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De la nécessaire haute montagne

Introduction de la deuxième partie

Section 1 De la nécessaire haute montagne

Le film d’ascension est inféodé à un milieu naturel aux caractéristiques clai-rement identifiées : la haute montagne. Cette notion de haute montagne renvoie tout naturellement à la montagne dont elle est, par définition, la partie la plus éle-vée.

Pourtant, le géographe vidalien Raoul Blanchard affirmait : « Une définition même de la montagne, qui soit claire et compréhensible, est à elle seule à peu près impossible à fournir.253» ν ce qui n’empêchait pas son homonyme Pierre Blanchard d’en proposer une à usage pédagogique un siècle auparavant : « Une montagne est une grande masse de terre ou de roche, fort élevée au-dessus du reste de la terre.254 » Le consensus sur une définition de la montagne ne semble

252

MOLINIER Roger, VIGNE Pierre, Delachaux & Niestlé, Écologie et biocénotique, Lausanne, 1971, p. 6.

253

BLANCHARD Raoul, préface à BLACHE Jules, L’homme et la montagne, Paris, Gallimard, 1950, p.7.

254

BLANCHARD Pierre, Petit voyage autour du monde : ouvrage amusant, propre à préparer les enfants

à l'étude de la géographie, Paris, Librairie de l’enfance et de la jeunesse, 1826, 5ème

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pas encore exister de manière satisfaisante à l’heure où nous écrivons. Le regard scientifique de l’homme moderne ne s’est posé que tardivement sur la montagne et son approche a le plus souvent été pervertie par un anthropomorphisme enva-hissant. Viviane Seigneur estime que « La haute montagne se définit [...] sur une combinaison d’éléments divers et sur un discours momentanément stabilisé.255

» En réalité, la notion et sa représentation restent fluctuantes et sujettes à interpré-tation. Comment ne pas amener un sourire sur les lèvres d’un Chamoniard en parlant de la Montagne de Reims* et de son point culminant, le Mont Sinaï fort de ses 288 m d’altitude. Si la notion de sommité apparaît ici relative, elle n’en de-meure pas moins chargée, dans l’imaginaire social local de la dimension my-thique attachée aux hauteurs. La qualification « montagne » n’est donc pas ano-dine, prenons en pour preuve la consternation d’un village d’irréductibles gallois dont deux géographes anglais déqualifient la montagne locale en colline pour cinq petits mètres dans le film The Englishman Who Went Up a Hill But Came

Down a Mountain256.

Toutefois, si l’œuvre en question laisse supposer que la montagne ne s’évalue qu’à l’aune de l’altitude, il n’en est rien. D’autre part la montagne n’est pas sujet d’étude pour le seul géographe ν elle éveille également l’intérêt du so-ciologue, du biocénoticien, du sportif, du législateur et d’autres encore... Nous verrons ici, de manière synthétique, le point de vue du géographe, du législateur, et du sportif dans les limites de leur spécialité. Le point de vue que le sociologue porte sur la montagne ne sera pas abordé. En effet, il sera largement présent tout au long de notre propos eu égard à la place particulière qu’occupe l’espace natu-rel qui nous intéresse dans l’imaginaire social.

Le point de vue du géographe

Le géographe retient généralement cinq critères concomitants pour qualifier le paysage particulier que constitue la montagne : l’altitude, le relief, le climat, la végétation et son étagement.

- l’altitude μ l’altitude n’est à considérer que comme facteur pondé-ré. Elle ne peut, en effet, être appréhendée que comme le critère relatif

255

SEIGNEUR Viviane, Socio-anthropologie de la haute montagne, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 10.

256

Englishman Who Went Up A Hill But Came Down A Mountain (l’Anglais qui gravit une colline mais descendit une montagne), Monger Christopher, Angleterre, 1995, 95 min.

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nant la dénivellation entre les points hauts et bas de la montagne ou la différence altitudinale entre la montagne et les régions qui l’entourent.

- le relief : la montagne a pour caractéristique de présenter un re-lief marqué avec des versants. De plus, la montagne est la partie visible d’un phénomène tectonique qui en fait un véritable iceberg terrestre dont la majeure partie n’est pas exposée à l’air libre. C’est ce dernier aspect qui permet de distin-guer une montagne vraie d’une colline dont elle présente parfois le faible dénive-lé.

- le climat : est considéré comme montagne tout relief provoquant une modification climatique de dimension zonale ou locale : zone climatique ou méso climat à distinguer des micros climats (au niveau d’une colline par exemple).

- la végétation et son étagement : la végétation montagnarde est caractérisée par une variation des espèces en fonction de l’altitude. Les espèces communes aux autres biocénoses présentent un caractère altéré par les rudes conditions rupestres. Il existe également des espèces endémiques typiques du milieu montagnard.

Chacun de ces critères laisse assez bien entrevoir la relativité des caracté-ristiques du milieu et justifie pleinement les réserves de R. Blanchard citées plus haut.

Enfin, d’un point de vue statistique, la montagne représente au niveau de la planète : 20 % des terres émergées, 10 % de la population mondiale, concerne 135 pays et contribue directement à la subsistance d’1/10ème de la population mondiale.

Le point de vue du législateur

Au plan économique et politique

La construction d’une communauté européenne à vingt-sept impacte de manière prépondérante le droit interne des états membres. La haute montagne présente la singularité de se trouver à la confluence de deux axes forts de la poli-tique européenne. Elle touche au domaine de la célèbre polipoli-tique agricole com-mune (P.A.C.) et de la non moins célèbre harmonisation des diplômes et des formations par le biais des pratiques sportives qu’elle génère. Aussi, si nous abordons, dans les exemples à venir, préférentiellement le cas français, ce n’est

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pas le fait d’un tropisme réducteur. D’une part, le cadre législatif français est celui que nous maîtrisons le mieux, d’autre part, les règles communautaires ne per-mettent pas d’écarts significatifs en ces deux domaines. Il serait possible de nous opposer le fait qu’une entité politique majeure de l‘Arc Alpin, la Suisse, ne fait pas partie de la communauté européenne. Cet état de fait ne remet pas en cause nos propos de manière significative. En effet, le 28 janvier 1999, la Suisse a ratifié la Convention Alpine, constituée des ministres de l’environnement des États alpins et de l’Union Européenne257

. Cette Convention, de type contrat international, a vocation à se saisir, dans sa zone géographique de compétence, des aspects environnementaux, touristiques, sportifs ainsi que des moyens de communication de l’Arc Alpin258

.

Du point de vue législatif, la notion de « montagne » fait l’objet d’une défini-tion qui laisse une large place à la subjectivité. La législadéfini-tion française nous en apporte un exemple concret :

Les zones de montagne se caractérisent par des handicaps significatifs entraî-nant des conditions de vie plus difficiles et restreigentraî-nant l'exercice de certaines activi-tés économiques. Elles comprennent, en métropole, les communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d'utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux dus :

1° Soit à l'existence, en raison de l'altitude, de conditions climatiques très diffi-ciles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ;

2° Soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du terri-toire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l'utilisation d'un matériel particulier très onéreux ;

3° Soit à la combinaison de ces deux facteurs lorsque l'importance du handi-cap, résultant de chacun d'eux pris séparément, est moins accentuée ; dans ce cas, le handicap résultant de cette combinaison doit être équivalent à celui qui découle des situations visées aux 1° et 2° ci-dessus.

Chaque zone est délimitée par un arrêté interministériel. 259

Au vu des réactions, parfois épidermiques, que génère toute action législa-tive touchant au domaine de l’agriculture, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit,

257

Voir à ce sujet : COLLECTIF (Commission Internationale Pour la Protection des Alpes, CIPRA),

Pre-mier rapport sur l'état des Alpes, Paris, Édisud, 2006, 472 pages. Notons qu’à l’époque la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la République tchèque et la Slovaquie, signataires de la convention n’étaient que candidat à l’intégration à l’Union européenne.

258 Par Arc Alpin, nous entendrons l’ensemble des territoires concernés par la Convention Alpine évoquée plus haut.

259

Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et plus

parti-culièrement du Titre I, Dispositions générales, Chapitre I, Délimitation de la zone de montagne et des

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on comprend aisément que le pouvoir politique se soit réservé une capacité de réaction rapide (recours au pouvoir règlementaire) dans ce secteur où cette ap-pellation « montagne » est synonyme de subvention tant nationale qu’européenne.

En vertu de l’application de ce texte, les communes de montagnes représen-tent 23 % du territoire métropolitain français. Elles concernent 46 départements sur 95, 6118 communes sur 36000. Leur densité est de 4,3 habitants au km2 au regard d’une moyenne nationale de 102.

Cette nécessité d’un statut législatif particulier dans le contexte actuel, valide de fait, la spécificité du milieu montagnard. Bien évidemment, la figure historique de l’alpiniste ne s’est pas construite dans ce même contexte législatif mais dans une appréhension de singularité perçue mais non organisée par la loi. D’autre part, l’himalayisme s’est construit, lui, dans un cadre géopolitique encore autre. Bâti autour de l’imaginaire social des occidentaux colonisateurs ; il n’en fut pas moins tributaire des possibilités d’accès à des régions longtemps inaccessibles. Une fois révolu le protectorat britannique, le dispositif des expéditions soumises à autorisation s’est organisé très tôt offrant à certains pays une source de devises non négligeable. Ainsi en fut-il pour des états comme le Bhoutan, Le Népal, le Sikkim, le Mustang. Mais ce qui retient l’attention concernant ces hautes régions, c’est leur statut de zones territorialement contestées eu égard à leur état de fron-tières naturelles. Le Tibet, le Cachemire, sont des exemples de cet instabilité po-litique résultant de la volonté des grands états de la zone asiatique (Chine, Inde, Pakistan) de conforter leur position aux marches de leur territoire. Vertical Limitc donne à voir une vision assez objective des ces incessants affrontements fronta-liers².

Au plan de la pratique sportive

Pour ce qui concerne la pratique des activités sportives et des activités phy-siques de pleine nature, le législateur n’a pas souhaité donner non plus une défi-nition normative stricte du terme montagne :

Il n'existe pas de limite d'altitude permettant de définir la zone de montagne. La no-tion de montagne est foncno-tion de 4 critères essentiels : l'environnement, la pente, l'altitude et la météorologie.

La haute montagne peut se caractériser par la présence de roches, glaciers, de zones habituellement enneigées l'été ainsi que d'importants dénivelés. Du fait de l'altitude, les conditions climatiques peuvent y être particulièrement difficiles, donc

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dangereuses. La permanence des dangers nécessite une grande vigilance [...]. La fréquentation de ces zones peut nécessiter à tout moment l'utilisation des matériels et des techniques de l'alpinisme.

La moyenne montagne peut se caractériser :

- par la présence de l'homme dans un espace rural montagnard accessible par des sentiers ;

- en limite supérieure, par des zones pastorales. Sa fréquentation ne nécessite pas l'utilisation des matériels ou des techniques de l'alpinisme mais requiert des pré-cautions tenant compte des dangers inhérents à la montagne.260

La qualification est vague et, comme nous allons le voir dans le point de

vue suivant, source de contentieux. Toutefois, il est à noter que, dans cet extrait de 13 lignes, la haute montagne, voire la partie supérieure de la moyenne mon-tagne est associée à la notion de danger de manière explicite.

Le point de vue du sportif

Le développement et la relative démocratisation des sports de montagne ont démultiplié les approches du milieu montagnard par les pratiquants. On ne peut guère prétendre dégager une perception commune de la part d’un randonneur, d’un cycliste, d’un skieur ou d’un alpiniste.

Notre évocation se bornera à évoquer le point de vue de l’alpiniste qui nous intéresse au premier chef ; encore pourrait-on affiner cette même évocation selon que l’on considère l’avis d’un glaciériste ou celui d’un rochassier.

Souvent les alpinistes auront été taxés d’individualistes ; de fait, on note presque autant de regards sur la montagne que de pratiquants.

On ne peut évoquer le point de vue des alpinistes sans signaler l’empoignade législative qui a accompagné la création du Brevet d’État d’Éducateur Sportif d’Escalade261

. Dans un premier temps, le puissant lobby des guides de haute montagne, anticipant le développement de l’escalade en falaise (marché prometteur et de peu de risques) avait cantonné le nouveau diplôme à la plaine :

Actuellement pour être guide, il faut dix ans d’examens, de diplômes, et de travail ! Une aberration. On leur enseigne même l’élémentaire comme marcher sur un sen-tier. C’est ridicule tout ce temps perdu alors que l’âge d’or pour un guide se situe

260

Arrêté du 8 décembre 1995, Annexe Montagne (modifié par l'arrêté du 19.02.1997)- Ministère de la Jeunesse et des Sports.

261

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entre vingt et trente ans. Assez de politiciens parisiens qui codifient sans prendre l’avis de ceux qui sont concernés, les professionnels de la montagne.262

Frison-Roche porte ici le discours récurent des minorités professionnelles (agricoles le plus souvent) au prise avec les tracasseries administratives de tech-nocrates « évidemment » incompétents. A l’instar des milieux paysans, le milieu des guides de haute montagne fut, longtemps, résolument conservateur. La Compagnie des Guides de Chamonix a longtemps tenté d’interdire l’accès de la vallée à des professionnels extérieurs se laissant parfois aller à des calculs dis-cutables (cf, le sauvetage de René Desmaison* aux Grandes Jorasses). On note-ra que l’humeur laisse Frison-Roche se livrer à des conclusions discutables : si entre 20 et 30 ans un guide est au sommet de sa forme physique, son expé-rience, gage de sécurité, n’est pas des plus étoffées.

En France, le lobbying des compagnies de guides de hautes montagnes rencontre facilement un écho favorable auprès des élus et du personnel politique en général. On notera d’ailleurs, avec intérêt, la place non négligeable des « alpi-nistes » dans la genèse des lois qui réglementent le sport français. Maurice Her-zog, (« vainqueur » de l’Annapurna) fut Haut Commissaire à la Jeunesse et aux Sports entre 1958 et 1963, Secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports de 1963 à 1966. Pierre Mazeaud, (longtemps « plus vieux vainqueur de l’Everest »), char-gé de mission auprès du Ministre de la Jeunesse et des Sports puis Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre chargé de la Jeunesse, des Sports et des Loi-sirs est l’auteur de la célèbre loi Mazeaud (LOI n° 75-988 du 29 octobre 1975), base de l’organisation du sport français. Il a été Président du Conseil Constitu-tionnel de 2004 à 2007.

Cette volonté de la part des guides de haute montagne de conserver le con-trôle de l’ensemble de l’espace montagnard aboutit à la situation ubuesque d’un diplôme formant des cadres de haut niveau technique privés de leur terrain d’intervention (Verdon, Dentelles de Montmirail, Pont de Roide et tant d’autres sites relèvent de la moyenne montagne). Après bien des péripéties, les titulaires du diplôme purent exercer leurs activités jusqu’à une altitude de 1500 m263

, ce qui sous entend que le législateur, en contradiction avec le texte cité plus haut264 («...Il n'existe pas de limite d'altitude permettant de définir la zone de

262

FRISON-ROCHE Roger, propos recueillis par ANTONIOTTI M. – BONHEME P., " Le Premier de cor-dée ", in Montagnes Magazine n°95, juillet 1987, p. 92

263

Arrêté du 13 février 2002 - BEES 1er degré, option escalade

264

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tagne... »), introduit, de facto, une notion d’altitude pour la pratique des sports de montagne.

Nous avons ainsi exposé une tentative d’approche objective de la haute montagne. Toutefois, hormis le réalisateur de documentaire, le cinéaste n’est parfois que peu motivé par cette perception réaliste du milieu qui nous intéresse « [e]n effet, lorsque la montagne se manifeste en tant que représentation, elle devient immédiatement pourvoyeuse d’images fortes »265

. Sans que cette affir-mation soit péjorative sous notre plume, le réalisateur de film d’ascension se soucie moins du réalisme de «sa» montagne que des représentations qu’elles convoquent, s’appuyant ainsi sur la perception de la haute montagne telle qu’elle existe dans l’imaginaire social.

Nous évoquerons plus loin les conséquences formelles induites par le statut de la montagne. Ces conséquences sont la résultante de contraintes techniques liées aux caractéristiques d’un espace naturel.

Section 2 – Les statuts cinématographiques de la montagne

Comme nous l’avons écrit précédemment, le film d’ascension a pour particu-larité d’être inféodé à un espace géographique spécifique, la haute montagne. A ce titre la représentation de la montagne au cinéma mérite une attention toute particulière ; en effet, le dépouillement de la somme remarquable que représente, en terme de recherche et de pertinence l’ouvrage, Cinema delle Montagne266

, et ses 4000 notices cinématographiques, démontre à l’envi la diversité des accep-tions narratologiques attribuées au paysage « Montagne ». Pour caractériser cette diversité des représentations, la typologie du paysage cinématographique proposée par André Gardies267 nous semble un outil particulièrement adapté aux impératifs de notre démonstration. Dans cette publication, Gardies évoque, dans un crescendo narratologique de l’anecdotique au corollaire, le rôle du paysage dans le processus diégétique de l’œuvre cinématographique. Certes, à propos des « fonctions discursives du paysages »268, André Gardies s’entoure des pré-cautions oratoires nécessaires et se garde de donner à son propos le caractère d’une démonstration figée :

265

SEIGNEUR Viviane, Socio-anthropologie de la haute montagne, Paris, L’Harmattan, 2006, page 25.

266

Opus cité.

267

GARDIES André, " Le paysage comme moment narratif ", in Les paysages du cinéma, sous la direc-tion de MOTTET Jean, Seyssel, Champ Vallon, 1999, pp. 141-153.

268

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Naturellement ce repérage ne saurait prétendre, d’une part à un listage exhaustif (d’autres modalités fonctionnelles sont probablement envisageables), d’autre part, à une quelconque typologie : les critères et traits distinctifs sont absents, de surcroît aucun corpus sérieux n’a été arrêté.269

Cette absence de corpus signalée par l’auteur est pour nous l’opportunité de confronter cette réflexion à celui que nous avons élaboré, la montagne occupant une place éminente dans la liste des paysages fortement signifiant270 ; aussi franchirons-nous la porte qu’il entrouvre en précisant qu’ « il s’agit d’hypothèses à développer, de pistes à tracer et par là d’un premier geste de défrichage. »271

La montagne par son statut incontournable dans les œuvres que nous étudions et par le fait même qu’elle en est en quelque sorte l’essence diégétique embrasse la totalité des six fonctions proposées par André Gardies. Ces fonctions discursives sont convoquées à des moments précis des films et ce, en fonction du sens que le réalisateur place derrière les séquences proposées tant il est vrai que le style cinématographique est dans une certaine mesure déterminé par le genre. Cela étant, il nous paraît également intéressant d’affiner le crible des images propo-sées en portant un regard plus attentif aux incipit des films abordés. En effet, les premières images d’un film, et leur volonté de planter le décor, se prêtent à mer-veille à la grille élaborée par André Gardies.

La montagne-fond

Allusion évidente à la toile de fond du théâtre et du cinéma des premières décennies, cette utilisation de la montagne n’a en fait d’autre fonction que de préciser que l’action proposée se déroule en montagne. Cette fonction d’attestation qui du point de vue formel appelle le plan d’ensemble et les pano-ramiques n’a évidemment pas la même signification selon l’œuvre qui l’intègre. De même que la séquence présentant un individu avançant péniblement dans un paysage quasi désertique n’a pas de fonction diégétique similaire s’il s’agit de Frank (Once Upon a Time in the West272), de Travis Henderson (Paris, Texas273) ou du lieutenant T.E. Lawrence (Lawrence of Arabia274), un plan général de mon-tagne possède différents niveaux de lecture dans cette fonction d’attestation

269

Ibidem.

270

Cf. à ce propos la réflexion de Viviane SEIGNEUR p. 42.