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DES FORAMINIFERES PLANCTONIQUES

III- 1 Introduction Historique

Dès les premières utilisations des méthodes de la (bio)stratigraphie, à la fin du 19ème siècle, le passage du Crétacé au Tertiaire s'est avéré comme une importante coupure dans l'histoire des temps géologiques. De grandes différences entre les dépôts (et leur contenu fossilifère) du début du Tertiaire et ceux de la fin du Crétacé étaient reconnues à différentes régions du globe, ce qui laissait penser à un grand intervalle de temps entre ces dépôts. La fin du Crétacé constitue aussi l'une des principales étapes d'extinction dans l'histoire de la Terre; les causes, le mode et la durée de cette extinction font encore l'objet de débats et discussions, et demeurent controversés (Glen, 1994). La théorie la plus populaire avancée pour expliquer les changements survenus à la fin du Crétacé est celle d'un impact d'astéroïde sur Terre, il y a 65 millions d'années (Alvarez et al., 1980). Mais d'autres causes sont envisagées, accompagnant ou non la chute d'astéroïde, propres à la Terre et agissant pendant une certaine durée. Contrairement à l'effet instantané d'un impact météoritique, des changements à long terme seraient en relation avec un volcanisme intense (McLean, 1985; Courtillot et al., 1996), ou avec d'importantes variations eustatiques et/ou climatiques (Hallam, 1989), survenus au cours de la partie terminale du Maastrichtien. Des indices géochimiques minéralogiques, géophysiques et structuraux, auxquels s'associe une extinction brutale chez les (micro)fossiles, étayent l'effet d'une chute météoritique; alors que des indices géochimiques, isotopiques et paléoenvironnementaux, accompagnée d'une extinction graduelle, mettent en avant le rôle des facteurs géodynamiques, avec en particulier le volcanisme et la tectono- eustatisme.

Les réponses biotiques aux changements environnementaux de la fin du crétacé ont fait l'objet de nombreuses études ayant engendré beaucoup de littérature (MacLeod et Keller (Eds.), 1996; Ryder et al. (Eds.), 1996; MacLeod et al., 1997; Koeberl et MacLeod (Eds.), 2002). L'effet de l'événement (ou des événements) survenu(s) à la fin du Crétacé réside dans des changements (surtout fauniques) majeurs, indiqués particulièrement par la disparition des fabuleuses créatures que sont les dinosaures, la disparition des ammonites, des bélemites, des rudistes, des inocérames etc…. D'autres groupes comme les osteïchtiens, les reptiles marins, les echinoïdes et les microfossiles calcaires sont affectés d'importantes réductions

quantitatives à la fin du Crétacé. L'instantanéité du phénomène d'extinction est cependant loin d'être unanimement admis car il est difficile de montrer si des disparitions sont synchrones chez différents groupes. Il est actuellement admis que l'impact d'un grand astéroïde a causé une importante étape d'extinction (Alvarez et al., 1980), l'anomalie gravimétrique à structure circulaire dans la région de Chicxulub (Mexique) a été interprétée comme cratère de cet impact (Hillebrandt et al., 1991). Toutefois, la coïncidence de l'impact de Chicxulub avec la fin du Crétacé est contestée (Keller et al., 2003, 2004), le rôle et l’importance de cet impact dans la grande crise biotique de l'époque sont également sujets à discussions (Glen, 1994; Ryder, 1996; Keller, 2001). Le déclin graduel observé chez plusieurs groupes d'organismes au Crétacé terminal ne s'expliquerait pas seulement par des lacunes dans les enregistrements fossiles (effet Signor-Lipps), les facteurs environnementaux (y compris les variations du niveau marin) auraient joué un rôle important (MacLeod et al., 1997). L'effet d'un impact ne serait qu'un "coup de grâce" (Hallam et Wignal, 1999) ayant mis fin à une période de stress dans les paléoenvironnements.

L'aspect Paléobiologique de la transition Crétacé-Tertiaire s'avère complexe, mais il constitue un important outil de compréhension et d'interprétation des événements survenus à l'époque. Il s'agit d'un tournant (le plus important) dans l'évolution de nombreux groupes d'organismes animaux et végétaux, mais les modes d'extinction et d'évolution semblent variables selon les groupes et selon les milieux de vie. Pour la majorité des groupes, la base de données paléontologique reste insuffisante pour conclure si l'extinction de la fin du Crétacé est brutale ou graduelle, globale ou régionale, massive ou sélective? Les différences dans les approches analytiques et dans les interprétations conduisent également à des divergences d'opinions chez les spécialistes. C'est le cas, en particulier, quand on compare les études basées sur les Foraminifères planctoniques. Ces microfossiles, de par leur distribution globale, leur abondance assez régulière dans les sédiments marins et leur pouvoir de haute résolution biostratigraphique, constituent l'outil paléontologique privilégié dans les études visant à cerner la limite Crétacé/Tertiaire avec précision. De plus les Foraminifères planctoniques sont assez sensibles aux variations des conditions océanographiques; ils permettraient ainsi de comprendre les mécanismes d'extinction et d'évolution de part et d'autre de la limite Crétacé/Tertiaire, en relation avec les variations des paléoenvironnements. Mais chez ce groupe le taux et le mode d'extinction de la fin du Crétacé montrent des variations selon la géographie et selon les environnements de dépôt ; c'est dans les dépôts de mer ouverte, de régions de basses latitudes, que l'extinction est nettement exprimée par la disparition des

morphologies grandes et complexes. Dans les régions de hautes latitudes et dans les environnements de mer épicontinentale, l'extinction est beaucoup moins exprimée au niveau de la limite K/T, telle qu'elle est indiquée par des critères lithologiques et géochimiques (argiles, iridium). Chez beaucoup d'autres groupes, à présence plutôt sporadique dans les dépôts du domaine continental (vertébrés) ou dans les dépôts néritiques (invertébrés), il est encore plus difficile de montrer si une extinction en masse coïncide exactement avec la fin du Crétacé.

Dans les coupes "classiques", la transition Crétacé/Tertiaire (Maastrichtien/Danien) montre des variations lithologiques : le Danien débute généralement par une couche d'argiles sombres, de faible épaisseur (décimétrique), qui repose directement sur le Crétacé terminal à caractère carbonaté (mares et marno-calacaire). Dans les coupes les plus complètes, la partie basale de ces argiles "de limite" montre une fine couche de goethite (d'ordre millimétrique), qui renferme des indices (géo)chimiques et minéralogiques (Iridium, spinelles nickèlifères, microtectites, quartz choqués…) témoignant d'un événement cosmique. Cette succession lithologique constitue un indice de la continuité des dépôts à la transition Crétacé-Tertiaire, elle est plus exprimée dans les dépôts de plate-forme continentale ouverte que dans les environnements de bassin profond, où les séries sont plus condensées (un taux de sédimentation plus faible) ou parfois réduites (présence de faibles hiatus). Des coupes situées au Mexique, à Haïti et au Texas (USA) se caractérisent par une épaisse couche (d'ordre décimétrique à métrique) hétérogène, contenant des indices d'impact. Cette couche a été interprétée comme résultat d'une sédimentation chaotique au voisinage du site de l'impact de la fin du Crétacé (Chicxulub, Golf du Mexique) (voir p. 73 ). En domaine continental, les coupes relativement complètes du passage Crétacé-Tertiaire, au Montana et au Nouveau Mexique (USA), contiennent des indices minéralogiques (Quartz choqués) et géochimiques (anomalie d'iridium) témoignant d'impact(s) d'astéroïdes sur Terre. Des problèmes d'érosion, ainsi que l'absence d'indices faciologiques suffisants, ne permettent cependant pas une étude (chrono)stratigraphique suffisamment détaillée dans ces coupes.