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PARTIE III – LES BESOINS EN FINANCEMENT DES ETI : UN SOUTIEN AU

Chapitre 1. Le diagnostic d’un equity gap au fondement des fonds ETI

1. L’equity gap au cœur de l’intervention étatique dans les ETI

2.1 Une littérature relativement peu abondante ... 111 2.2 Modèle de l’equity gap : une faille dans le marché des fonds propres ... 111 2.3 Structure de capital théorique optimale du point de vue de l’entreprise : le capital-investissement comme dernier recours ... 112 2.4 Impossibilité de financement par le marché boursier ... 114 2.5 Causes des coûts plus élevé d’un financement en capital-investissement pour les entreprises

innovantes : asymétrie d’information et risque exacerbés ... 115 3. L’equity gap est-il avéré ?... 116 3.1 L’equity gap reste à démontrer pour les ETI ... 117

Partie III – Les besoins en financement des ETI : un soutien aux dynamiques de régénération

108 La difficulté d’accès aux ressources financières des ETI est réputée être l’un des obstacles à leur manque de croissance et ce d’autant plus pour les entreprises innovantes. Paradoxalement, des entreprises ayant la possibilité de rendre un investissement rentable ne seraient pas financées. Cette situation de crise constitue un equity gap. Depuis son émergence dans les années 30, ce concept justifie les interventions étatiques envers les entreprises industrielles et les jeunes entreprises innovantes.

Pour pouvoir tester l’hypothèse de l’existence d’un equity gap pour les ETI, nous commençons par en caractériser le modèle. Nous en cherchons une première approche dans une littérature traitant du soutien à la croissance par les politiques publiques. Puis nous nous demandons quels en sont les ressorts théoriques. Etrangement, il existe peu de littérature académique traitant directement de cette question. Nous mobilisons alors les champs de recherches autour des structures et des contraintes de financement des PME. Enfin, nous tentons de trouver une réponse, dans une littérature empirique, à la question de la réalité de l’equity gap.

1. L’equity gap au cœur de l’intervention étatique dans les ETI

Il est communément admis que la découverte de ce nouveau phénomène, date de 1931. À la suite du crash de 1929 et à la dépression qu’il a engendré, le gouvernement britannique cherche des moyens de revigorer l’économie du pays. Il constitue alors un comité d’enquête sur la finance et l’industrie pour explorer la façon dont les acteurs financiers pourraient doper l’économie. Dans son rapport conclusif le comité Macmillan, en référence au nom de son président, identifie alors l’existence de difficultés éprouvées par les petites et moyennes entreprises pour lever des capitaux (Macmillan 1931) (p173) :

« It has been represented to us that great difficulty is experienced by the smaller and

medium-sized businesses in raising the capital which they may from time to time require, even when the security is perfectly sound. To provide adequate machinery for raising long- dated capital in amounts not sufficiently large for a public issue (…) always present difficulties. ».

Ce constat est par la suite repris sous l’appellation de « Macmillan », « finance » ou « equity » gap selon qu’il fasse référence directe au rapport, ou plus généralement, désigne une incapacité à lever tout type de fonds (dette, trésorerie, fonds propres) ou uniquement des capitaux propres. Malgré cette distinction, finance gap, funding gap et equity gap sont parfois employés de manière interchangeable. Certains écrits emploient aussi de façon équivalente funding gap et debt gap lorsqu’ils traitent de difficultés spécifiques sur l’accès à la dette. De même pour equity gap et capital gap pour évoquer uniquement les capitaux propres.

Le rapport Macmillan assorti son constat d’une recommandation (p174) (Macmillan 1931) : « (…) the only other alternative would be to form a company to devote itself particularly to

these smaller industrial and commercial issues. In addition to its ordinary capital, such a company might issue preference share capital or debentures secured on the underlying debentures or shares of the company which is financed. The risks would in this manner be spread, and the debentures of the financing company should, moreover, have a free market. We see no reason why with proper management, and provided British industry in general is profitable, such a concern should not succeed. We believe that it would be worthwhile for

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detailed inquiries to be made into the methods by which other countries attempt to solve this particular problem. ».

Il propose de créer des nouveaux acteurs sous la forme d’entreprises cotées dédiées au financement et à l’investissement dans les petites et moyennes entreprises. Ces structures possèdent le double avantage de répartir les risques et d’atteindre une taille critique leur permettant de se financer sur les marchés. A cette époque, en Grande-Bretagne, le marché boursier est perçu comme un moyen de financement privilégié pour l’industrie britannique avec une explosion du nombre de titre cotés sur la bourse de Londres depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Ce concept d’equity gap a eu des répercussions dans les politiques publiques de développement économique de nombreux pays à commencer par la Grande-Bretagne. Il justifie des interventions étatiques en capital-développement et en capital risque. En réponse à cette suggestion du rapport Macmillan, l’Industrial and Commercial Finance Corporation (ICFC) est créée en 1945 conjointement par la Banque d’Angleterre et d’autres banques britanniques avec une capitalisation de 15 millions de livres. Cette structure pourvoie massivement les entreprises britanniques en capital-développement. En 1987, elle devient une société anonyme cotée à la bourse de Londres, adopte son nom actuel « 3i » (investors in industry) et commence à investir à l’international. C’est aujourd’hui un des leaders mondiaux du capital-investissement. Néanmoins, en 2003, malgré l’intervention publique, un rapport d’un futur premier ministre anglais réaffirme la persistance d’un

equity gap pour les petites entreprises :

« many small businesses with high growth potential still find it difficult to access the risk

capital, and particularly the equity they need to fulfill their ambitions. These lost opportunities represent both an economic cost through reduced productivity growth and job creation, and a social cost to the communities within which they trade » (Brown and

Hewitt 2003).

Aux Etats-Unis, le Congrès, par l’intermédiaire de rapports d’audition, mentionne régulièrement les difficultés qu’ont les petites entreprises (dites small businesses) à faire financer leurs initiatives de modernisation et de croissance sur le long-terme. Un article de 1959 y fait référence sous le terme d’institutional gap (Martin and Moore 1959) et ajoute une note indiquant l’équivalence avec le terme « Macmillan gap ». Pour y remédier, le Congrès fonde en 1953 la Small Business Administration. N’étant pas en mesure de fournir des fonds propres, un nouveau programme gouvernemental (programme SBIC) est peu après mis en place dans le but de compléter et inciter les sources de capitaux privés à combler le besoin des petites entreprises en capitaux propres et en crédits long-terme. Emergent alors les « Small Business Investment Company » communément désignée sous l’acronyme SBIC.

Les premiers articles de recherche référencés sur scopus à propos de l’equity gap traitent justement de la création du programme SBIC américain. Un article de 1961 présentant les SBIC comme nouveau concept en finance, cite un document du Sénat fondateur du Small business investment Act dans lequel transparaissent les mêmes idées que celles présentées par Macmillan :

« It is declared to be the policy of the Congress and the purpose of this Act to improve and

stimulate the national economy in general and the small-business segment thereof in particular by establishing a program to stimulate and supplement the flow of private equity capital and long-term loan funds which small business concerns need for the sound financing of their business operations and for their growth, expansion, and modernization, and which are not available in adequate supply » (Kennedy 1961).

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110 « The Federal Reserve Board made a survey in 1957 which confirmed what informed

business people, bankers, accountants, industrial engineers, and investment lawyers already knew - that there existed an "equity gap" or gray area in business finance. (…). To meet the problem of this equity gap, Congress enacted the Small Business Investment Act in 1958, in which certain investor advantages were conceded to stimulate the flow of investor funds. In a manner of speaking the Act was designed to tap the capital markets » (Rice

1963) (voir aussi par exemple (J. B. K 1968)).

Inquiets de l’impact de ces lacunes de financement sur la compétitivité et l’innovation de leur pays, nombreux autres Etats ont instauré des politiques publiques de support au capital-investissement. Le rôle majeur que ces Etats ont joué dans l’impulsion et le soutient à l’essor du capital investissement fait aujourd’hui consensus. La gamme d’outils actionnée est large : garanties, exemptions de taxe, incubateurs, investissements directs, via des fonds partenaires abondés ou en fonds de fonds… La gestion des actions directes en faveur de la résorption des equity gaps est souvent confiée à des banques de développement nationales. Certaines de ces banques incluent des fonds de capital-investissement spécialisés en fond de fond ou en investissement direct en capital- risque comme par exemple le Brésil (BNDES, 1952) ou la Finlande (Sitra, 1967). D’autres entités n’interviennent qu’en capital-risque comme en Irlande (Enterprise Ireland, 1981) ou en Israël (Yozma Group, 1993) ou en Allemagne (KfW, 2005). Dès sa création, le Yozma Group offrait des avantages fiscaux conséquents aux fonds de capital-risque étrangers, garantissant un retour sur investissement minimal et promettant de doubler les montants investis grâce à des fonds étatiques. Plus récemment, en 2009, la China Development Bank (CDB) a lancé CDB Capital, une entité dédiée aux investissements en fonds propres. Puis en 2012, en France, apparait Bpifrance dont une partie des activités vise à réduire l’equity gap pour les start-ups et PME auxquelles sont adjointes les ETI. Ces exemples mettent en lumière une diversité de modalités d’action que nous proposons de regrouper selon trois axes : type d’intermédiation du financement, profils des cibles, proportion de levier d’aide publique. Premièrement, les prises de participation sont réalisées soit en direct, soit par l’intermédiaire de fonds privés (Figure 8). Deuxièmement, leurs cibles réunissent des caractéristiques spécifiques en termes de secteur, de taille et de maturité (pour une vaste majorité des start-up et/ou des PME). Troisièmement, il existe une diversité de ratios investissement public/investissements privés (« effet de levier ») et de choix de distribution de risque.

Figure 8:Exemple de modes d’intervention étatique à l’échelle nationale (pays européens) ou européenne en faveur de la réduction de l’equity gap pour les jeunes entreprises innovantes et high-tech (Gualandri and Venturelli 2008)

Le concept d’equity gap se place au cœur de nombreuses politique publiques d’où l’enjeu de discuter son existence, de son ampleur et de sa persistance, ainsi que des politiques publiques qui visent à le résorber (Bean, Schiffel et al. 1975, Gualandri and Venturelli 2008, Cumming and Cressy

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2012). Malgré tout, autant la question des fondements théoriques de l’equity gap que son étude empirique, restent parcellaires.