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4.1.1 Le paysage des savoirs

La recherche devrait permettre d'identifier les reprises et les nouveautés du numérique en seconde ainsi que les différents domaines où ce numérique est sollicité : la géométrie vectorielle ou les fonctions par exemple. Je rappelle l‟idée qui est de « traquer » le numérique ainsi que des questions relatives à cette investigation : comment le numérique est travaillé ailleurs dans d‟autres domaines ? Comment fonctionne le numérique, comment les professeurs se servent des autres domaines pour continuer à enseigner le numérique ?

Des précisions sont nécessaires pour situer le statut de ces savoirs relatifs au numérique dont il sera question par la suite. Le schéma suivant est un outil méthodologique permettant de visualiser ces localisations et de montrer l‟organisation des différentes composantes de la recherche du point de vue du savoir. Il utilise les distinctions concernant les savoirs énoncées par Chevallard dans le processus de transposition didactique (1985).

Dans une lettre adressée aux universités en 2008 dans le cadre de la réforme de la formation des enseignants, Chevallard écrit :

Les mathématiques qu‟étudie le futur professeur de mathématiques ont beau être d‟ascendance savante, elles n‟en sont pas moins pour lui un ensemble de savoirs au service de l‟exercice

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Savoir appris

C Evaluation des apprentissages Conceptions des élèves B Bloc technologico-théorique

des gestes professionnels

Savoir à enseigner

(textes du BO)

Savoir enseigné

(pratiques de classe, manuels, sites)

Savoir savant ou savoir de référence 1 2 A Raisons épistémologiques et sociales

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d‟une profession, en sorte par exemple que des connaissances acquises d‟abord sans règle ou à de toutes autres fins devront ensuite être revisitées, retravaillées, resserrées ou amplifiées, dans une perspective d‟adéquation aux besoins du métier.

Raffinons un peu ce qui précède en distinguant, parmi les savoirs professionnels du professeur, les savoirs à enseigner et les savoirs pour enseigner (les seconds contenant les premiers). Dans le cas d‟un professeur de mathématiques, les premiers sont, par définition, de nature essentiellement mathématique. Mais une grande partie des seconds seront aussi des savoirs mathématiques : savoirs mathématiques pour enseigner des mathématiques mais qui ne sont pas eux-mêmes des savoirs à enseigner ; savoirs «disciplinaires », donc, qui ne sont pas là pour être enseignés mais pour outiller conceptuellement et techniquement l‟enseignement des savoirs à enseigner. (p. 24)

Les savoirs pour enseigner pourraient se retrouver en particulier dans les cases B et C, mais aussi dans la case A, les enseignants devant être à même de partager les raisons qui ont conduit la noosphère à faire des choix de programmes.

4.1.2 Exploration du schéma

Flèche 1 : Le savoir à enseigner peut être analysé en cherchant ses raisons d'être et sa logique du côté de l'épistémologie de la discipline en faisant référence au savoir savant. La question posée est de savoir si la logique institutionnelle est ou non justifiée par une logique épistémologique. Cette question est en lien avec la première hypothèse pour laquelle j‟ai déjà souligné qu‟il faut étudier deux histoires différentes :

l‟histoire de la construction des connaissances du numérique dans une logique épistémologique ;

l‟histoire des élèves qui du primaire au lycée construisent leurs connaissances du numérique conformément au curriculum officiel selon la logique de la transposition didactique.

L‟étude de l‟articulation de ces deux logiques est à réaliser pour avoir une meilleure lisibilité des choix opérés par les concepteurs des programmes. Par ailleurs les textes officiels relatifs au numérique, les programmes et leurs accompagnements, seront analysés de manière à repérer d'une part les apprentissages nouveaux de la classe de seconde par rapport au collège, et d'autre part les thèmes qui nécessitent des réactualisations du numérique.

D'autres champs théoriques peuvent éclairer les choix des auteurs des textes officiels, ce sont par exemple les théories de l'apprentissage issues de la psychologie cognitive.

Flèche 2 : C'est dans l'étude du passage du savoir à enseigner vers le savoir enseigné, dans le deuxième temps du processus de transposition didactique, que l'hypothèse H1 est particulièrement explorée en évaluant la distance entre la prescription officielle et la mise en œuvre effective, et les raisons d'être de cette distance.

Les données relatives au savoir enseigné sont constituées à partir de l'observation dans les classes, et par le recueil de tous les matériaux écrits. Ils constituent les matériaux privilégiés pour continuer le travail relatif à l'hypothèse H2 sur la variabilité des choix des enseignants.

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Les gestes professionnels des enseignants sont modélisés en tant que praxéologies enseignantes. Les éléments technologico-théoriques qui les sous-tendent peuvent être de différentes natures :

des représentations mentales personnelles appuyées à leur tour par des logiques profondes éthiques, psychologiques, sociologiques ;

le rapport personnel du professeur à la discipline des mathématiques et aux savoirs de référence ;

des conceptions personnelles sur les processus d'apprentissage, la vision du métier d'enseignant, consolidées par des gestes du métier (Clot et al., 2000) largement partagés par la communauté enseignante ;

des théories sur l'enseignement et l‟apprentissage issues de champs divers comme la didactique des mathématiques, les sciences de l'éducation, la psychologie cognitive...

Flèche 3 : L‟écart éventuel entre le savoir enseigné et le savoir appris peut être apprécié par les professeurs eux-mêmes grâce aux divers dispositifs d‟évaluation mis en place, mais également par leur capacité d‟observation des élèves et par leur compétence à savoir analyser les attitudes et les productions des élèves. Cette dimension du métier représente encore une part importante des savoirs pour enseigner. Je souligne en particulier la compétence suivante pour le professeur : savoir analyser les conceptions des élèves pour une notion donnée. Une part de la recherche consiste à analyser les moyens utilisés par les professeurs pour évaluer, en particulier sous la forme des devoirs à la maison et en classe. Du côté du chercheur il y a lieu également d‟interroger l'efficacité de l'enseignement, il est donc nécessaire de regarder les apprentissages. Sont-ils solides, pertinents ? Mais que signifient ces questions ? Quels sont les critères retenus pour évaluer les effets de l'enseignement ? L'évaluation repose sur des postulats qui doivent être explicités et argumentés. En particulier le postulat relatif à la troisième hypothèse selon lequel l'enseignement doit permettre à l'élève de disposer de praxéologies mathématiques complètes qui ont été institutionnalisées, même si les éléments technologico-théoriques sont adaptés au niveau des élèves.

En conclusion, la méthodologie doit permettre de traquer le numérique sous toutes ses formes, qu‟il soit vu à travers différents prismes qui le font apparaître comme le savoir à enseigner, enseigné et appris, ou qu‟il soit sous une forme plus difficile à cerner mais essentielle, celle des savoirs pour enseigner.

Le savoir à enseigner établit en théorie l‟horizon de travail du professeur. Je développerai plus particulièrement ce savoir à enseigner relatif au numérique en étudiant le curriculum officiel grâce à l‟analyse des programmes du collège et de seconde et des accompagnements de ces programmes qui étaient en vigueur au moment de cette étude. Cette recherche sera organisée en fonction des différents niveaux de l‟échelle de codétermination didactique de Chevallard (Cf. annexe 11.2).

Le savoir enseigné est évidemment celui qui peut être capté dans la vie d‟une classe, mais c‟est aussi celui qui est véhiculé par les manuels scolaires. Une étude de manuels parus en 2004 et 2005 - comme celui utilisé dans les classes de Mathieu et de Clotilde - donnera une