• Aucun résultat trouvé

PARTIE III – LES BESOINS EN FINANCEMENT DES ETI : UN SOUTIEN AU

Chapitre 4. Capital transmission : des risques pour la régénération ?

1. Nécessité de rétablir un modèle cognitif de l’investisseur

1.2 La littérature sur les fonctions extra-financières du capital-investissement ... 145 2. Risque d’assèchement en cas de répétition d’un modèle d’investissement standard ... 147 3. Cas de crise potentielle pour l’ETI innovante ... 149

Partie III – Les besoins en financement des ETI : un soutien aux dynamiques de régénération

144 Que ce soit dans le cas d’un funding ou d’un liquidity gap, nous venons de voir que, l’obstacle principal ne réside pas dans une lacune en quantité de capitaux propres disponibles. D’un côté, les investisseurs regorgent de capitaux à déployer tant et si bien qu’on pourrait envisager un renversement de l’affectation du terme « offre » à l’investisseur et « demande » à l’ETI. Certaines opérations de capital-transmission n’utilisent d’ailleurs plus de levier de dette permettant pourtant de minimiser l’apport en capital de l’investisseur. De l’autre, il y a un enjeu à ce que les ETI expriment leurs besoins en capitaux propres. Globalement, cette catégorie d’entreprises matures, à forte dimension entrepreneuriale mais aux profils divers se retrouve l’interface des grandes catégories d’investissement traditionnelles. La lecture de l’investisseur comme simple apporteur de capital assumant une fonction financière et une prise de risque ne suffit pas à expliquer les lacunes observées et une simple injection de capitaux supplémentaires sur les marchés ne suffiront a priori pas à les résorber.

Pour ces entreprises en particulier, l’identification d’un liquidity gap pose une question spécifique, comment soutenir la croissance sans apport d’argent frais ? Lorsque l’investisseur apporte des fonds : servent-ils une stratégie de croissance générative ? Il n’a, a priori, rien de systématique. Dans un premier temps, nous montrons l’importance de rétablir un modèle cognitif de l’investisseur pour expliciter la relation entre investissement et croissance de l’ETI.

L’importance des opérations de transmission sur cette catégorie d’entreprise pose aussi la question des risques liés à la décorrélation entre la valorisation classique par le capital-investissement et les enjeux de régénération. En effet, l’entrée d’un premier capital-investisseur annonce des ruptures régulières forcées par les contraintes légales sur la durée de vie du fond et l’impératif de retours financiers. Là où croissance et structure actionnariale sont en symbiose lors d’une opération de capital-développement, le capital-transmission induit a priori une désynchronisation. Dans un second temps, nous explorons donc les cas des crises.

1. Nécessité de rétablir un modèle cognitif de l’investisseur

ETI : des besoins extra-financiers pour soutenir leur croissance

Les parties précédentes montrent que le raisonnement dominant sur l’equity gap étudie l’offre, et plus précisément, l’offre en tant qu’apport de ressources financières. De manière générale, est ancrée une figure du capital-investisseur à vocation de financeur. En pratique, les entreprises investies sont souvent dites « financées ». Les acteurs du capital-investissement se retrouvent systématiquement discriminés selon leur profil risque / rentabilité ou selon la taille des tickets investis formant les différents marchés du « small, mid ou large cap ».

Or si l’on observe les besoins des ETI, ceux-ci ne sont pas uniquement d’ordre financiers. La littérature sur le passage PME-ETI suggère qu’en plus de financer leur croissance, ces entreprises font face à de forts enjeux organisationnels. Elles doivent par exemple équilibrer besoin de structuration tout en conservant une démarche entrepreneuriale (Grandclaude, Nobre et al. 2014). On a aussi vu que la catégorie ETI présente des profils divers. Certaines de ces entreprises manquent d’intention de croissance (e.g. les « routinières à l’heure du choix » (Bpifrance 2014)). Régulièrement, d’autres qualifiées de belles endormies (i.e. sleeping beauties anglo-saxonnes),

145

perçues comme désuètes, renaissent après avoir réinventé leur produit en s’appuyant sur l’histoire de leur marque. Si elles peuvent avoir besoin de capitaux, ces ETI nécessitent aussi un accompagnement au niveau du pilotage de l’innovation. Ce constat est notamment partagé dans l’étude de cas réalisée récemment chez Matfer Bourgeat (Cerveira and Midler 2017). Déjà en 2008, un rapport du conseil économique et social abondait en ce sens en soulignant conjointement, parmi quelques facteurs de croissance primordiaux :

« investir et faire fructifier l’innovation (…) Les démarches d’innovation volontaire et

structurée appelées « management de l’innovation » devraient être développées au sein des ETI et déployées à tous les domaines : design industriel, développement durable, organisation du travail... » (Vilain 2008).

La littérature sur les fonctions extra-financières du capital-investissement

Malgré un besoin de ressources extra-financières pour accompagner la croissance des ETI, on remarque que la littérature sur l’equity gap omet les dimensions cognitives de l’investisseur (Charreaux 2002). Le problème de gouvernance associé au statut d’actionnaire de l’investisseur y est en partie éludé. Or la façon dont raisonnent les investisseurs, l’identité de ces apporteurs de ressources financières incluant leurs compétences, leur vision, leur réseau, contribue à créer de nouvelles opportunités d’investissement et construire des trajectoires de croissance pour l’entreprise investie.

Prenons l’exemple de l’asymétrie d’information, l’une des principales causes théoriques avancées pour expliquer un equity gap structurel. Il est communément admis, comme dans la théorie du financement hiérarchisée, que les entrepreneurs connaissent mieux leurs projets que les financiers (Stiglitz and Weiss 1981). Cependant, l’asymétrie informationnelle est aujourd’hui discutée, surtout pour les PME. En effet, grâce à leur expérience passée, les investisseurs ont une connaissance si ce n’est supérieure (Cumming and Cressy 2012), au moins complémentaire à celle de l’entrepreneur. Un article de G. Charreaux dans la revue française de gestion s’intéresse justement à l’actionnaire comme apporteur de ressources cognitives (Charreaux 2002). Il montre que l’approche reposant sur la description de la séparation entre propriété et management couplée aux hypothèses initiales réductrices de la théorie de l’agence conduisent à considérer que les actionnaires n’assument plus qu’une fonction financière. Le rôle cognitif de l’actionnaire a ainsi été occulté dans une vision financière dominante. L’investisseur rassemble différentes fonctions additionnelles explorées par d’autres auteurs : l’assomption du risque, l’apport de compétences managériales (« ne se limite pas

à la recherche et à l’exploitation d’une information existante, mais comporte également une dimension cognitive de construction de connaissance »), et une fonction prospective associé à la

construction d’opportunités d’investissement rentables.

Un courant de littérature étudie la capacité théorique des investisseurs (e.g. banques, capital-risque,

Business Angels…) à réduire les asymétries d’informations tandis que d’autres évaluent la

contribution des investisseurs dans l’accompagnement des entreprises investies (Cosh, Cumming et al. 2009), mais principalement dans le cadre du capital-risque.

Un article original explore les ressorts de la demande de capital-investissement des entreprises familiales. Il montre que l’apport des ressources non-financières par l’investisseur peut justement

Partie III – Les besoins en financement des ETI : un soutien aux dynamiques de régénération

146 devenir un argument clé dans l’arbitrage entre ouverture de capital et financement par dette (Figure 28) :

« private equity was not seen as a finance of last resort because the non-financial resources

available through private equity increased the value of private equity to their family firm. Non-financial resources were valued more highly when the family in the firm needed to resolve a family issue » (Tappeiner, Howorth et al. 2012).

Plus spécifiquement pour les ETI, d’autres articles mentionnent les limites du modèle du buyout et l’existence de formes de raisonnements alternatives plus adaptés à ce type d’entreprises (Appelbaum and Batt 2014, Kalleberg 2015):

« Private-equity (PE) firms are not as able to rely on leverage-based financial strategies

in middle market companies (those with a value between $25M and $1B) and so here PE firms rely more on implementing smart business strategies and providing expertise in logistics, marketing, and work organization. Achieving outsized returns in middle market companies is trickier for PE firms, as it requires specialized industry expertise rather than the application of standard financial engineering strategies, and the results are often bad, especially for the portfolio companies and their employees » (p220 (Kalleberg 2015)).

147

2. Risque d’assèchement en cas de répétition d’un modèle d’investissement