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PARTIE III – LES BESOINS EN FINANCEMENT DES ETI : UN SOUTIEN AU

Chapitre 4. Capital transmission : des risques pour la régénération ?

3. Cas de crise potentielle pour l’ETI innovante

L’accès aux ressources financières est un point clé des débats sur la croissance des entreprises de manière générale et des ETI en particulier. L’hypothèse sous-jacente étant qu’une entreprise qui subit des contraintes financières voit sa croissance ralentie.

La théorie du financement hiérarchisée ainsi que les recherches empiriques sur les entreprises innovantes et les ETI s’accordent sur le fait qu’une ETI innovante recourt d’abord à l’autofinancement. En revanche, cela ne permet pas de conclure quant à la préférence entre dette et capitaux propres. Néanmoins, sachant que la capacité d’endettement est conditionnée par la proportion de capitaux propres, renforcer ces derniers permettrait alors de promouvoir le développement de l’ETI innovante.

Or la littérature en gestion de l’innovation a montré qu’injecter des ressources financières ne suffisait pas à engendrer la croissance. De manière similaire, les chapitres précédents mettent en doute l’existence d’un equity gap en montants disponibles pour financer la croissance des ETI (funding gap). Ils restaurent aussi l’importance d’un modèle cognitif de l’investisseur face à son interprétation dominante comme simple fournisseur de ressources financières.

On se demande donc : quand est-ce que l’ETI innovante fait appel à des investisseurs ? Qu’est-ce qui est réellement financé ? Quelles sont les situations de crise dans lesquelles soit l’apport de fond ne se fait pas soit, malgré cet apport, le lien à la croissance à risque ?

Dans le cas d’ETI innovantes ayant besoin de financements complémentaires, on distingue deux situations. D’un côté l’argent frais peut financer une stratégie de croissance par agrégation, qu’elle soit interne ou externe : augmentation des capacités de production existantes, conquête de marchés supplémentaires, diversification de la gamme, etc. Dans le portefeuille de Bpifrance, certaines opérations mentionnent ainsi un besoin de financement de lignes de production de produits innovants ou d’acquisitions. Elles sont adressées par le modèle du capital-développement.

Partie III – Les besoins en financement des ETI : un soutien aux dynamiques de régénération

150 Mais cet argent frais peut aussi, à l’image du capital-risque, être nécessaire pour financer une activité innovante gourmande en capital, sans garanties suffisantes pour un créancier (croissance externe pour acquérir une technologie, démonstrateur…). L’ETI peut alors faire face à un funding

gap. Celui-ci provient moins d’un manque d’offre de capitaux propres que des limites du modèle

de capital-développement pour financer la croissance générative.

Les ETI font alors face à un risque ; les synergies de croissance et de coût peuvent finir par épuiser le potentiel d’innovation et donc in fine diminuer la valeur de l’entreprise. Que se passe-t-il après la Xe sortie de fond si la seule valeur réside non pas dans la capacité de régénérer les activités mais dans l’optimisation des facteurs de production ?

Par ailleurs, il faut distinguer ETI et ETI de croissance (gazelles, scale-ups). Les profils des ETI sont divers, et certaines, bien que potentiellement innovantes, ne recherchent ni hyper-croissance ni financements externes. Cependant, toutes sont confrontées aux problématiques de transmission. Or les limites du modèle classique de buyout (capital-transmission) quant à la valorisation d’une stratégie de croissance générative peut amener l’entreprise en situation de liquidity gap. Ce cas de crise, bien que lié à la stratégie d’innovation, n’appelle pas forcément un financement additionnel fléché pour des projets innovants.

III.4. Synthèse

Le fait d’ancrer la notion d’equity gap au cœur du débat sur les besoins en capital-investissement des ETI et de l’interpréter exclusivement comme un funding gap, biaise la réflexion sur les besoins de ces entreprises. Si certaines d’entre elles peinent à trouver des financements pour soutenir leur croissance, cela ne doit pas cacher toutes celles qui ont des difficultés à renouveler leur actionnariat. Dans ce cas, l’investisseur n’apporte pas, à proprement parler, de ressources financières. Ce cas met en exergue le rôle potentiellement crucial de l’investisseur dans l’accompagnement de la trajectoire de croissance. L’investisseur, en tant qu’actionnaire, dispose donc de leviers pour soutenir les besoins extra-financiers des ETI. Parmi ces besoins, nous avons montré dans la partie II que l’innovation était un facteur clé.

Ce chapitre caractérise un risque d’assèchement des capacités d’innovations en cas de répétition de modèles d’investissement standard, dont on a vu les limites dans le soutien à la régénération (cf. partie I). Ce risque est aujourd’hui exacerbé vu l’essor des transactions secondaires. Celles-ci engendrent un cycle régulier d’investissement et de désinvestissement qui, faute de modèle adapté, fragilise l’ETI.

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S

YNTHESE DE LA PARTIE

III

Cette troisième partie étudie les besoins en financement des ETI. Historiquement, le besoin en fonds propres des start-up et PME est intimement lié au constat d’equity gap. Celui-ci a été étendu aux ETI. Il tend à focaliser les débats sur la question de la quantité de ressources financières disponible pour cette catégorie d’entreprises.

Nous avons donc testé l’hypothèse d’equity gap pour les ETI. En référence aux méthodes de la littérature empirique étudiant l’existence d’equity gap pour les start-up, nous avons analysé le rapport entre quantité d’offres disponibles et demande en fonds propres. Les résultats ne suggèrent pas de gouffre entre quantité d’offre et de demande légitime. Ils invalident ainsi la thèse d’un

equity gap structurel.

En revanche, il apparaît un paradoxe : les investisseurs manquent de débouchés tandis que certaines ETI brideraient leur croissance de peur d’ouvrir leur capital. La problématique se révèle donc moins de l’ordre de la quantité de ressources financières disponibles que de l’inadéquation des modèles d’investissement existants.

Face à ce besoin limité en investissement, nous analysons trajectoires de croissance qui conduisent les ETI à recourir au capital-investissement. Une étude quantitative du portefeuille de Bpifrance établit alors deux résultats surprenants. D’un part, l’argent frais apporté par Bpifrance finance principalement des opérations de croissance externes et non l’innovation. Le capital-investissement n’apparaît donc pas comme un outil très utilisé par l’Etat pour financer l’innovation. D’autre part, le capital-investissement n’apporte pas forcément d’argent frais, même pour les ETI ! Contrairement à ce que suggérait l’hypothèse initiale d’equity gap, l’opérateur publique n’est pas toujours financeur. Il subvient souvent à une crise de renouvellement de l’actionnariat de l’ETI.

Cette situation définit une crise de nature inattendue : le liquidity gap.

Nous montrons alors deux risques pour la régénération. Tout d’abord, le liquidity gap réoriente

la question des besoins des ETI vis-à-vis de leur croissance sur une lecture moins financière, qui intègre les apports cognitifs de l’investisseur-actionnaire. La littérature sur les ETI met alors en exergue des enjeux de pilotage de l’innovation auxquels les modèles standards ne répondent pas. Par ailleurs, le liquidity gap couplée à la durée de détention limitée des fonds d’investissement font entrer l’ETI dans un cycle d’opérations de transmission d’une partie de son capital. Ces transactions dites secondaires sont en plein essor. En l’absence d’investisseur capable de soutenir la régénération, l’ETI se retrouve confrontée à un risque d’assèchement de ses capacités d’innovation.

Ces résultats mettent en avant l’importance de proposer un modèle de capital-investissement qui soutienne la croissance générative. La partie suivante y est consacrée.

Partie III – Les besoins en financement des ETI : un soutien aux dynamiques de régénération

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PARTIE IV - De nouvelle variables de croissance