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Chicxulub structure

III- 3-1 Invertébrés marins

Dans les séries marines fossilifères, la fin du Crétacé est classiquement indiquée par des disparitions ou par des changements morphologiques importants dans les communautés

d'invertébrés (Ammonites, Rudistes, Inocérames; Echinoides….). Avec la stratigraphie haute résolution d'une part, et les recherches concernant les extinctions de la fin du Crétacé d'autre part, les études portant sur plusieurs groupes de fossiles se sont intensifiées au cours des dernières décennies. Les invertébrés marins sont assez bien représentés à l'état fossile, mais leur présence étant plutôt sporadique dans les dépôts néritiques et leur état de conservation assez variable, ils se prêtent souvent mal à servir d'outil de grande fiabilité dans des interprétations géologiques. Des lacunes, dans les affleurements des séries fossilifères et dans la représentativité des fossiles découverts, constituent généralement un handicap pour établir si l'extinction d'un groupe est graduelle ou soudaine (Marshall, 1995; Peters et Foote, 2002). Par ailleurs, avec des problèmes d'ordre taphonomique et/ou analytique, plusieurs taxons peuvent paraître absents (et considérés alors comme disparus) à des niveaux qui précèdent nettement celui où s'effectue leur extinction réelle, c'est l'effet Signor-Lipps (Signor et Lipps, 1982). A l'inverse des remaniements importants, mais difficiles à mettre en évidence, peuvent ramener des fossiles à des niveaux largement postérieurs à leur extinction. Il ressort de ces données à quel point il est parfois difficile de montrer si une extinction en masse est graduelle ou brutale? C'est la question qui se pose encore pour plusieurs groupes d'invertébrés marins à la transition Crétacé-Tertiaire.

Rares sont les groupes d'invertébrés ayant franchi la limite Crétacé/Tertiaire sans changement remarquable dans leur diversité ou dans leurs caractères. Les échinoïdes, les brachiopodes et divers mollusques, par exemple, y voient un tournant dans leur évolution. Ce sont les disparitions de groupes largement utilisés dans la stratigraphie et dans la paléobiogéographie du Crétacé terminal, tels les ammonites, les bélemnites, les rudistes, les inocérames…, qui sont les plus remarquables. Des représentants de ces groupes s'avèrent cependant rares ou absents dans plusieurs affleurements à des niveaux qui précèdent immédiatement la limite K/T, ce qui remettrait en cause la coïncidence de leur extinction avec cette limite.

Les recherches biostratigraphiques détaillées ont montré que plusieurs groupes sont affectés d'importantes réductions avant la fin du Crétacé. Johnson et Kauffman (1996) notent que dans les plates-formes carbonatées de mers chaudes, les rudistes, très diversifiés au Campanien terminal, subissent une importante étape d'extinction au début du Maastrichtien et disparaissent complètement avant la fin du Crétacé. Cette extinction résulterait d'une baisse sensible des températures des eaux superficielles et aurait un aspect sélectif mettant fin aux formes spécialisées en premier lieu (Keller, 2001). Pour Philip (1998), l'extinction des

rudistes semble diachronique selon les régions, une chute drastique affecte ce groupe au Maastrichtien et ses derniers représentants disparaissent à la fin du Crétacé. Dans la région stratotypique du Maastrichtien (Limbourg), les Rudistes constituent un niveau situé 5 mètres sous la limite Crétacé/Tertiaire, définie par la disparition des derniers Ammonoïdés (Jagt, 1995). Une extinction catastrophique a été reconnue chez les rudistes des Caraïbes à la fin du Crétacé et mise en relation avec l'impact de la limite K/T (Steuber et al., 2002). Des représentants de rudistes sont également connus au Maastrichtien sommital dans les dépôts marneux du stratotype de limite Crétacé-Paléogène à El Kef (Goolaerts et al., 2004).

Chez les inocérames, plusieurs études ont mis en évidence une extinction importante au Crétacé terminal, une seule espèce persiste jusqu'à la limite K/T (MacLeod et Ward, 1990). La grande étape d'extinction qui affecte ce groupe au milieu du Maastrichtien est accompagnée d'une augmentation d'activité d'organismes fouisseurs, elle serait en relation avec des variations physico-chimiques importantes sur les fonds marins (MacLeod, 1994). Dans le Site 1052 (Leg ODP 171B, marge atlantique de la Floride), l'extinction des inocérames s'effectue dans un intervalle d'environ 40 m (Bellier et al., 1997).

Chez les échinoïdes, les spécialistes ont estimé que la chute dans la diversité générique, à l'échelle globale, dépasse 65% à la limite K/T. Smith et Jeffery (1998) notent un aspect sélectif des extinctions chez les échinoïdes à la fin du Crétacé; une extinction progressive, en relation avec la stratégie de nutrition, précède l'extinction majeure associée à l'impact fini- crétacé. Jeffery (2001), utilisant une taxonomie standardisée et une population recouvrant les différents groupes, démontre que le taux d'extinction chez les oursins cordiformes (en forme de cœur) est de 33%, avec des grandes différences entre les deux ordres qui constituent ce groupe. Alors que l'extinction affecte 56% des genres d'holasteroides, seulement 17% des genres disparaissent chez les spatangoides. Cet aspect sélectif des extinctions à la fin du Crétacé a été mis en relation avec les différences dans la stratégie de nutrition chez les différents clades d'oursins.

Chez les ammonites le mode d'extinction demeure non éclairci: tantôt interprété comme non catastrophique (Ward et al., 1986; Ward et Kennedy, 1993) tantôt comme catastrophique (Ward et al., 1991; Marshall, 1995). En région Antarctique (Seymour Island), le mode de disparition des ammonites (et des invertébrés en général) demeure controversé. Pour Zinsmeister et al. (1989), une disparition graduelle affecte différents groupes d'invertébrés (dont les ammonites) et rend difficile le placement de la limite K/T. Alors que Marshall (1995) conclut à une disparition massive et soudaine des ammonites à la limite K/T,

Zinsmeister et Feldmann (1996) rapportent l'extension de seulement 4 espèces d'ammonites jusqu'à la limite K/T; une nette réduction des ammonites, accompagnée de la disparition des belemnites, ayant été observée largement avant la fin du Crétacé. Des fragments d'ammonites (pas en totalité remaniés) persistent jusqu'à la limite Crétacé/Tertiaire dans des coupes qui affleurent sur les côtes basques (Ward et al., 1991; Ward et Kennedy, 1993). Dans le Sud du Dakota (Western Interior, USA), des ammonites scaphitidés persistent également jusqu'à la limite K/T (Terry et al., 2001).

En Tunisie centrale, de petites ammonites pyriteuses ont été retrouvées au sommet du Maastrichtien dans la région de Kalaat Senan (Robaszynski et al., 2000). En Tunisie nord- occidentale, les dernières ammonites (pyriteuses) se retrouvent 2 mètres au-dessous de la limite K/T dans les dépôts du Maastrichtien sommital de la coupe d'El Kef (Goolaerts et al., 2004).

III-3-2. Sélaciens

Les sélaciens constituent un groupe de vertébrés marins chez lequel l’extinction K/P est le mieux connue; elle est marquée par la disparition de nombreuses espèces de requins et de raies. Dans les bassin à phosphates du Maroc une extinction en masse des sélaciens a été observée à la fin du Maastrichtien, elle a conduit à la disparition de plus de 95% des espèces (Noubhani et Cappetta, 1997). Le renouvellement ne tarde cependant pas puisque plusieurs taxons apparaissent dès le début du Paléocène. Etudiant la diversité des Néosélaciens à la transition Crétacé-Tertiaire, Kriwet et Benton (2004) notent une importante diversification au Danien, plus exprimée que l'extinction de la fin du Maastrichtien. L'extinction des sélaciens à la limite K/T semble constituer un événement à court terme, mais sa durée est difficile à estimer avec précision. Son estimation doit tenir compte de plusieurs paramètres dont l'échantillonnage, le taux de sédimentation et la paléobiogéographie.