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Chicxulub structure

III- 3-4-1 Nannofossiles calcaires

Comme les Foraminifères planctoniques, les nannofossiles calcaires, de par leur évolution rapide et leur grande abondance dans les sédiments marins, à l'échelle globale, constituent un groupe à haute résolution biostratigraphique au voisinage de la limite K/P. Chez ce groupe, l'importance des extinctions de la fin du Crétacé a été décrite il y a plusieurs décennies (Bramlette, 1965; Worsley, 1974). Percival et Fischer (1977) caractérisent les associations de la transition Crétacé-Tertiaire par des espèces qui disparaissent, des espèces qui persistent et d'autres qui apparaissent; les études détaillées de ces associations n'ont été abordées qu'assez récemment.

Il est actuellement admis, par une majorité de spécialistes, que la limite Crétacé/Tertiaire est marquée par une grande réduction en richesse et abondance des espèces crétacées, suivie d'une floraison rapide de certaines espèces de "survivants", puis de l'apparition des morphologies daniennes. Dans les dépôts de mer ouverte, les assemblages de nannofossiles montrent une grande abondance et diversité jusqu'au sommet du Maastrichtien et ne semblent affectés d'aucune disparition, ni réduction significative, avant la chute drastique marquant la fin du Crétacé. Certaines morphologies classiquement connues au Danien seraient représentées (bien que rares et de petite taille) dès le Maastrichtien terminal (Romein et al., 1996; Mai, 1999; Gardin, 2002); cette présence semble en relation avec les paléoenvironnements et nécessite des études complémentaires. Au Danien basal, les premières associations montrent la dominance de morphologies (dites "de désastre") des genres Thoracosphaera (Dinoflagellé calcaire) et Braarudosphaera, associées à quelques espèces crétacées persistantes et qualifiées d'opportunistes (Markalius inversus, Cyclagelosphaera reinhardtii, Octolithus romeinii). La majorité des spécialistes s'accordent sur un renouvellement en deux étapes: une première étape qui montre l'apparition d'espèces naines appartenant au genre Neobiscutum, suivie d'une seconde étape caractérisée par l'apparition d'espèces plus grandes et "complexes", appartenant aux genres Cruciplacolithus et Coccolithus. Les associations de nannofossiles calcaires restent toutefois peu diversifiées, la productivité planctonique serait considérablement réduite immédiatement après l'événement K/T. Une succession de stades, dominés par les "survivants" ou par les nouvelles morphologies "naines", caractérise un intervalle d'instabilité et de faible productivité, qui précède le rétablissement de conditions plus favorables au développement et à la calcification des nannofossiles typiquement tertiaires. Ce rétablissement s'effectue à des niveaux qui se corrèlent à la zone à Parasubbotina pseudobulloides en terme de Foraminifères planctoniques (Gardin et Monechi, 1998).

Pour plusieurs auteurs, les résultats obtenus dans les analyses des nannofossiles à la transition Crétacé-Paléogène semblent difficiles à interpréter. Si les spécialistes s'accordent sur une chute brutale des associations, il n'en est pas le cas pour l'interprétation de la présence d'une grande population "maastrichtienne" dans les premiers niveaux du Danien. La présence d'une seule grande étape d'extinction, exactement à la fin du Maastrichtien, est de ce fait loin de faire l'unanimité. Les nannofossiles étant de très petite taille et susceptibles aux remaniements (suite aux bioturbations ou au re-dépôt), il est difficile de distinguer les espèces remaniées de celles qui survivent réellement à l'extinction (Keller et Perch-Nielsen, 1995; Gardin et Monechi, 1998). Par conséquent, l'effet direct de la crise K/T sur les nannofossiles ne peut être estimé avec précision ou certitude. Pour certains spécialistes, l'extinction en masse ne s'achève qu'au Danien basal, une grande population maastrichtienne échapperait donc à l'événement K/T (Perch-Nielsen et al., 1982; Keller et Perch-Nielsen, 1995). Pour d'autres, la présence de plusieurs espèces maastrichtiennes à la base du Tertiaire n'est que le résultat de remaniements intenses, étant donnée la nette réduction dans leurs abondances (Thierstein, 1981; Smit et Romein, 1985; Jiang et Gartner, 1986; Pospichal, 1994) ou leur signal isotopique (δ13C et δ18

O) du Crétacé (Minoletti et al., 2004). Selon Pospichal (1996), bien qu'il existe un certain provincialisme dans les associations du Maastrichtien et du Danien, le mode de l'extinction affectant le nannoplancton paraît similaire à différentes latitudes et constitue un événement instantané à la limite K/T. Dans les coupes du NW de la Tunisie, la diversité spécifique chute rapidement de part et d'autre de cette limite (Keller et al., 1995; Dupuis et al., 2001; Gardin, 2002), mettant ainsi en évidence une réduction de diversité de 50 à 60% (certaines espèces, mais pas toutes, sont vraisemblablement remaniées dans les premiers dépôts du Danien).

Les aspects de la transition Crétacé-Paléogène en terme de nannofossiles calcaires semblent donc loin d'être établis avec certitude, car les mécanismes d'extinction et de renouvellement seraient complexes. La grande chute en abondance et en diversité spécifique, accompagnée d'un "bloom" des Thoracosphaera spp. se produit immédiatement après le dépôt du niveau à iridium dans les coupes les plus complètes (Gardin et Monechi, 1998). Des remaniements importants conduiraient à la présence de la nannoflore crétacée au Danien basal, mais les spécialistes n'excluent pas la survivance d'un certain nombre d'espèces. De ce fait l'importance et l'instantanéité de l'extinction K-T en terme de nannofossiles est loin de faire l'unanimité, bien qu'il s'agisse tournant dans l'histoire de ce groupe. Parmi les genres issus du Crétacé, certains persistent jusqu'au Paléocène et à l'Eocène et 4 genres existent

encore actuellement (Keller et Perch-Nielsen, 1995). Au niveau générique, les nannofossiles calcaires ne montrent donc pas un renouvellement complet, contrairement au cas des Foraminifères planctoniques, lors du passage du Crétacé au Tertiaire.

III-3-4-2. Dinokystes

Dans les coupes classiques d'environnements marins, les parois cellulosique (ou kystes) de dinoflagellés franchissent la transition Crétacé-Tertiaire sans subir d'étape d'extinction remarquable (Brinkhuis et al., 1998). Au contraire, ce groupe de microfossiles semble prospérer, et on perçoit souvent les argiles de la limite K/T comme une "soupe de dinoflagellés" (Smit, 1996). D'autres modifications affectent ce groupe et constituent une réponse aux changements survenus dans les paléoenvironnements à cette époque; il s'agit en particulier d'une augmentation de richesse et diversité des associations au voisinage immédiat de la limite K/T. Dans la coupe stratotypique d'El Kef, les dinokystes ne montrent pas d'accélération des extinctions à la limite K/T, au moment où l'apparition des espèces Damassadinium californicum et Carpatella cornuta coïncident avec cette limite telle qu'elle est indiquée par l'extinction des Foraminifères (Brinkhuis et Zachariasse, 1988). Les associations de dinoflagellés montrent ensuite un certain déséquilibre dans les niveaux suivants, le retour aux associations stables ne s'observe qu'assez tard au Danien basal. Selon ces auteurs, il s'agit de changements en relation avec une instabilité des niveaux marins, accompagnée de conditions de faible productivité océanique à la transition Crétacé-Tertiaire. Dans la coupe de Aïn Settara (Tunisie centrale), les dinokystes, qui constituent le groupe de microfossiles organiques le plus diversifié à la transition Crétacé-Tertiaire, ne montrent un changement substantiel qu'au-delà de la limite K/T (Dupuis et al. 2001). Dans cette coupe, aucune disparition ne coïncide avec la limite K/T; à l'inverse, plusieurs espèces apparaissent au voisinage de cette limite et aboutissent à une grande diversité au Danien basal. Dans la région stratotypique du Maastrichtien (SE Pays Bas), l'apparition de Senoniasphaera inornata a été utilisée pour caractériser le début du Danien; elle s'accompagne d'une "complexité" des associations, due à des échanges entre diverses latitudes (Smit et Brinkhuis, 1996). Dans la région de Turnhout (Belgique), la limite Crétacé-Paléogène est marquée par les premières apparitions de Danea californica et Carpatalla cornuta au-dessus d'un hardground qui coïncide avec un changement de faciès (Slimani, 2001). Dans les régions australes (ODP Site 1172, East Tasman Plateau), le passage du Maastrichtien au Danien est indiqué par la disparition de Manumiella spp., un afflux massif de Palaeoperidinium pyrophorum et un changement brutal des associations de part et d'autre d'un hardground. Ces critères témoignent

de la présence d'un hiatus à la limite K/T (Brinkhuis et al., 2003). Ces auteurs notent que la présence d'espèces daniennes (Trithyrodinium evittii et Senoniasphaera inornata) avant la limite K/T serait due aux bioturbations.

Dans la coupe d'Ouled Haddou, les premiers dépôts du Danien montrent la présence des principaux marqueurs qui caractérisent globalement la limite K/P. Le passage du Maastrichtien au Danien, indiqué par un changement drastique chez les foraminifères planctoniques (Toufiq et al., 2002), coïncide avec l'apparition de plusieurs espèces, dont Damassadinium californicum, Carpatella cornuta, Membranilarnacia tenella, Senoniasphaera inornata, Fibrocysta ovalis et Kenleyia spp. (Slimani et al., 2004). Contrairement aux Foraminifères, les dinokystes ne montrent pas de changement à caractère catastrophique à la limite K/P.

La réponse des dinokystes aux événements de la transition Crétacé-Tertiaire est donc assez complexe. Ce groupe de microfossiles organiques n'est pas affecté d'extinction (contrairement à la majorité des groupes paléontologiques), il montre plutôt une richesse et diversité au voisinage de la limite K/T. Des variations (quantitatives et qualitatives) instantanées des associations de dinokystes (accentuées par des migrations à différentes latitudes) résulteraient des fluctuations rapides des températures des eaux marines superficielles à l'issue de l'événement Crétacé-Tertiaire (Smit et Brinkhuis, 1996; Brinkhuis et al., 1998). Selon ces auteurs, le retour aux associations stables de dinokystes ne sera observé qu'une centaine de milliers d'années plus tard au Danien basal.