟est à dire savoir que :

la valeur absolue d’un réel positif est lui même, la valeur absolue d’un réel négatif est égale à son opposé.

3°) savoir donner une interprétation de la valeur absolue d‟un nombre dans le cadre de la géométrie : si on a un nombre, et si on considère le point d’une droite graduée qui a pour abscisse ce nombre, alors la valeur absolue de ce nombre est la distance de ce point à l’origine de la droite.

𝑥 = 𝑂𝑀 = 𝑑(𝑂 ; 𝑀 )

4°) connaître et savoir utiliser le théorème :

Si deux points A et B ont respectivement pour abscisses a et b sur une droite graduée alors la distance AB est égale à la valeur absolue de la différence des abscisses des deux points. Connaître la définition de la distance de deux nombres qui est égale à la distance AB, ou encore à ab .

5°) savoir changer de point de vue entre un ensemble de nombres défini soit par des intervalles, soit par des inégalités. En particulier :

connaître et savoir utiliser les équivalences suivantes : quel que soit le réel x et le réel strictement positif a :

𝑥 < 𝑎 ⟺ 𝑥 > −𝑎 𝑒𝑡 𝑥 < 𝑎 ⟺ 𝑥 ∈ ]−𝑎; 𝑎[ 𝑥 > 𝑎 ⟺ 𝑥 < −𝑎 ou 𝑥 > 𝑎 ⟺ 𝑥 ∈ ]−∞ ; −𝑎[ ∪ ]𝑎 ; +∞[

savoir interpréter chacune de ces propositions dans le registre graphique avec une droite graduée.

5.6.1.5 Des situations pour faire travailler la valeur absolue

Une question devrait se poser au professeur de seconde, celle de savoir quelles sont les raisons d'être et les situations à faire rencontrer aux élèves pour qu‟ils étudient ce concept et les connaissances repérées précédemment.

Voici des éléments de réponse :

calculs du type 𝑓(𝑥)2 ;

résolutions d‟inéquations du premier degré à une inconnue ;

recherche de deux points d‟une droite graduée pour lesquels on connaît une relation portant sur leur distance ;

recherche de valeurs approchées d‟un nombre et détermination de la marge d‟erreur dans un problème d‟approximation ;

O

0 1

I M

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modélisation d‟une situation conduisant à résoudre une équation ou une inéquation comportant des valeurs absolues, le coefficient de l‟inconnue étant le nombre 1. Un exemple est donné par Chevallard ci-dessous : un problème dans le cadre géométrique amène à résoudre une inéquation du second degré à une inconnue se ramenant à une forme du type (𝑥 − 𝑎)2 ≥ 𝑏 (a et b étant des réels strictement positifs).

Des matériaux pour une réponse à la question précédente

Voici un extrait d‟une réponse écrite par Chevallard (séminaire 2002-2003) relative à une question similaire à celle présentée auparavant.

. Le programme de 2de semble en effet ne pas pousser { la considération d’expressions telles que 2x + 10 : la décision de bannir celles-ci de la classe de 2de n’est donc, a priori, nullement illégitime.

. On peut toutefois prendre un point de vue un peu différent sur cette question si l’on situe les expressions considérées dans un contexte d’emploi fonctionnel. Un exemple permettra d’illustrer ce phénomène.

 Considérons un carré de carton ABCD de 8 cm de côté. Les « coins » ayant été un peu endommagés, on veut retailler le carton selon le schéma ci-après, où l’on a AE = BF = CG = DH = x on suppose connu le fait que le quadrilatère EFGH est un carré , l’aire du carré inscrit devant rester supérieure à, disons, 50 cm2.

 Selon la manière dont on calcule l’aire du carré inscrit, on arrive { l’une ou l’autre des inéquations équivalentes suivantes : x2 + (8–x)2 50 ou 64 – 2(8–x)x  50. La seconde inéquation, pour s’en tenir { celle-là, équivaut encore à (8–x)x  7. Cette inéquation se résout ainsi : –x2 + 8x – 7  0  x2 – 8x + 7  0  (x–4)2 – 9  0  (x–4)2 9 x–4 3

 x  1 ou x  7  x  [0 ; 1]  [7 ; 8].

En synthèse, pour que l‟objet valeur absolue s‟insère dans le curriculum de l‟année de seconde, il paraît nécessaire de trouver des situations mathématiques, comme celle proposée par Chevallard, qui motivent son emploi. Le passage suivant de l‟introduction du programme de mathématiques de seconde étaye cette proposition : « Chaque chapitre est l'occasion de constater l'économie de pensée qu'apportent des notations adaptées et d'éprouver la nécessité d'avoir à ce propos des conventions claires. »

A B C D E F G H

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6 Analyse du savoir enseigné à partir des manuels

J‟ai analysé sept manuels parus en même temps que le manuel Déclic des classes de Mathieu et de Clotilde (six parus en 2004 comme le Déclic et un en 2005). Tous ces manuels abordent le programme de seconde par un chapitre sur les nombres. Un manuel qui se singularise est paru chez Nathan (intitulé Math 2de) mais il ne fait pas partie de ceux que j‟ai analysés précisément. Ce manuel propose un premier chapitre intitulé « Statistiques. Simulations ». Il est donc caractérisé par le fait qu‟il commence par un chapitre qui ne concerne pas le domaine numérique mais qui « embarque » nécessairement de très nombreuses connaissances du numérique qui se trouvent ainsi utilisées de façon fonctionnelle. Dès le début du chapitre de ce livre une reprise sous la forme de révisions est proposée avec des rappels sur les formules donnant la moyenne. Le domaine de la statistique est propice au travail sur le calcul numérique et algébrique et il permet la reprise de ces notions en tant qu‟outils ce qui légitime leur intérêt et donne des raisons d‟être pour leur apprentissage. L‟articulation entre les domaines du numérique et de la statistique est explicitement précisée dans le document d‟accompagnement des programmes : « La statistique donne lieu à de nombreuses activités numériques et favorise la maîtrise du calcul […] ». Les sept manuels qui commencent par un chapitre concernant les nombres font cependant des choix assez différents. Ces différences s‟expriment à travers les contenus mathématiques mais aussi à travers l‟activité mathématique proposée. Dans la comparaison de ces sept manuels le premier chapitre aborde toujours les ensembles de nombres et leur dénomination. Les connaissances sont travaillées en général en tant qu‟objets, les exercices n‟ont aucune finalité, les autres cadres sont peu convoqués. Un manuel se distingue, le Bréal, il propose en introduction de véritables résolutions de problèmes, l‟un dans le cadre numérique, un autre dans le cadre de la géométrie euclidienne (Cf. annexe 11.7). Ce dernier problème permet de produire des nombres rationnels et irrationnels dans une dynamique numérico-géométrique (en référence au filtre du numérique

de Bronner). Ainsi une reprise de connaissances anciennes du collège va être articulée avec des nouveautés de seconde en examinant les caractéristiques des nombres apparus dans la résolution d‟un problème. Le Tableau 9 de la page suivante synthétise ces éléments.

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Etude du contenu du premier chapitre sans la partie exercices

Manuel Titre du premier

chapitre L‟ensemble des réels est-il associé à la droite graduée ? Le cadre géométrique est-il présent ? De véritables problèmes pour motiver

les différents nombres sont-ils proposés ?

Collection Math’x

Didier 2005 Les nombres oui

oui (2 problèmes) oui Collection Radial Belin 2004 Nombres. Ordre dans ℝ. Valeur absolue.

non non (sauf pour

construire − 5 ) non Modulo math Didier 2004 Nombres. Calcul littéral. oui non (sauf

nombre d‟or) oui

Collection hyperbole Nathan 2004 Nombres et calculs. oui oui (dans la partie appelée TD) non Trans math Nathan 2004 Nombres. Calculs.

Equations. oui non non

Bréal IREM de

Poitiers 2004 Les nombres oui oui

Oui (en introduction et dans la proposition des

thèmes d‟étude)

Déclic Hachette 2004

Calcul numérique

et algébrique non non non

Tableau 9 : analyse du premier chapitre de manuels de seconde

En explorant ces différents ouvrages de seconde, je peux constater que le manuel Déclic est très représentatif des choix des autres auteurs. Il apparaît avec le plus de cloisonnements entre les cadres mathématiques. Le cadre géométrique n‟est pas convoqué dans le corps du cours (il le sera cependant dans la partie des exercices), la droite graduée n‟est même pas associée à l‟ensemble des réels, et les objets sont présentés sans être motivés par une tâche ou un problème ou encore une question. Les auteurs sont presque dans la provocation en intitulant leur premier chapitre « Calcul numérique et algébrique » en négligeant totalement la recommandation de l‟accompagnement des programmes1

déjà citée précédemment (Cf. section 5.3.5) :

Le programme rassemble sous un titre unique un bilan sur les ensembles de nombres, les problèmes de calcul numérique et algébrique et l'étude des fonctions. C'est une invitation forte à chaque enseignant pour qu'il construise son cours en faisant interagir ces divers éléments […] De ce fait, aucun titre relatif au calcul algébrique n'apparaît : celui-ci se retrouve dans les divers items du programme.

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7 Analyse des progressions de Clotilde et de Mathieu