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Comme nous l’avons vu plus haut, les interfaces tactiles existent depuis plusieurs décennies et les tablettes ne sont aucunement les premiers dispositifs à disposer de cette technologie « soi-disant » nouvelle. C’est pourquoi il existe actuellement différentes technologies permettant de rendre une dalle tactile (capacitifs, résistifs, optiques et à ondes). Selon Le petit Robert, l’écran tactile est un

« écran de visualisation réactif au toucher et permettant de dialoguer avec l’ordinateur sans souris ni clavier, par le simple contact des doigts ». Le principe de base est donc de repérer la position d’un (ou plusieurs) doigt-s, ou objet-s, à la surface de la dalle. L’une des technologies les plus répandues actuellement (et celle présente dans les tablettes que nous avons utilisées pour cette recherche : iPad 2) est basée sur le modèle d’écran tactile dit capacitif. Ces dalles utilisent une surface en verre sur laquelle est appliquée une couche de métal transparent et conducteur, l’indium23. Lors de la pression d’un doigt sur la surface tactile, le corps humain joue le rôle de conducteur électrique, et le contrôleur repère puis traduit cette pression en coordonnées X et Y. Le contact doit donc obligatoirement être réalisé par un objet conducteur. C’est pourquoi un stylet ou un gant non prévu pour les modèles de dalles de type capacitif ne sera tout bonnement pas repéré.

4.7.1 Utilisation d’une interface tactile

Jusque-là, l’ordinateur non tactile proposait à son utilisateur une interface graphique associée à des menus nécessitant, pour la sélectionner et la manipuler, l’usage d’un clavier et/ou d’un périphérique de contrôle supplémentaire similaire à une souris/trackpad. Ce n’est que récemment que les interfaces tactiles ont été intégrées dans la majorité de dispositifs mobiles tels que tablettes, smartphones ou encore ordinateur tablette. Les dispositifs mobiles à interface tactiles tendent donc à devenir la norme en matière d’offre.

Il est naturel de se demander si ce type d’interface tactile est fondamentalement si différent d’un écran dit « standard ». Aux dires des recherches, l’interface tactile n’est de loin pas vue comme un gadget et est bel et bien vue et vécue comme un réel plus par l’utilisateur. Ce type d’interface induit une autre logique et une utilisation passablement différente de l’utilisation standard que l’utilisateur fait d’un ordinateur. La tablette tactile demande à l’utilisateur d’utiliser le geste en faisant appel, en général, à son (ou ses) doigt-s et, dans certains cas, à un stylet, ou encore une pièce à encre numérique. L’utilisateur fait donc appel à l’aspect naturel du geste rendant ainsi l’interface « plus intuitive, plus facile à apprendre et plus agréable à utiliser » (Bétrancourt et Bozelle, 2012). Comme le dit très justement Bétrancourt, « ce qui change avec les tablettes tactiles c’est que le geste est porteur de sens […] Cela induit une interaction beaucoup plus naturelle et directe » (Cerveau &

Psycho, 2012). Ainsi, l’interface tactile répond à une autre logique et réintroduit la coordination œil-main qui était perdue avec l’usage de la souris et dans laquelle « l’œil suit et contrôle ce que fait la main, comme pour l’écriture, le dessin et autres activités de précision. » (Bétrancourt et Bozelle, 2012).

Lachapelle-Bégin (2012) explique dans son rapport traitant d’expérimentations iPad réalisées dans les cégeps et collèges du Québec que « la possibilité de manipuler des objets avec la main plutôt qu’avec la souris rend l’utilisation de la tablette plus intuitive et favorise les expériences d’apprentissage kinesthésiques ». A titre d’exemple, l’application Molecules pour iPad permet de représenter des molécules en trois dimensions et de les manipuler avec les doigts. Lachapelle-Bégin estime que ce type de simulation faisant appel au geste semble être très stimulant pour les

23 L’indium est un élément présent de manière infime dans les mines de Zinc, considéré comme étant en voie de disparition et faisant partie des « terres rares ». Le magazine Micro Pratique n°195 (décembre 2012) estime qu’au rythme actuel de production, « les gisements économiquement viables d’indium seront épuisés autours des années 2020 ». En 2020, soit « demain »…

13 étudiants, surtout dans des matières où le contenu est abstrait, comme peuvent l’être la physique, la

chimie, la biologie ou les mathématiques.

Cette interaction semble donc plus facile à apprendre par rapport à l’interaction main-souris dans laquelle la consommation de ressources cognitives est plus importante pour établir le lien entre le geste et le résultat désiré. Ainsi, Bétrancourt et Bozelle (2012) pointent un aspect important lié à la mobilisation des ressources cognitives et expliquent que « la réintroduction du geste signifiant et de la coordination œil-main facilite la gestion de l’attention sur les éléments importants de la tâche, libérant des ressources pour l’apprentissage ». Bétrancourt (2012) précise plus particulièrement que

« ce type d’interaction libère des ressources liées à l’attention, la mémorisation et la perception, pour des activités d’apprentissage de lecture et de calcul ». Cela semble encore plus vrai avec une interface tactile dite multi-touch24, où celle-ci essaie d’imiter la façon dont les objets réels se comportent et tente de rendre l’expérience tactile encore plus proche du sens même du mouvement réalisé. Ainsi, les nombreuses recherches en éducation spécialisées démontrant un réel gain de ressources attentionnelles et cognitive apporté par l’interface tactile, notamment auprès d’élèves en situation de handicap (autisme, déficience visuelle, dyslexie), ouvrent des pistes intéressantes quant à l‘utilisation d’interface tactile. Ce constat est confirmé par Marc Geiser qui réalise, lui aussi, un projet prospectif sur l’intégration des tablettes tactiles en collaboration avec les SEM et l’OMP25 auprès d’enfants et adolescents atteints d’autisme et de problèmes moteurs cérébraux. Une plus-value très claire est ainsi perçue en termes de gain de ressources attentionnelles et cognitives apportées par l’interface tactile. L’écran tactile rendrait aussi le travail collaboratif autour d’une même tablette plus convivial en n’imposant plus au participant de faire circuler la souris ou le clavier entre eux.

4.7.2 Renversement de l’écran et nouveaux usages en perspective

Une des particularités de la tablette et des appareils mobiles tels que smartphones est d’être passé de la position fixe à une position mobile et « renversable » de l’écran. Avoir ainsi fait passer l’écran de la position standard (écran posé sur une table, faisant face à l’utilisateur et dont l’affichage se fait très majoritairement sur un mode dit « paysage ») à la position plate ou légèrement inclinée (écran posé sur une table, sur les genoux ou dans les mains de l’utilisateur, et dont l’affichage se fait autant en mode paysage qu’en mode portrait), donne lieu à d’autres modes de représentation et usages possibles. C’est donc une nouvelle autre vision de l’écran que l’utilisateur appréhende et de nouveaux types d’interaction qui se profilent. En effet, cette horizontalité permet des usages jusque-là peu pratiqués. Il devient donc possible d’interagir sur l’écran en disposant des objets tangibles comme le propose par exemple les éditions volumiques26 qui consacrent un pan de leurs recherches à l’interaction en temps réel entre environnements virtuels et objets réels. Ce studio travaille sur la conception, le développement et l’usage de pièces dont la surface inférieure est recouverte d’encre conductrice et permettent ainsi l’interaction avec les écrans tactiles capacitifs. Ainsi, la tablette analyse le triangle situé sous la pièce constitué de trois picots (remplaçant les doigts). Ses informations servent à localiser l’emplacement exact et l’orientation de la pièce sur l’écran. C’est donc une extension de l’écran tactile augmenté par la manipulation de pièces tangibles en 3D que ce studio propose ici, un peu à la manière d’un jeu de société sur plateau d’une « nouvelle génération ».

D’autres sociétés proposent le même genre de types d’interaction via leur propre tablette, offrant par la même occasion d’autres fonctionnalités et une plus grande surface interactive.

24 Multi-touch, multi-tactile ou tactile multipoint fait référence à un matériel qui répond à des impulsions simultanées de plusieurs points de contact (ex. plusieurs doigts).

25 Office Médico Pédagogique.

26 Cette entreprise est un studio d’invention, conception et développement de nouveaux types de jeux et jouets, basés sur la mise en relation du tangible et du digital. Plus d’info : http://volumique.com/v2

14 Nous citerons à titre d’exemple « Dungeon Light », un jeu d’énigme où chaque figurine explore le terrain avec ses capacités uniques d’éclairage et d’obscurcissement en temps réel. Le but étant de découvrir et parfois combattre les monstres, fées et autres créatures qui se cachent dans les ténèbres. La Figure 3 illustre le placement d’une figurine possédant une torche éclairante dont le déplacement influence le placement des ombres des deux tours.

« Pirate vs Tentacles » est un jeu de plateau stratégique sur tablette basé sur le fameux jeu des batailles navales entre pirates et corsaires.

Chaque joueur doit explorer les îles, récolter des ressources et trouver des trésors afin de les ramener à destination. La Figure 4 montre les pions (pirates et corsaires) sur et hors plateau de jeu.

Ces nouvelles formes d’interactions entre écran tactiles et objets tangibles pourront peut-être véhiculer des usages inédits de la tablette. Ce genre de développement semble aussi démontrer une nouvelle représentation de l’outil tablette dont les applications sont en très grande partie développées pour un usage individuel. Dans le cas des exemples cités ci-dessus, les potentialités sont prises en compte pour mener des activités entre plusieurs individus et ce, qu’elles soient compétitives ou collaboratives.

Néanmoins, nos craintes se voient liées au fait que les utilisateurs devront peut-être posséder un nombre de pièces toujours plus élevé27 pour mener à bien leurs activités. Sans quoi, l’utilisation de ladite application se verrait bridée par manque de pièces adéquates. Cette logique limitative est déjà largement répandue et appliquée par de nombreux développeurs d’applications ne nécessitant pas de pièces tangibles. Ainsi, l’utilisateur se doit de procéder à l’achat de pièces ou fonctionnalités (non tangibles, cette fois-ci) pour pouvoir accéder à l’ensemble des fonctionnalités, initialement bridées, mais obligatoires pour mener à bien son activité. Un autre désavantage est lié au fait que l’augmentation de pièces et/ou périphériques externes irait contre la logique de l’outil « tout en un » et « ultra mobile » que représente actuellement la tablette.

Bien que notre étude ne s’intéresse pas directement au bébé ou jeune enfant, les formes d’interactions présentées plus haut faisant appel aux pièces tangibles pourront peut-être avoir une influence sur ce propos de Serge Tisseron : « Si nous condamnons l’utilisation des tablettes chez le jeune enfant (sauf de façon ponctuelle et accompagnée), c’est pour lui donner le temps de construire d’abord ses repères corporels et temporels propres. C’est alors seulement qu’il pourra constituer un mode de relation satisfaisant aux technologies numériques, en trouvant la bonne distance à laquelle les situer au sein de l’ensemble de ses expériences du monde. L’enfant qui sait utiliser des cubes réels gagnera beaucoup à assembler des cubes virtuels. Mais celui qui ne sait pas assembler des cubes réels ne gagnera rien à assembler des cubes virtuels. » (2013a).

27 Et dont le prix n’est pas encore communiqué…

Figure 3: Dungeon Light (éditions volumiques).

Figure 4: Pirates vs Tentacles (éditions volumiques).

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Principaux résultats de recherche sur la tablette tactile