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la transition Crétacé-Tertiaire

(d’après

Keller et Stinnesbeck 1996, simplifié); (1): z ones à foraminifères pl anctoniques

Le caractère global d'une régression généralisée à la fin du Crétacé ne fait pas l'unanimité; son rôle supposé dans les extinction a fait l'objet de nombreuses critiques. Une chronologie détaillée des variations eustatiques au voisinage de la limite Crétacé/Tertiaire nécessite une haute résolution stratigraphique. Des variations affectant les associations des Foraminifères indiquent un épisode transgressif légèrement avant la fin du Maastrichtien (Brinkhuis et Zachariasse, 1988; Schmitz et al., 1992; Molina et al., 1998; Dupuis et al., 2001), mettant un terme à la baisse du niveau marin du Maastrichtien supérieur. Selon MacLeod et Keller (1994), l'effet des variations eustatiques sur les associations de Foraminifères planctoniques varie selon la profondeur du milieu, il est plus exprimé à El Kef et à Brazos River qu'à Caravaca. A Elles (Tunisie), l'épisode transgressif du Maastrichtien sommital est mis en évidence par des analyses minéralogiques (argiles), géochimiques, lithologiques et micropaléontologiques (Stüben et al. 2002). Au Danien basal, de brefs hiatus (initialement décrits par MacLeod et Keller (1991a)) indiquant des épisodes régressifs, ont été

mis en évidence par les variations des associations de Foraminifères planctoniques dans plusieurs régions.

Les variations du niveau marin, bien que complexes, témoignent globalement d'une instabilité à la transition Crétacé-Tertiaire. Des variations eustatiques locales ou régionales, d'origine tectonique ou physique (impact), se manifestent par des changements lithologiques. Cependant, même en régions supposées stables, des études aboutissent parfois à des résultats contradictoires, marquant localement la limite K/T par une régression (Keller et al., 1998) ou par une transgression (Pardo et al., 1999). Mais à l'échelle globale des indices (micro)paléontologiques et isotopiques témoignent de l'importance du glacio-eustatisme dans ces variations.

III-2-3. Volcanisme

A côté d'une importante activité tectono-eustatique, un volcanisme intense caractérise la transition Crétacé-Tertiaire; il est parfois considéré comme phénomène brutal ayant joué un rôle important dans les extinctions de la fin du Crétacé (McLean, 1985). Pour les partisans de la théorie du volcanisme, la grande activité des éruptions basaltiques aurait provoqué un changement dans le climat et dans la composition de l'atmosphère; certains auteurs envisagent également une source volcanique pour l'iridium déposé à la limite K/T (voir ci-dessous). Il est maintenant établi qu'une intense activité volcanique s'étend sur un certain intervalle dans la partie sommitale du Maastrichtien ; il s'agit de plusieurs épisodes basaltiques, intercalés par endroits dans les séries sédimentaires fossilifères, le plus important couvre environ 10.000 ans et coïncide avec la limite K/T (Courtillot, 1990). Par ailleurs, des méthodes modernes de la magnétostratigraphie, de la géochronologie et de la géochimie ont montré que les traps basaltiques du plateau du Deccan (Inde) s'étalent sur un intervalle couvrant les derniers 300 à 500 mille ans du Maastrichtien. Des études récentes (Hoffmann et al., 2000; Courtillot et Renne, 2003) apportent des précisions sur l'âge des traps du Deccan et sur le rôle que pourrait jouer le volcanisme dans les changements des environnements de la fin du Crétacé. La relation entre un volcanisme intense et les extinctions de la fin du Crétacé est cependant loin d'être établie avec précision et nécessite des recherches complémentaires.

III-2-4. Variations environnementales à la transition Crétacé-Tertiaire

Au cours de ces dernières années, le scénario d'un impact (pluies acides, refroidissement brutal, blocage de la chaîne trophique, extinction catastrophique) est confronté à l'idée d'une extinction en masse prolongée et/ou sélective, en relation avec des variations

environnementales à long terme à la transition Crétacé-Paléogène. De nouvelles méthodes, multidisciplinaires, ont alors été utilisées dans le but d'apporter des informations sur les environnements de l'époque. D'autres facteurs auraient-ils provoqué des stress dans les environnements avant l'impact de la fin du Crétacé? Quelle serait la part du volcanisme et des variations climatiques et eustatiques dans les changements biotiques de la transition Crétacé- Paléogène? A côté des analyses quantitatives des (micro)fossiles (particulièrement en faciès pélagique), des méthodes minéralogiques, géochimiques et isotopiques, ont été utilisées comme outils analytiques.

Pour plusieurs auteurs, les variations de la composition géochimique des sédiments, des isotopes stables et des associations de Foraminifères indiquent une instabilité à long terme. Cette instabilité est mise en relation avec des changements climatiques et eustatiques qui débutent au Maastrichtien supérieur et s'étendent au Danien basal (Barrera et Keller, 1990; Schmitz et al., 1992; Keller et al., 1993; Stüben et al., 2002). La limite K/T est également caractérisée par une chute de productivité océanique, la fraction carbonatée bio-génique se retrouve remarquablement réduite au-delà de cette limite (Zachos et al., 1989; Barrera et Keller, 1994; Kaiho et Lamolda, 1999; Stüben et al., 2002; Minoletti et al., 2005).

Chez plusieurs groupes, le problème relatif à la représentativité des enregistrements fossiles est soulevé lorsqu'il s'agit d'interpréter si l'événement conduisant aux extinctions est prolongé ou brutal. Chez les Foraminifères planctoniques, certains auteurs notent des extinctions sélectives, au cours du Maastrichtien supérieur (modèle écologique), qui traduiraient une instabilité à long terme en relation avec le volcanisme et/ou les variations climatiques et eustatiques (Keller, 1989, 2005; Abramovich et al., 1998; Keller et al., 2002b; Adatte et al., 2005). Seule l'extinction soudaine à la fin du Maastrichtien aurait été provoquée par l'effet d'un impact météoritique. A la base du Danien, l'évolution des associations de Foraminifères indique également des instabilités océanographiques interprétées tantôt comme à court terme (à l'issue d'un impact), tantôt comme indices de variations à long terme.

Dans les moyennes latitudes (DSDP Site 525A, Atlantique sud), des études isotopiques du δ18O mettent en évidence des variations de la température des eaux océaniques au Maastrichtien terminal (Li et Keller, 1998a; Abramovich et Keller, 2003). Un refroidissement global débute au Maastrichtien supérieur; un épisode de réchauffement entre 400 et 200 mille ans avant la limite K/P (Li et Keller, 1998c) serait en relation avec des variations océanographiques ou atmosphériques, mais le retour au refroidissement caractérise les derniers 100.000 ans du Maastrichtien. A ces variations climatiques est associée une

67.0 66.5 66.0 65.5 65.0 m.y. Da nia n La te M aa st ri ch ti an 35 45 55 65 * ** No. Species Stinnesbeck et al., 2001 ** Hofmann et al., 2000 * DSDP Site 525 (Li et Keller, 1998a)

Figure 27 : Paléotempératures des eaux océaniques au Maastrichtien supérieur, pour le Pacifique équatorial et l’Atlantique sud, obtenues à partir des variations

18 du ä O (Li et Keller, 1999). benthic fine fraction benthic Globigerinelloides Site 577 Site 690 benthic R. rugosa Site 525 F i g u r e 2 6 : Sé q u e n c e h y p o t h é t i q u e d e s p r i n c i p a u x é v é n e m e n t s ( C l i m a t , volcanisme, impact) à la fin du Crétacé, et corrélation avec les courbes de température d’eaux profondes et de diversité de Foraminifères planctoniques (Keller, 2001).

perturbation dans la stratification des eaux, dont les conséquences écologiques sont exprimées chez les Foraminifères planctoniques, particulièrement par la diminution des tailles et une chute de la diversité (Li et Keller, 1998b; Abramovich et Keller, 2003) ou par des migrations (Olsson et al., 2001). Une "explosion" du genre Guembelitria est classiquement connue au début du Danien, elle témoigne également de la crise dans les environnements à l'issue d'un impact ou d'un intense volcanisme. Selon Keller et Pardo (2004) d'autres floraisons de ce genre existent au Maastrichtien terminal, elles constituent des indices d'épisodes de catastrophes environnementales issue du volcanisme et/ou de circulations océaniques (upwellings).

Les variations affectant les Foraminifères benthiques sont également considérées comme d'ordre écologique, elles indiquent un refroidissement rapide des eaux profondes au voisinage de la limite K/T (Alegret et al., 2003; Culver, 2003). En Tunisie septentrionale, les variations brutales dans la communauté benthique coïncident avec une brève invasion des dinokystes d'eaux froides (Brinkhuis et Zachariasse, 1988; Galeotti et Coccioni, 2002). Ce phénomène caractérise un court épisode de refroidissement, estimé à 2000 ans qui suivirent la limite K/T, en réponse océanographique à l'effet instantané d'un impact fini-crétacé (Galeotti et al., 2004).

III-2-5. Indices minéralogiques, géochimiques et isotopiques

A la transition K-T, plusieurs travaux ont montré que les argiles sombres (argiles de limite) se caractérisent par une augmentation du carbone organique total (TOC) et une chute du δ13C et du taux de CaCO3. Ces indices sont considérés comme témoins d'un événement

anoxique, la chute du δ13

C pouvant être expliquée également par une brusque diminution de la productivité océanique (Zachos et Arthur, 1986; Keller et Lindinger, 1989).

A la base de ces argiles se trouve généralement une lamine (quelques millimètres) ocre à rougeâtre, qui contient des spinelles nickelifères, des microsphérules (tectites), des quartz choqués et des teneurs anormales en iridium et en autres éléments du groupe des platinoïdes (Smit 1982; Bohor et al., 1987a; Robin et al., 1991; Robin et Rocchia, 1998). A côté de ces anomalies, d'autres variations géochimiques (enrichissement en Fe, Cr, Co, Ni, Cu, Zn, As or Sb) ainsi que des variations significatives du δ13C et du δ18

O, caractérisent également la limite K/T. Ces indices sont classiquement interprétés comme résultat direct d'un impact météoritique. Toutefois, l'hypothèse d'une origine volcanique de certains éléments n'est pas totalement écartée. Interprétées comme liées à l'impact d'astéroïde (Bohor et al., 1984; Izett,

Figure 28 : Localisation des dépôts de tsunami, au voisinage de Chicxulub, et distribution mondiale des quartz choqués et de l’anomalie d’iridium à la limite K/T (d’après Claeys et al., 2002).