• Aucun résultat trouvé

Niveau de compétences adéquat des enseignantes [CondExt-Comp-Ens]

Quant au niveau de compétences des enseignantes, l’appropriation de la tablette n’a pas été si évidente au début du projet. A titre de rappel, l’une des enseignantes (ens1) possédait une tablette qu’elle utilisait très peu (surtout utilisée par la famille et parfois en voyage), alors que l’autre enseignante (ens2) n’avait jusque-là jamais utilisé une tablette et redoutait quelque peu de l’utiliser en classe, malgré l’envie et intérêt. Nous avons pu observer la toute première prise en main et la « simple » mise en marche de l’appareil n’a pas été si facile. Ce qui confirme que le premier contact avec cet appareil n’est pas si évident et que son usage ne se fait pas si spontanément que ça, malgré tout ce que veulent nous faire croire les vendeurs ou les utilisateurs avertis. Bien entendu, le fait d’avoir utilisé ou de posséder un appareil de la même marque ressemblant comme deux gouttes d’eau à l’iPad, à comprendre ici l’iPhone, favorise nettement la prise en main. Cette situation démontre que certaines compétences acquises sur un appareil peuvent être transférables sur un appareil sur les mêmes « codes » ergonomiques.

Après quelques jours d’utilisation, les enseignantes ont commencé à investiguer le carnet de bord.

« Je decouvre les applications installees ... heu...mais zuuut comment met-on les accents ?? Je ne trouve pas ! je viens de perdre 3 phrases je ne sais même pas comment !!! Je reprendrai demain depuis mon ordinateur.

[après quelques jours] je pense avoir trouvé... Je parcours le tout en me demandant comment je vais pouvoir gérer toute cette nouveauté. Il va falloir me mettre au travail pour être à l'aise... » [P6-§3]

Très vite, les enseignantes nous ont confirmé percevoir un décalage entre leur propre niveau de compétences et celui des élèves (de certains élèves) qu’elles estiment souvent supérieur. En outre, elles perçoivent une différence de temps et de capacité d’adaptation à cet outil, notamment en se comparant aux élèves (et plus particulièrement à ceux n’ayant, jusque-là, jamais eu de tablettes dans leurs mains).

Ens1 : « Ca va beaucoup plus vite. Ils intègrent beaucoup plus vite. » […] « Pour ceux qui ne l’avaient jamais touché […]. Je pense que j’étais beaucoup plus gauche la première fois que je l’ai tenue dans mes mains. »

[P8-§166]

114 Loïc : « Souvent, les adultes se disent que les jeunes sont plus habiles qu’eux. Vous en pensez… » - Ens1 : « Mais

c'est une réalité. Donc il faut faire avec et puis être positif avec ça. » [P2-§126-127]

Ens1 : « Pour plein de trucs, c’était comme ça. La première fois que vous avez montré comment publier depuis DraftCraft, la deuxième fois je ne me souvenais plus. Je crois que là j'ai demandé à Frédéric148 "tu te souviens, on avait fait comment la dernière fois ?". Et puis, on a recherché ensemble et on a retrouvé. Et oui, aussi quand il a fallu insérer la photo de Mme Paola Marchesini, je n'arrivais pas à lancer dans le blog. Finalement, je ne sais plus comment on a fait, mais on a cherché ensemble. Et comme ils sont plus à l'aise, c’est « eux qui aide à… ». C'est pas un problème. » [P2-§129]

La peur semble jouer un rôle important dans la difficulté d’appropriation. Sur ce point, les élèves auraient un avantage que les enseignantes n’ont pas. Une des enseignantes fait donc ici allusion à ses peurs :

Ens2 : « […] on n’ose moins. Eux, ils y vont, ils essaient. Ils tournent, ils agrandissent, ils font des trucs et pis voilà, ils reviennent en arrière. Y a pas cette appréhension que pourrait avoir un adulte par exemple qui découvre… » [P8-§167]

Quand les enseignantes s’arrêtaient sur un problème, leur réflexe fut rapidement de faire appel à nous via le carnet de bord. Sans le remarquer, ce carnet de bord, tout d’abord transformé en plateforme d’échange entre enseignante et l’équipe prospective du SEM, s’est ensuite petit à petit transformé en plateforme de conseils technopédagogiques. Il ne nous a pas été évident de trouver notre position de chercheur Maltt et d’aide au projet prospectif SEM. Nous avons oscillé en permanence entre l’envie de ne rien dire et les laisser se débrouiller (quitte à ce qu’aucun usage de la tablette ne soit fait), leur fournir de simples liens les menant vers différentes ressources web contenant l’information qui pourrait répondre à leurs questions, ou encore leur proposer une solution concrète pour le problème rencontré et dans ce cas leur réaliser quelques tutoriels vidéo ou écrits. Nous avons finalement mixé les 3 approches. C’est donc à travers ces situations que nous nous sommes rendus compte de l’importance de fournir aux enseignantes un support technopédagogique qui puisse répondre à leurs questions, les orienter vers les bonnes ressources, faire émerger certaines idées, fournir certains contenus, favoriser les usages, sans pour autant faire le travail à leur place. Ainsi, proposer aux enseignantes formation continue et support technopédagogique serait l’idéal selon nous. De plus, ce type de support permettant aux enseignantes de recevoir une réponse assez rapidement leur apporte une certaine quiétude.

Loïc : « Là, on a vu que le carnet de bord s'est transformé un peu en « support ». C'était aussi de notre part, c'était de bonne guerre, parce que voilà, c'est la moindre des choses qu’on s'investisse aussi. Ce qui ne serait pas forcément le cas quand on se retrouve dans un autre projet d’utilisation et d’intégration de tablettes. Est-ce que ça serait embêtant de ne pas avoir Est-ce support ? Est-Est-ce que Est-cela vous semblerait important d'avoir un support technopédagogique ? » - Ens2 : « Pfff, moi, j’pense que oui. De savoir qu’on peut demander… » - Ens1 :

« Ouais, moi je crois. C'est rassurant aussi. Mais pas juste rassurant. Mais oui. » - Ens2 : « Moi, parfois, j’ai cherché un petit peu et quand je ne trouvais pas, hop dans le carnet de bord. Je disais on va bien le lire ! » [rires] et je suis sûr qu'on va me répondre. Et puis c'est vrai ! À chaque fois, j'ai eu une réponse donc. » - Loïc :

« Ouais, sauf une fois où j'ai oublié de répondre… » - Ens2 : « Ha ouais, sur la fin. Non mais là, j’ai eu l'aide d'un élève. À part ça, je n'ai pas été plus ennuyé que ça avec cette histoire. Je me suis dit « ben je n’ai pas la réponse, tant pis on va faire autrement ». Et puis, ben ça s’est mis en place. C'est vrai que j'ai trouvé agréable…

Enfin, l'idée même que l'on puisse poser une question dans le carnet de bord et de savoir que l'on va vous répondre, j’ai trouvé agréable. Donc il y a un réel support quoi, c’est bien. » - Ens1 : « Ouais, et puis quand tu répondais avec un tutoriel et en images… » - Ens2 : « Ha ouais ! » - Ens1 : « …c’est beaucoup plus facile à comprendre que tout le texte.149 » - Ens2 : « Ben oui. » [P2-§338-347]

148 Prénom d’emprunt

149 Peut-être aurais-je dû faire mon mémoire en images…

115 Nous nous sommes intéressés aux perceptions qu’avaient les élèves au sujet du niveau de compétences de

leurs maîtresses. A la question « Selon toi, qui utilise le mieux la tablette, les élèves (c’est-à-dire toi tes camarades de classe) ou ta maitresse ? [pause] T’arriverais à me dire pourquoi ? », les élèves nous donnent des réponses partagées. Un élève a perçu une différence d’aisance entre ses deux maîtresses. Ils estiment que c’est avant tout l’habitude qui permet de mieux utiliser une tablette, ou encore le fait d’en posséder une.

Él1 : « Ben, y a des élèves qui utilisent mieux que les maîtresses et d’autres moins bien. Parce qu’il y en a qui sont plus entraînés. » [P5-§83]

Él3 : « C’est les élèves. Parce que y en a qui savent très bien. Mais il y en a aussi qui utilisent moins bien parce qu’ils ont pas de tablette chez eux. Ceux qui ont des iPhone, par exemple comme moi, ils peuvent mieux utiliser les tablettes. » - Loïc : « c’est la même chose qu’une tablette un iPhone ? » - Él3 : « Ben c’est un peu la même chose, sauf que c’est en plus petit. » [P5-§85]

Él5 : « Les deux. Ca dépend en fait. Ca dépend si ils sont habitués ou pas. » - Loïc : « T’as l’impression qu’il y a des élèves qui sont moins habitués que d’autres ? » - Él5 : « Oui. » - Loïc : « Et il se passe quoi pour ceux qui sont moins habitués ? » - Él5 : « Ben, y a les autres qui les aident. » - Loïc : « Et tes enseignantes, y en a une qui est plus habituée que l’autre ? » - Él5 : « [Ens2], elle est un peu moins habituée. [Ens1] elle a un iPhone je crois.

Alors elle est quand même un peu plus habituée pour les applications et tout ». [P5-§86]

Él6 : « Y a certains élèves qui utilisent mieux les tablettes que les enseignantes. » - Loïc : « Et pourquoi, selon toi ? » - Él6 : « Parce qu’ils en ont chez eux et donc ils ont l’habitude. » [P5-§87]

Él7 : « Les deux. Parce qu’il y en a quelques-uns qui utilisent mieux les tablettes que nos maîtresses. » [P5-§88]

Él8 : « Les élèves. » [P5-§89]

Nous pouvons voir ici que les élèves ne semblent pas avoir perçu que leurs enseignantes n’étaient pas toujours à l’aise avec la tablette. Deux élèves ont remarqué que leurs enseignantes étaient quelques fois un peu perdues, voire maitrisaient moins bien qu’eux (certainement les élèves qui ont pu apporter des réponses/solutions à leur enseignantes lors de problèmes). Lorsque nous leur avons demandé si, selon eux, leurs enseignantes devraient suivre un cours pour mieux utiliser les tablettes, tous les élèves nous ont répondu non. Pour les autres élèves, leurs enseignantes n’ont pas besoin de suivre un cours. Cela démontre que la perception des enseignantes et des élèves ne sont pas les mêmes et bien qu’elles ne se soient pas toujours senties à l’aise, elles ont toujours réussi à donner l’impression inverse et, dans les « pires » situations, à valoriser l’élève qui disposait des compétences qu’elles n’avaient pas. Néanmoins, cette envie de maîtriser au mieux l’outil les a poussées à tester les applications, à préparer au mieux leurs cours en amont et ce, en vue d’être le plus rassuré possible et que l’activité puisse se dérouler comme prévu.

Ens2 : « Alors bon, ça ne veut pas dire que parfois, moi, durant toutes ces semaines, je me suis trouvée face à quelques difficultés quand même. » - Ens1 : « Ha ouais moi aussi. » - Ens2 : « Alors on est là avec les élèves, alors bon, on regarde « bon, comment est-ce que l'on pourrait faire ça ? » Et il y en a toujours un ou deux qui arrivent à trouver la solution, je trouve ça fantastique. Je suis « Ha bravo super ! ». Merci quoi [rires]. »

[P1-§332-334]

« Mais arriver devant les élèves et de ne pas savoir du tout… » - Ens1 : « Déjà tu cherches une application, tu cherches sur toutes les pages parce que tu ne sais plus où elle est. » - Ens2 : « Ouais. Oui, moi j'ai eu besoin à chaque fois que l'on a utilisé la tablette, il a fallu que je teste tout d'abord. » [P1-§334-336]

Ens2 : « 19 janvier : J'ai préparé un petit fil rouge en vue de la séance de lundi, histoire de me rassurer un peu...

Je ne suis toujours pas a l'aise avec la tablette mais on verra bien. J'ai exploré l'application Google Earth et

116 c'est réellement un outil génial!! Dommage que nous n'aurons notre prochaine formation continue sur le

thème de "comment exploiter Google Earth" qu'au mois de mars. Nous n'aurons plus les tablettes... » [P6-§24]

C’est donc une part importante de travail en amont que doivent assumer les enseignantes. Nous avons pu pointer les activités principales qui sont effectuées par les enseignantes en « back office » (gestion et préparation des cours, recherche et constitution de matériel pédagogique.). A travers ces activités, les enseignantes visent : une meilleure appropriation technique de l’outil (point important pour nos enseignantes, et qui semblerait avoir un impact sur leur confiance personnelle et leur niveau de stress lors de la manipulation de la tablette face aux élèves) ; les tests et utilisations d’applications (réalisés en amont afin d’orchestrer au mieux la séance prévue) ; la gestion technique de l’appareil et des contenus (mises à jour, recharge du matériel, transferts de fichiers…) ; la recherche de nouvelles applications pour les prochaines activités prévues (l’activité prévue influence le type de recherche d’applications ou contenus).

Toutes ces activités constituent, à leurs façons, une découverte de fonctionnalités et un soutien à la prise en main de l’outil (processus d’instrumentalisation) et modifie la perception des enseignantes au sujet du champ des possibles et de leurs manières d’organiser les savoirs (processus d’instrumentation). Ces activités réalisées en « back office » présentent une forte composante chronophage. Ainsi, organiser une activité dite pédagogique et misant sur l’usage de la tablette a demandé un temps de préparation important de la part des enseignantes. Cependant, cette durée tend à se réduire au fil d’une pratique fréquente et régulière.

Notons aussi que les compétences antérieures en matière d’usages des TICE favorisent la diminution du temps de préparation.

Cet extrait nous démontre l’importance du travail en amont. Ici la description dans le carnet de bord pour une activité de géographie et dont l’objectif principal était la création de la carte d’identité d’un canton en vue d’une présentation orale du canton choisi.

Ens2 : « 16 avril : Organisation de la séance en amont :

- imaginer la séance avec les tablettes : se poser des questions sur la pertinence de l’emploi des tablettes dans ce genre d’activité (vu le peu de ressources disponibles au CRDP et des ressources vieillottes, la tablette est incontournable !), pertinence du travail en duo (forcé puisque 4 tablettes pour 17 élèves!), faciliter ou non l’accès aux informations.

- imaginer le support : essayer d’identifier ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas.

- préparer les tablettes : mise en charge, placement des icônes sur la tablette, essai d’insertion d’images, création de la trame.

-

Tout cela a demandé du temps (entre 4-5h. l’appréhension de se planter a certainement joué un rôle). Les moments de tâtonnement au niveau de l’insertion d’image ont pris bcp de temps... Ce qui m’a fait rager, c’est qu’un élève en 3 clicks a su le faire. Ils ont vraiment bcp de ressources ces petits :-) Du coup il y a maintenant 2 heureux : Manuel parce qu’il a pu montrer à la maîtresse comment s’y prendre et moi qui ai appris une manipulation que je ne savais pas faire :-) » [P6-§156-160]

Nous nous demandons s’il est possible que les enseignants du primaire soient « désavantagés ». En effet, leur posture nécessitant des savoirs dits génériques leur demande donc de « tout savoir » sur « tout ». Ces enseignants auraient donc un plus grand nombre de disciplines à connaître, par rapport aux enseignants du secondaire qui se retrouveraient dans une posture de spécialiste dans une matière spécifique. Dans ce dernier cas, peut-être est-il « plus facile » de se former sur une seule application (ou suite d’applications) qui traitent d’un thème unique que sur une multitude d’application couvrant l’ensemble des domaines disciplinaire du PER en enseignement primaire?

117 Loïc : « Donc, là je reviens sur les tablettes, ça veut dire qu'il faut quand même un temps d'appropriation. Si on

vous les avait données le vendredi soir et que vous deviez les mettre lundi matin dans votre classe… » - Ens1 :

« Non. » - Ens2 : « [l’air effrayée] Hoooo, quelle horreur!!! Ho non, parce que moi ça m’a pris du temps. » - Loïc : « Donc, a priori, les 2 tablettes que vous avez eues pendant deux semaines avant [de les utiliser en classe]

vous ont servi ? » - Ens1 : « Oui, oui. » - Ens2 : « Oh, ben oui. Ça m'a rassurée un peu parce que j'ai pu vraiment manipuler. Parce que sinon… » - Ens1 : « Pour regarder tout ce qu'il y avait dedans aussi. » - Ens2 : « …sinon, j’aurais vraiment balisé quoi. » - Loïc : « Quelle aurait été la peur ? Peur qu'il se passe quoi ? » - Ens2 : « [rires un peu nerveux] » - Loïc : « Ou qu’il ne se passe pas quoi ? [rires] » - Ens2 : « Juste de ne rien savoir quoi faire avec ce truc. Chouette, on m'a mis dans les pattes un outil que je ne sais pas utiliser. Non mais attends, il n'y a rien de plus angoissant que ça. » - Ens1 : « Ouais, tu en fais quoi ??? » - Ens2 : « Alors bon, ça ne veut pas dire que parfois, moi durant toutes ces semaines, je me suis trouvé face à quelques difficultés quand même. » - Ens1 : « Ha ouais moi aussi. » - Ens2 : « Alors on est là avec les élèves, alors bon, on regarde [et on se dit] "bon, comment est-ce que l'on pourrait faire ça ?" Et il y en a toujours un ou deux qui arrivent à trouver la solution, je trouve ça fantastique. Je suis là "Ha bravo super ! Merci quoi" [rires]. Mais arriver devant les élèves et de ne pas savoir du tout… » - Ens1 : « Déjà tu cherches une application, tu cherches sur toutes les pages parce que tu ne sais plus où elle est. » - Ens2 : « Ouais. Oui, moi j'ai eu besoin à chaque fois que l'on a utilisé la tablette, il a fallu que je teste tout d'abord. » Ens1 : « Moi aussi. » [P1-§319-337]

En somme, si son niveau de compétence n’est pas adéquat, il parait primordial que l’enseignant se forme aux usages pédagogiques (et pas forcément technique) de la tablette, tout en gardant ses objectifs d’enseignement bien en vue. Pour cela, l’enseignant (ou plutôt l’institution) devrait libérer du temps. La genèse instrumentale n’est pas un processus qui se réalise en quelques semaines. L’un des risques dans le cas où l’enseignant ne disposerait pas du temps suffisant serait de se reposer sur ses acquis et les usages qu’il maîtrise, et ainsi répéter toujours les mêmes activités pédagogiques. Et comme nous l’avons maintes fois dit, ce sont avant tout les usages pédagogiques et non les usages techniques qui sont visés par l’enseignement et favorisent l’apprentissage. Voilà pourquoi, selon nous, nos deux enseignantes s’en sont bien sorti. Malgré leur peur de ne pas maîtriser les aspects techniques, elles s’en sont tenues à leur première mission : la pédagogie. Cela rejoint ce qu’expriment Bétrancourt et Bozelle : « la connaissance des usages pédagogiques est plus déterminante que la compétence technologique » (2012). C’est pourquoi, il nous semble primordial que des moyens en formation, des soutiens et du temps libéré soient offerts aux enseignants désirant s’engager dans un projet novateur misant sur le TICE.

Ens2 : « […] c'est aussi une question de temps. Pour les tablettes, on a bien dû prendre le temps. Et puis, comme on était dedans, on a appris plus à les utiliser. » [P1-§316]

Avoir et laisser passer du temps est donc primordial pour favoriser, d’une part, la genèse instrumentale, et d’autre part, de bons usages pédagogiques des TICE. Exiger de la part des enseignants qui n’ont pas encore les compétences nécessaires d’être opérants et efficaces en quelques semaines n’est donc simplement pas possible ni cohérent. Au contraire, cela risquerait de les conditionner à se cristalliser sur le principe d’économie tel que défini par Rabardel (1995b), c’est-à-dire une tendance à s’investir dans les outils qu’ils connaissent le mieux. C’est pourquoi, la formation, l’entraînement et le temps devraient permettre à ces enseignants d’atteindre les deux principes suivants, à savoir la recherche d’efficacité dans laquelle l’individu choisit l’outil qui lui paraît le plus efficace pour atteindre ses objectifs puis l’atteinte d'un équilibre dans l'outillage où l’enseignant organise et restructure les outils afin d’atteindre un bon équilibre entre les deux premiers principes : la recherche d’efficacité et le principe d’économie. C’est donc un équilibre qui doit être visé par l’enseignant et qui puisse répondre « au souci d'efficacité et d'économie d'effort de l'individu [l’enseignant] pour atteindre ses objectifs. Il témoigne que l'outil est véritablement devenu l'instrument de son action pour l'individu » (Docq & Daele, 2003).

118